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7 juin 2020 7 07 /06 /juin /2020 08:00

 

Mercredi dernier en fin d’après-midi, le temps virait à l’orage, pourquoi ne pas s’offrir un film avant le dîner ? Je déroule le menu et je tombe sur la programmation du film de Vittorio De Sica « Le Jardin des Finzi-Contini »

 

Bonne pioche, le 15 décembre 2007 j’avais commis une chronique que notre Pax ne doit pas avoir encore vue :

 

Cadeau de Noël : « Le Jardin des Finzi-Contini »  ICI 

 

Qui se souvient de Dominique Sanda ?

 

Moi, nous avons dîné côte à côte lors d'un festival d'Avoriaz et je dois reconnaître que son portrait ciselé par Anne Diatkine est saisissant de finesse et justesse. Et, c'est là où le hasard est merveilleux, alors que Dominique Sanda, qui vit maintenant en Patagonie, déclare : « Je n'ai pas disparu, ce sont les autres qui ne sont pas où je suis » sa réapparition médiatique était liée à la ressortie du film de Vittorio de Sica le « Jardin des Fizzi-Contini » sur les écrans parisiens.

 

J'ai lu le livre (Giorgio Bassani Gallimard) pendant mes vacances et, à mon retour à Paris, je suis allé voir le film où, Dominique Sanda, toute jeune, joue le rôle de Micòl, le personnage autour duquel tout se noue. Le roman est envoûtant, tout y est en suspens, insaisissable, énigmatique dans le microcosme de Ferrare où la majorité des juifs pensent, comme le père du narrateur, que Mussolini est meilleur qu'Hitler. Le film est plus réaliste, plus politique et, si j'ai conseil à vous donner, voyez le film avant de lire le livre.

 

Le jardin des Finzi-Contini - Giorgio Bassani - Babelio

 

 

Je vous la critique de Télérama qui en ce temps-là n’était pas encore une « officine moralisatrice » :

 

Le Jardin des Finzi-Contini - film 1970 - AlloCiné

 

1970 Italie - Allemagne Réalisé par Vittorio De Sica 1h30 avec Dominique Sanda, Lino Capolicchio, Helmut Berger

On aime beaucoup

Critique par Jacques Siclier

En 1938, le régime de Mussolini promulgue les premières lois ­raciales. À Ferrare, dans le grand jardin de la riche famille juive des Finzi-Contini, Micol et son frère Alberto ont invité leurs amis israélites à venir jouer au tennis…

 

Les admirateurs du roman n’ont pas apprécié cette adaptation selon eux schématique. Pourtant, dans la fin de carrière décevante de De Sica, ce film est très attachant par ses qualités esthétiques (la couleur du temps d’Ennio Guarnieri) et par la manière dont la mise en scène suggère la progression de l’antisémitisme et la corrosion du fascisme. Les petits drames individuels vont aboutir à une tragédie collective que le cinéaste a fait ressentir avec une force poignante. À la fascination formelle qu’on peut éprouver devant les images, au mystère des personnages occupés par leurs amours (excellente interprétation) s’ajoute la présence obsédante de l’Histoire, dans une Italie où, en 1943, des Juifs partirent pour les camps de la mort nazis.

 

Le jardin des Finzi-Contini

 

Les Inrocks :

 

Restauré grâce à l’exquis Ronald Chammah, du Jardin des Finzi-Contini qui ressort aujourd’hui en salle, l’un des derniers films de Vittorio De Sica, l’un des premiers de Dominique Sanda, un film déchirant, adaptation inspirée (De Sica n’a pas réalisé que des  chefs-d’œuvre après Le Voleur de bicyclette) du célèbre et très beau roman éponyme de Giorgio Bassani, le grand écrivain de la ville de Ferrare (où naquirent aussi son ami Antonioni, Primo Levi et Chirico).

