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7 août 2016 7 07 /08 /août /2016 08:00
les gendarmes travaillent dur ces temps-ci

les gendarmes travaillent dur ces temps-ci

Patience et longueur de temps

Font plus que force ni que rage.

 

Ma capacité à rester immobile n’a aucun équivalent, le calme qui précède la tempête, l’attente du moment où il faut surgir, saisir, faire. J’adore l’expression dormir debout, elle me va très bien, mais pas au sens commun, comme quelqu’un qui sait vivre un rêve éveillé, debout quoi. Mon immobilité fut ma force, ma protection, mon arme. Elle troubla, intrigua, me fit passer pour ce que je n’étais pas, et pourtant le moment venu je forçais le pas pour être là où il fallait, au bon endroit. Agir, être à la manœuvre exige d’avoir l’esprit clair, disponible, débarrassé du fatras du quotidien, ne pas tergiverser au moment décisif, le choix est toujours une douleur.

 

Reste l’amour, pourquoi me suis-je évertué à ce qu’il rime avec toujours ?

 

Sans doute parce que le premier fut si beau, si court, si fort qu’il ne pouvait que durer, ne jamais me quitter. Toute ma vie je fus en état d’attrition jusqu’à cet instant où elle apparut. Sidération !

 

Tomber.

 

Tomber amoureux !

 

Si tard !

 

Quelle revanche pour l’amour !

 

Aux deux bouts de ma vie, la boucle est bouclée, je suis emprisonné.

 

Je trie. Je tente de rabouter les deux bouts de ma vie qui va de Marie à Émilie.

 

J’écris.

 

« Je vais te présenter à maman Marie... »

 

Son regard se voilait d'un léger nuage et, pour faire diversion, elle voltait pour que sa jupette tournoie :

Je vais tout faire pour lui plaire mon Benoît…

 

Achille, lui aussi, esquissait une gigue pataude. Jean, de derrière son journal ouvert, en bon célibataire inoxydable commentait « vous allez monter la première marche qui va vous mener à la salle à manger des petits bourgeois... »

 

Accoudés au bastingage, sur le pont supérieur de la Vendée, tels de grands voyageurs rompant les amarres avec leur vie d'avant, nous quittions l'île d'Yeu. La veille au soir, Jean, égal à lui-même, nous avait sorti le grand jeu. Tournée des grands ducs chez nos plus gros clients puis dîner chez Van Strappen, un antiquaire très blonde oxygénée avec solitaire au petit doigt. Maître d’hôtel noir, langoustes au grill, bar en croute de sel, arrosés au Krug accompagnant une conversation très langue de pute. Barbaresco, le grand noir homme à tout faire de Van Strappen, flambait des langoustes au Richard Hennessy en un rituel sauvage : sur un billot de bois d'un coup précis de hachoir de boucher il les tranchait vivantes en deux, sans s'émouvoir de leurs violents et désespérés coups de queue, puis les grillaient sur de la braise vive. Les chairs exhalaient leur puissant parfum de roche iodée. La flambée, haute et incandescente, illuminait la terrasse et Jean, ludion, n'en finissait pas de lever sa coupe en marmonnant « le problème avec la champagne c'est que ça pétille, les bulles mes amis sont des traîtresses, elles amusent la galerie, vous font des ronds de jambes, vous aguichent et pfutt, disparaissent... » Marie, halée pain d'épices, au dessert, mangeait des boudoirs de Reims rose qu'elle trempait dans le champagne aux fines bulles.

 

Au cours de la traversée nous découvrîmes, blotti dans un rond de cordages, notre cher Achille tout penaud. Comment s'était-il faufilé sur le bateau sans éveiller l'attention de l'équipage, lui seul le savait ? Très, le chien d'Alexandre le Bienheureux, il nous la jouait regard implorant et queue qui frétille. Marie ne cédait pas au chantage de notre astucieux bâtard, à l'arrivée elle le confiait à Antoine Turbé, le charcutier de Port-Joinville, qui rapatriait ses carcasses de cochons dans sa fourgonnette frigorifique. À Fromentine, Lucien Button, le menuisier qui rafistolait nos meubles, nous attendait. C'est lui qui, à la demande expresse de Jean, faisait office de chauffeur. J'avais eu beau protester, Jean n'avait rien voulu savoir. Je compris pourquoi lorsque ce tordu, alors que je m'apprêtais à grimper sur le bateau, m'avait marmonné pipe éteinte au bec : « Tu me diras au retour ce que tu penses de Button. Ce n’est pas une lumière mais il est sérieux. Tu comprends, ça me ferait un bon associé ».

 

En traversant le bourg de St Julien-des-Landes un détail d'intendance s'installait dans ma petite tête : maman allait-elle nous proposer de faire chambre à part ? Au lieu de m'inquiéter, cette question, qui peut vous paraître saugrenue aujourd'hui, mais qui, en août 1968, aux confins du bocage vendéen, sentait le péché, déclenchait chez moi un irrépressible fou rire. Entre deux hoquets réprimés, afin de ne pas vexer le brave Lucien Button qui s'échinait à entretenir la conversation avec Marie sur des sujets aussi importants que le nombre de voitures d'estivants qui passaient devant chez lui depuis que son voisin avait ouvert un camping dans son pré ou le prix de l'essence qui avait augmenté à cause des évènements, je proclamais « … des souvenirs de jeunesse qui remonte… » Marie, pas dupe, même si elle n'y comprenait goutte, me raillait gentiment « … le jeune homme retrouve son terroir… Button, bon prince, sans poser de questions, affichait le contentement du type qui a la chance de côtoyer des gens qui ne sont pas de son monde.

 

La maisonnée nous attendait en faisant comme si de rien n'était. Maman cousait. La mémé Marie égrenait son rosaire pendant que la tante Valentine lisait Le Pèlerin sans lunettes. Papa, avec le cousin Neau et mon frère, s'affairaient autour de la moissonneuse-batteuse. Ma sœur n'était pas là, bien sûr, puisqu'elle s'était mariée en 65. Avant de pousser la porte de la maison j'avais affranchi Marie de la raison de mon fou-rire. Très pince sans rire elle me répondait du tac au tac « Tu sais je n'avais pas l'intention de partager ton lit cette nuit. Je ne suis pas une Marie couches-toi là mon petit Benoît en sucre… » Mon soupir et mon haussement d'épaules la faisaient s'accrocher à mon bras « Ne t'inquiètes pas nous ferons comme ta maman voudra... » Au premier coup d'oeil sur maman je sus que la partie était gagnée. Marie était digne de son fils chéri. Papa, l'oeil coquin, fut le premier à l'embrasser. Dans son coin, la mémé Marie, devait adresser en direct à la Vierge du même nom, un Je vous Salue Marie de satisfaction. Même la tante Valentine, d'ordinaire avare de compliments, dodelinait de la tête pour marquer son assentiment. »

 

L'agenda d'Himmler révèle son quotidien glaçant

 

Dîners, famille, discours et visites de camps de la mort: l'agenda de Heinrich Himmler, publié tout au long de la semaine par le quotidien allemand Bild, détaille avec une précision glaçante le quotidien de l'un des principaux acteurs de l'Holocauste.

 

Les notes dactylographiées, retrouvées en Russie en 2013, égrainent parfois au quart d'heure près l'activité frénétique de l'un des dirigeants nazis les plus proches de d'Adolf Hitler et organisateur de l'extermination des juifs.

 

Les documents «aident à mieux ordonner les événements et à comprendre qui a participé aux décisions du régime», explique à l'AFP Matthias Uhl, chercheur à l'institut historique allemand de Moscou, qui travaille sur les documents.

 

«Nous pouvons maintenant dire exactement avec quelle personne Himmler s'est entretenu chaque jour, où il était, et qui étaient ses plus proches conseillers», dit Matthias Uhl.

 

Il se mêlait de chaque détail

 

Les documents, retrouvés dans les archives du ministère de la défense russe, couvrent les années 1938, 1943 et 1944, et l'institut allemand compte en publier une version annotée fin 2017 ou début 2018. Les calendriers pour 1941 et 1942 avaient déjà été découverts en 1991 en Russie, où se trouvent plus de 2.5 millions de documents de la Wehrmacht. «On est choqué par le besoin de Himmler de se mêler de chaque petit détail», atteste Matthias Uhl.

 

A travers les documents, on découvre un homme proche de sa famille, tout en orchestrant l'horreur nazie. Le 3 janvier 1943, Himmler se fait faire ainsi un massage thérapeutique, participe à des réunions, téléphone à sa femme et fille, avant d'ordonner, vers minuit, la mort de plusieurs familles polonaises.

 

«Le nombre de contacts, ainsi que les tentatives de Himmler de gagner en influence, grâce à la SS, sur les instances importantes du parti, de l'Etat et de l'armée sont impressionnants», commente encore Matthias Uhl.

 

Étendre son pouvoir

 

Selon Bild, Himmler a rencontré plus de 1600 personnes entre 1943 et 1945. «Il essayait, au cours de la guerre, d'étendre son pouvoir», explique l'historien.

 

Les secrétaires de Himmler notaient aussi ses visites très régulières de camps: le 10 mars 1938, au lendemain d'une visite à Dachau, Himmler se rend à Sachsenhausen, en région berlinoise, avec le chef de la propagande nazi, Joseph Goebbels. Le 12 février, il inspecte le camp d'extermination de Sobibór.

 

«Himmler voulait avoir une démonstration de «l'efficacité» de l'extermination au gaz», détaille Bild.

 

Vie privée

 

Dans les extraits publiés par le quotidien, on retrouve aussi des aspects de sa vie privée. Comme le 3 mars 1943, lorsque après une série de rendez-vous et réunions il achève sa journée en «regardant les étoiles» de ohoo à 0h15.

 

«L'homme qui a planifié l'holocauste organisait sa vie privée avec obsession. Entre le gaz, les ordres d'exécutions et de milliers de rendez-vous, (il) s'occupait de sa famille, de sa maîtresse, de ses hobbies», relève Bild.

 

La chronique mensuelle de Michel Onfray | N°135 – Août 2016

 

LE DIABLE S’HABILLE EN PRADA -

 

Je retrouve pour dîner un vieil ami, le fils de ma libraire d’Argentan, qui vit au Japon et qui est de passage à Paris. Nous sommes à la brasserie Mollard qui a l’avantage d’être à côté de mon hôtel quand je dois venir chez les Jacobins.

 

Juste à côté de nous, un couple de jeunes chinois. Une petite trentaine. A eux deux, ils ont mon âge… Il a déjà la bedaine des gens repus, mais à son âge, son ventre est celui d’un héritier – c’est celui d’un autre. Elle a le corps d’une enfant et, de la tête au pied, porte des vêtements signés. Sur la table, un plateau de fruits de mer : elle casse les pattes du tourteau avec les dents. Ils photographient le plat, bien sûr. Il y a du vin blanc dans un seau, certes, mais aussi un verre de coca avec une rondelle de citron sur la table. Coca et bulot mayonnaise, c’est en effet le mariage du bon goût.

 

A leurs pieds, comme avec les sapins de Noël, des paquets en quantité débordent de sacs siglés : Chanel, Louis Vuitton, Saint-Laurent… Il y en a pour une fortune.

 

La suite ICI 

 

Lettre ouverte aux candidats au djihad par Zineb El Rhazoui (*)

 

Avant ton grand départ, je voulais t’écrire comme on jette une bouteille à la mer, car je sais que tu ne lis pas. Je ne te connais pas, mais je sais beaucoup de choses sur toi. Je sais par exemple que tu n’es pas allé t’attabler ce matin avec ton Figaro Magazine sous le bras pour prendre ton café et saluer ceux de ton quartier. Tu me liras probablement en tapant djihad sur ton clavier, car c’est ainsi que tu procèdes. Ton moteur de recherche te proposera peut-être ma lettre parmi la longue liste de sites qui t’ont appris que le crime de masse était ton identité, que pour aimer ton Dieu, il fallait haïr les hommes.

 

Ton identité supposée, celle que tu penses avoir perdue et qui t’a fait entreprendre cette quête, c’est aussi la mienne. Lorsque nous étions enfants, puisque nous avons le même âge, je m’étonnais que tu m’appelles "cousine" quand je venais du bled pour passer mes vacances en France. Je trouvais alors que tu avais beaucoup de chance de vivre ici. Tu avais des droits que je n’avais pas, tu allais à l’école républicaine pendant que je vomissais les cours de religion obligatoires. Tu faisais du sport, alors que le terrain de handball de mon collège était un vaste champ de boue, et que la moitié de mes camarades de classe avaient renoncé aux cours d’éducation physique parce qu’ils ne possédaient qu’une paire de sandales en plastique. Toi, tu venais frimer en été avec tes baskets dernier cri, tu te soignais gratuitement dans des hôpitaux équipés, alors que seuls les plus nantis parmi nous pouvaient se payer des médicaments. Aujourd’hui, tu prônes la médecine mahométane dans des conférences en France, pays de l’hôpital public, tu conseilles de se soigner au Coran, au miel et à l’urine de chameau. Demande à tes cousins du bled, ils ont déjà essayé, ça ne marche pas.

 

Pourtant, tu te sentais exclu. Tu disais que tu n’avais pas eu les mêmes chances que les autres, et tu as oublié que nous, ceux du bled, n’avions jamais eu les mêmes chances que toi. Tu nous as donné beaucoup d’espérance, lorsque enfants, nous t’avons vu t’élever contre le racisme, revendiquer ton droit à l’égalité et à l’intégration. L’antiracisme est devenu un étendard d’espoir, nous avions alors cru à des lendemains républicains meilleurs, à une France qui serait enfin fière de sa diversité. Certains de tes "cousins" ont saisi l’air du temps, ils sont devenus fonctionnaires, enseignants, ministres, avocats ou policiers.

