Au temps où j’allais aux ventes des Hospices de Beaune, le moment le plus agréable de mon séjour était le déjeuner du dimanche à la table de Louis-Fabrice Latour, il y flottait comme un je ne sais quoi du charme discret d’une longue lignée : les Latour, à cent lieues de l’ostentation de certains « nouveaux riches » châtelains bordelais, les Magrez, de Boüard et autres boutiquiers de la GD.
Ça tenait du rituel, le dimanche matin, Louis-Fabrice ouvrait brillamment la journée dans l’imposante et frigorifique salle des Pôvres* de l’Hospice de Beaune, par la Conférence de Presse, un vrai régal, des chiffres, des tendances, un sujet parfaitement maîtrisé. « La petite musique discrète du négoce bourguignon se doit d’être écoutée avec attention car ma vieille expérience des instances nationales m’ont appris qu’il y exerce une influence, là encore discrète mais certaine. Bien plus que la flamboyance bordelaise un peu déconnectée du ventre du marché mondial, pratiquant le grand écart entre des prix stratosphériques et des prix de misère, le négoce bourguignon avance pas à pas en prenant soin de ne pas déséquilibrer ses marchés traditionnels par des prix trop liés à la spéculation des nouveaux riches. » novembre 2010.
Et puis, après avoir croqué des gougères, humecté nos papilles, en procession nous nous rendions au 18 rue des Tonneliers siège de la maison Louis Latour.
Louis Latour, le patriarche de cette maison bicentenaire fondée en 1797 après de premières acquisitions lors de la vente des Biens Nationaux. Louis-Fabrice, qui a repris les rênes en 1999, notait avec son humour habituel : « Au cours de son histoire la maison a fait des coups d’accordéon entre le domaine et le négoce. Elle n’était que la 40e maison bourguignonne lorsque mon père l’a rejointe aux prémisses des années 1950… ».
Louis-Fabrice Latour dans ses caves (Crédits photo : Manuel Braun)
Jean-Francis Pécresse dans les Échos en décembre 2018 qualifiait Louis-Fabrice de plus Bourguignon des Bourguignons
« Sa destination n'est pas l'Oregon. Quand la plupart des grands noms de sa région – Drouhin, Jadot, Lafon, Méo... – sont allés tenter l'aventure américaine, dans ce nouveau Far-West viticole qu'est cet Etat au nord de la Californie, là où chardonnays et pinots trouvent des conditions similaires à celles de la Bourgogne, lui refuse de partir.
Et s'accroche à cette terre viticole qu'ont exploitée avant lui, depuis plus de deux siècles, onze générations de Latour - dont presque autant de Louis. Si, à bientôt cinquante-cinq ans, Louis-Fabrice Latour ne ressent toujours pas d'envie d'ailleurs, ce n'est pas par vertige des grands horizons, c'est que lui, le plus Bourguignon des Bourguignons, pense que l'on n'en a pas fini avec son pays.
« L'histoire de la Bourgogne reste à écrire », assure celui dont le père, Louis (!), en écrivit le récit le plus érudit.
Belle transition, un jour, par le courrier, me parvint la somme de Louis Latour.
26 mars 2012
La SOMME de Louis Latour «Vin de bourgogne Le parcours de la qualité 1er siècle-XIXe siècle» Belles feuilles : la variation des couleurs est une tradition bourguignonne ICI
Louis Latour, né à Aloxe-Corton en 1932, est mort à Beaune (Côte-d’Or) le 5 avril. Il a été enterré dans le cimetière d’Aloxe-Corton, auprès de tous ses ancêtres. Issu d’une longue lignée de négociants en vin de Bourgogne, il était désigné comme Louis VI dans son clan familial, où les aînés portent le même prénom. ICI
Mais restait dans cette lignée à vous parler de Bruno Latour Une star dans le monde des idées
THE GUARDIAN - LONDRES
Publié le 22/02/2020 - ICI
« Longtemps professeur à l’École des mines de Paris, avant de rejoindre Sciences Po en 2006, Bruno Latour est, selon The New York Times Magazine, « le philosophe français [actuel] le plus célèbre ». Issu d’une lignée de négociants en vin de Bourgogne (la prestigieuse Maison Louis Latour), ce sociologue et philosophe des sciences est une “figure à la renommée internationale”, qui fut au cours de sa carrière professeur invité à la London School of Economics (LSE) et au sein du département d’histoire des sciences de Harvard. »
Son premier livre (La Vie de laboratoire, coécrit en 1979 avec le sociologue britannique Steve Woolgar, éditions La Découverte) appliquait des méthodes ethnographiques à l’observation du quotidien d’un laboratoire de recherches. Il est resté comme “un texte fondateur dans la discipline naissante de l’étude des sciences et des technologies”, selon le magazine. Dans ses autres travaux des années 1970 et 1980, Bruno Latour a développé la thèse selon laquelle les faits scientifiques doivent être considérés comme le produit de processus sociaux et institutionnels, et non simplement comme la manifestation d’une vérité qui attendait d’être découverte. Comme l’explique The New York Times Magazine, « que les faits scientifiques soient confirmés ou démentis ne repose pas sur leur véracité proprement dite, mais sur la stature des institutions et des pratiques qui ont permis de produire ces données et de les rendre intelligibles ».
