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23 août 2009 7 23 /08 /août /2009 00:04

Lors de notre brève rencontre pour le déstabiliser plus encore, embrouiller ce calculateur dépressif, je me permis un coup de bluff qui pouvait me faire perdre d’un seul coup la mise que je venais d’amasser pendant des mois. Le Ministre était d’une belle humeur. Il me proposa un whisky. J’acceptai en dépit de mon aversion pour le pur malt. Le buveur d’eau se sentait exclu mais vaillamment il ravalait son amour-propre en prenant un air inspiré. Je m’affalais dans l’un des fauteuils en complimentant, d’un air détaché, le Ministre sur la classe de ses chemises faites en coton égyptien, sur mesure, chez Turnbull&Asser, fournisseur du Princes de Galles. Celui-ci, comme à l’accoutumée, afficha un air las, revenu de tout, avant de me confier pince sans rire « croyez-moi je préfèrerais porter des jeans comme les vôtres et, suprême décontraction pouvoir me balader pieds-nus dans des mocassins comme vous le faites au premier rayon de soleil. » Cette confidence, très dans l’esprit du Ministre, se fichait, telle une couronne d’épines, sur l’estime que l’archange avait de lui-même. Le pauvre, même s’il s’efforçait de le croire, ne parlait jamais d’égal à égal avec son ami. Un sentiment d’infériorité le scotchait à l’étage au-dessous. Sans pitié, avec un je m’en foutisme évident, je plaçais alors mon estocade « monsieur vient de la télévision après un brillant parcours dans la presse économique, il doit maîtriser à la perfection les formules qui plaisent à vos électeurs monsieur le Ministre. C’est aussi votre ami, alors il me semble que mon petit parcours de plumitif touche à sa fin. Je ferais peut-être mieux d’anticiper et d’aller planter mes choux ailleurs… »

Ma désinvolture fit mouche. Le Ministre me prit au sérieux, ou du moins fit-il comme si, et, au lieu de tenter de me dissuader, il s’en prit à son « ami » qui, impassible, laissa passer l’orage. Cinglant, avec une férocité glacée, il le remit à sa place, celle d’un collaborateur utile mais sans grande envergure. Je ne fis rien pour tempérer l’ire, feinte ou non, du Ministre, mais me contentai d’un laconique « c’est comme vous le sentez monsieur le Ministre » qui conforta auprès de l’Archange mon statut d’ennemi irréductible. Tel était mon souhait, je ne poussai donc pas plus loin mon avantage. Quelques jours plus tard, dans la voiture, c’est d’Espéruche qui me le rapporta, le Ministre confiait à une journaliste, très proche de lui comme le disent les langues de vipères du Tout Paris, que ce pauvre garçon se prenait pour un génie de la Bourse alors qu’il n’était qu’un petit besogneux mais que son côté « je lave plus blanc que blanc » dans une maison aussi minée que le Ministère de l’Equipement lui servait de leurre, de caution face à la meute qui ne manquerait pas de lui reprocher sa proximité avec les bétonneurs, et plus particulièrement le roi d’entre eux et d’ajouter « je l’ai même envoyé, dimanche dernier, en missi dominici au domicile du Tartarin du béton tout près du Trocadéro. Il m’a pondu une note de compte-rendu qui vaut de l’or pour moi en cas de tempête… Ce garçon est fragile, dangereux même, mais il m’est utile, alors je le tiens par les bons sentiments… »

Le moment était venu d’activer mon mentor Charles-Henri de Bourson, de lui donner le sentiment que je lui renvoyais l’ascenseur en  mettant sur la table les gages de mon efficacité tout en le manipulant. Les parties de billard à bandes je connaissais et celle-ci ne présentait pas de difficultés particulières. J’invitai de Bourson chez Taillevent. Il y fut très sensible et en profita pour y convier Yvette. Cette présence me permit de jouer, juste avant de dessert, le grand jeu. Mon plan, précis, argumenté, estomaqua un de Bourson qui espérait en toucher tous les dividendes. Nous allions piéger l’Archange et de Bourson me fournirait tous les moyens d’intendance nécessaire. Tout se déroulait selon mes prévisions sauf que, sous la table, le pied déchaussé d’Yvette, se glissait langoureusement dans mon entre-jambes et y opérait un va et vient efficace. L’ambitieuse m’avait percé à jour. Elle me propulsait dans la race des seigneurs, ceux qui donnent à la vie un goût d’aventure. De Bourson s’en retrouvait ravalé au rang des comploteurs de seconde zone. Il fallait que je me sorte de cette situation délicate sans froisser l’orgueil de la tigresse tout en maintenant de Bourson dans sa douce euphorie. Le Krug fut mon allié pour la circonstance. J’en abreuvai de Bourson sans modération et, lorsqu’il fut pris d’une douce somnolence, je traitai Yvette, en blitzkrieg époustouflant, dans les toilettes femme de Taillevent. Au cours de cette offensive-éclair je ne manquai pas de l’appeler Ava tout en la menaçant des pires représailles si elle entravait mes manœuvres auprès de son amant. Elle capitula sans condition.

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