 

Lorsque tu as sombré dans la petite criminalité, ils t’ont trouvé des excuses pour mieux s’attirer le vote de tes pères. Pas moi.

 

Et toi, regarde-toi. Tu as fait de l’antiracisme non pas un combat pour l’universalité des droits, pour gommer les différences entre les citoyens d’un même pays, mais une petite lutte pour faire valoir ta portion congrue. A ta décharge, je reconnais que tu n’y serais jamais arrivé sans l’aide de certains politiques, pour qui l’antiracisme n’était qu’un slogan électoral. Ils ont fait de toi leur chasse-gardée, leur fonds de commerce. Ils t’ont expliqué que toi, né en France, tu étais différent et que tu le serais toujours, car c’est ainsi qu’ils te voient, pas moi. Moi qui fus ta cousine, je sais que tu n’es pas exclu ipso facto, mais que tu te complais dans cette posture pour mieux haïr. Ils t’ont appris que ce n’était pas la peine d’apprendre à l’école, car tu ne trouverais jamais de travail. Pendant ce temps, chaque jour, de nouveaux arrivants en France s’élevaient par le savoir. Ils t’ont ôté toute notion de mérite en te consacrant des quotas, convaincus que c’était le seul moyen pour toi d’intégrer les grandes écoles. Lorsque tu as sombré dans la petite criminalité, ils t’ont trouvé des excuses pour mieux s’attirer le vote de tes pères. Pas moi. Car je sais que si tous les hommes sont égaux en droits, ils le sont aussi en devoirs. Les politiques de ce pays t’ont expliqué que ta religion prônait la paix et l’amour, alors que ton imam t’expliquait qu’il fallait battre ta femme. Que dis-je? Tes femmes! Lorsque tu as arboré un accoutrement afghan pour revendiquer ton identité de Nord-Africain, ces mêmes politiques t’ont expliqué que tu avais le droit de te ridiculiser dans l’espace public, car il s’agissait de ta "culture". Moi, je sais que ce n’est pas l’habit qui fait l’Arabo-Berbère, l’Amazigh, qui dans la langue de Jugurtha, veut dire l’homme libre.

 

Tes droits, tu les as toujours obtenus en français, et pourtant, tu hais cette patrie.

 

Sais-tu au moins ce que le mot djihad veut dire avant d’y aller ? Toi qui baragouines l’arabe depuis que tu appliques à la lettre la foi de Mahomet ? Je gagerais que non. Ton arabe, celui que j’ai tété du sein de ma mère, ce dialecte que parlent tes parents et que tu n’as jamais appris, ne connaît pas ce mot. Tu n’as jamais eu à défendre tes droits en arabe. Tu n’as jamais eu à répondre à ton agresseur parce que tu es une femme, tu n’as pas eu à corrompre un fonctionnaire pour te délivrer ton acte de naissance, ni à expliquer à un policier ce que tu fais avec ta petite amie, ni à chanter les louanges d’un dictateur, ni à supplier à l’entrée d’un dispensaire pour que l’on daigne te soigner. Tes droits, tu les as toujours obtenus en français, et pourtant, tu hais cette patrie. Djihad veut dire effort, mais quel effort as-tu déjà fait avant de te résoudre à faire celui de la guerre? Ton islam à toi, celui que tu penses être ton identité retrouvée, n’est qu’une maladie mentale, une nécrose de la raison, une défaite de ton humanité.

 

Lorsque tu cesseras de te faire passer pour une victime alors que tu es ton propre persécuteur, lorsque tu accepteras d’être enfin ton seul maître, et non le mercenaire et l’esclave d’une idéologie qui te méprise tout autant que ces politiques qui ont fait de toi le parent pauvre de la République, je pourrais te dire, moi ta lointaine "cousine" du bled, comment faire pour t’intégrer en France tout en retrouvant enfin ton identité. Pour l’y avoir étudiée, je pourrai te démontrer que ta langue, l’arabe, est remarquablement enseignée dans notre pays. Je t’apprendrai que Paris est la capitale de la culture arabe, celle qui n’a pas droit de cité sous les cieux de nos dictatures. Je t’emmènerai voir des spectacles d’artistes arabes qui ne peuvent plus se produire dans leur pays à cause de tes idéologues. Je te montrerai que la France est aussi la Mecque de ceux parmi nous qui défendent les droits humains dans des pays qui les violent allègrement. Si tu es encore parmi nous, tu verras qu’il est possible de renouer avec ton identité perdue, tout en étant plus français que jamais.

 

Z.E.R.

 

(*) Zineb El Rhazoui est journaliste à Charlie Hebdo. Rescapée de la tuerie du 7 janvier 2015, Zineb El Rhazoui est l’une des femmes les plus protégées de France et vit depuis 2009 sous protection policière en raison de ses propos sur l’islam. Née à Casablanca, au Maroc, en 1982, elle est diplômée de l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et titulaire d’une maîtrise en sociologie des religions.

 

Source : Le Figaro du 25 juillet 2016.

 

« L'erreur de l'Europe est de penser l'islam sur le modèle du christianisme »

 

Opinion | Quelles sont les sources théologiques dans lesquelles l'État islamique puise ? Comment peut-on continuer à appréhender la religion musulmane à travers le prisme du christianisme ? | Par Rémi BRAGUE, de l’Institut, professeur émérite à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, spécialiste de la philosophie médiévale arabe, membre du Conseil d’orientation de l’Institut Thomas More | Publié par Le Figaro, 19 juillet 2016

 

Mohamed Lahouaiej Bouhel, à en croire ses proches, n'avait pas le profil d'un djihadiste. Le ministre de l'Intérieur a parlé de « radicalisation express ». Que vous inspire cette réflexion ?

 

Pas mal de perplexité. Dans le cas précis du tueur niçois, nous ne sommes pas encore totalement au clair sur ses motivations. Et, quel que soit le rythme auquel elle s'opère, la « radicalisation » n'est pas une notion claire. Il faudrait d'abord se mettre d'accord sur ces « racines », auxquelles le mot renvoie. Pourquoi retourner aux racines devrait-il mener au crime ?

 

La vie de l'individu (viveur, buveur d'alcool, danseur de salsa) témoigne de son éloignement de l'islam. Les hommes du 11 Septembre étaient aussi, en apparence, des « Occidentaux » dans leur mode de vie. Comment expliquer cette schizophrénie ?

 

Il faudrait d'abord vérifier les déclarations de ceux qui parlent de cet individu. Bon nombre de ceux qui se sont fait exploser ou ont tué sont présentés après coup comme de gentils garçons serviables et sans problème, voire, suprême compliment, jouant au foot... Schizophrénie ? Peut-être pas... Il se peut que la pratique d'un djihad violent soit aussi, pour certains, une façon de « se faire pardonner » une adaptation trop facile à des mœurs occidentales jugées corrompues, voire de se punir soi-même de ces compromissions. Se faire exploser est plus rapide qu'entrer dans un processus long et pénible de conversion.

 

La suite ICI

 

Ce que n’ose pas encore dire Sarkozy par François Bazin

 

"Les arguties juridiques" dénoncées par Nicolas Sarkozy après l’assassinat du prêtre de Saint-Etienne-du-Rouvray ne sont rien moins que des règles d’ordre constitutionnel. A ce titre, les mots choisis par le président des Républicains sont à la fois dangereux et indécents. On ne les retrouve pas dans son interview au Monde et c’est heureux. Les propositions avancées dans cet entretien précisent les intentions d’un ancien chef de l’Etat qui aspire à le redevenir. Ce qui est logique et normal dans un débat démocratique digne de ce nom, même si le projet qu’elles dessinent attentent, en bloc et en détails, à ce qui en constitue le fondement.

 

Les institutions de la Cinquième République ne sont pas un bloc intangible. Elles peuvent être modifiées. Elles l’ont été à de nombreuses reprises. François Hollande avait d’ailleurs souhaité qu’elles le soient à nouveau au lendemain des attentats du 13 novembre 2015 sur l’état d’urgence et la déchéance de nationalité. Ce n’est pas parce qu’il a échoué dans cette tentative sous les tirs croisés d’une partie de la gauche et d’une fraction de la droite que toute tentative de révision doit être exclue par principe, dans un avenir proche.

 

De ce point de vue, Laurent Wauquiez est plus explicite et plus franc que Nicolas Sarkozy quand il suggère aujourd’hui, dans Le Figaro, d’«adapter» notre loi fondamentale aux exigences de la lutte anti-terroriste telle qu’il la conçoit. Sur la présomption d’innocence, via le sort réservé aux fichés S, la droite ne pourra pas avancer demain, si elle revient au pouvoir, qu’en modifiant le préambule de la Constitution qui se réfère explicitement à la déclaration des droits de l’homme de 1789. Rien ne le lui interdit à condition, bien sûr que cette révolution juridique soit validée par le peuple français, selon les procédures qui sont celles de notre démocratie. En l’occurrence, on imagine mal que tout cela ne passe pas par un référendum, en bonne et due forme.

 

Le jeu de l’émotion dans un calcul politique

 

Là est la vraie limite de cette stratégie du «toujours plus» qui sert de boussole à la droite depuis quelques semaines. Dans un premier temps, au lendemain de l’attentat de Nice, elle n’a eu pour seul objectif que de casser les réflexes d’unité et de rassemblement qui s’étaient manifestés dans la rue en janvier 2015, après Charlie et l’Hypercacher, puis, en novembre, au congrès de Versailles, après la réplique du Bataclan. Pour parvenir à ses fins, elle a utilisé toutes les armes de la polémique, fussent-elles les plus basses, face à un pouvoir d’autant plus faible qu’il ne dispose plus de bases politique suffisantes pour lui assurer une crédibilité minimale, au sein d’une opinion taraudée par la peur.

 

Christian Estrosi et, sur un mode mineur, Éric Ciotti, ont été les artisans de cette politique insensée, dictée par le court-terme, qui vise à rendre tout gouvernement, par nature, non pas responsable mais coupable de la moindre action terroriste sur le sol national. Sans doute fallait-il des hommes de sac et de cordes pour en arriver là. Mais comment ne pas voir qu’on ne peut à la fois admettre que le pays est «en guerre» pour longtemps tout en s’en prenant par principe et à la moindre occasion à l’action de ceux qui sont chargés de la mener?

 

Sur de telles bases, on souhaite du plaisir à quiconque prétend aux plus hautes fonctions de l’Etat alors que chacun sait bien que face au terrorisme le risque zéro, hélas, n’existe pas. Personne n’a jamais contesté qu’on puisse faire mieux dans ce combat-là. Mais ce n’est pas faire preuve d’on ne sait quel «fatalisme» que de dire aux Français qu’il ne sera pas gagné de sitôt. Le profil du tueur de Nice montre en tous cas combien il est illusoire de tout prévoir et de tout surveiller. Si la droite s’est saisie de ce drame pour faire le procès du gouvernement, c’est d’abord par calcul. Derrière l’émotion du moment, il y avait une intention déclinée de sang-froid.

 

On remarquera au passage que les leaders les plus «modérés» de la droite n’ont pas su résister à cette stratégie de délégitimation systématique, dictée par des enjeux liés à la future primaire de l’opposition. Alain Juppé a ainsi montré sa faible capacité de résistance aux ultras de son camp. Le maire de Bordeaux est peut-être «droit dans ses bottes» mais celles-ci sont en caoutchouc. S’il devient un jour Président, ce n’est pas ainsi chaussé qu’il parviendra à ne pas être, à son tour, un de ces «petits bouchons» ballotés par les frondeurs de tous poils.

 

Le chef des «Républicains» s'attaque aux traditions ... républicaines

 

Pour sortir de ce piège qu’elle a elle-même creusée, il fallait donc que la droite, par la voix de ceux qui, dans ses rangs, conservent un sens minimum de l’Etat, sache trouver autre chose que des coups de dagues destinés à faire tomber, un jour le ministre de l’Intérieur, un autre le Premier ministre, et à interrompre de facto le mandat du Président, neuf mois avant son terme. Nicolas Sarkozy s’y emploie à sa façon. A chaque attentat, depuis un an et demi, il procède de la sorte.

 

En janvier 2015, il n’avait rien trouvé mieux que de proposer une révision… du régime d’heures supplémentaires des policiers. En novembre 2015, il avait expliqué, au grand dam d’Alain Juppé, que «solidarité» ne signifiait pas «unité» avant de suggérer, face à un Président attentif, l’armement permanent des forces de sécurité ainsi que la déchéance de nationalité. Cette fois-ci, il s’engage sur un terrain qu’il avait jusque-là évité, en dépit des pressions de certains de ses proches, tel Laurent Wauquiez.

 

Dans l’arsenal sarkozyste, figurent désormais des mesures qui visent à créer, sur le plan juridique et pratique, ce qui ressemble trait pour trait à un Guantanamo à la française. Ce faisant, il répond aux injonctions d’une partie de la droite qui n’hésite plus à parler de la nécessaire «israélisation» de nos politiques anti-terroristes, sans d’ailleurs voir que ni les Etats-Unis, ni même Israël, n’ont su dresser les barrages qui les mettent à l’abri du moindre attentat. Ces politiques ne sont pas en soi illégitimes. On peut les défendre dans le cadre d’un débat politique démocratique. De même qu’on peut les combattre en notant qu’elles remettent en cause ce qui constitue le cœur de nos traditions judiciaires et, au-delà, de nos traditions républicaines.

