Monsieur le directeur de l'ANPAA,
Je dois vous faire part de mon admiration pour le combat sans merci que vous menez contre les mots. Quel courage ! Quelle pugnacité ! Permettez-moi quand même de m'étonner du retard à l'allumage de votre dernière bataille : dormiez-vous ? Deux longues années avant d'oser croiser le fer dans les prétoires avec ces malandrins de viticulteurs du Val de Loire. De mauvaises gens, des pervertisseurs de notre belle jeunesse de France, grâce à vous ils ont le rouge au front, votre opprobe les poursuit jusqu'au fond de leur cave et ils n'osent plus s'assoir face à leur femme et leurs enfants.
Monsieur Patrick Elineau, vous qui par le hasard d'une parentelle - cousin de ma première épouse, sa mère était la soeur de votre père - avez assisté à mes premières épousailles, j'espère que votre vocation de chevalier de l'abstinence contrite ne vint pas du spectacle des banquets servis en cette occasion à l'hôtel du Stade à la Mothe-Achard, que les chansons à boire n'ont pas fait monter en vous le courroux, ou est-ce tout bêtement le hasard qui vous fit débarquer à l'ANPAA où vous faites carrière comme d'autre le font chez Coca Cola ou chez Matra missiles. Bref, vous êtes là, et du haut de votre chaire vous pointez votre doigt vers ces gens du vin par qui tous les malheurs du monde, ou presque, arrivent.
Je caricature à peine, mais vos bataillons fournis de l'ANPAA pourquoi ne les jetez-vous pas en vagues successives dans les banlieues pourries, les solitudes glacées pour lutter contre les causes profondes de l'alcoolisme. Non, il est plus facile de ferrailler avec les mots plutôt que contre les maux de notre société. Depuis que vous êtes à la tête de l'ANPAA l'alcoolisme n'a pas reflué, preuve de l'inefficacité de vos armes. Rassurez-vous, monsieur le directeur, je ne suis pas un pourfendeur de la loi Evin, ni un supporter des campagnes de promotion collective, mes écrits en attestent, je suis tout bêtement un vivant qui sait depuis qu'il est en âge de penser que le premier risque que lui ont fait prendre ses parents c'est de l'avoir mis au monde et ce risque est, avec certitude, mortel.
De grâce, cessez d'être hypocrite, dites que vous êtes prohibitionniste : n'y touchez jamais dites-vous... Pauvre de vous que cette fuite face à la vie que l'on vit. On ne fabrique pas des individus et des citoyens responsables avec de tels principes. Affrontez la réalité, protégez réellement la jeunesse non avec des mots dérisoires, des campagnes sans impact sur les populations à risque, des messages sanitaires dont tout le monde se tamponne. Si avez le culot de croire que les accidents de la vie ne sont pas les vecteurs essentiels des abus vous vous trompez et vous trompez ceux qui payent les impots qui soutiennent votre action. Soyez efficace et utile car la lutte contre l'alcoolisme vaut plus que vos amusettes dans les prétoires.
Je vous laisse Patrick Elineau, je suis de ceux qui, autant que vous, vivent avec le souci du bien commun, surtout n'allez pas vous asseoir à la table du Conseil de Modération vous risqueriez d'être contaminé. Restez dans votre bel isolement, vos certitudes, mais de grâce cessez de stigmatiser ces femmes et ces hommes qui, par leur labeur, leur savoir-faire, leur amour de leur bout de terre, font la vigne et le vin, portent haut l'image de notre beau pays, nous font vivre. Respectez-les, ils vous respecteront. Bonjour chez vous et faites attention en traversant la rue vous risqueriez de vous faire écraser.
Jacques Berthomeau