Le journaliste Michel Droit interroge le Général de Gaulle, le 7 juin 1968 à l'Élysée. Rue des Archives/Credit ©Rue des Archives/AGIP
Mon père, Arsène Berthomeau, vouvoyait son père Louis Berthomeau qui pour moi était le pépé Louis.
Je n’ai pas le tutoiement facile, le vous dans l’exercice de mes fonctions, enseignant un temps, ors de la République, m’ont fait pratiquer le vouvoiement pour maintenir la bonne distance avec mes élèves, étudiants et interlocuteurs.
Et pourtant, en 1981, lorsque je déboulai dans le marigot socialo, dont je n’étais pas, il me fallut pratiquer le tu des camarades. J’eus bien du mal à m’y faire mais je m’y suis soumis.
Je n’ai jamais tutoyé Michel Rocard.
Catherine Bernard était journaliste lors de notre première rencontre dans les années 2000 pour une interview à propos de mon rapport, bien sûr nous nous sommes vouvoyés et cela a duré 17 ans avant que, elle devenue vigneronne et moi vacancier permanent, nous nous tutoyons.
J’ai bien connu une comtesse vigneronne dans un département kolkhozien qui pratiquait le vouvoiement avec son mari.
J’ai été estomaqué lors d’une grand-messe au 78 rue de Varenne, lors d’une énième crise du lait, de voir Bruno Le Maire, alors Ministre de Sarkozy, tutoyer à qui mieux mieux les dirigeants agricoles, FNSEA comme Confédération Paysanne.
Je ne suis pas bégueule je ne confère pas au vouvoiement une aura marquant le respect mais je ne supporte pas, de la part de journalistes ou de ceux qui se disent journalistes le tutoiement de connivence.
J’entends par là un tutoiement qui marque une appartenance au même monde, du même tonneau que mon cher ami ponctué par l’utilisation du prénom de l’interviewé.
Je trouve cet entre soi à chier !
Les intéressés vont me rétorquer qu’ils pratiquent ce tutoiement dans leurs relations quotidiennes et que le vous serait une forme d’hypocrisie. J’en conviens mais ce que je conteste c’est justement cette connivence ordinaire entre journalistes et puissants ou supposés tels.
Pour le bon peuple, déjà très porté sur le tous pourris à propos des politiques, de l’élite, des journalistes, ce tutoiement de connivence, qui donne le sentiment que les deux interlocuteurs ont gardé les vaches ensemble, est ravageur. Il décrédibilise les propos échangés, le journaliste apparaît comme servant la soupe à l’interviewé.
L’indépendance affichée en bandeau c’est bien beau mais les invitations au château, l’air de contentement d’en être, ne permet pas de pousser l’interviewé dans ses derniers retranchements, ce dont il profite pour débiter un filet d’eau tiède.
Ce n’est pas avec ça que je vais m’abonner, donner mes petits sous pour soutenir un média indépendant, informatif, décapant, abordant les sujets de fond. Entendre répéter à l’envi, par un winemaker qui court le monde, qu’il passe son temps dans ses vignes au mieux me fait rire, au pire me fait chier.
Je suis grossier, désolé mais ce matin ça me fait du bien.