 

Il n’est pas anodin que les révisions que ces projets impliquent renvoient à la déclaration des droits de l’homme de 1789. Si Nicolas Sarkozy préfère, pour une fois, ne pas aller jusqu’au bout de son raisonnement et que Laurent Wauquiez choisit d’euphémiser son propos en ne parlant que d’«adaptation» de la Constitution, n’est-ce pas aussi parce qu’ils mesurent l’ampleur du saut qu’ils proposent? «Le discours de la gauche ne correspond plus à la réalité», vient de dire le président des Républicains dans son interview au Monde. La question est maintenant de savoir si le nom de son parti est lui aussi conforme à cette réalité. Elle sera, quoiqu’il arrive, au centre de la campagne de la prochaine présidentielle et, après tout, au point où on en est, c’est très bien ainsi.

 

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7 août 2016 7 07 /08 /août /2016 06:00
«Le sport sérieux n’a rien à voir avec le fair-play. Il est indissociable de la haine, la jalousie, la forfanterie, le mépris de toutes les règles et le plaisir sadique de voir de la violence. En bref, c’est la guerre sans les coups de feu.» - George Orwell

François Hollande accompagné de deux dames : Anne Hidalgo, maire de Paris, et Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, se rend à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Rio, afin de plaider la candidature de Paris aux JO de 2024.

 

Hormis les critiques liées à ce qu’il va être reçu par le très contesté Michel Temer, président intérimaire du Brésil depuis la mise en œuvre de la procédure de destitution de Dilma Rousseff, et qu’il aurait sans doute mieux à faire que de se transformer en VRP d’une nouvelle candidature de Paris, j’ai décidé de lui offrir le livre de Robert Redeker paru en 2008 « Le sport est-il inhumain ? »

 

 

Notre cher et vilipendé Président, grand amoureux du sport, aura eu tout le temps de le lire dans l’avion qui l’a transporté jusqu’à Rio-de-Janeiro.

 

Sans endosser les oripeaux des altermondialistes, je reprends à mon compte leur célèbre formule en l’appliquant aux athlètes : le sportif n’est pas une marchandise !

 

Et pourtant, comme l’écrit dans son livre Robert Redeker :

 

« Formulons, avant de l’examiner, une hypothèse : le sportif est un mutant soumis à l’impératif de la commercialisation. Il se doit d’être commercialisable. Il ne s’appartient pas – en ce sens, il est le contraire de l’homme libre - il appartient à ses sponsors, il appartient aux médias qui vivent de ses efforts, il appartient à la grande masse des consommateurs d’évènements sportifs. » Alors, continue-t-il « Personne ne se scandalise de ce que les footballeurs, les coureurs cyclistes, et à présent les rugbymen aussi, s’achètent et se vendent sur le mercato, marché interlope où pullulent des maquignons spécialisés dans la chair compétitive, assimilables à de véritables entremetteurs (…) Le sens de leur propre dignité s’est tellement éclipsé chez les sportifs professionnels qu’ils trouvent normale la tenue de pareils marchés. Comme s’ils étaient des bœufs, comme s’ils étaient des esclaves. »

 

Je sais que je risque de ne guère pas vous émouvoir car ce « bétail » palpe lourd, les salaires voisinent ceux des patrons du CAC 40. Mon propos ne se situe pas sur ce plan mais celui d’une véritable mutation des corps des athlètes de haut niveau.

 

Vous qui dézinguez dans la joie et la bonne humeur, comme au temps des chantiers de jeunesse, de braves épis de maïs mutants qui ne vous ont rien fait allez-vous rester insensible à l’érection de Robocops en short. Bien sûr je pourrais vous la jouer en émotion rétrospective, en vous chantant les arabesques de Gachassin, les dribbles chaloupés de Rocheteau, les coups francs de Platini, ou les coups de pédales fluides d’Anquetil ou de Charly Gaul. Des mecs comme nous, des gus dans lesquels on aimait se projeter. Bien sûr, certains, comme Anquetil, se sont un peu dopé à l’ancienne : « bien souvent je me suis fait des piqures de caféine… » Tom Simpson, anglais sympathique, est mort sur les pentes du Ventoux, en plein cagnard, le 13 juillet 1967. Mais comme l’indique Redeker « le dopage de son corps ne se limite plus depuis belle lurette à l’absorption occasionnelle d’une potion magique afin de se surpasser artificiellement. Loin de ce folklore passé de saison, le dopage s’inscrit dans la science en tant que technologie systématique de fabrication de compétiteurs hors normes sur la longue durée. »

 

Je cite toujours : « Le dopage contemporain se définit par la possibilité de changer le corps sur le long terme. La substitution des dopages génétiques et basés sur les nanotechnologies au dopage exogène pointe à l’horizon. Avec le dopage contemporain, et plus encore celui de demain, nous frôlons l’univers des chimères – ces animaux étranges, mi-hommes, mi-bêtes, auxquels les biotechnologies donnent naissance, univers préparé aussi par le dopage génétique. Insuffler des cellules souches embryonnaires d’un cerveau humain à une souris met au monde une chimère. Les sportifs de l’avenir seront peut-être produits sur le modèle des chimères. »

 

Et plus dure sera la chute : « Le dopage high-tech – celui que les contrôles ne parviennent jamais à déceler, mais que tous les responsables du fait sportif, ainsi que la grande masse des observateurs savent l’existence – est sur le point de fabriquer des HGM, des humains génétiquement modifiés, destinés à assurer le spectacle permanent de la compétition. »

 

 

Le mensuel d'avril 2009 de l'UFOLEP et de l'USEP, reprenait l'introduction de Robert REDEKER pour son livre “ Le sport est-il humain?” aux éditions PANAMA

 

« Le sport a bien changé. Les sportifs ont bien changé. Assister, depuis les travées d'un stade ou devant son poste de télévision, à un match de football, de rugby, aux jeux Olympiques ou au Tour de France cycliste, à un tournoi du Grand Chelem de tennis, engendre un plaisir qui n'est plus le même que jadis, car il est devenu impossible de se projeter sur les champions. Le plaisir du spectacle sportif, à présent, n'est plus l'antique plaisir de projection. Chacun pouvait se prendre pour Kopa, pour Poulidor, pour Fouroux ou Maso, pour Gachassin et même pour Platini, parce que ces sportifs, entre mille autres, possédaient une apparence physique semblable à la nôtre, nous, hommes du commun.

 

Lorsque, sur une chaine de télévision spécialisée dans la rediffusion d'événements sportifs du passé - la chaîne ESPN -, le désir nous prend de regarder l'épopée des «Verts», la fameuse AS Saint-Étienne des grandes années, celle de Rocheteau et des frères Revelli, nous ne manquons pas de marquer de la surprise devant la silhouette de ces vedettes de naguère. On dirait des gringalets ! On dirait des juniors ! Pour illustration, remémorons-nous l'allure de Dominique Rocheteau, ou celle de ce prestidigitateur footballistique que fut Jean-Marc Guillou! De Dominique Rocheteau, en ces années soixante-dix, il était encore possible de dire ce qu'Henry de Montherlant écrit, dans un superbe poème, de tout ailier : « un ailier est un enfant perdu ». Produit usiné pour être vendu aux chaînes de télévision, le football contemporain a substitué à ces « enfants perdus » des montagnes de muscle, des Robocop et des Terminator.

 

La même impression nous submerge au spectacle, sur la même chaîne de télévision, des matchs de rugby des années soixante et soixante-dix. On découvre à quel point le physique des sportifs s'est transformé. Leur allure reflétait celui de l'homme de la rue. Début février 2008, Jean Gachassin foula la pelouse du Stade de France, pour donner le coup d'envoi d'un match du Tournoi des Six Nations, France-Irlande. Sa présence fit ressortir avec netteté le contraste entre deux rugbys, deux époques, deux approches du jeu, du sport, du corps. Ce lilliputien dépassant à peine un mètre soixante, magicien d'un rugby défunt que pratiqua aussi le mythique demi de mêlée néo-zélandais Chris Laidlaw, de deux ans son cadet, semblait revenir d'un monde bien éloigné de celui des Goliath contemporains qui attendaient l'heure d'en découdre. (...)

 

Le plaisir de la projection trouve son fondement dans la possibilité d'imiter de façon imaginaire l'action ou le sentiment qui se donne en spectacle, sur la scène, sur l'écran, sur le stade. L'imagination est l'action psychique, au coeur de notre intériorité subjective, par laquelle nous imitons les actions physiques (la course, la pédalée, le coup de raquette, la passe, le drop, le coup franc ou le penalty, etc.) aussi bien que les sentiments (la joie, l'espoir, l'exaltation, l'abattement, la révolte) des champions. Plus : nous imitons également l'état physique, la fatigue ou bien la forme resplendissante. Tendance lourde, la transformation de l'aspect physique d'un nombre de plus en plus important de sportifs (...) interdit peu à peu cette imitation. (...)

 

Cette forme particulière d'intérêt pour le sport, dans laquelle l'imitation occupe la place centrale, ne court-elle pas le risque de se retrouver en voie d'extinction? Souvenons-nous de Tony Rominger, le champion cycliste suisse, descendant de vélo après avoir battu le record du monde de l'heure, en octobre 1994. Avait-il une autre allure que celle d'un extra-terrestre ? Une remarque radiophonique d'Eddy Merckx après la performance de Rominger incite à la réflexion: «Ce n'est plus un coureur cycliste. » De là à entendre « Ce n'est plus un homme »... (...)

 

Prenons place sur les gradins, dans le but d'assister à des affrontements rugbystiques; très différents des folles chevauchées à perdre haleine et à couper le souffle que nous offrait le rugby du temps des frères Boniface (...), les matchs contemporains engendrent en nous le sentiment d'une affaire de science-fiction, d'un combat entre des prototypes d'humains futuristes peuplant un jeu vidéo. D'un combat de Titans fabriqués d'acier, de chimie et d'électronique. Que sont d'autres ces trois-quarts centre perce-murailles de l’équipe de France, tel Damien Traille (1,94m, 104kg), sinon des destructeurs du rêve rugbystique? La grâce ailée des trois-quarts d'antan (...) a laissé place aux chars d'assaut sans subtilité ni poésie, pratiquant un panzer rugby. L'impression que ce sont des êtres humains ordinaires qui concourent sur le terrain s'est perdue chez beaucoup de spectateurs. Il importe d'en rechercher les raisons.

 

Comme le rappelle Daniel Herrero, évoquant dans un superbe livre, « L ‘ Esprit du jeu », l'uniformisation des corps, le rugby était naguère le jeu de l'humanité ordinaire où se retrouvaient, autour d'un ballon aux rebonds capricieux, le gros courtaud et le grand maigre. Don Quichotte et Sancho Pansa, Astérix et Obélix, le petit dynamique à qui revenait le poste de demi de mêlée, le bedonnant destiné au poste de pilier ou de talonneur. Chacun pouvait y jouer, chacun pouvait s'y illustrer. La Coupe du monde 2007 a montré autre chose : les différences deviennent imperceptibles entre un arrière, un trois-quarts centre et un troisième ligne. Universalisé par les médias, le rugby n'est plus jouable par chacun: il n'est plus un sport universel. (...) Une distance infinie s'est creusée entre nous, humains ordinaires, humains de la rue et des trottoirs, et les joueurs, humains fabriqués pour les grandes compétitions sportives, humains.

 

 

Le sport est-il inhumain? ICI 

 

29 juillet 2016 | Leszek Sibilskides

 

 

*Agrégé de philosophie et aujourd'hui chercheur au CNRS, Robert Redeker, 61ans, est l'auteur de plusieurs essais, dont Le sport contre les peuples (Berg, 2002). Fin 2006, il fut l'objet de menaces de mort après la parution dans Le Figaro d'une tribune critiquant l’Islam. La rédaction du Figaro se désolidarise de Redeker et présente des excuses sur Al Jazeera. Pierre Rousselin, directeur adjoint de la rédaction du Figaro, estimera que cette publication a été « une erreur ». L'article est enlevé du site web du Figaro, mais il y est remis par la suite.

 

Lire aussi ma chronique ICI

Qui se souvient de Nadia Comaneci cette « machine poétique sublime » qui « jette la pesanteur par-dessus son épaule » au JO de Montréal en 1976

« Les Russes ont fasciné le monde entier avec Spoutnik, et, comme les Etats-Unis, ils garderont leur supériorité militaire. La Roumanie, elle, fait de celles que Béla appelle ses « fillettes missiles » le show mondial le plus adorablement fascinant avec l’arme suprême : la bombe Nadia C., qui exécute ce que des spécialistes américains évoquent en ces termes, « de la démence pure, une impossibilité biomécanique ».

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6 août 2016 6 06 /08 /août /2016 06:00
L’habit fait-il encore le moine ? Les tenants de l’uniforme civil de Steve Jobs à BHL en passant par Ardisson.

« Dans notre société hypermoderne et « performeuse », la pure spontanéité est devenue rarissime. Tout le monde est plus ou moins factice, joue un rôle avec une gravité sans faille. Du PDG qui enfile chaque jour son costume sombre de tueur en col blanc au bad boy des cités qui arbore ostensiblement sa tenue ultra-codifiée de gangstarap, tout le monde fait l'acteur, endosse une panoplie permettant de s'identifier socialement.

