Mon cher Joël,
Si je prends la liberté de t'écrire aujourd'hui c'est au nom de notre solide et ancienne amitié, c'est aussi parce que je suis haut gradé dans le cru Fitou et que le département de l'Aude a toujours tenu une place de choix dans mon parcours professionnel car j'y ai croisé des hommes de paroles qui ont su assumer en leur temps des choix difficiles. L'occasion m'est donnée de te faire parvenir cette lettre après la lecture, certes un peu tardive, normal je suis un techno parisien, dans le Midi Libre du 19 mai de ton interview à propos des conclusions de l'audit de la viticulture audoise. Comme moi je suis tricard dans ce journal officiel de la viticulture méridionale je profite de mon modeste blog, d'abord pour reproduire une partie de tes propos, et pour te poser une question.
Comment fait-on pour rapprocher la production du marché ? Et bien on prend tous les segments du marché et on vérifie si oui ou non les parcelles de vigne et la production peuvent répondre à ces segments. L'idée que nous avons c'est que le département a la possibilité, sous certaines conditions et certaines limites, de pratiquement tout faire.
C'est-à-dire des vins de haut de gamme, plus chers que les autres, produits de façon artisanale par des petites entreprises et en petites quantités. Comme des produits intermédiaires dont certains seront sous une marque commune. Jusqu'aux produits de masse : vins basiques, jus de raisin, moûts concentrés, alcool de bouche, alcool à muter les vins doux. Pour en vivre, il faut un vignoble avec un rendement important. Et en plus ça gérerait l'excédent que nous avons sur les autres segments du marché sans avoir recours aux fonds publics et ça éviterait d'arracher des vignes.
On importe aujourd'hui 3,5 millions d'Hl de vins de base espagnols et italiens, 300 000 hl d'alcool pur, 80 % de nos besoins en jus de raisin et en moûts concentrés, 100 % de l'alcool utile pour le mutage des vins doux naturels. Tout cel nous l'avons définitivement abandonné. Et je ne parle pas du vinaigre ou des apéritifs à base de vin.
Est-ce que les vignerons audois sont outillés pour ce type de produits ? Non car il faut une approche totalement industrielle de la production ainsi que des outils de commercialisation hyperconcentrés qui soient capables de véhiculer des quantités importantes sur des marchés de discount (...)
Ma question est simple : quand est-ce qu'on si colle pour concrétiser tout ça Joël ? Moi je suis preneur pour me retrousser les manches même si Philippe Vergne me prend pour un branque qui ne sais tenir qu'un porte-plume. Ironie des circonstances, lorsque cette chronique sera mise en ligne je serai dans l'Aude.
Allez cher Joël au plaisir de te lire, de t'entendre et mieux de te voir à Leucate ou ailleurs. Reçois en attendant mon amical souvenir.
Jacques BERTHOMEAU