Mr. Cohen in February 2009 during his first world tour in 15 years, which, he said, was driven partly by financial necessity. “I didn’t even know where the bank was,” he said at the time. Credit Fred R. Conrad/The New York Times
L’écriture de cette chronique a commencé le 10 novembre au soir et s’est terminée le 11 novembre au matin, l’espace-temps où Léonard Cohen a tiré sa révérence avec sa superbe élégance.
J’avais titré provisoirement « Léonard Cohen est en phase avec mon profond sentiment de finitude » et je voulais la poster dimanche.
Parodiant l’une des rares chansons de Bécaud que j’aime, j’écris « la finitude ça n’existe pas »
« La finitude ça n’existe pas » pour les poètes, les troubadours, les qui prennent le temps : « Le lien intime avec nous ne s’est jamais rompu, le vieux séducteur pose toujours le même regard ironique sur lui-même « I love to speak with Leonard. He's a sportsman and a shepherd. He's a lazy bastard Living in a suit J’aime parler avec Leonard c’est un sportif et un berger. C’est un batard de fainéant qui vit dans un costume » confiaient-il dans Going Home aux premières minutes de cet album qu’il termine par un constat familier ».
« Que l’être humain soit un être fini, c’est-à-dire éphémère, puisque son existence ne s’étend qu’entre les deux bornes que sont sa date de naissance et celle de sa mort, cela peut paraître au premier abord une évidence. Cette « finitude », que nous partageons d’ailleurs avec tous les vivants, ne va pourtant pas de soi, car nous vivons la plupart du temps dans l’oubli de notre propre mortalité. C’est ce qui conduisait Freud à affirmer que « personne, au fond, ne croit à sa propre mort ou, ce qui revient au même : dans l’inconscient, chacun de nous est persuadé de son immortalité » S. Freud, Essais de psychanalyse, Paris, Payot, 1981,....
Lorsque j’évoque auprès de mes jeunes amies mon profond sentiment de finitude ils protestent en m’assurant que j’ai encore toute la vie devant moi.
« C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris ; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. »
Genèse 3:19
Tel est mon destin, tel est notre destin, je continue de parcourir sans peur mon chemin en ne sachant ni le jour ni l’heure, c’est la vie.
C’est Thomas Legrand éditorialiste politique pour le 7/9 de France Inter que j’écoute chaque matin à mon réveil, admirateur comme moi de Leonard Cohen depuis des années, qui le mercredi 9 novembre m’a donné l’idée d’écrire cette chronique.
Il déclarait avoir été emporté par son dernier album, annoncé comme son ultime production. Un album sombre et résigné, comme un chant du cygne.
Le dernier album de Leonard Cohen est l'album d'un chanteur à l'agonie, qui s'éteint tout en grâce.
Thomas Legrand affirmait qu’il écoutait en boucle « You Want It Darker », au travail, chez lui, sur son scooter, jusqu’à déjà plus de 200 fois.
Le ton est sépulcral, comme l'est la voix de son auteur qui y chante « I am ready my Lord » : un appel à l’extinction grandiose et assumé.
Extinction !
On éteint la lumière pour l’éternité…
«Leonard Cohen chanterait pour tous ceux qui essuient leurs larmes»
«Leonard Cohen est parti rejoindre sa muse», décédé jeudi à l’âge de 82 ans. Car «nous sommes arrivés au point où nous sommes si vieux» que «nos corps tombent en lambeaux, et je pense que je te rejoindrai bientôt. […] Sache que je suis si près, derrière toi, que si tu tends la main tu peux atteindre la mienne. […] Je veux seulement te souhaiter un très beau voyage. Au revoir, ma vieille amie. Mon amour éternel. Rendez-vous au bout du chemin.»
«Après David Bowie et Prince plus tôt cette année, le monde de la chanson a» donc «encore perdu un monument. […] C’est avec une profonde tristesse que nous annonçons que le poète légendaire, auteur-compositeur et artiste Leonard Cohen, est décédé», pouvait-on lire sur sa page Facebook.
À tous ceux qui se moquaient de mon addiction aux chansons de Léonard Cohen je répondais que bien au-delà de la mélancolie, de la tristesse, d’une forme de noirceur, elles me transcendaient, me tiraient vers le haut.
Écrire est une réelle douleur, Léonard est un sculpteur de mots, un « obsédé de la juste syllabe et du vers parfait »
Union intime, pudique, qui n’a ni besoin de mots, ni de justifications, Léonard Cohen est sans contestation éternel, ses traces marquent à jamais mon chemin.
«Donner le Nobel à Dylan, c'est comme dire du mont Everest que c'est une grande montagne.» disait-il avec son éternelle élégance.
« En ce qui me concerne, Leonard, tu es le numéro un. Et je suis le numéro zéro. » Bob Dylan
« Dieu était tellement inconsolable d'avoir laissé Trump gagner la présidentielle américaine que Leonard Cohen, en bon fils de famille, a dû aller le consoler. C'est la seule explication que je trouve à sa disparition. Leonard Cohen n'était pas censé mourir. Ni aujourd'hui, ni demain, ni jamais. Il était la voix du prophète, le sang de la Bible, la voix de l'immémoriale sagesse née sur les rives du Jourdain.
Il n'avait pas d'âge. Ses chansons non plus. On les écoutera encore dans cent mille ans. On les écoutera même après que le monde aura cessé d'être. On les écoutera dans la même ferveur religieuse qu'aujourd'hui, saisis par cette voix grave et chaude, lente et suave, sensuelle et tendre, la voix même de l'amour, l'amour de la femme, l'amour des hommes, l'amour de l'amour. »
Leonard Cohen live in Barcelona 03-10-2012 ci-dessous à voir et écouter absolument...