En ce moment je ne suis guère d’humeur guerrière alors lorsque j’ai lu la bafouille d’un certain Emmanuel Ferrand ICI je me suis laisse tomber ce gars-là il a oublié, ou il ne sait plus ce que c’est, les consommateurs. Faut dire qu’il produit des commodités qui servent à engraisser des gorets ou des poulets qui seront le minerai de l’agro-alimentaire, découpés, transformés pour le plus grand plaisir des voraces de la GD.
Ce brave homme, outre d’exercer la profession d’agriculteur, est un politique : conseiller régional de je ne sais quel bord, ce qui lui permet de taper sur les affreux jojos de Paris qui n’ont rien compris et de s’en remettre entre les mains « de la Science »
C‘est son droit, sa démonstration sur la dangerosité du glyphosate par rapport aux autres poisons est remarquable puisqu’il nous montre, à nous pauvres cons, que c’est une belle brochette de poisons violents. Je ne vous fais pas un dessin, ceux qui les épandent sont équipés comme des cosmonautes.
Mais là où le pépère dérape gravement c’est lorsqu’il nous assène :
« Moi je réponds deux choses :
- la première êtes-vous prêts à payer 40% plus chère votre alimentation pour compenser la perte de rendement ou le coût de distorsion économique avec les pays qui utilisent du glyphosate ? y compris dans la restauration collective qui tire les prix vers le bas ?
- Et la deuxième est mais vous êtes où tous ces gens qui veulent nous dicter notre façon de faire alors qu’il y a 50 ans vous avez déserté les petites fermes familiales, la campagne et la nature si parfaite ? pourquoi vous avez fui cette campagne où un agriculteur gagne 350€/mois pour 70h de travail par semaine pour aller vivre en ville et nous demander une alimentation à pas cher ? Pourquoi vous n’êtes pas restés croupir dans les petites fermes mais tellement bucoliques à vos yeux ? Pourquoi plutôt que nous faire la morale vous ne revenez pas reprendre des fermes pour nous montrer comment on peut bien vivre en bio, en permaculture ou autres façons si naturelles et si prometteuses pour faire fortune ?
Là, je me fâche, du côté des prix dans la GD, l’argument est fallacieux, et les 40% plus cher c’est du grand n’importe quoi. Les mêmes qui, à la FNSEA, braillent, à juste raison, sur les prix de misère qu’on leur paye, sont les premiers à monter au créneau pour défendre le système. D’ailleurs, la GD va chercher son bio ailleurs que chez nous. Bravo les gars !
Je suis fils d’agriculteur, le petit dernier, mon frère ainé a repris la petite métairie de 15 ha, j’ai fait l’école d’agriculture de la Mothe-Achard avec un certain Luc Guyau, et si je ne suis pas devenu agriculteur c’est que j’en n’avais pas les moyens. Alors, de grâce, stop à la démagogie, désertion, fuite, rester croupir… faut pas déconner avec ça, relire la Révolution Silencieuse de Michel Debatisse, un auvergnat, président de la FNSEA. Tout ça a été organisé avec les lois d’orientation des années 60 sous l’égide des gouvernements du général. Travestir l’Histoire pour quelqu’un qui s’en remet à la Science en dit plus long qu’un discours de madame la présidente de la FNSEA.
Je n’ironiserai pas sur les 5 années d’école d’agriculture. Nos écoles ne sont pas des modèles d’innovation.
L’argument de la haute valeur gastronomie française liée à l’agriculture survitaminée est du genre boomerang qui vous revient à la gueule : la tendance est au naturel et au local, et pas qu’à Paris bien sûr. Produire de la valeur est notre vocation, pas de faire du grain pour les cochons en batterie.
Reste le sommet du « Alors foutez nous la paix !! et faites-nous confiance !! »
Eh bien, c’est non. Nous les citoyens consommateurs, mais savez-vous ce que nous sommes, nous vendez-vous directement ce que vous produisez, oui nous sommes en droit d’exiger des politiques, nous les élisons, qu’ils fassent prendre un virage à l’agriculture française qui, pour les grandes cultures, pompe l’essentiel des aides directes de l’UE. Vous êtes peut-être anti-européen camarade ?
La chute du texte est de la même hauteur « Mais surtout si un jour vous deviez avoir faim vous qui nous donnez des leçons dans les villes, oubliez-nous et ne venez pas nous chercher comme en 1945 pour vous donner à manger. »
Faut pas pousser pépé dans les chiottes, personne n’est allé chercher les agriculteurs en 1945 pour qu’ils nourrissent le peuple des villes affamé. L’irruption du fameux progrès a boosté les rendements, il suffit de lire Grenadou paysan français (chronique à venir) pour mettre à bas cette fable que l’on nous sert et ressert à l’envi. D’ailleurs, pour qui connaît l’Histoire, très vite les excédents sont apparus et sous la IVe République les pouvoirs publics, avec le FORMA, ont forgé les outils de régulation qui serviront à fabriquer les OCM, la fameuse PAC.
Bref, madame Sepeau Ivaldi ICI enfourchant le même bourrin que son actionnaire nous parle de guerre « C’est ainsi que s’il y a une guerre à mener, c’est celle du déploiement de la technologie et de l’innovation dans les exploitations pour que chaque décisions techniques soient fondées sur un raisonnement scientifique. Et que l’on mette un point final à l’opposition de modèles qui ont chacun leurs versants flamboyants et leurs revers plus sombres. »
Et pourtant, monsieur Ferrand, elle écrit dans Vitisphère, et que je sache le vin n’est pas une nourriture indispensable à la vie des humains, bien sûr c’est bon pour le moral et le convivial, alors s’il est un secteur où le glyphosate doit être immédiatement banni c’est dans la vigne.
Et qu’on ne vienne pas me dire que c’est un argument de bobo parisien, la montée en gamme chère à Macron, passe par ce chemin et non, comme continue à le penser le président Farges de Bordeaux, par une viticulture copiant les industriels du Nouveau Monde.
Enfin, monsieur Ferrand, arrêtez de présenter ceux qui ne prennent pas les mêmes chemins que vous comme des illuminés, des moins que rien, des minables… Beaucoup d’entre eux vivent bien, exportent des produits de haute valeur, et d’ailleurs, je suppose que vous n’êtes pas dans la tranche des agriculteurs à 350€/mois pour 70h de travail par semaine, qui sont les victimes du système que vous défendez au nom de la Science.
PS. Combien touchez-vous d’aides PAC ?