Au temps des bancs de l'école primaire je revenais déjeuner à la maison avec un camarade de classe, René Raymondeau, qui lui habitait une métairie : la Célinière, à plusieurs kilomètres du bourg. Mon frère et ma soeur sont nés à la Célinière, ferme dont mon grand-père avait été le métayer du vicomte de la Lézardière. Dans mon bocage confit dans la religion le vendredi était maigre et, les vendredi d'hiver au déjeuner le menu c'était : galettes de blé noir.
Le blé noir, le sarrazin, lorsqu'on le battait on se serait cru plongé dans le pôt au noir : la balle collait aux narines et s'infiltrait sous les vêtements. Les vendredi donc, mémé Marie, aux fourneaux, face à sa galetière entamait son marathon. Elle cuisait ses galettes au beurre de pot, un beurre salé conservé dans des pots de grès, dont la pointe d'aigreur donnait aux galettes un goût incomparable.
Nous en mangions 6 ou 7 nature sauf la dernière que nous enduisions de raisiné. Le raisiné, mémé Marie le faisait à l'époque des vendanges, avec du moût de raisin dans une grande bassine de cuivre. A mon avis c'était la meilleure utilisation du produit des vignes du grand-père complantées en hybrides à numéro ou aux noms exotiques : otello, noa, clinton.
La recette du raisiné est simple, il faut faire réduire de moitié deux litres de moût de raisin. Il importe de laisser sur le feu jusqu'à complète extinction du jus : le raisiné exige une forte patiente cuisson et dieu sait que mémé Marie c'était la patience en personne. Dernier détail pour ceux qui veillent jalousement sur notre santé : cette confiture ne demande aucun apport extérieur de sucre.
Encore un nouveau produit mes amis, à vos fourneaux, tout de suite pour ceux qui ont des vignes dans le Nouveau Monde, et de la patience pour les autres, moi je suis comme ma mémé Marie je suis patient.