Le salon de l’agriculture, bac à sable des politiques, soi-disant vitrine de la France agricole, se déroule au-dehors du parc des expositions de la Porte de Versailles par le truchement des réseaux sociaux. La dernière édition fut en terme de communication un déluge de bonnes intentions pour se pencher sur le mal être de nos agriculteurs. Ils sont tout à la fois plaint par les urbains et montré du doigt par les mêmes.
Tout le monde monte au créneau, même le PDG de Danone se met au vert, celui de l’INRA sentant le sens du vent ne jure que par l’agriculture durable et responsable, madame Lambert de la FNSEA cherche de la commisération tout en restant droite dans ses bottes, et bien sûr les experts de tous poils dégainent leurs savantes analyses qui, selon leur bord, n’apportent pas grand-chose au débat.
J’ai choisi ce matin de verser au dossier, le point-de-vue d’un urbain pur sucre, plein de bonnes intentions, Éric Fottorino, ancien boss du Monde, fondateur d’une feuille originale le 1 (sans publicité) et celui d’un expert dont j’ignorais jusqu’à ce jour l’existence un certain Claude SICARD, Ingénieur agronome, docteur en économie, ancien Président de OCS Consultants.
Si j’étais encore dans le paysage, mais je suis retiré des voitures, j’apporterais ma contribution au débat. À vous de vous forger une opinion, pour ma part je n’ai qu’une seule certitude c’est que les outils d’analyse des deux bords extrêmes sont inefficients pour donner aux agriculteurs comme aux pouvoirs publics les bases d’une nouvelle révolution verte.
Emmanuel Macron vient d’effectuer une longue visite au salon de l’agriculture, une visite aux acteurs de l’un des secteurs de notre économie qui est certainement le plus mal en point dans le contexte actuel, qui est celui d’une compétition mondiale implacable.
Ce secteur de notre économie vit sous perfusion, les aides de la PAC jouant le rôle d’un analgésique qui, certes, calme les douleurs, mais n’a aucun effet curatif. Avec l’ouverture des frontières exigée par les doctrines libérales, on découvre avec stupéfaction que, hormis le secteur de la viticulture qui tire encore bien son épingle du jeu, aucun secteur de notre agriculture n’est en mesure de soutenir la concurrence étrangère.
Avec l’abaissement extraordinaire des coûts de transport, notre agriculture ne vit plus, en effet, en vase clos. Elle a, certes, évolué dans le temps, mais sans aucune vision stratégique, et elle se trouve actuellement engagée dans une totale impasse. On est resté, en effet, très longtemps sur l’idée que la France est un grand pays agricole, un pays qui dispose de terres fertiles et de terroirs très divers ayant chacun leur spécificité, sans avoir conscience que des problèmes stratégiques pouvaient se poser à ce secteur dont on estimait qu’il est, par nature, indétrônable. Tout s’est passé comme si les responsables de notre agriculture, et tout spécialement la FNSEA, qui a très longtemps tenu la main de nos ministres de l’Agriculture, n’avait pas vu qu’il fallait complètement réviser le logiciel français. Les activités agricoles dans le monde se sont développées selon une bipolarisation :
- d’un côté, des productions qui se réalisent d’une manière très extensive, ce qui implique des exploitations ayant de très grandes surfaces, comme c’est le cas pour les productions céréalières : ce sont, là, des activités où les effets de volume impactent fortement les coûts de production.
- de l’autre, des systèmes de production à caractère très intensif, généralement sous serres, où l’on parvient à maîtriser parfaitement les paramètres d’environnement, des systèmes qui nécessitent beaucoup d’investissements et une haute technicité.
Face à cette bipolarisation, la France est demeurée dans la voie médiane, vantant les vertus d’une agriculture familiale où le rôle de l’agriculteur est tout autant de produire que d’entretenir les paysages. Nos dirigeants ont installé la France dans la compétition mondiale en s’imaginant que notre agriculture était forte : bon nombre de nos compétiteurs, en relativement peu de temps, sont passés devant nous, dans différents secteurs. En somme, avec l’abaissement des coûts de transport dans le monde moderne, le train de la compétition mondiale est passé, mais l’agriculture française ne l’a pas vu venir : et elle le voit, aujourd’hui, s’éloigner devant elle, sans savoir quoi faire.
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