L’avantage de causer de vins sur France-Culture c’est que les auditeurs, tout cultivés qu’ils fussent, ne sont pas de grands experts ni en culture de la vigne, ni en œnologie. Il est donc possible d’en rester à de larges approximations qui feraient sourire un élève de BTS viti-œno.
Et quand c’est notre grand conteur de philosophie normand qui cause dans le poste pour mettre les théories de Rudolf Steiner en pièces toute parole de lui est consommée comme du pain béni.
Sauf que ce cher Onfray idole des retraités et des zappeurs de Face de Bouc pour introduire sa déconstruction de la biodynamie commence par nous affirmer qu’en matière de vins il est un empirique qui a abordé ce nectar sans l’once d’une idéologie. Un gars comme Thierry Desseauve qui ne consomme pas de l'idéologie. On voudrait bien le croire sur parole ce cher Michel qui, avec son palais de normand, comme tout un chacun a appris le vin dans le cadre des codes du vin de son époque. Pour qui, comme moi, a lu, les écrits de notre conteur de philosophie consacré au vin, il est facile de qualifier les goûts de l’éminent Michel de bourgeois, même de petit bourgeois.
C’est son droit, tout comme il a celui de démonter les théories de Steiner qui, comme le dit l’ami Lilian Bauchet, l’a bien cherché.
Mais là où notre Onfray dérape dans la bouillie pour les chats c'est à propos de l’œnologie où ’il fait le procès des vins biodynamiques en taillant en pièces les vins dit nature dont les raisins ne sont pas forcément issus de la culture biodynamique certifiée. De même beaucoup de vins issus de la biodynamie ne sont pas nature.
Il faudra que le Michel fasse a minima un BTS viti-œno ou mieux passe par la Fac pour se faire inculquer les principes du Pr Peynaud afin de faire la différence entre des raisins bio, des vins bios, des raisins biodynamique et les vins qui en sont issus, et les vins dit nature qui puent et finissent dans l'évier du tout rond bas de plafond de Barcelone. En plus je lui conseil un stage chez les vendeurs des fameux intrants qui rendent tous les vins beaux et brillants comme il les aime.
Si la modestie l’effleurait une seconde il arrêterait de pontifier sur des gestes techniques qu’il ne maîtrise pas et se garderait de nous sortir des réflexions de fin de banquet sur le savoir-faire du vin. Il aime ça notre Onfray les belles invitations dans les beaux endroits où l'on fait des vins droit.
Le Michel nous dit avoir beaucoup dégusté, je ne suis pas en mesure de le contester mais s’il se trouvait en face de moi je lui ferais déguster à l’aveugle des vins dont certains sont issus de la biodynamie, tels Pontet-Canet, château Palmer, les vins de Lalou Bize-Leroy, la DRC, et je lui demanderais de les reconnaître. Pas sûr que sa haute science de la dégustation ne serait pas mise à mal.
Quand on ne sait pas, on dit je ne sais pas et on se contente de dire qu’on n’aime pas les vins natures à la condition d’en avoir dégusté une large palette pour étalonner son jugement.
Que notre Onfray aima les vins dit classiques, bien bourgeois, c’est son droit le plus strict mais de grâce qu’il ne profite pas des tribunes qui lui sont offertes du fait de son statut de conteur de philosophie officiel pour raconter aux cultureux n’importe quoi sur l’œnologie.
La première partie de l’émission (voir ci-dessous le synopsis) vaut son pesant de «science œnologique» à la sauce Onfray, même qu’avec une pointe de second degré l’on peut trouver ça très drôle ce qui, pour ce cher Michel, est une offense faite à son savoir universel. Il pourrait facilement avec un tel bagage se lancer sur les traces des winemaker à la mode du type de ce cher Hubert. Je plaisante bien sûr mais sauf qu’ici il tape à bras raccourci sur des vins qui n’ont rien à voir avec la biodynamie.
Comme l’aurait dit Ginette Cocu, la coiffeuse de ma mère : «faut le faire tout de même!». C'est comme si votre boucher confondait l’aloyau et le rumsteack et si votre fromager vous affirmait que le Roquefort est fait avec du lait de chèvre.
À ce degré de science une telle ignorance vaut un carton rouge, une disqualification immédiate sous les ricanements de la foule des amateurs.
Pour ma part j’ai toujours trouvé Onfray « vieux » dans sa vie à lui, je ne fais pas ici allusion à ses écrits, chantre d’un hédonisme triste, le type avec qui tu n’as pas envie de partager le pain et le sel, de rire, de boire, c’est un chiant, et la façon dont il parle du vin dans cette émission en est le signe le plus parlant.
Je le répète pour être bien compris : je ne conteste pas à Michel Onfray le droit de jeter aux orties les théories de Steiner, je ne conteste pas non plus son droit d’aimer les vins classiques dont il semble ignorer comment l’œnologie moderne les traite, et jamais au grand jamais je ne critiquerai son aversion pour les vins nature.