 

Il n'y a pas si longtemps, les métiers avaient un uniforme, dans la rue on pouvait voir passer le charpentier, le maçon, ou le bougnat, cette fierté d'appartenir à une corporation les dispensait d'avoir à jouer un rôle, il leur suffisait d'être, tout simplement. Depuis, les frontières se sont brouillées, et chacun choisit son propre habit de scène au magasin des accessoires, c'est-à-dire chez Armani ou chez Décathlon, ce qui aboutit, non à la diversité, mais au contraire, à une forme de standardisation fondée sur quelques archétypes convenus et débouchant sur l'anonymat pur et simple... »

 

Olivier Bardolle Des ravages du manque de sincérité dans les relations humaines L'Esprit des Péninsules

 

Le comble de l’uniformité serait-il de s’habiller tout le temps pareil !

 

Steve Jobs, le patron d’Apple, après avoir caressé l’idée au début des années 80 d’imposer un uniforme à ses employés, accumula au fil des ans plus d’une centaine de polos noirs à manches longues et col cheminée de la marque St. Croix, ainsi que des dizaines de paires de 501 Stonewashed et de New Balance grises, modèle 991.

 

 

L’écrivain Tom Wolfe, collectionne les costumes blancs qu’il arbore chaque jour, tout au long de l’année.

 

 

En France, BHL, Michou, Thierry Ardisson, ont forgé leur image autour d’une charte graphique précise : chemise blanche ouverte pour l’éternel nouveau philosophe courant sur tous les fronts de la planète, que du bleu pour le noctambule montmartrois y compris les lunettes, rien que du noir pour le poseur de question « est-ce que sucer c’est tromper ? »

 

 

« À chaque fois, ces tenants de l’uniforme civil, il y a la volonté de faire passer un message. Ils ne s’habillent pas, ils communiquent. Pour Ardisson, le noir est aussi le moyen, outre de cacher un imposant arrière-train, de marteler qu’il n’est pas un animateur télé ordinaire… »

 

Marc Beaugé.

 

Pour ma part je n’aime pas les uniformes civils ou militaires – lisez moi bien pour en porter un chaque jour – alors être habillé chaque jour en deuil comme Ardisson ou être accoutré été comme hiver d’un col roulé comme l'était Steve Jobs ce n’est pas ma tasse de thé.

 

J’aime changer de vêtements selon mes humeurs, le temps qu’il fait, du lieu où je vais…

 

J’aime les couleurs…

 

Le seul uniforme que j’ai porté fut un sarrau d’écolier, gris ou noir.

 

Détournement d’uniforme

 

« Des tenues de chantier aux habits militaires, les vêtements professionnels sont réinterprétés par les créateurs dans des matières plus nobles.

 

Lors des défilés de janvier dernier pour l'automne-hiver 2015-2016, combinaisons de chantier revisitées, vert militaire et orange signalétique, sacs marins et chaussures de sécurité pour la ville.

 

Dans un atelier de maintenance de la RATP, Dries Van Noten présente des dockers empreints de poésie. Ils sont vêtus de parkas, gilets de protection et autres cabans dont les bandes phosphorescentes se seraient changées en broderies ou étoffes moirées.

 

 

Chez Umit Benan, l'homme prend des allures (très littérales) de pêcheur - pull marinière et salopette en toile enduite jaune - quand, chez Jil Sander, Rodolfo Paglialunga applique le souci d'épure de la maison à des vestes multipoches assorties de pantalons resserrés à la cheville façon treillis, et de gros godillots à semelles crantées.

 

Bien entendu, ce n'est pas la première fois que le vêtement de travail sort du cadre professionnel. «C'est à la fin du XIXe siècle que la haute bourgeoisie commence par détourner les tenues de travailleur pour la pratique du sport. Par exemple, les chandails et tricots de corps en coton que l'on ose alors porter pour jouer au tennis. Fonctionnelles, pratiques et confortables, ces pièces sont ensuite devenues des classiques du dressing contemporain au fil du siècle dernier», rappelle Xavier Chaumette, historien de la mode. Dans les années 1960 et 1970, bleus d'ouvriers, uniformes de soldats et manteaux de marins ont accompagné l'émancipation de la jeunesse.

 

Reste que l'apparition du vêtement de travail dans les collections de prêt-à-porter témoigne généralement de l'essoufflement d'un modèle. Pendant la guerre du Vietnam, les jeunes hippies détournaient habits militaires et vestes de travail en symbole de paix. Plus récemment dans les années 1990, des labels comme APC les ont remis au cœur d'un style désigné comme antimode. «Ces pièces somme toute très basiques sont souvent le signe d'un ras-le-bol de la mode. Leur simplicité nous rend tous égaux et son côté passe-partout est un refuge», décrypte Xavier Chaumette.

 

 

« Les hommes ont la passion des idées simples, le complexe, l'ambigu, le raffiné les inquiètent, la mentalité générale procède d'une psychologie de basse-cour. Tout doit être conforme, convenu, prévisible. »

 

Olivier Bardolle

Carrière : haro sur les costumes insipides ICI

Quelle cravate : la bleue ou la noire ? Selon la BBC, la façon de s’habiller pour se rendre au travail revêt bien plus d’importance que ne le laisse transparaître cette question d’esthétique. Un costume gris ou noir classique, par exemple, ne permet pas à celui qui le porte de marquer les esprits lors d’une présentation. Un vêtement trop banal pourrait même freiner la carrière, assurent en chœur des stylistes de grandes maisons de couture. Venant du monde de la mode, cette affirmation est plutôt attendue. Mais la recherche scientifique va également dans ce sens. Ainsi, une étude allemande établit un lien direct entre la perception de soi et les vêtements portés. Professeure de psychologie à l’université du Hertfordshire, Karen Pine rappelle de son côté qu’on juge en quelques secondes une personne qu’on rencontre pour la première fois et que les habits jouent un rôle primordial dans cette première impression.

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5 août 2016 5 05 /08 /août /2016 06:00
Macaronis ! Macaronis ! Macaronis ! Vita di merda !!! « La Belgique, pays du bonheur ! »

« Avec Macaroni il n’est pas question de pâtes, mais bien de ces immigrés italiens venus en Europe à partir de la fin du XIXème siècle pour trouver du travail dans les bassins miniers du Nord de l’Europe (en Belgique, en l’occurrence).

 

 

« Cette immigration s’est faite dans la douleur. Quand je me souviens de ce que disait ma grand-mère, elle évoquait avec nostalgie le lien qu’elle avait encore avec l’Italie qu’elle n’avait pas quitté de gaîté de cœur. Quand on émigre, le lien avec la terre natale reste fort. » Indique Vincent Zabus le dessinateur de cette bd toute en délicatesse. Il est italien et sa famille a connu l'immigration.

 

« Ottavio est l’un d’eux. Pour bâtir son histoire, Vincent Zabus s’est inspiré de la vie rocambolesque du père d’Inès, une de ses amies, qui l’avait frappé. Un homme aigri qui avait le sentiment d’avoir raté une vie bousculée par les aléas de l’Histoire.

 

Macaroni c’est une histoire, celle d’Ottavio, dans la grande Histoire dont Zabus. Le récit de Vincent Zabus dévoile en effet l’histoire de générations qui se rencontrent enfin, le pépé et son petit-fils qui ne se voyaient qu’une fois l’an, de la découverte d’un passé familial empreint de déracinement et de renoncement, d’identités oubliées. Le travail de scénariste qui a revu plusieurs fois sa copie comme il l’explique dans la postface.

 

« Le tout est brillamment mise en image par Thomas Campi (un dessinateur d’origine italienne : impossible d’y voir un hasard). Au long de ces cent vingt-cinq planches, Campi développe un dessin enlevé et lumineux, bien loin des clichés gris de la cité minière, et qui symbolise toute la force des sentiments de cette communauté italienne. »

 

 

L’histoire se focalise donc sur les rapports entre le grand-père et le petit-fils, de la non-relation initiale, planche après planche le « vieux chiant » et le stupidino apprennent à se connaître, avec peu de mots de VC, beaucoup plus de la part du gamin, ils se comprennent et s’aiment. L’écriture de Zabus est efficace et ne tombe jamais dans le pathos en dépit de la somme des non-dits familiaux, des fantômes du passé qui hante la vie d’Ottavio : la mine, la guerre, la lettre des chemins de fer italiens non transmise, Giulia, sa femme décédée…

 

 

« Je me suis toujours laissé faire. Et j’ai tout laissé filer.

 

- Tout quoi ?

 

- Toute ma vie.

 

[…]

 

« À trois ans mes parents m’ont donné à ma tante.

 

- Donné ? !

 

- Oui. Elle avait pas d’enfants. Et mon père, il en avait beaucoup. Alors, il m’a envoyé vivre chez sa sœur. C’était comme ça….

Au début j’ai pleuré. Puis j’ai compris qu’être fils unique de ma tante c’était mieux qu’un des sept de mes parents. Très heureux, j’ai été avec elle. Puis elle est morte. J’avais douze ans…

Je suis retourné chez mes parents. Là, j’ai vite compris que c’était plus chez moi. Pour eux, j’étais devenu le fils de ma tante…

Puis, à 18 ans, on m’a envoyé à la guerre. Benito Mussolini, il m’a dit de tirer. Je ne savais pas sur qui mais j’ai dit oui…

Puis on m’a dit « Va en Belgique ! » J’ai dit oui ! « Descends à la mine » ? Oui ! « Crève de misère » ? Oui !...

Oui, oui, oui…

J’ai jamais décidé de rien ! Rrr… Comme si cette vie n’était pas la mienne ! …

Jamais je me suis senti chez moi quelque part. Jamais !

 

- Mais en Belgique…

 

- La Belgique ? ! Tu sais comment les gens d’ici nous appelaient quand on est arrivés ? Les Macaronis…

 

Macaronis ! Macaronis ! Vita di merda !!!

 

Une BD à acheter absolument !

 

Macaronis ! Macaronis ! Macaronis ! Vita di merda !!! « La Belgique, pays du bonheur ! »
Macaronis ! Macaronis ! Macaronis ! Vita di merda !!! « La Belgique, pays du bonheur ! »
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4 août 2016 4 04 /08 /août /2016 06:00
La belle et triste histoire de Don Papè le pépé de Salvatore Adamo «maître des eaux» de Comiso en Sicile

« À notre arrivée en Belgique, mes parents et moi avons vécu trois ans «à l’écart», au purgatoire si j’ose dire, dans une cité de baraques en bois, au toit en tôles ondulées, à un jet de pierre de la mine où trimaient mon père et ses amis émigrés. Ils ont broyés du noir, au sens propre et sale. Le charbon était partout. Il noircissait le ciel, le vert des arbres, les prairies, les nuages, les mineurs, leur femme, leurs enfants, leur repas, et sans doute leur esprit. »

 

 

Né à Comiso (Sicile) en 1943, Salvatore Adamo est fils unique pendant les sept premières années de sa jeune existence. 


Antonio, son père, est puisatier. Quant à sa mère, prénommée Concetta, elle s’occupe de son petit garçon. Quatre ans après la naissance de leur fils, Antonio trouve un travail de mineur en Belgique et laisse femme et enfant. 

Salvatore apprend bien plus tard que l’Italie, au lendemain de la guerre, reçoit une tonne de charbon belge pour chaque mineur émigré. Quelques mois après le départ d’Antonio, Concetta et le petit Salvatore le rejoignent à Ghlin, en Belgique. 

Puis toute la famille s’installe dans la cité minière de Jemmapes, non loin de Mons, traversée par deux rivières dont les noms sont peu rassurants : La Haine et La Trouille. Les distractions sont rares et la vie est difficile. 


Le père de Salvatore part chaque jour au fond du puits numéro 28 de la mine, afin de gagner suffisamment d’argent pour nourrir sa famille. Pourtant, parfois, il emmène Concetta au dancing de Jemmapes et pendant qu’ils virevoltent enlacés sur la piste, portés par les mélodies de Nat King Cole, leur petit garçon rêveur est perdu dans ses pensées. 

 

Salvatore, le prénom de son grand-père paternel, Adamo, est retourné en Sicile à l’âge de onze ans.

 

Après avoir visité nono Turi, diminutif de Salvatore, à Vittoria, sa mère décide de le conduire chez ses parents à Comiso où il retrouve son autre grand-père, Giuseppe alias Don Papè.

 

 

Il écrit : « Me voici donc élevé au rang de « Petit-fils du maître des eaux », rien de moins ! Don Papè était simplement cantonnier et responsable de l’eau de la ville. Mais vous savez l’importance du titre en Italie. Tous les matins, à sept heures, il montait à son château… d’eau, et ouvrait les vannes.

 

Tout Comiso pouvait recommencer à vivre, à se désaltérer, à se laver… jusqu’à 19 heures, quand il remontait imperturbable pour ramener implacablement, à deux mains, les immenses rosaces en cuivre des robinets à leur point mort ; et c’était fini. Plus une goutte du précieux liquide ne sortait. Tels étaient les ordres. La survie du village passait par cette intransigeance. Ce qui faisait de mon pépé l’homme le plus aimé de Comiso le matin, et le plus haï le soir.

 

J’ai donc vécu au rythme de ses journées pendant deux semaines ; l’après-midi, après la sieste, il m’emmenait au cercle des anciens combattants où il jouait aux cartes en attendant de devoir remonter au château. Bien entendu les parties étaient arrosées de vin du pays.

