Dans la période récente nous avons eu droit à l’affrontement entre les seuls défenseurs du Bien Public, les gardiens de notre Santé Publique, juchés tout en haut de leur chaire de hauts dignitaires de la science et de la médecine, drapés dans leur pureté et leur indépendance vis-à-vis des puissances d’argent, qui exhibaient, telles les tables de la loi, une incontestable méta-analyse d’où il ressortait, selon eux, sans contestation possible, que toucher au premier verre équivalait à se jeter la tête la première dans les rets du foutu crabe, et d’affreux mercantis, exportateurs dans le vaste monde de leur produit dangereux, organisés en un lobby puissant, redoutable, insoucieux de la santé de leurs concitoyens, corrupteurs de notre belle jeunesse, des rustauds, des péquenots de la pire espèce, manipulant la représentation nationale pour qu’elle jette dans le caniveau la plus belle part de la batterie de mesures qui feraient, enfin, reculer le fléau de l’alcoolisme.
D’un côté le Bien, les bons bergers, à qui il faut faire confiance, les yeux fermés, de l’autre le Mal, les brebis galeuses, qu’il faut fuir comme la peste C’est commode, le bon peuple comprend. Il a peur. La santé publique progresse. L’alcoolisme régresse…
Mais que lis-je dans le journal le Monde daté du 20 mars ?
Le titre de l’article Un « Dr Madoff » de la pharmacie m’intrigue et m’étonne.
http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/03/20/un-dr-madoff-de-la-pharmacie_1170578_3244.html
Extraits :
« Tout était faux. Les patients supposés avoir testé des médicaments censés accélérer leur rétablissement postopératoire n'ont jamais existé. Les vingt-et-un articles scientifiques où étaient décrits les bienfaits de ces molécules miraculeuses n'étaient qu'un tissu de statistiques sans fondement. Mais, sur la foi de ces résultats frauduleux, des millions de personnes se sont vu administrer des molécules bien réelles, qui ont rapporté des sommes colossales aux compagnies qui les commercialisent, Pfizer, Merck ou Wyeth. »
Et pourquoi donc une telle imposture ?
« La course aux honneurs, et aux crédits qui les accompagnent, est le moteur de ce type de comportement. Les "travaux" du docteur Reuben étaient en partie financés par Pfizer, qui en avait fait l'un de ses porte-parole lors de conférences scientifiques où ses interventions étaient rémunérées. »
Alors suspicion légitime ?
« Cette affaire, comme à chaque fois qu'une telle imposture est dévoilée, conduit à s'interroger sur la fiabilité de l'édition scientifique, et en particuliers médicale. Selon l'adage bien connu "publish or perish", c'est en effet grâce à la publication dans les revues scientifiques que se construit une carrière. »
Lobby vous avez dit lobby ?
« Une autre étude, parue le 13 février dans le British Medical Journal, montre que certaines revues facilitent, inconsciemment ou non, la publication de travaux financés par l'industrie pharmaceutique. Passant au peigne fin 274 études sur les vaccins grippaux, Tom Jefferson (Cochrane Vaccine Field, Italie) a constaté que celles qui paraissaient dans les journaux considérés comme les meilleurs n'étaient pas forcément les mieux conçues et les plus pertinentes. Ce qui faisait la différence, c'était la nature du sponsor de l'étude. En clair, les grosses firmes pharmaceutiques ont plus de chance de voir les travaux qu'elles financent publiés dans les journaux de haut rang. "Les sponsors industriels commandent un grand nombre de tirés à part des études qui valorisent leurs produits, assurant eux-mêmes la traduction. Ils achètent aussi des espaces publicitaires dans ces journaux. Il est temps que ceux-ci dévoilent leurs sources de financement", note M. Jefferson. »
Bien évidemment je ne fourre pas tout le monde dans le même sac, la grande majorité des chercheurs sont des hommes honnêtes, œuvrant pour faire avancer la science, mais je demande simplement à ces messieurs les grands communicants de notre système de Santé Publique de bien vouloir balayer un peu devant leur porte avant de nous asséner que leurs études scientifiques compilées sont irréfutables, de baisser un peu le son de leurs certitudes absolues et de cesser de nous faire accroire qu’ils sont à cent lieux des basses préoccupations matérielles dont ils taxent avec hauteur ceux qu’ils stigmatisent. Franchement, que pèse le malheureux lobby viticole face aux Pfizer, Merck, Sanofi Aventis, Hoffmann Laroche, Novartis, GlaxoSmithKline et Abbott… Que dalle ! C’en serait risible si les forces en présence bénéficiaient d’un égal accès aux grands médias qui façonnent, voire manipulent une opinion publique peureuse et versatile.
Le secrétaire perpétuel de l'Amicale des Bons Vivants
Jacques Berthomeau