Mais de grâce qu’il cesse de donner des leçons magistrales, du haut de sa chaire de l’Université Populaire de Caen, sur l’œnologie et la manière de faire le vin. J’ose l’écrire c’est un ignorant, tout en soulignant que ça n’est pas une tare pour un buveur de vin mais pour un conteur de philosophie, oui.
Ceci étant écrit je vous invite à auditionner son émission Théorie du fumier spirituel. Critique de la raison biodynamique ICI 14.08.2016
« Nietzsche disait qu’il n’y a pas d’objet philosophique à proprement parler, mais des traitements philosophiques de tous les objets possibles et imaginables. Nous allons traiter philosophiquement du fumier. Séance consacrée à l’anthroposophie, à Rudolph Steiner, à la biodynamie. »
UNIVERSITÉ POPULAIRE DE CAEN – Michel Onfray
Brève encyclopédie du monde.
2015-2016 C
ONFERENCE DU 23 MAI 2016
THEORIE DU FUMIER SPIRITUEL
CRITIQUE DE LA RAISON BIODYNAMIQUE
1/ DU VIN BIODYNAMIQUE
- Mauvaises expériences :
• Vin pâteux : pas collé
• Consistance d’un jus de fruits, microparticules : pas filtré
• Râpeux, pas de longueur en bouche
• Arômes négatifs : vieille cave, fût malpropre, vinaigre, terre
- Explications :
• Palais formaté par le scientisme
• Intoxication par le discours œnologique dominant
• Transport, conservation, manipulation
• Date, heure, lieu, jour de la dégustation
Extrait du livre : Cosmos Spirituel, Ed. Flammarion.
Chapitre 4 : Théorie du fumier spirituel
J’aime le vin et si j’avais pu boire une seule fois dans ma vie un bon flacon conçu selon les principes de l’agriculture biodynamique, je ne me serais pas interdit la philosophie de Rudolf Steiner, car sa pensée aurait été validée par ses produits. Hélas, je n’ai jamais bu de vin issu de la biodynamie qui ne soit une exécrable piquette. Quand je m’en ouvrais à tel ou tel qui voulait conquérir mon esprit par mes papilles (et il y en eut plus qu’à son tour), j’avais droit à deux types de réaction.
Premier argument : mon palais était formaté par des années de scientisme qui me faisaient prendre pour bon ce qui était mauvais, il était donc normal que je prenne pour mauvais ce qui était bon. Mon jugement de goût était intoxiqué par la chimie, les sulfates, les engrais, mais aussi par le discours oenologique présenté comme idéologique. J’eus droit parfois à des discours qui faisaient d’Yquem, de Pétrus, de Margaux d’authentiques poisons qu’il fallait s’abstenir de boire, sous peine de cancer, qu’on devait s’empresser de verser dans le trou de l’évier !
Le deuxième argument provenait de militants moins installés dans la dénégation et plus aptes à concevoir que le réel avait bel et bien eu lieu : ils concevaient que, peut-être, les critères n’étant pas les mêmes, j’aie du mal à juger sainement. Mais ils trouvaient une raison extérieure au vin pour justifier qu’il ne fût pas aussi bon en bouche que ce qu’annonçait la théorie biodynamique. Le transport de la bouteille, sa conservation, sa manipulation, mais aussi, et surtout, la date, le lieu, l’heure, le jour de la consommation qui ne pouvaient être n’importe lesquels mais qu’il aurait fallu choisir en fonction des mouvements de la lune. Présenté comme un organisme vivant sensible aux mouvements lunaires (et pourquoi pas… mais les autres vins également), le vin n’aurait pas dû être bu au moment où il l’a été sous prétexte qu’il entretenait avec les astres une relation intime lui interdisant de révéler sa vérité dans la bouche du goûteur.
Quoi qu’il en soit, le vin n’était pas bon et s’avérait pâteux, épais, trouble, pas collé (même à l’oeuf) ; il avait la consistance d’un jus de fruit avec microparticules en suspension ; il s’avérait râpeux en bouche, sans longueur aucune ; il révélait des arômes inédits pour un vin, aucun d’entre eux n’étant flatteur – vieille cave, fût malpropre, arrière-goût de vinaigre ou de terre ; il ne ressemblait à rien de connu, mais à rien qu’on ait envie de connaître non plus.
Je compris que ce vin avait moins à voir avec le raisin qu’avec l’idéologie et qu’il procédait d’une croyance qui lui donnait sa loi. La biodynamie est une pensée magique qui, comme toute pensée magique, dont la psychanalyse, produit des effets chez ceux qui y croient. Ce vin imbuvable par un amateur de vin devient le nectar le plus fameux pour un palais qui a renoncé à ses papilles au profit du catéchisme formulé en 1924 par l’ésotériste Rudolf Steiner dans un ouvrage intitulé Agriculture. Fondements spirituels de la méthode biodynamique. Le vin biodynamique est un genre de vin de messe : il ne donne d’extase qu’aux croyants. Rudolf Steiner (1861-1925) est un pur produit de l’idéalisme allemand qui débouche clairement dans l’occultisme, l’ésotérisme.