 

 

 

Quelques années plus tard, dans une lettre que grand-mère Tatedda nous écrivit à Jemmapes, nous apprîmes qu’un jour Don Papè avait un peu plus éclusé que de coutume pendant la briscola (lire ICI ), belote italienne, il s’était assoupi au cercle dans un fauteuil… Personne n’avait pensé à le réveiller, ou n’en avait pas simplement eu l’envie, pour le punir, se moquer de ce qui chez lui pouvait passer pour de la superbe. Grand-père laissa couler l’eau deux heures de plus. Tout le village s’en réjouit et en profita, pensant que le temps de la disette était derrière lui. Hélas, Don Papè reçut le lendemain même un blâme très sévère de la part des responsables des eaux et forêts, parce qu’il avait dilapidé le capital phréatique du bourg en pleine sécheresse, et par conséquent mis son avenir en péril. Il fut donc destitué et se retrouva au chômage, humilié au plus profond de son âme d’homme de devoir. Il se mit à boire, et par conséquent à dépérir.

 

La lettre de ma grand-mère nous avait angoissés à juste titre, puisque quelques mois plus tard, il s’éteignit dans le parc dont il était devenu le gardien, allongé sur un banc, sous le caroubier qui lui faisait de l’ombre. Dès qu’il sombra apaisé dans son dernier sommeil, le ciel, comme pour réhabiliter le souvenir de mon aïeul, ouvrit grand les vannes pour verser une immense larme et rafraîchir le village d’une pluie salvatrice qui fit crier au miracle. Le maître des eaux était béatifié dans la mémoire collective populaire.

 

Bon ! D’accord. J’ai sans doute embelli sa fin, mais je la préfère à la vraie. »

 

Ce texte est tiré de la préface que signe Salvatore Adamo à la superbe BD : MACARONI sur laquelle je chroniquerai demain.

 

Salvatore Adamo: Torno a Comiso, per cantare

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3 août 2016 3 03 /08 /août /2016 06:00
Specific Cheeses – Chavignol Impression à encre pigmentaire sur papier Diptyque

Specific Cheeses – Chavignol Impression à encre pigmentaire sur papier Diptyque

Quand tu veux la paix, prépare la guerre…

 

Quand tu veux te vendre cher fais monter les enchères…

 

La bataille du camembert authentique était menée par Thierry Graindorge président de la société éponyme.

 

David contre Goliath, Graindorge c/Lactalis !

 

Tant et si bien qu’au temps de Bruno Le Maire, élu de Normandie, il me fut demandé d’accompagner, dans une mission de conciliation, un sage aveyronnais ayant ferraillé avec Lactalis du côté de la Société des Caves de Roquefort.

 

Croyez-moi si vous voulez mais nous ne sommes jamais allés voir la Normandie car monsieur Graindorge ne jugeait pas utile de nous recevoir.

 

L’intransigeance est toujours payante lorsqu’elle se conclue par un gros chèque.

 

Alors j’ai bien ri lorsque le 29 juillet l’AFP a titré Normandie: vers une paix des braves dans la guerre du camembert.

 

L’article est intéressant ICI 

 

Mais le véritable enjeu de la bataille n’était pas l’authenticité du camembert AOP mais le fameux camembert fabriqué en Normandie : quelque 5.000 tonnes d’AOP sont produites chaque année contre 60.000 tonnes de camemberts industriels non AOP, vendus en grande distribution ou à l'étranger (8.000 autres tonnes sont produites hors de Normandie puisqu’on produire du camembert sur la terre entière).

 

Croyez-moi, les producteurs de lait, normands y compris, n’étaient pas très chauds pour sa disparition.

 

Quant à l’INAO, c’était courage fuyons !

 

Imaginez un Bordeaux fabriqué à Bordeaux avec du raisin venu de la France entière ou même du Nouveau Monde.

 

« Rien ne leur interdit d'utiliser de la poudre de lait néo-zélandaise », s'inquiète dans le quotidien Ouest France Patrick Mercier, président de l'organisme Camembert de Normandie, qui avait saisi la justice en 2012.

 

Alors qu'a fait l’INAO depuis tant d’années ?

 

Rien, ou presque !

 

Sauf que soudain en mai et juillet, l'Inao a réuni les acteurs de la filière à Caen: « Nous leur avons dit que la situation n'était plus tenable », a déclaré M. Dairien à l'AFP.

 

« Cette tolérance pourrait être utilisée contre nous dans les négociations de l'accord international TIPP (Tafta). On pourrait nous accuser d'être plus tolérants en interne sur la rigueur des AOP qu'en externe », dit M. Dairien: « Et comme le camembert est un produit emblématique de l'alimentation française, nous devons y être très attentifs».

 

D'ici la prochaine réunion en septembre, une solution doit être trouvée pour lever l'ambiguïté.

 

Pour la première fois après des années de "tension maximale" entre les deux camps, Gerard Calbrix, directeur des affaires économiques de l'Association de la Transformation laitière (Atla), qui réunit industriels et coopératives, se dit "optimiste".

 

La raison? Le principal fabricant d'AOP, Graindorge, qui a mené une bataille féroce pour défendre le lait cru face au pasteurisé, vient d'être racheté en juin… par le principal industriel, Lactalis.

 

« Ce rachat change complètement la donne, car pour la première fois un des grands acteurs se retrouve des deux côtés de la barrière », dit M. Calbrix.

 

« Plusieurs pistes sont à l'étude », annonce M. Dairien. L'une des portes de sortie serait la création pour le camembert industriel d'une "IGP" (indication géographique protégée), qui garantit l'origine tout en allégeant les contraintes de fabrication.

 

« Le temps a permis de confirmer que les deux camemberts doivent coexister sur les deux marchés dans l'intérêt de toute la Normandie », dit-il.

 

Ne reste plus qu'à régler le problème le plus délicat. Par quoi remplacer le mot « Normandie » sur l'étiquette?

 

Là je me gondole grave car en effet, si les industriels se sont tant battus c’est pour exhiber cette mention valorisante sur leur étiquette car Normandie = camembert dans l’esprit des consommateurs. Jusqu’à quand ? Je fais du Devos sans le faire exprès.

 

Donc en résumé l’INAO est fort avec les faibles et faible avec les forts.

 

Mou du genou sur le camembert, voilà t’y pas que le vieil institut qui a perdu sa boussole vient de se fendre d’un courrier où il s’attaque à l’art, en l’occurrence à celui exercé par un Boulard, Nicolas de son prénom, fils de Francis le champenois qui fait du champagne avec des bulles...

 

« L’artiste champenois, Nicolas Boulard, qui participe à l’opération Vitrines sur l’art des Galeries Lafayette à Bordeaux, vient de recevoir un courrier du service juridique et international de l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) qui lui demande de « réviser » son projet artistique : « Specific Cheeses ».

 

L’institut justifie sa réclamation par la « protection » des appellations « Chavignol » et « Chaource ». Si la première a déjà fait l’objet d’une réalisation artistique, l’Union des producteurs de la seconde a refusé la collaboration artistique. Apparemment appelé à la rescousse, l’INAO écrit à l’artiste le 22 juillet 2016 :

 

« Les fromages d’appellation d’origine protégé doivent répondre à des conditions de production définies par un cahier des charges parmi lesquelles figurent la forme du produit. Ainsi, présenter sous le nom de “Chaource” des fromages dont la forme n’est pas conforme à ces règles est de nature à porter atteinte à l’image du produit et à sa perception par le public. »

 

A propos du « Chavignol », le courrier ajoute que « cette appellation fait également l’objet d’une protection ».

 

C’est un peu comme si l’INPI, à la demande de Jacob&Delafon, poursuivait Duchamp pour réinterprétation de son célèbre urinoir baptisé par l’artiste : FONTAINE.

 

« Fontaine est un ready-made, c'est-à-dire un « objet tout fait », autrement dit une idée que Marcel Duchamp a eue de « choisir » un urinoir industriel en vue d'une exposition d'art moderne au lieu de faire une sculpture de ses mains. L'objet original est un simple article de sanitaire acheté dans un magasin de la société J. L. Mott Iron Works, à New York. Marcel Duchamp a ajouté à l'aide de peinture noire l'inscription « R. Mutt 1917 ».

 

« Fountain fut refusée lors de la première exposition de la Société des artistes indépendants de New York en 1917 avant de disparaître. Il n'en existe que des répliques, certifiées par Marcel Duchamp et réalisées dans les années 1950 et 1960.

La réplique exposée au Musée d'art moderne du Centre Georges Pompidou, réalisée en 1964, est un urinoir en faïence blanche recouverte de glaçure céramique et de peinture. Ses dimensions sont 63 x 48 x 35 cm. Il comporte la signature « R. Mutt » et la date « 1917 » à la peinture noire ainsi qu'une plaque de cuivre, fixée sous l'urinoir, portant l'inscription : « Marcel Duchamp 1964 Ex. / Rrose / FONTAINE 1917 / Édition Galerie Schwarz, Milan ».

 

Sans ironiser, le service juridique et international de l’INAO n’a-t-il rien de mieux à faire que de passer tout un après-midi à la 17e Chambre du TGI de Paris pour venir soutenir l’Hubert dans sa terrible épreuve face madame Saporta ou d’user sa plume pour pondre un courrier en défense de la forme d’un fromage AOP ?

 

Prendre le parti d’en rire, car c’est bête à pleurer, permet tout de même de poser la question aux juristes de pacotille de l’Institut : « En quoi, ce projet artistique induirait le consommateur-acheteur de chaource ou de chavignol en erreur ? »

 

Imaginez monsieur et madame Michu poussant leur caddie chez Lidl après avoir déambulé aux Galeries Lafayette à Bordeaux où Nicolas Boulard participe à l’opération Vitrines sur l’art et se chamaillant avec le gérant parce qu’ils ne trouvent pas de Chavignol en forme de pyramide ?

 

Et pourquoi il ne s’appelle plus crottin de Chavignol ce petit fromage au lait cru et entier de chèvre qui bénéficie d`une Appellation d`origine contrôlée depuis 1976, ainsi que d’une appellation d’origine protégée depuis 1996 ?

 

Ce n’est pas chic le crottin ?

 

Cette ablation est une insulte à l’origine et à l’histoire car c’est depuis le XVIe siècle, les que paysans du Sancerrois élèvent des chèvres et fabriquent des fromages qui constituent leur principale richesse. Un ouvrage de 1829 mentionne que les fromages de chèvre du Sancerrois sont connus sous le nom de « Crottins de Chavignol » le mot «crottin» désignant à l’origine, semble-t-il, une petite lampe à huile en terre cuite.

 

Bref, c’est en faisant n’importe quoi qu’on devient n’importe qui !

 

Le directeur de l’INAO, qui n’aime que les fromages pasteurisés, serait bien inspiré s’il en revenait à l’essentiel de ce que fut sa maison. Tout mettre dans le grand panier des signes de qualité constitue une erreur stratégique pour la défense et la promotion de l’authenticité et du fameux terroir.

 

L’extension continue du domaine du terroir tue le terroir et l’air de famille, la typicité, font que, comme pour les bagnoles, qui en arrivent à toutes se ressembler catégories par catégories, tout à le même goût, le goût de rien du tout.

 

Alors, que le camembert soit fait à Camembert ou à l’autre bout de la terre, peu importe s’ils sont fabriqués avec n’importe quel lait, y compris reconstitué, issu de n’importe quel race de vaches, bouffant tout et n’importe quoi.

 

À l’INAO, maintenant qu’Éric Rosaz a décidé de se rapprocher du Sud, au lieu de dériver lentement mais sûrement vers toujours plus de bureaucratie, de verticalité paperassière, un retour au terrain s’impose sinon les derniers survivants de l’esprit des origines auront depuis longtemps déserté l’auberge espagnole que l’Institut est devenu…

 

Lire : ICI Les fromages de Nicolas Boulard ne sont pas au goût de l’INAO

 

Le projet Specific Cheeses de Nicolas Boulard ICI 

 

Des plongeurs découvrent dans une épave un fromage vieux de 340 ans ICI 

 

Ceci n’est pas 1 chaource ni 1 Chavignol par Nicolas Boulard mais ceci est 1 camembert de Lactalis qui n’est pas de Normandie…
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2 août 2016 2 02 /08 /août /2016 06:00
De la séduction : le je ne sais quoi et le dégagement… à l’attention de tous ceux qui veulent enfermer notre goût dans un faux esprit de géométrie

« Un je ne sais quel charme encore vers vous m’emporte… » Polyeucte de Corneille.

 

Le charme, la grâce, le plus souvent l’amour est déclenché par la beauté mais ce charme, cette grâce « plus belle encore que la beauté, comme le dit La Fontaine, voilà le pur je ne sais quoi.

 

« Il y a quelquefois, dans des personnes ou dans les choses, un charme invisible, une grâce naturelle, qu’on n’a pu définir, et qu’on est forcé d’appeler, le JE NE SAIS QUOI.»

Montesquieu dans l’Essai sur le Goût

 

« Qui voudra connaître à plein la vanité de l’homme n’a qu’à considérer les causes et les effets de l’amour. La cause en est un JE NE SAIS QUOI (Corneille), et les effets en sont effroyables. Ce JE NE SAIS QUOI, si peu de choses qu’on ne peut le reconnaître, remue toute la terre, les princes, les armes, le monde entier. Le nez de Cléopâtre : s’il eut été plus court, toute la face de la terre aurait été changée. »

Pascal, fragment 162 des Pensées.

