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27 octobre 2017 5 27 /10 /octobre /2017 06:00
Le goût, il fait généralement défaut chez les masses populaires où l’on n’hésite pas à se priver de caviar pour se goinfrer de topinambours !

Le week-end sur France Inter officie Alain Baraton qui dimanche dernier s’est extasié, à propos du topinambour, sur le soufflé sucré au topinambour et chocolat ! d’Alain Passard de l’Arpège. 

 

« Auparavant, je travaillais beaucoup à partir de viande et de poisson. Mais j'ai eu besoin de mettre de la couleur dans ma cuisine, ce que ne permet pas le tissu animal. C'est pourquoi, en 2001, j'ai décidé de ne plus servir de viande rouge dans mon établissement. A mon sens, la grande cuisine de demain, la plus artistique, c'est la cuisine légumière. Rien n'offre une aussi grande abondance de teintes, de formes, de textures que les légumes.

 

Mettez la main à la pâte: betteraves, chou, carottes, céleri, topinambours, voyez par vous-mêmes toutes les couleurs, les odeurs et goûts que les légumes d'hiver ont à vous offrir. »

Alain Passard

 

Le topinambour a très mal commencé sa carrière dans L’Hexagone, en effet comme le rappelle Le Petit Robert, on le nomma ainsi parce qu’on le croyait originaire de la région du Brésil où vivaient les Topinambous – tribu cannibale de l’Amazonie, devenue synonyme de « sauvage, barbare, inculte ». Ce qui est faux.

 

Le topinambour doit son nom à une tribu brésilienne, les Toüoupinambaoults. En 1613, six membres de cette peuplade ont fait la traversée de force vers la France, pour y être exhibés. Le topinambour n’était pourtant pas du voyage ! Il a été introduit chez nous à la même époque, via le Canada, par le colonisateur français Samuel de Champlain. Plébiscité, il sera peu à peu boudé au profit de la pomme de terre, à la fin du XVIIIe siècle. Ce sont les animaux d’élevage qui s’en régaleront.

 

Cet hélianthe tubéreux provient effectivement d’Amérique, c’est celle du nord. Plus précisément du Canada, d’où son autre appellation de « truffe du Canada », où les Indiens hurons et algonquins en faisaient leur quotidien…

 

C’est un légume qui a la particularité de porter une ribambelle de surnoms : artichaut de Jérusalem (par déformation de l’italien girasole = tournesol, rien à voir avec la Ville Sainte), artichaut du Canada (son pays de naissance), patate de Chine, patate à cochons

 

Les Français l’ont « redécouvert contre leur gré sous l’Occupation allemande. Les pommes de terres étaient alors réquisitionnées au titre d’indemnités de guerre, mais pas les topinambours ni les rutabagas. Symbole de restrictions son image en a pris un sale coup. Pour en avoir trop consommé en ces heures sombres, nombreux sont ceux qui jurèrent de ne plus y toucher les beaux jours revenus.

 

 

En Allemagne, le rutabaga était plutôt associé aux hivers rigoureux de la première guerre mondiale. Quelques 700 000 Allemands sont morts de faim entre 1914 et 1918 et le rutabaga fut alors bien souvent la seule nourriture disponible. Sous la période nazie, les villes allemandes étaient relativement bien approvisionnées, par contre c’est dans les années de l’immédiat après-guerre où la pénurie de vivres devient dramatique que les Allemands se retrouvent au régime du rutabaga : cette rave leur rappelle donc à eux aussi d’amers souvenirs. Le panais, une sorte de carotte blanche, a subi le même sort.

 

«Il a fallu attendre les années 1990 et les efforts conjugués de l’Institut national de recherche agronomique (Inra) et du Potager du roi à Versailles pour que le topinambour, en même temps que le panais et le rutabaga, accède enfin à sa juste place dans la gastronomie hexagonale: celle dun légume raffiné, à la saveur délicate proche de lartichaut, rehaussée dun discret goût de noisette. »

 

 

Il existe plusieurs variétés de topinambour, mais elles sont rarement nommées dans le commerce. La forme des racines est allongée, en fuseau ou arrondie. Le plus répandu est le topinambour commun rouge, à la peau violacée et au tubercule arrondi.

 

Le topinambour commun blanc présente une chair blanche et des tubercules difformes mais son goût est plus affirmé. Le topinambour fuseau rouge, à chair jaune est le plus lisse et donc le plus facile à éplucher.

 

Ces curieux tubercules, difficiles à éplucher tant ils sont tarabiscotés se révèlent d’une grande délicatesse de goût. Mais attention, ils sont peu digestes. Très faible en calories mais fort nourrissant, ils se cuisinent facilement, cuit à l’eau, à la vapeur, à l’étuvée ou au beurre.

 

Chef Simon du Monde nous dit : Comment cuisiner les topinambours ?

 

Brossez avec douceur mais insistance les aspérités et circonvolutions de ce tubercule puis les mettre dans une grande casserole d'eau froide salée. Porter à ébullition lente (sinon le topinambour explose, prend l'eau et termine à la poubelle navrant). Surveiller, le temps de cuisson varie souvent selon l'âge du légume. Fraichement récolté il sera plus ferme et demandera donc une cuisson plus longue.

 

Piquer le légume il doit lui rester un peu de fermeté. Ensuite le passer à l'eau froide et peler... On peut aussi les éplucher à cru mais il faudra immédiatement les citronner pour éviter l'oxydation.

 

Voici quelques façons de le cuisiner...

 

La voie authentique : une fois cuits et épluchés, détailler les topinambours en gros cubes ou grosses rondelles, sautez au beurre clarifié ou à la graisse d'oie, salez, poivrez au moulin et saupoudrez de cerfeuil frais. Délicieux.

 

La voie Royale : épluchés à l'économe, taillés en rondelles épaisses et sautés à cru. Sublissimes ! Vous pouvez voir la technique complète des topinambours sautés à la crème !

 

La voie gourmande : bouillir cette satanée crème à 35% de MG, et plonger les cubes de topinambours préalablement cuits à l'eau et maintenus fermes. Regarder s'opérer la liaison et servir avec des herbes fraîchement ciselées qui suffiront à apporter l'air frais dans ce plat assez riche. Et si vous désirez transformer l'essai, servez ces petits dés de topinambours à la crème sur un nid de tagliatelles fraîches et ajoutez un salpicon de homard ou de langouste, ou quelques gambas... un peu de cerfeuil ou de coriandre ciselés avant de servir et c'est direct au paradis !

 

La suite ICI 

 

« Le goût, enfin, que nous avons gardé pour la bonne bouche, c’est bien le moindre hommage à lui rendre, peut être considéré comme le plus distingué des cinq sens. Au reste, il fait généralement défaut chez les masses populaires où l’on n’hésite pas à se priver de caviar pour se goinfrer de topinambours ! On croit rêver ! ! C’est pourquoi je fous tout à coup des points d’exclamation partout alors que, généralement, j’évite ce genre de ponctuation facile dont le dessin bital et monocouille ne peut qu’heurter la pudeur. »

Pierre Desproges.

Dictionnaire superflu à l'usage de l'élite et des bien nantis / Éditions du Seuil

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