Suivez le bœuf ! proclamait François Missoffe Ministre du général, celui même qui conseilla à Dany le Rouge, juste avant mai 68, lors de l’inauguration de la piscine de Nanterre, de s’y plonger pour calmer ses ardeurs sexuelles parce qu’il réclamait la mixité dans les cités universitaires.
Le peuple de râleurs que nous sommes n’en finit pas de se plaindre au bord des bars qu’il fasse froid. 3° ce n’est pas la Sibérie du goulag et, bordel de merde, heureusement qu’il fait froid en novembre.
Sur mon vélo j’adopte la vêture oignon, Jean-Louis Etienne, l’homme des pôles, m’a appris qu’il fallait conserver sa chaleur interne. Je me couvre la tête avec mon miki breton ICI , mes moufles, une écharpe et c’est parti sur le bitume.
Pour moi, c’est un temps de pot-au-feu !
Le pot-au-feu ça tient au corps et c’est un plat peu onéreux puisqu’il ne se compose que de bas-morceaux boudés par la gaulois qui croient que le bœuf se résume aux 4 classiques : Faux-filet, Entrecôte, Rumsteak, Bavette d’aloyau.
Le pot-au-feu c’est un patchwork qu’énumère Hugo Desnoyer dans l’une de ses 8 recettes fondamentales pour les amoureux de la viande. Je vous les énumère, tout en soulignant que pour ma part, le pot-au-feu c’est du bœuf et rien que du bœuf. Si je suis ainsi c’est la faute de mon père qui, à chaque fois que Ratier le boucher – le camionneur marchand de charbon se dénommait Lebœuf – achetait un bœuf gras au pépé Louis il gratifiait mon père, grand-amateur de pot-au-feu avec une prédilection pour la queue de bœuf, de tous les morceaux ad-hoc. Donc, contrairement à maître Desnoyer point de veau dans notre pot-au-feu. Du pur bœuf !
- Paleron de bœuf
- Gîte de bœuf
- Carotte de bœuf
- Plat de côte
- Macreuse
- Basse côte
- Jarret de veau
- Joue de bœuf
- Queue de bœuf
- Crosse de veau
- Crosse de bœuf
- Os à moelle
Du côté des légumes je suis aussi puriste : carottes, navets des 2 couleurs violet et jaune, poireaux, oignons piqués de clou de girofle et surtout pas de pommes de terre.
Donc, ce mercredi j’ai fait du pot-au-feu en me limitant à deux morceaux du paleron et du plat de côte avec un os à moelle.
Hormis la pluche des légumes, y’ a pas beaucoup de boulot donc de temps à passer dans la cuisine. Le seul temps qui compte c’est celui de la cuisson. Au début faut un peu écumer.
Bref, bande de féniasses comme dit notre Président ce n’est pas ça qui va vous fatiguer ou vous empêcher de regarder vos conneries à la télé.
Tout à la fin, pour accompagner ma pitance bouchère je fais cuire du riz dans le bouillon que je nappe de crème fraîche crue.
Voilà c’est du chaud de la calorie économique, bon appétit et large soif !
le Pot-au-feu de Dodin-Bouffant de Marcel Rouff La Vie et la passion de Dodin-Bouffant, gourmet, Société littéraire de France, 1920
« Il arriva enfin, ce redoutable pot-au-feu, honni, méprisé, insulte au prince et à toute la gastronomie, le pot-au-feu Dodin-Bouffant, prodigieusement imposant, porté par Adèle sur un immense plat long et que le cordon-bleu tenait si haut au bout de ses bras tendus que les convives, anxieux, n’en aperçurent rien tout d’abord. Mais quand il fut posé avec effort et précaution sur la table, il y eut plusieurs minutes de réel ahurissement. Le retour au sang-froid de chacun des convives se manifesta suivant des réactions et des rythmes personnels. Rabaz et Margot, mentalement, se morigénaient d’avoir douté du Maître ; Trifouille était pris d’un saisissement panique devant tant de génie ; Beaubois tremblait d’émotion ; quant au prince d’Eurasie, son sentiment oscillait entre le noble désir de faire duc Dodin-Bouffant, comme Napoléon voulait faire duc Corneille, une envie furieuse de proposer au gastronome la moitié de sa fortune et de son trône pour qu’il consentit à prendre la direction de ses fêtes, l’énervement de recevoir une leçon qui était cette fois parfaitement limpide, et la hâte d’entamer la merveille qui étalait devant lui ses promesses et ses enivrements.
Le pot-au-feu proprement dit, légèrement frotté de salpêtre et passé au sel, était coupé en tranches et la chair en était si fine que le bouche à l’avance la devinait délicieusement brisante et friable. Le parfum qui en émanait était fait non seulement de suc de bœuf fumant comme un encens, mais de l’odeur énergique de l’estragon dont il était imprégné et de quelques cubes, peu nombreux, d’ailleurs, de lard transparent immaculé, dont il était piqué. Le tranches assez épaisses et dont les lèvres pressentaient la velouté, s’appuyaient mollement sur un oreiller fait d’un large rond de saucisson, haché gros, où le porc était escorté de la chair plus fine du veau, d’herbes de thym et de cerfeuil hachés. Mais cette délicate charcuterie cuite dans le même bouillon que le bœuf, était elle-même soutenue par une ample découpade, à même les filets et les ailes, de blanc de poularde, bouillie en son jus avec un jarret de veau, flottée de menthe et de serpolet. Et pour étayer cette triple et magique superposition, on avait glissé audacieusement derrière la chair blanche de la volaille, nourrie uniquement de pain trempée de lait, le gras et robuste appui d’une confortable couche de foie d’oie frais simplement cuit au chambertin. L’ordonnance reprenait ensuite avec la même alternance, formant des parts nettement marqués chacune, par un enveloppement de légumes assortis cuits dans le bouillon et passés au beurre ; chaque convive devait puiser d’un coup entre la fourchette et la cuiller le quadruple enchantement qui lui était dévolu, puis le transporter dans son assiette.
Subtilement, Dodin avait réservé au Chambertin l’honneur d’escorter ce plat délite. Un vin uni aurait juré avec quelqu’une des parties qui le composaient ; le Chambolle nuancé, complexe et complet, recelait dans son sang d’or rose assez de ressources pour que le palais y pût trouver à temps, suivant la chair dont il s’imprégnait, le ton nécessaire, la note indispensable… »