 

« Cependant, le je ne sais quoi n’appartient pas au seul vocabulaire de la psychologie amoureuse : il appartient aussi à celui de l’esthétique. »

 

Cette « beauté quasi toute nue et solitaire. », ces « certaines choses ineffables, ces grâces secrètes, ces charmes imperceptibles. »

 

Baltasar Gracian le rattachait à la perfection « Le je ne sais quoi, dit-il, est l’âme de toutes les qualités, la vie de toutes les perfections, la vigueur des actions, la bonne grâce du langage et le charme de tout ce qu’il y a de bon goût. Il amuse agréablement l’idée et l’imagination, mais il est inexplicable. C’est quelque chose qui rehausse l’éclat de toutes les beautés, c’est une beauté formelle ; les autre perfections ornent la Nature, mais le JE NE SAIS QUOI orne les ornements eux-mêmes. De sorte que c’est la perfection de la perfection même, accompagnée d’une beauté transcendante et d’une grâce universelle. »

 

L’esprit de finesse cher à Pascal, « différent de l’esprit de géométrie par sa forme et son objet, il n’est pas en dehors de la raison ; il n’est pas une intuition pure, car il a ses procédés et son ordre ; il est une certaine façon de juger les choses dont « les principes sont dans l’usage commun et devant les yeux de tout le monde « , principes « si déliés et en si grands nombres qu’il est presqu’impossible qu’il n’en échappe (…). On les voit à peine, on les sent plutôt qu’on ne les voit ; on a des peines infinies à les faire sentir à ceux qui ne les sentent pas. Ce sont des choses tellement délicates et si nombreuses, qu’il faut un sens bien délicat et bien net pour les sentir, et juger droit et juste selon ce sentiment, sans pouvoir les démontrer par ordre, comme en géométrie. »

Dans son livre « Le je ne sais quoi et le Presque-Rien » Wladimir Jankélévitch écrit « Le je ne sais quoi est pour l’intellectualisme un sujet inépuisable d’inquiétude et de perplexité : il entretient en nous cette espèce d’inconfort intellectuel et de mauvaise conscience, ce malaise né de l’incomplétude que Platon appelait aporia, et qui est bien, à sa manière, un mal d’amour, une nostalgie érotique, une amoureuse insuffisance. »

 

Baltasar Graciàn (né en 1601 meurt en 1658 prêtre au sein de la Compagnie de Jésus en délicatesse permanente avec sa hiérarchie il sera destitué de sa charge pour manquement au devoir d'obéissance) in Le Héros éditeur Le Promeneur le cabinet des lettres

 

Le dégagement, c'est l'âme de toute qualité, c'est la vie de toute perfection, c'est l'élégance en action, c'est la grâce en paroles, c'est ce qui enchante le goût, c'est ce qui flatte l'intelligence - c'est ce qui ne s'explique pas.

 

C'est la touche finale apportée à l'ouvrage - c'est une beauté formelle. Les autres qualités embellissent la nature, mais le dégagement les rehausse encore. Il est la perfection des perfections, une beauté qui les transcende toutes avec une grâce universelle.

 

Il tient à je ne sais quoi d'aérien d'indiciblement élégant dans le dire et le faire, et même dans la façon de penser.

 

Il est en grande partie inné ; le reste, il le tient de l'observation. Et jusqu'à présent, personne ne l'a vu obéir à une quelconque autorité. Il est même supérieur à l'art.

 

On l'apparente au charme pour sa séduction ; à l'allure pour son caractère insaisissable ; au brio pour la fierté qui l'accompagne ; au dégagement, donc, pour son caractère affable ; à l'aplomb, pour ce qu'il révèle de facilité. Mais tous ces mots ne traduisent que l'impossible tentation de le définir.

 

Ce serait lui faire injure que de le confondre avec la facilité : il se tient bien au-delà, au-delà même de la hardiesse. Bien qu'il suppose la légèreté, c'est une valeur ajoutée à la perfection... »

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1 août 2016 1 01 /08 /août /2016 06:00
L’ultime épreuve d’un vin versus Veritas avec les testeurs testés : la chasse aux défauts est ouverte laissez rouler le croskill !

La semaine passée deux textes m’ont « fasciné » tellement ils sont à l’image de notre temps où dans le maquis des produits de consommation emballés, sur-emballés, issus de mélanges de plus en plus indéterminés, l’heure est à la traçabilité, à la certification extérieure, il faut rassurer le consommateur qui a perdu tout lien avec la terre et les saisons.

 

Face à cette débauche de « rassurez-vous bonnes gens nous veillons sur vous, n’ayez pas peur mangez en toute confiance les produits de l’agro-industrie normés, formatés… » Madame et monsieur tout le monde aurait pu penser que le vin « jus fermenté du raisin » échappait aux trucs et aux machins ajoutés par les gens qui nous veulent que du bien.

 

D’ailleurs, pour l’attester, nos chercheurs de l’INRA, y’en a même qui font de l’économie expérimentale, c’est dire la profondeur où se nichent leurs neurones, qui n’aiment pas leur nouveau directeur qu’est pas docteur, nous sorti de derrière les tonneaux : la typicité.

 

Et comme de bien entendu, ils communiquent, ils savent eux, faut les croire.

 

Les AOC, un air de famille

 

« “Colorés”, “concentrés“, “longs en bouche”, “gras et ronds”, avec des arômes de fruits noirs et rouges : tel est le style des vins de l’AOC Anjou-Villages-Brissac (Vallée de la Loire). Cet air de famille - ou typicité - est un mélange d’originalité, d’authenticité et de qualité qui est lié au terroir. C’est précisément ce lien qui relie le vin au terroir que des chercheurs de l’Inra décortiquent depuis plusieurs années. Difficile à mesurer, ce lien est pourtant un enjeu majeur de la viticulture française, au cœur du système de production des vins d’Appellation d’Origine Contrôlée (AOC). »

 

Je dois dire que ce concept de typicité m’a toujours fait gondoler. La preuve ICI  dans une chronique de février 2006.

 

« Au temps de mes culottes courtes, dans mon bourg, seuls les commerçants partaient en vacances, les plus aventureux passaient même les frontières. Dans le lot il y avait madame Ginette, la coiffeuse de ma mère, qui avec son Francis de mari, entrepreneur en bâtiment, voyageait beaucoup. J'adorais madame Ginette, elle avait un côté star américaine des années 30, avec sa permanente impeccable, son blond oxygéné et ses ongles carminés. Bon, elle n'avait pas inventé l'eau chaude, elle minaudait un peu, mais après chacun de ses périples elle rapportait un petit souvenir et, comme pour s'excuser du côté babiole de la chose, elle croyait bon de dire " vous savez c'est très typique..."

 

Donc ce fut le premier texte : Quand le vin a soif de recherches ICI que j’ai adoré, façon de parler.

 

À peine revenu de mes émotions voilà qu’Internet me met sous le nez l’autopromotion d’un des rois de la certification : le bureau Veritas qui s’est déjà brillamment illustré pour son incompétence dans le dossier du classement de Saint-Émilion.

 

Ils sont contents d’eux, ils roulent des mécaniques, vous ne trouverez pas meilleurs qu’eux sur le marché. Le baron Le Roy doit se retourner dans sa tombe : « ils sont devenus fous ! »

 

La preuve :

 

Les testeurs testés

 

Avant de déguster le vin, le testeur est évalué. Bureau Veritas Certification le fait en vérifiant la cohérence de leurs notations, et en les évaluant eux-mêmes à l’aveugle. « L’an dernier, j’ai fait déguster un « leurre » à l’un de mes jurys : un vin présenté comme un « Corbières » mais avec un cépage non autorisé et un défaut d’acidité, raconte Sandra Rongieras. Test réussi ».

 

Dégustation à l’aveugle

 

Une fois tous les autres « examens de passage » réussis pour le vin, il reste encore l’épreuve ultime : les dégustations à l’aveugle ! Attention, les dégustations se font dans un ordre bien précis ! D’abord le blanc, puis le rosé et enfin le rouge, de plus, ils commencent par les millésimes les plus anciens.

 

Pour que le jury ait le palais « frais », les dégustations ont généralement lieu le matin, et au printemps afin que les vins rosés aient suffisamment maturés en bouteille ou en cuve.

 

Les vins sont présentés dans des bouteilles neutres et numérotées pour ne pas être reconnus par les jurés, qui ont quelques minutes pour évaluer la qualité du vin à l’œil, au nez et au palais.

 

Les jurés sélectionnés, généralement au nombre de cinq, sont réunis dans une salle à température régulée, répartis dans des box individuels, avec interdiction formelle de se parler. Ils peuvent goûter jusqu’à 30 vins différents en une matinée, divisée en deux séances.

 

Leur rôle est de repérer les différents défauts du vin. Des problèmes de couleur, de nez ou de palais peuvent leur interdire le bénéfice de l’appellation.

 

Ces défauts, les jurés les repèrent en utilisant les 91 défauts de la liste officielle de l’INAO (l’Institut National des Appellations et de l’Origine). Par exemple : sec, terreux, goût de bouchon, d’amande amère, de papier, de géranium, de ciment, de gouache, d’hydrocarbure, de serpillère, de souris, de sueur de cheval, d’entrailles de lapin…

 

En fin de dégustation, le jury se rassemble pour attribuer une note définitive : si c’est A, B, C1, l’appellation est accordée. C2, le vin doit être retravaillé. D1 ou D2, le vin est déclassé en « Vin de France »

 

L’intégrale ICI

 

91 défauts… le vin doit être retravaillé (avec quoi dites-moi ?)… le vin est déclassé…

 

Hé oui, nous voilà sur la bonne voie, celle de l’air de famille à coup de Photoshop, de l’œnologie corrective, des vendeurs de produits qui guérissent, des béquilles qui aident à marcher droit…

 

Alors il ne faut pas s’étonner que certains aillent chercher l’authenticité d’un vin hors la doxa des fameux cahiers des charges. Les naturistes ou leurs frères sont sans doute bardés de défauts mais, à leur manière parfois, un peu excessive, ils mettent le doigt là où ça fait mal.

 

Allez lisez-donc un grand classique du Taulier : Le CAC 51 : le croskill de la qualité des vins AOC

 

- Dis-nous pourquoi t’intéresses-tu soudain au Conseil Agrément et Contrôles, le fameux CAC 51 ?

 

Bon Prince, je leur répondais, qu’à la suite de mon coup de sang contre les PAJ de « Que Choisir ? » à propos de la labellisation foireuse des AOC, une source bien informée m’a confiée que le CAC, une invention de l’Administration, jamais en reste de la création d’un Comité Théodule supplémentaire, c’était quasiment le croskill des vins d’AOC.

 

Mes compères éberlués face à la profondeur de ma culture se récrièrent : « Qu’est-ce que c’est qu’un croskill ? » Je les toisais goguenard. D’une traite je leur balançais :

 

« Mes petits pères ignorants le croskill est un rouleau qui sert à briser les mottes et tasser le sol. Il est composé d'une succession de disques denticulés qui travaillent indépendamment et qui sont généralement en fonte et pèsent entre 25 et 35 kilogrammes pour un diamètre de 30 à 50 centimètres. Certains ont un centre évidé pour permettre des mouvements saccadés. »

 

Face à la beauté de ma métaphore ils tombaient en pamoison. Sans faire preuve de beaucoup d’imagination ils voyaient tous les Marcel Richaud de notre terroir martyrisé, écrasés, nivelés, réduits à n’être plus qu’un seul et même bloc compact, une morne plaine normalisée : la Brie, la Beauce, le triomphe de l’uniformité au nom de la typicité. Le triomphe du CAC 51 : « au nom du Q on ne veut voir qu’une seule tête dans les rangs ! »

 

L’intégrale ICI 

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31 juillet 2016 7 31 /07 /juillet /2016 08:00
CHAP.17 extrait sec, « vous allez monter la première marche qui va vous mener à la salle à manger des petits bourgeois... » et Emmanuel Tood dans tous ses états.

L’absence, le silence, l’oubli peut-être, je ne pouvais que subir. Me taire, ravaler ma fierté, me réfugier dans l’écriture. Ne rien lâcher, résister. Surtout ne pas geindre, me plaindre, pester contre le sort. C’est dans la douleur muette et la colère contre soi-même que l’on peut espérer accoucher ce que l’on porte au plus profond de soi-même. Je m’y employais en retrouvant Marie.

 

« Le matin nous allions à vélo, par le sentier côtier, jusqu'à l'anse des Vieilles. Au soleil levant l'eau, d'une extrême transparence, semblait de pur cristal. Marie l'intrépide s'y plongeait sans la moindre hésitation et, de son crawl fluide et silencieux, elle filait vers le large. Moi je m'adossais à la pente sableuse pour lire. De temps à autre je relevais les yeux pour repérer le point blanc du bonnet de bain de ma naïade favorite. La montée du soleil m'emplissait d'une douce chaleur mais je ne pouvais réchauffer la pointe d'angoisse qui ne disparaîtrait que lorsque Marie serait de nouveau à portée de ma brasse minable. L'océan, avec ses airs paisibles, me déplaisait. Je connaissais sa nature profonde, charmeuse et hypocrite comme celle de tous les puissants. À la fin juillet, en un accès de rage soudain, de ses entrailles obscures, il avait enfanté une tempête féroce. Avec Marie, blottis dans la faille d'une falaise, à l'abri du vent et des embruns, pendant des heures, nous nous étions grisés de ses outrances. Dans le grand lit de la Ferme des Trois Moulins, ce soir-là, pour conjurer mon angoisse, j'avais pris Marie avec une forme de rage désespérée. Après notre étreinte, blottie dans le creux de mon épaule, elle m'avait dit « tu m'as baisé mon salaud et c'était vachement bon... »

 

Marie m'ôta ce carcan de froideur. Moi le silencieux, le garçon qui tient tout sous contrôle, je me laissais aller à lui confier mes peurs et mes faiblesses. Cet abandon je le devais à l'absolue certitude, peut-être que le temps m'aurait démenti, que jamais Marie ne retournerait ces armes contre moi. Nous étions si différents, nos origines étaient aux antipodes, mais notre nous s'érigeait sans question, avec naturel. Elle me donnait la chance de m'aimer moi-même, de me départir de la protection de mes hautes murailles. Jamais nous ne faisions de projets. Nous vivions. À chaque moment, seuls ou ensemble, nous inventions notre vie. Tout ce j'écris semble idyllique, une reconstruction du passé idéalisée, alors que nous eûmes des orages, des divergences mais ce ne furent que des scories dont nous avions besoin de nous débarrasser. J'abordais notre vie à deux avec dans ma besace de jeune homme rien de ce qui encombre les gens de mon âge : tous ces désirs refoulés qui le jour où la flamme décline resurgissent à la surface.