Un propos longtemps controversé, mais qui est aujourd’hui considéré comme l’un des modèles d’analyse les plus pertinents pour comprendre la formation et la diffusion des fake news en matière de sciences. Pour le magazine américain, Bruno Latour est même devenu un auteur essentiel « dans l’ère de post-vérité où toute notre société est maintenant condamnée à vivre ».
Ce sociologue et philosophe des sciences compte parmi les intellectuels français les plus réputés à l’étranger. Mais, loin de se cantonner aux amphithéâtres, Bruno Latour conçoit depuis plusieurs années avec la metteure en scène Frédérique Ait-Touati des conférences-performances uniques en leur genre.
PHOTO THÉÂTRE NANTERRE-AMANDIERS
Bruno Latour est un philosophe qui met en scène des vérités difficiles. Dans son étonnante conférence-spectacle Moving Earths, il décrit « la trajectoire parallèle de l’ordre social et cosmique, en route vers un double effondrement politique et écologique ». Latour a abondamment utilisé le théâtre pour présenter ses réflexions sur des questions aussi variées que la microbiologie, le discours politique, la géologie, la cosmologie, la démocratie, la théologie et tous les aspects de l’existence qui sont aujourd’hui profondément ébranlés par les dérèglements climatiques.
À mi-chemin entre le spectacle, le sermon, l’expérimentation, l’hypothèse et l’incantation, Moving Earths dresse un parallèle entre la théorie héliocentrique – et hérétique – de Galilée et « l’hypothèse Gaïa » avancée dans les années 1970 par le climatologue James Lovelock, qui conçoit la Terre comme un système dynamique, autorégulé et en lien intime avec les activités humaines.
Oser « épater la galerie »
Le spectacle s’achève sur deux images fortes : une photo des représentants du G7 attablés comme dans la Cène lors du sommet de Biarritz – avec le fauteuil vide du Judas-Trump ; et le regard furieux de Greta Thunberg en direction de Trump alors que celui-ci lui passe devant dans un couloir des Nations unies. Pour le philosophe, ces deux protagonistes « habitent deux planètes radicalement différentes : celle de Trump est infinie ; celle de Greta est une planète de finitude qui s’émeut [un écho à la célèbre exclamation de Galilée à propos de la Terre : ‘Et pourtant, elle se meut !’, également traduite ‘Et pourtant elle tourne !’]. Nous nous rendons compte que nous la connaissons très mal et qu’elle change aujourd’hui de manière incontrôlée. »
La suite ICI
*La salle des Pôvres inaugurée en 1542, aux dimensions majestueuses (46,30 m de long et 16 de haut), avec sa superbe voûte en carène de navire. Elle abrite les couches des malades, toutes couvertes de rouge, et orientées vers la chapelle afin que les pensionnaires puissent suivre les offices dans les meilleures conditions possibles. C’est un bijou d’architecture, comme l’ensemble, dû à Nicolas Rolin où tout y est « Plus beau, plus grand, l'Hôtel-Dieu de Beaune sera achevé en neuf ans, mobilisant les artistes les plus prestigieux du pays des Flandres, associés à ceux du vieux cœur de la Bourgogne. Loin d'être passive, la population prêta son concours à l'édification de ce chef-d'œuvre de l'architecture gothique. »
Le 23/02/2020
Bruno Latour, sa pensée et son influence ICI
Sociologue, anthropologue, philosophe, Bruno Latour est l'un des intellectuels les plus traduits et commentés au monde. "Soft Power" consacre une émission-portrait à ce penseur hors-normes en se concentrant sur sa pédagogie, son rapport aux arts et aux numérique.
En ce dimanche de chasse-croisé des vacanciers des zones A, B et C, nous avons souhaité prendre un peu de recul (ou plutôt « atterrir » sur terre », sur le terrestre) dans « Soft Power » en nous intéressant à un penseur « hors-norme », un philosophe « hors champ » qui est aussi un historien des sciences et un sociologue : Bruno Latour.
L’œuvre de Latour influence aujourd’hui nos secteurs créatifs, celui des medias, du numérique, de l’art et son influence, d’ailleurs, dépasse largement nos frontières. L’oeuvre de Bruno Latour a été présenté régulièrement sur cette chaine dans “Affinités électives”, dans “La Suite dans les idées”, dans “Les chemins de la philosophie” ou encore dans “Hors Champs” ou “Place de la Toile” et nous écouterons d’ailleurs dans cette émission plusieurs extraits empruntés à ces programmes.
Ses ouvrages les plus connus sont La Vie de laboratoire (1979) , La Science en action (1987) et Nous n'avons jamais été modernes (1991). Parmi ses principales influences, on peut mentionner Ludwik Fleck, Michel Serres, Harold Garfinkel (ethnométhodologie), David Bloor, Gilles Deleuze et Gabriel Tarde.
Bruno Latour est membre du comité d'orientation de la revue Cosmopolitiques.