Comme le vin la sardine à l'huile vieillit bien, elle se bonifie au fil des années passées dans sa petite boîte de fer blanc qu'il suffit de retourner de temps en temps. Bien sûr, comme pour le vin, il y a sardine et sardine, les industrielles débitées par des grosses machines et les artisanales traitées avec amour par des mains de femme, roties, couchées dans leur bain d'huile - sur ce point, n'en déplaise aux tenants de l'huile d'olive, la sardine sablaise barbottait dans l'huile d'arachide - choyées quoi mes belles sardines au ventre bleu.
Cependant, comme pour le vin, tout est une question de moment, et quite à faire de la peine aux chantres du passé, quand j'ai une belle faim, peu me chaut l'origine, ce qui m'importe c'est de coucher mes petites sardines sur un lit de beurre salé tartiné sur un bout de pain. Dit autrement même celles de Saupiquet peuvent m'amener au plaisir simple et fort. Avec le quignon pain faut bien sûr un kil de rouge, mais là aussi c'est au bonheur du jour, au feeling, sans préjugé, mais la sardine à l'huile exige un nectar chaleureux qu'il soit roturier ou noble, qu'importe.
D'où me vient ce goût de la sardine, cette irrépressible envie de me délecter, en bouche d'abord, fondante, moelleuse, mâcher ensuite, doucement, pointe de sel, fumet de la grillade, c'est rond, ça me contente ? Sans doute un peu de la sardine fraîche, la sablaise, sitôt pêchée, sitôt couchée sur son lit de fougères, c'était dans les cinq heures de l'après-midi la vente à la huchée de l'Eglantine poussant sa charrette à bras : " sardines fraîches, sardines fraîches, sardines sablaises..." et un petit coup de corne pour rameuter le chaland. De mes années d'étudiant surtout, budget minceur, la boîte de sardines ouverte à toute heure du jour et de la nuit dans ma chambre de la place Victor Richard.
De mon passage à l'Ile d'Yeu avec Jean le marchand de vermoulu ; l'usine Amieux à Port-Joinville, ouverte en 1856, fermée en 1954, à la belle époque où Maurice Amieux, le fondateur, était un "confiseur de sardines". En 1900, 4000 ouvriers, pas que pour la sardine bien sûr - confitures, chocolats, charcuterie - c'est le temps de la réclame : toujours a mieux et aux expositions universelles les fabricants de sardines à l'huile collectionnent les médailles qu'ils exhibent sur leurs petites boîtes. Signe des temps, en 1968, Amieux, suite à de graves problèmes financiers, est rachetée par la CANA d'Ancenis, choc des cultures entre la coopérative et le marché, la marque sera vendue à Buitoni (Nestlé) pour sa gamme de plats cuisinés. Je digresse mais si vous souhaitez compléter votre culture sur la sardine à l'huile reportez-vous à "Histoire du mangeur de sardines à l'huile" de Jean-Christophe Fichou :
www.lemangeur-ocha.com/fileadmin/
Pour en terminer avec mes histoires de sardines à l'huile, si vous êtes amateur, et si vous passez par Paris, allez donc faire un tour dans une charmante boutique "La Petite Chaloupe" 7 Bd du Port Royal 13e 01-47-07-69-59 (c'est près du cinéma l'Escurial), c'est une épicerie océane où vous trouverez des sardines millésimées. Le patron est jeune et sympathique et, outre les sardines, vous y trouverez plein de bons produits de la mer : huîtres, soupe de poissons, thon germon, maquereaux en boîte... Du côté du liquide d'accompagnement : adressez-vous à vos fournisseurs habituels et surtout ne me demandez pas d'écrire un papier sur l'accord sardines à l'huile millésimées/vins millésimés car je suis un sage et comme vous les savez : " le Sar dîne à l'huile..."