 

Pour maman j'étais l'expression la plus aboutie de ce qu'une mère pouvait rêver. Ses amies lui disaient « Madeleine comme vous en avez de la chance, votre Benoît a tout pour lui... » Ce statut d'enfant doué, à qui l'on donnait le bon dieu sans confession, j'en avais joué tout au long de ma prime jeunesse pour préserver mon petit jardin d'intérieur mais aujourd'hui, introduire entre maman et moi, une femme aimée, celle avec qui je voulais partager mes jours et mes nuits, n'était pas chose simple. Jusqu'à ce jour, même si mon goût pour le butinage devait lui causer quelques frayeurs, un accident était si vite arrivé en ces temps obscurs, ma chère maman s'accommodait fort bien de ne voir aucune fille s'installer dans mon coeur d'artichaut. Lors de ma dernière visite je m'étais bien gardé de préparer le terrain. Maman n'avait rien perçu, les mères aimantes sont aussi aveugles que les maris trompés, ou les épouses d'ailleurs. Pas un mot sur Marie, je m'en voulais de ce manque de courage et, chaque matin qui se levait, je me disais que j'allais lui écrire une belle lettre et, chaque soir, en me glissant au plus près du corps de Marie, la mauvaise conscience s'installait. Comment le lui dire ? Lui dire tout simplement.

 

Dans nos conversations, parlant de mon pays crotté, de mon enfance de sauvageon, de mes ballades dominicales dans les métairies, avec mon père, pour voir ses clients si peu pressés de lui régler son dû, je ne cessais de dire à Marie « Tu vas lui plaire, il va t'adorer... » ce qui me valait en retour de ma douce et tendre un beau sourire ponctué d'un regard rieur que je traduisais « … et ta maman, elle, elle va me détester. Je suis une voleuse, la rivale absolue, celle par qui le cordon invisible se rompt pour toujours... » Jamais elle n'allait au-delà, Marie attendait. À la veille du 15 août je revins de Port-Joinville avec deux allers-retours pour le continent. « Je vais te présenter à maman Marie... » Son regard se voilait d'un léger nuage et, pour faire diversion, elle voltait pour que sa jupette tournoie « je vais tout faire pour lui plaire mon Benoît… » Achille, lui aussi, esquissait une gigue pataude. Jean, de derrière son journal ouvert, en bon célibataire inoxydable commentait « vous allez monter la première marche qui va vous mener à la salle à manger des petits bourgeois... »

 

Et pendant ce temps-là la vie de tous les jours suit son cours avec son lot d’horreurs déchainant sur les réseaux sociaux la haine ordinaire de ceux qui n’en peuvent plus de n’être que ce qu’ils sont : des moins que rien.

 

Emmanuel Tood, à l’image de notre caste intellectuelle, qu’il pourfend pourtant, est tout à la fois un historien, un anthropologue, un démographe, un sociologue et un essayiste. L’homme parfait, bien fait, qui sait tout sur tout, sûr de lui et dominateur, arrogant et méprisant sous des dehors de fausse humilité. Et pourtant il faut le lire attentivement. C’est ce que je fais.

 

Atlantico : Le 23 juin, le Royaume-Uni a fait le choix de sortir de l'Union européenne. Emmanuel Todd, on vous imagine très satisfait de ce résultat…

 

Emmanuel Todd : C'est une évidence mais ce n'est pas vraiment le problème. Je m'intéresse à ce qui se passe en tant qu'historien de l'Ecole française de la longue durée, celle de Fernand Braudel et de mon maître Emmanuel Le Roy-Ladurie; j'essaye de m'extraire du court-termisme de l'agitation des hommes politiques. Le Brexit fait partie d'un phénomène global sur lequel je travaille et qui concerne l'ensemble des sociétés les plus avancées, incluant l'Amérique, le Canada, l'Australie, le Japon : la divergence. Les démographes savent que les niveaux de fécondité sont très différents, que certaines populations se reproduisent, que d'autres n'y arrivent pas, que certaines doivent donc faire appel à l'immigration et d'autres non ; les travaux d’Atkinson et de Piketty montrent que la vitesse et l’ampleur de la montée des inégalités sont différentes.

 

L’anthropologie des structures familiales permet de comprendre l’origine de ces différences et de cette divergence généralisée. Ce qui se passe actuellement, dans le contexte de la globalisation, ce n'est pas seulement que les cultures nationales résistent, mais que le stress et les souffrances de la globalisation conduisent les sociétés, non pas à s'ouvrir plus et à converger, mais au contraire, à trouver en elles-mêmes, dans leurs traditions et dans leurs fondements anthropologiques, la force de s’adapter et de se reconstruire. C'est ce que j'observe, et ce, bien au-delà du contexte européen.

 

Le Japon est dans une période de recentrage sur lui-même, des gens rêvent de la période d'Edo durant laquelle le pays se développait de manière autonome, et à l'insu de l’Europe. Ce sont des forces du même ordre qui ont permis l'émergence de candidats comme Bernie Sanders ou Donald Trump aux Etats-Unis, et qui exigent une sortie du "consensus de Washington" et du discours mondialisé, avec un rêve de refondation de la nation américaine.

 

En Europe, c'est encore plus intéressant parce que nous sommes un système de vieilles nations. L'Europe s’est engagée la première dans ce processus parce que l'Allemagne est partie la première. La problématique du retour à la nation a été imposée à l’Allemagne en 1990 par sa réunification. C’était son devoir, elle devait reconstruire sa partie orientale. Elle a eu une sorte de temps d'avance qui l’a menée, presque par accident, à sa situation de prééminence sur le continent européen depuis 2010 environ. Le deuxième pays en Europe qui se soit recentré sur un idéal national, après bien des troubles, c'est la Russie. L'Empire soviétique s'est décomposé, la Russie a traversé une période de souffrances terribles entre 1990 et 2000, mais l'accession de Poutine a finalement incarné ce retour de la Russie à un idéal national, recentré sur une notion néo-gaulliste d'indépendance. Il a fallu une quinzaine d'années aux Russes pour se retrouver en situation économique, technologique et militaire de ne plus avoir peur des États-Unis. Ce que l'on a pu constater, par étapes, en Géorgie, en Crimée, puis en Syrie. On en arrive àune situation où les armées occidentales qui veulent survoler la Syrie doivent demander l'autorisation aux Russes.

 

Ce référendum sur le Brexit, dans cette logique, c'est l'étape numéro 3 : la réémergence du Royaume-Uni en tant que nation.

 

Et quelle serait la spécificité du Royaume-Uni dans cette dynamique de retour à la nation ?

 

Ils ne sont pas les premiers mais c'est probablement l'étape la plus importante parce que c'est l’un des deux pays leader de la mondialisation. Avec Margaret Thatcher, ils avaient un an d'avance sur les Etats-Unis dans la révolution néo-libérale. Ils font partie de ces pays qui ont les premiers impulsé cette logique. Un re-basculement anglo-américain vers l’idéal national est plus important que l'émergence allemande ou la stabilisation russe. Depuis le XVIIe siècle, l'histoire économique et politique du monde est impulsée par le monde anglo-américain. La nation anglaise a deux caractéristiques combinées et contradictoires. Il s'agit d’abord de la culture la plus individualiste d'Europe, la plus ouverte ; c'est le pays qui a inventé la liberté politique. Ensuite, et paradoxalement, c'est aussi une identité nationale à base ethnique pratiquement aussi solide que celle des Japonais. Comme les Japonais, les Anglais savent qui ils sont.

 

Si l'on suit votre raisonnement de retour à la nation, après l'Allemagne, la Russie, et maintenant le Royaume-Uni, quel pays est le suivant ?

 

Pour accepter ce que je vais dire, il faut sortir des poncifs sur l'Angleterre, ces Anglais bizarres qui ont des bus à deux étages, qui roulent à gauche, qui ont de l’humour, une reine respectée, etc…Tout cela est vrai. Mais il faut surtout voir les Anglais en leader de notre modernité, dans la longue durée braudélienne. La révolution industrielle est venue d'Angleterre et d’Ecosse, et elle a économiquement transformé l'Europe. Les révolutions industrielles française, allemande, russe et les autres n’en sont que les conséquences. Mais avant même la transformation économique, les Anglais ont inventé notre modernité libérale et démocratique. Le véritable point de départ, c'est 1688, ce que les Anglais appellent la "Glorious Revolution" par laquelle la monarchie parlementaire a été établie. Si vous lisez les "lettres anglaises" de Voltaire de 1734, vous verrez son admiration pour la modernité anglaise, avec des choses très drôles sur les quakers ou l'absence de vie sexuelle de Newton. En 1789, le rêve et l’objectif des révolutionnaires français, c'est de rattraper l'Angleterre, le modèle de la modernisation politique. C’est le modèle, que j’accepte, de Daron Acemoglu et James Robinson, dans leur bestseller Why Nations Fail, d’autant qu’ils sont très sympas pour la France; ils soulignent que l'apport de la Révolution française à l’ensemble du continent a été capital, que notre Révolution a généralisé l’idéal d'inclusion du peuple. Reste que c’est l'Angleterre qui a inventé le gouvernement représentatif.

 

Dans ce contexte, il n'est pas illogique de constater que le premier référendum qui aura vraiment des conséquences pour l'Union européenne, le référendum historique, a eu lieu au Royaume-Uni. Un référendum est une procédure inhabituelle en Angleterre. Mais l'objet de ce référendum, et cela est très clair, c’est que la première motivation des électeurs du Brexit, selon les sondages "sortie des urnes", c'est, avant l’immigration, le rétablissement de la souveraineté du Parlement. Car jusqu'au Brexit, le Parlement anglais n'était plus souverain alors que le principe de philosophie politique absolu pour les Anglais, c'est la souveraineté du Parlement.

 

Je conclus : logiquement, l'étape numéro 4, après le réveil de l'Allemagne, de la Russie, et du Royaume Uni, doit être le réveil de la France. Suivre les Anglais est conforme à notre tradition révolutionnaire.

 

A vous entendre, finalement, et en suivant votre logique, l'axe qui convient pour "changer l'Europe", n'est plus le couple franco-allemand, mais le couple Paris-Londres ?

Oui. Il y aura une Europe des nations. Mais dans cette Europe des nations, pacifique, j’espère, il y aura toujours des problèmes d'équilibre des puissances et, bien entendu, l'Allemagne va rester quelques temps encore la puissance économique prédominante. A moyen terme, la crise démographique et l’aventurisme migratoire des Allemands laissent présager une grave crise politique dans le pays, et sur le continent - mettons dans les 20 ans qui viennent.

 

L’une des fautes majeures des dirigeants français est de ne pas avoir compris, de ne pas avoir été capables d’anticiper que le bon rééquilibrage avec l'Allemagne, ce n’était pas l’euro, qui nous détruit, mais l’axe Paris-Londres, inéluctable à moyen terme, qui ne définira pas un couple de circonstance parce qu’il est dans la logique des forces et des cultures.

 

Il y a un grand mensonge des élites françaises lorsqu’elles prétendent se méfier de l'Angleterre. C'est en réalité le seul pays européen auquel nous faisons absolument confiance et c’est pour cela que c’est le seul pays avec lequel on peut efficacement collaborer sur la sécurité militaire. Ce n'est pas technique, cela révèle un rapport de confiance extrêmement fort. Continuons à dévoiler la réalité. Il n’y a que quelques dizaines de milliers de Français à Berlin alors qu’il y en a des centaines de milliers à Londres. Comme il y a des Anglais en France. Il y a deux mégalopoles jumelles en Europe, qui sont Londres et Paris. Les dynamiques démographiques des deux pays sont les mêmes, proches de deux enfants par femme. Le discours sur l’opposition entre l'Angleterre néolibérale et inégalitaire et sur la France de l’Etat social contient un élément de vérité, mais lorsque l'on observe ces deux pays, on voit qu’ils évoluent en parallèle, sur l’oppression des jeunes, les privilèges des vieux. Toutes les nations sont différentes. Mais l’objectivité comparative doit nous faire admettre que le véritable monde étranger, avec ses jeunes si rares, ses loyers bas dus à la dépression démographique, son union structurelle de la gauche et de la droite, son autoritarisme social, c’est l’Allemagne, pas l’Angleterre.

 

Et comment s’opérera cette période de transition vers une Europe des Etats-nations ?

