« Il n’est pas si simple de caricaturer une caricature… » fait remarquer Patrick Chappatte à propos de Donald Trump qui fut pour lui sa cible de l’année 2017.
Forcer le trait, trouver le détail qui tranche, croquer un personnage public ou madame et monsieur tout le monde n’est pas à la portée du premier venu. Le dessin de presse est un art difficile, il faut accrocher le lecteur au premier coup d’œil avec un minimum de texte, concision, précision, pour emporter l’adhésion ou la réprobation d’ailleurs.
J’ai toujours été fasciné, et le suis encore, par les Daumier, Reiser, Gotlib, Cabu, le Plantu des débuts, Wolinski, Wiaz, Chimulus, Lefred-Thouron, Pétillon, j’en oublie bien évidemment…
À la suite des carnages de Charlie-Hebdo et du Bataclan je me suis abonné sur Twitter à la fine fleur des caricaturistes et j’ai découvert l’immense talent de Patrick Chappatte.
Je ne suis pas très friand de l’appellation caricaturiste qui sous-entendrait une certaine forme d’outrance déformant la réalité, alors que bien au contraire, et c’est flagrant chez Chappatte, le caricaturiste est un journaliste à part entière et même pour moi l’extrême pointe de la liberté.
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Patrick Chappatte, un journaliste (presque) comme les autres le 3/01/2015 LE BLOG DE STEFAN.RENNA
« N’allez surtout pas le « traiter » d’artiste ! Patrick Chappatte revendique farouchement son statut de journaliste. Celui-ci a pourtant l’art de raconter des histoires, via le dessin, dont la puissance d’évocation dépasse parfois largement celle de l’écrit. Le BD-journalisme peut représenter selon lui le futur de cette profession, car les images ont le don d’universalisme et l’humour permet de traiter différemment des sujets sérieux. »
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« Né en 1967 à Karachi, Pakistan, d’un père suisse et d’une mère libanaise, Patrick Chappatte est caricaturiste et bédéiste-reporter. Après des débuts dans la presse suisse, il s’installe quelques années à New York où il collabore au New York Times et Newsweek. Il vit et travaille entre Genève et Los Angeles.
Il signe chaque semaine des dessins à la Une du quotidien genevois Le Temps, dessine pour The International New York Times, Neue Zürcher Zeitung et contribue également à Yahoo! France. Ses dessins sont repris dans la presse internationale.
Chappatte réalise par ailleurs des reportages sous forme de bandes dessinées, notamment chez les rebelles de Côte d’Ivoire, à Gaza et dans les coulisses de l’Elysée.
En 2012, il devient le premier non-américain à recevoir le Prix Thomas Nast décerné par l’Overseas Press Club of America. Il a co-fondé avec Plantu la Fondation suisse Cartooning for Peace, qui décerne tous les deux ans un Prix international saluant le courage d’un(e) dessinateur/trice. »
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Patrick Chappatte, un journaliste (presque) comme les autres le 3/01/2015 LE BLOG DE STEFAN.RENNA
« N’allez surtout pas le « traiter » d’artiste ! Patrick Chappatte revendique farouchement son statut de journaliste. Celui-ci a pourtant l’art de raconter des histoires, via le dessin, dont la puissance d’évocation dépasse parfois largement celle de l’écrit. Le BD-journalisme peut représenter selon lui le futur de cette profession, car les images ont le don d’universalisme et l’humour permet de traiter différemment des sujets sérieux.»
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Il a répondu aux questions du Courrier international
Quel est le thème de l’année selon vous ?
Alors, réfléchissons… Trump, Trump, mais aussi Trump ! Je collabore notamment avec l’International New York Times, et même si j’ai bien sûr travaillé sur d’autres thèmes, Donald Trump a représenté la majeure partie de mon travail cette année. Il y a bien sûr eu l’apparition de nouvelles figures, mais que l’on parle de Kim Jong-un ou de Harvey Weinstein, on en revient toujours à Trump.
Ce président tonitruant, omniprésent, c’est une aubaine ou une malédiction pour un dessinateur ?
Les deux en fait. On nous dit souvent : “Croquer un tel homme, c’est du gâteau.” C’est vrai sur le plan physique, il a des caractéristiques reconnaissables : sa chevelure évidemment, ses mains minuscules, sa grande cravate rouge.
Mais en fait il n’est pas si simple de caricaturer une caricature. D’une manière générale, les populistes ne sont pas des cibles faciles pour la satire, parce que ce sont des cibles mouvantes. Et Donald Trump répond parfaitement à cette définition : il bouge sans cesse, impose son rythme, et a toujours un coup d’avance sur l’indignation. Il nous prend de court, nous les dessinateurs, et tôt ou tard il finit par ressembler à la caricature que l’on en fait. Il est arrivé que je m’empare d’un sujet le matin, que j’imagine ce que le président pourrait faire pour aller plus loin, et que, au moment d’envoyer le dessin le soir, il soit déjà dépassé. C’est vertigineux ! Un ouragan permanent, une catastrophe naturelle ! Le job était beaucoup plus simple avec Obama.
Cette omniprésence a un autre effet beaucoup plus pernicieux à l’échelle de la politique américaine. Donald Trump, avec cette obsession permanente de faire parler de lui, occupe tout l’espace médiatique. Il pompe tout l’oxygène de l’actualité. Et il laisse le champ libre aux républicains, qui font passer des mesures inimaginables, dissimulées derrière l’agitation provoquée par le président.
Vous êtes en overdose ?
En quelque sorte. Mais dessiner Trump est aussi irrésistible. Et les gens ont besoin de faire sens de ses absurdités. C’est justement parce que Donald Trump déforme tout, parce qu’il navigue dans une réalité “alternative” que nous avons un rôle à jouer. La qualité de la satire consiste à montrer les choses telles qu’elles sont. Et montrer Trump tel qu’il est fait du bien au dessinateur comme aux lecteurs.
Dans quelles situations préférez-vous le dépeindre ?
Je suis toujours intéressé quand il rencontre les grands de ce monde : Poutine, Merkel, le pape… On peut alors le comparer à ses interlocuteurs et prendre la mesure de son arrogance. On voit alors apparaître un Trump pataud, un personnage ubuesque, fantasque, désorienté.
Y a-t-il une actualité que vous regrettez de n’avoir pas traitée cette année ?
Les Rohingyas. J’ai fait plusieurs dessins, que j’ai proposés à la rédaction. Mais à chaque fois ils étaient en concurrence avec un dessin sur Trump, qui faisait encore une fois l’actualité. Et aucun n’a été retenu.