Jérôme Quiot fait partie de ces hommes qui avancent, bâtissent, dérangent. A Chateauneuf-du-Pape, son terroir d'origine, j'ai pu le constater, lors de ma fameuse mission de réconciliation entre les deux syndicats, certains habillent leur ressentiment à l'égard de sa réussite économique d'un discours en défense de la tradition. Certes, notre homme va de l'avant, entrepreneur dans l'âme, ce qui ne signifie pas pour autant qu'il jette aux orties les fondements de l'AOC. Porté à la présidence du Comité Vin de l'INAO, succédant à la statue du Commandeur, Jérôme Quiot pressent que la belle mécanique s'emballe, qu'elle va s'enrayer. Lui qui se frotte aux marchés d'exportation sait mieux que quinconque que l'accession à l'AOC n'est pas le gage de l'excellence et le sésame de la réussite. Sa volonté de voir les professionnels se prendre en main, gérer, moderniser leur outil, assumer leurs responsabilités se heurtera à la frilosité de la tutelle et à l'inertie pesante des organisations professionnelles. Débarqué sans beaucoup d'élégance il en tire l'énergie des hommes fiers pour rebondir et se consacrer totalement à cette entreprise de famille dont il parle avec passion.
Fidèle en amitié, et c'est pour moi dans le monde politico-professionnel, où le pouvoir va et vient, une qualité majeure, Jérôme Quiot à toujours cultivé à mon égard l'amitié franche. Il monte facilement en régime le Jérôme, un peu soupe au lait, et moi indécrottable ferrailleur je suis un provocateur, alors dans les semaines qui ont suivi la publication de mon rapport, alors qu'il préside le CNIV, nous avons éprouvé avec bonheur cette franche amitié. Alors, je n'ai aucune pudeur à l'écrire, dans ma petite traversée du désert placardisée Jérôme Quiot a toujours su être à mes cotés sans souci de mon odeur de soufre. Mon portrait de lui, de son entreprise de famille, n'est nullement un renvoi d'ascenseur mais l'expression la plus rigoureuse de ma volonté de combattre l'ostracisme dont fait l'objet une réussite comme la sienne ou plus exactement celle de sa famille avec une mention particulière pour son épouse Geneviève. Réussite qui a prix : savez-vous combien de jours Jérôme Quiot passe par an hors de nos frontières hexagonales pour vendre ses vins ? Entre 180 et 200 jours dont 70 à 80 hors d'Europe. Au four et au moulin, la vie d'une entreprise familiale qui avance n'est pas un long fleuve tranquille. Alors parlons d'elle !
Comme toujours dans notre France des terroirs, les histoires familiales plongent leurs racines dans les siècles qui ornaient les couvertures des Lagarde et Michard de nos humanités. 1748, le grand-père de Jérôme, céréalier, acquiert des vignes et ce coin de bord du Rhône où se construira la maison familiale, près de la Tour de Lhers, c'est à Chateauneuf-du-Pape. Le socle sur lequel les Quiot vont construire. Le domaine du Vieux Lazaret tout d'abord avec ses 110 hectares, la maison-mère dans ce village au nom connu aux quatre coins du monde. Puis, par Geneviève son épouse s'y sont adjoint les 15 hectares des Côtes du Ventoux et, en Provence, au pied de la Sainte Victoire, le domaine Houchard qui atteint aujourd'hui plus de 90 hectares. Enfin, en décembre 2007, c'est l'acquisition du Château de Trignon, 80 ha, avec la splendeur des Dentelles de Montmirail en toile de fond. On ne grandit pas pour grandir mais pour atteindre une taille permettant de prendre et de tenir sa place dans la compétition mondiale. Quand on exporte 90% de son chiffre d'affaires, avec des vins qui se situent à l'intersection des grands et de ceux qui veulent le devenir, il faut savoir offrir à ses clients, souvent fidèles, une gamme diversifiée et des séries significatives. Le tout en famille, Geneviève un peu fourmi, les enfants, pour Jean-Baptiste, vignes et vins, la technique et la qualité, pour Florence règlementation et social, l'image de l'entreprise, avec en permanence un oeil sur les marchés, l'attention aux clients. Les ventes ont progressé de + de 60% en 3 ans. C'est un choix assumé d'indépendance par une stratégie patrimoniale donnant à l'entreprise les moyens de sa politique. Reste encore beaucoup à faire pour chercher et trouver des synergies avec des entreprises du même type. C'est le fond de commerce de "Sans Interdit" d'en discuter mais, je vais vous faire une confidence, avec Jérôme, nous pratiquons l'art de la conversation, et là, loin des ratios et de la compétitivité, nos échanges en surprendraient plus d'un.