 

D’abord sur le continent, malheureusement par une accélération et une accentuation de la dérive antidémocratique. Désormais, avec une Angleterre libérale qui nous a quittés pour se refonder, les ordres vont arriver encore plus brutalement de Berlin. Sans masques. Les classes dirigeantes – pardon dirigées – françaises doivent s’attendre à être publiquement humiliées. N’oublions pas qu’avec le départ des Britanniques, les Etats-Unis aussi perdent définitivement le contrôle de l’Allemagne. Avec le Brexit, la germanosphère prend son indépendance officielle. Le niveau de contrôle des Américains, avait été bien affaibli par le "Nein" stratégique allemand à la guerre d’Irak. Nous avons pu constater l’impuissance américaine dans le refus catégorique des Allemands d’obéir aux injonctions économiques des Etats-Unis, les adjurant de contribuer à la relance économique mondiale en augmentant leurs dépenses. Le Brexit, c’est la fin de la notion de système occidental. Tous les réalignements sont désormais possibles. C’est la vraie fin de la Guerre froide. Et Poutine, par ses commentaires extrêmement prudents, montre qu’il l’a compris.

 

La situation devient dangereuse, effectivement, mais pas pour les raisons avancées par les euroconformistes.

 

C’est vrai, on garde cette sécurité qui vient du fait que personne ne veut la guerre, que nos populations sont vieilles, et riches encore, pour quelques temps. Mais il y a des éléments violents d’affirmation nationale. Il y a la violence de la prise de contrôle économique du continent par l’Allemagne. Il y la violence de la politique allemande d’immigration qui suit logiquement sa politique austéritaire de destruction des économies de la zone euro, avec ce rêve hyper violent de l’Allemagne de récupérer pour sa propre économie les jeunes qualifiés espagnols, italiens, portugais, grecs et bientôt français, réduits au chômage. Il y a la violence avec laquelle l’Allemagne a rejeté les Etats-Unis.

 

L’anti-américanisme français est une blague comparé à celui de l’Allemagne. Je pense que les Allemands considèrent la victoire américaine de la Seconde Guerre mondiale comme illégitime parce qu’ils savent que la vraie victoire, celle du terrain, fut celle des Russes, qui ont fourni 90% de l’effort humain. La politique américaine de maltraitance de la Russie après l’effondrement du bloc soviétique fut une énorme faute stratégique. Les Américains, ivres de leur réussite dans la Guerre froide, ne se sont pas rendus compte qu’ils déstabilisaient l’Allemagne. Les Américains ont humilié les vrais vainqueurs de l’Allemagne, les Russes, ce qui revenait à dire, dans un certain sens, que la Seconde Guerre mondiale n’avait même pas eu lieu. Plus de vainqueur, plus de vaincu. Dès lors, l’Allemagne a été libérée de son passé. La stratégie américaine anti-russe a détruit la prise américaine sur l’Allemagne. De leur côté, les Français, au lieu d’agir comme un contrepoids à l’Allemagne en copinant avec les Anglais, ont passé leur temps à dire que l’Allemagne était merveilleuse. Leur servitude volontaire a contribué à renationaliser l’Allemagne.

 

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Et puis une parole nue et vraie : Va, vis et deviens Français

6 février 2015

Le témoignage d'Ahmed Meguini, athée.

 

« Je m’appelle Ahmed et je ne suis pas Musulman. Habituellement, comme tous les athées, je le tais. D’abord parce que c’est intime, l’athéisme est une solitude et la solitude ça ne se partage pas. Il y a une autre raison : j’ai souvent eu peur de froisser mes ex- coreligionnaires. Pour un grand nombre de Musulmans, je suis ce qu’il y a de pire : un apostat. Dans la plupart des pays musulmans, je risquerais la mort pour cela.

 

Je suis un citoyen français et je n’ai pas d’autre identité à défendre que celle qui a permis mon émancipation. Je suis libre de croire ou de ne pas croire et pourtant, pour ma sécurité, jusqu’à aujourd’hui, j’ai cru bon de ne pas exposer ma non–foi.

 

Cette lâcheté, que j’assume comme telle, n’est plus permise aujourd’hui. En nous attaquant et en nous tuant, les assassins on révélé une terrible faille sismique. Elle n’était pas nouvelle mais, comme vous, je me mentais à moi-même.

 

Je n’ai pas pu avoir la même rapidité d’analyse que ceux qui ne souhaitent « ni rire ni pleurer » et qui, en un temps record, ont mis sur pied un débat sur la place des jeunes Musulmans en France. Non je n’ai pas pu, et n’en déplaise à Spinoza, j’étais occupé à pleurer. »

 

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Et pour finir un petit flash sur l’opération Chartrons : Ils sont de gauche et vont squatter la primaire de droite. Voici leurs raisons

 

270.000 sympathisants de gauche s’apprêtent à voter à la primaire de droite, selon un sondage Ipsos. Nous avons demandé à soixante d’entre eux de nous expliquer pourquoi ils s’infligent cette torture.

 

Près de 3 millions de Français se déclarent d’ores et déjà certains d’aller participer à la primaire organisée par le parti Les Républicains, en novembre 2016. Et au milieu, quelques intrus: on trouve 9% de sympathisants de gauche, selon un sondage Ipsos paru le 6 juillet. Autrement dit, 9% de squatteurs qui vont s’incruster dans une fête à laquelle on ne les aura pas invités, puisqu’ils devront signer un texte avec lequel ils ne peuvent, en toute logique, pas être d’accord: «Je partage les valeurs républicaines de la droite et du centre et je m’engage pour l’alternance afin de réussir le redressement de la France.» Un chiffre qui représente quand même potentiellement 270.000 personnes. Mais qu’est-ce qui pousse donc ces hommes et femmes de gauche à glisser un bulletin dans des urnes a priori «hostiles»?

 

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31 juillet 2016 7 31 /07 /juillet /2016 06:00
Le bronzage l’émergence du « corps d’été » punition de baigneuses trop coquettes, flagellées à coup d’orties par des femmes d’un village breton, sous le regard hilare des hommes.

« Ce qu’il y a de plus profond dans l’homme, c’est la peau » écrit Paul Valéry dans l’Idée Fixe en 1931.

 

Cela pourrait s’appeler « du marbre au bronze »…

 

Comment en effet est-on passé de la blancheur diaphane, marmoréenne, à la patine du bronze, voire du cuivre, comme canon de beauté de l’épiderme féminin ?

 

Question à laquelle s’est attelé Pascal Ory, dans L’invention du bronzage (Essai d’une histoire culturelle), publié aux éditions Ramsay. C’est au tournant des années 1930 que l’historien situe cette véritable « révolution culturelle » par laquelle le hâle l’a définitivement emporté sur la pâleur.

 

 

Révolution culturelle: l’expression ne serait-elle pas exagérée pour une pratique qui peut apparaître comme futile, accessoire?

 

Révolution, parce que comme les « vraies révolutions, celles qui touchent durablement, parfois définitivement (…) aux modes de vie, (…) l’instauration du bronzage comme nouvelle norme pigmentaire est un saisissant retournement des valeurs », écrit Pascal Ory.

 

« Concernant ces années 1920 et 1930, les archives consultées par Christophe Granger, Les corps d’été, XXe siècle. Naissance d’une variation saisonnière, Paris, Autrement, 2009, lui permettent d’insister sur des « batailles estivales » que Pascal Ory avait évoquées brièvement. Le défaut de tenue physique est très vite associé à une absence de retenue morale. Ces jugements entraînent des heurts dans les petites localités, autour de la plage locale : l’image est savoureuse, tirée d’une couverture du Petit Journal, en 1927, de la «punition des baigneuses trop coquettes», flagellées à coup d’orties par des femmes d’un village breton, sous le regard hilare des hommes.

 

 

L’historien décrit les réseaux mobilisés dans cette croisade morale et note un point culminant en 1934, de façon concomitante avec les agissements des ligues à Paris : ceux qui veulent moraliser les tenues de plage appartiennent à la « bourgeoisie traditionnelle éduquée, celle dont les positions s’effritent », et à certaines couches des « classes moyennes ». Ils disposent d’un véritable savoir-faire militant et s’attachent à « produire de l’indignation » en faisant de la question un problème de morale et d’intérêt public, et non de simple goût personnel.

 

Pour Pascal Ory, très sérieux historien, dans « L’invention du bronzage » c’est l’une des grandes révolutions culturelles du XXe siècle que « celle qui a conduit le canon de beauté pigmentaire occidentale de l’ordre du marbre à celui du bronze… » La révolution du bronzage, originellement « action de recouvrir un objet imitant l’aspect du bronze » va toujours consister à se « recouvrir d’une couche et de soigner son apparence. »

 

Pascal Ory souligne que dans les sociétés méditerranéennes antiques, Sénèque, «mâle dominant d’une société dominé par les mâles », dans ses lettres à Lucilius, écrit à propos des thermes, lieu réservé aux hommes, « il faut qu’on se hâle en même temps qu’on se baigne » et qu’il est démontré que « la valorisation du teint pâle vaut pour les femmes des dites élites, considérées ici comme de précieux trésors, signes extérieurs de richesse, de supériorité et, à cet effet, gardées à l’abri des regards des autres mâles en même temps qu’à l’abri du soleil. »

 

L’Ancien Régime épidermique qui semblait établi pour les siècles des siècles, résistant, jamais remis en cause jusqu’aux abords de la Première Guerre mondiale ou encore « les métaphores multiplieront les imageries jouant avec les épiphanies du blanc, en empruntant à tous les ordres – minéral, végétal et animal – Aristocratique ou populaire, lys dans la vallée ou Blanche Neige, la carnation de la femme belle aura à voir avec le lys, l’ivoire, l’albâtre, le marbre ou la neige (...) A contrario, le suspect, le vicieux, le Mal seront associés aux teints « mat », « basané », « cuivré » et autres « olivâtre ».

 

« Les enjeux sont clairement posés par Pascal Ory, qui prend appui, en matière de périodiques féminins, sur l’après-1945 : trois périodiques français entre les deux guerres : Vogue, qui s’adresse aux élites, Marie-Claire qui vise les classes moyennes modernistes, et Le Petit Écho de la mode davantage tourné vers la bourgeoisie traditionnelle et la petite bourgeoisie, pour en conclure que la révolution épidermique s’est produite avant cette date.

 

En effet, les produits blanchissants auparavant dominants ont disparu, au profit des produits bronzants. Il récuse immédiatement deux types d’explications souvent données à ce phénomène : Coco Chanel et les congés payés. Il semble en effet fortement réducteur de rapporter la mode du bronzage à une personnalité, fût-elle exceptionnelle en son temps, et la date de 1936 paraît trop tardive puisque l’Ambre solaire, produit de beauté emblématique, a été testée dès 1935 et lancée en 1936.

 

 

Pascal Ory démontre que le bronzage comme pratique collective est repérable dès les années 1920 (dans les pages de Vogue notamment). Être ou ne pas être hâlé est encore un sujet de débat dans Vogue en 1928. À la fin des années 1930, le bronzage semble s’être généralisé dans de larges couches de la population : le basculement aurait ainsi été rapide.

 

L’auteur décrit de manière brève mais intéressante les stratégies commerciales et industrielles qui accompagnent ce changement, avec l’apparition commerciale des produits solaires. Il s’attaque à une légende en montrant que le vrai produit de lancement n’est pas Ambre solaire mais l’huile de Chaldée, créée en 1927 par le couturier et parfumeur Jean Patou, concurrent célèbre de Coco Chanel. Sur le terrain de la décontraction chic, il est concurrencé dans sa démarche industrielle par l’entrepreneur Eugène Schueller, qui lance L’Oréal et l’Ambre solaire. Ce sont les publicités de L’Oréal, dans des brochures et à la radio, qui lui permettent d’éclipser ses concurrents. La vogue des lunettes de soleil participe du phénomène et de cet accompagnement économique de changements culturels. Les instituts de beauté, quant à eux, jouent pendant plusieurs années sur les deux tableaux, proposant à la fois des produits pour blanchir la peau et d’autres pour mieux bronzer.

 

En définitive, le principal facteur explicatif retenu par Pascal Ory est celui des progrès de l’hédonisme, d’une conquête des loisirs marquée par une progression de l’espace des loisirs légitimes, notamment avec le développement du sport, qui expose au hâle. Il inscrit cette histoire du bronzage dans une histoire du genre et du dénudement du corps féminin. Il associe le bronzage à l’abandon des gants et du corset, qui rigidifiait les corps et transformait les femmes de l’élite en statues, ainsi qu’à la coupe de cheveux courte qui a bousculé la norme capillaire féminine. Le bronzage participe d’une histoire du bonheur, idée neuve popularisée dans un « jouir solaire » par le vecteur des congés payés.

 

 

Ce rapport au corps est aussi, de manière plus indifférenciée, celui de la jeunesse des Trente Glorieuses. Le corps est mis au centre d’un « ordre neuf des sensualités » : flirt, frôlements des corps, « densification des rapports entre les sexes » et « vive renégociation des jeux de la séduction ». Christophe Granger rejoint Pascal Ory dans son analyse d’une morale du plaisir, de l’hédonisme, mais il situe ces valeurs comme celles du monde des cadres, en pleine ascension.

 

Même dans ce contexte des Trente Glorieuses triomphantes, les «batailles estivales» persistent, avec les polémiques nées sur la question des seins nus, avec la même volonté des pouvoirs publics de ne pas trancher outre mesure les mœurs balnéaires.

 

Source : Sylvain Pattieu Université Paris 8 Département d’histoire 2

 

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