Tandis qu’une nouvelle classe de marchands s’enrichissait (en grande partie grâce à la colonisation, au commerce impérial outre-mer), les habitudes de luxe se répandaient au sein de la classe supérieure ; on commençait à utiliser le sucre pour impressionner et distraire.
On ne sera donc pas surpris d’apprendre que les cours française et anglaise souffraient d’effrayants problèmes dentaires – caries et dents manquantes, gingivites, bouches édentées et visages défigurés – tous causé par le sucre.
En France, Louis XIV, employait M.Pomet en tant que « pharmacien en chef » ; ce dernier publia plus tard, en 1694, Une histoire générale des drogues, un ouvrage traduit et publié à Londres dans une version augmentée en 1712. Il consacre cinq pages au sucre – sa nature, sa culture et ses usages thérapeutiques et culinaires. Outre le goût agréable qu’il donne aux desserts et aux boissons, il est, selon l’auteur, bon pour les seins et les poumons, pour soigner l’asthme, la toux, les reins et la vessie. Néanmoins – et sur ce point Pomet doit avoir soigneusement observé Louis XIV –, « il gâte et pourrit les dents ».
En 1701, Hyacinthe Rigaud a peint un magnifique portrait de Louis XIV, le « Roi Soleil », alors âgé de soixante-trois ans. C’est une mise en scène majestueuse du pouvoir royal, accompagné de tous les symboles de la richesse et de l’autorité régalienne. Ce petit homme chauve semble de grande taille, la tête couverte d’une perruque frisée. L’habileté et les artifices déployés par l’artiste étaient néanmoins impuissants devant l’état de la bouche et des joues. Louis était « un roi sans dents ». Il les avait toutes perdues à l’âge de quarante ans, malgré les soins de son escouade de médecins qui lui prodiguaient les meilleurs traitements de l’époque. Alors qu’ils veillaient à son bien-être général, ils ne portaient aucune attention à sa consommation de sucre.
Sous le règne d’Elizabeth 1er (1558-1603), le sucre était extrêmement populaire au sein de la société anglaise. On en mangeait et buvait en abondance (le Falstaff de Shakespeare aime ses vins doux, rendus plus suaves encore par l’ajout de sucre), et l’on se délectait de somptueuses manifestations de puissance et de prestige, où le sucre occupait une place de choix. »
En 1597, alors qu’elle a soixante-quatre ans, l’ambassadeur français note : « ses dents sont très jaunes et irrégulières. Il lui en manque beaucoup, au point que l’on a de la peine à comprendre lorsqu’elle parle vite. » Un an plus tard, un autre visiteur constate qu’elle a les dents noires. »
Ces dernières années, les archéologues ont montré que nos ancêtres ne souffraient pas de problèmes dentaire, comme on l’imagine souvent – du moins pas avant l’apparition du sucre raffiné. Étonnamment, on doit de précieuses données à l’éruption dévastatrice du Vésuve.
L’examen au scanner des ossements de trente personnes a notamment mis en évidence un état dentaire tout à fait remarquable. Les scanners, les rayons X et les autres analyses montrent que les victimes (hommes, femmes, enfants) n’avaient pas besoin de traitement dentaire ; peu d’entre eux souffraient de caries. Au moment de leur mort, leurs dents étaient très saines.
D’après Colin Jones : « Les bouches édentées étaient une réalité de la vie d’adulte dans l’Ancien Régime européen […]. Quand le sucre a gagné le bas de l’échelle en France, il a produit les mêmes dégâts.
The Times le 20 mars 2015 passe un message simple :
« LES DENTS POURRIES SONT LA RAISON SECRÈTE POUR LAQUELLE LES ADOLESCENTS NE SOURIENT PAS »
Louis XIV n’aurait pas été dépaysé, conclut James Walvin dans sa remarquable Histoire du sucre histoire du monde dont sont tirés ces extraits.
À suivre…