 

Le Jardin des Finzi-Contini raconte, en pleine montée de l’antisémitisme en Italie, entre 1938 et 1942, la disparition progressive et annoncée d’une grande famille aristocratique juive de Ferrare qui refuse de voir la réalité en face. Les Finzi-Contini ne quittent jamais leur propriété, enfermés dans leurs privilèges, comme Sanda l’intemporelle s’ils n’y risquaient rien. Le film met aussi en scène les relations amoureuses-fraternelles entre la plus jeune des Finzi-Contini, Micòl (Dominique Sanda, sublime adolescente vénéneuse), et le héros, jeune bourgeois intellectuel juif. La nature du désir, douloureux, ambigu, qui unit les jeunes gens, porte la marque de Valerio Zurlini (La Fille à la valise, Journal intime), qui a écrit ce scénario qu’il devait à l’origine tourner.

 

Le Jardin des Finzi-Contini - CinéLounge

 

Ce soir-là, à La Rochelle, Dominique Sanda monta sur la grande scène de La Coursive pour dire quelques mots, très émue. Sa voix grave n’a pas changé. Elle vit depuis 1998 en Amérique du Sud, avec son mari, un homme raffiné qu’elle tient volontiers par la main, un Argentin d’origine roumaine qui parle mieux le français que moi et cite Giraudoux. Dominique Sanda a cette poésie des femmes qui ne vieillissent jamais parce qu’elles ont toujours été d’une autre époque, d’une époque qui n’a jamais existé. Avec son chapeau à plume, son chien tout en longueur et ses foulards de soie, on dirait qu’elle descend d’un transatlantique, que son Hispano l’attend dehors, qu’elle ne songe qu’à retourner chevaucher dans la pampa, loin de toute cette agitation. Ce soir-là, elle semblait renaître du film de Vittorio De Sica, avec ses lumières vaporeuses et ses zooms surannés qui expriment si bien les rêves de bonheurs perdus, les cauchemars prémonitoires qu’on fait semblant de n’avoir jamais fait, dans l’espoir de leur échapper.

12 avril 2008

L'inoubliée et l'indomptée : Dominique Sanda et Mouglalis Anna ICI

 

 

Dominique Sanda14/08/2008 04:26

Jacques, ce que vous dites est très gentil et m'a intéressé, je dois pourtant par là même vous corriger une petite inexactitude. Là où vous dites "ces quelques mots que, sans doute, jamais vous ne lirez" vous auriez dû écrire: "que vous lirez peut-être". Surpris? D.S.

Le Jardin des Finzi-Contini

LE JARDIN DES FINZI-CONTINI (Il Giardino dei Finzi-Contini)

de Vittorio De Sica

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7 juin 2020 7 07 /06 /juin /2020 06:00

 arrestation FLN

 

C’est la quintessence du petit livre, 104 « tout petits chapitres », n’excédant jamais plus d’une page et demie, belle écriture simple et limpide, sans pathos, lu d’une traite sur ma terrasse ensoleillée en moins d’une heure.

 

« Dans une langue magnifique, l’Algérie et la traversée d’une guerre encore inavouée. »

 

Benjamin Stora 

              

L’Algérie, Guelma, Guelaat Bou Sbaa, mon frère aîné, appelé, cantonné sur la ligne électrifiée dite Morice à la frontière tunisienne, à son retour des silences et des photos cachées.

 

Moi-même, 10 ans après l’indépendance, à Constantine, service national comme coopérant à la Faculté de Droit d’Aïn-El-Bey, mes étudiants anciens du FLN, l’Algérie sous la férule de Boumediene.

 

Avant de partir j’avais lu les 5 tomes de la Guerre d’Algérie d’Yves Courrière.

 

La Guerre d'Algérie, tome 1

 

Les Fils de la Toussaint, 1968

Le Temps des léopards, 1969

L'Heure des colonels, 1970

Les Feux du désespoir, 1971

 

J’ai beaucoup lu sur cette guerre inavouée mais Jacques et la corvée de bois de Marie-Aimée Lebreton chez Buchet-Chastel 13 euros ICI  m’a fait pénétrer dans les blessures intimes d’un jeune homme ordinaire, d’un milieu simple, à Nîmes, qui fumait des Balto.

 

Jacques et la corvée de bois -

 

Sa mère Noémie, et Jeanne chap.5

 

Qui sait ce qu’elle aurait pensé ? Sans doute lui aurait-elle caressé les cheveux comme quand il était enfant. Est-ce parce qu’elle avait des projets pour lui et des désirs énormes que Jacques traversait la vie en confiance ? Jusqu’ici, il n’avait opté ni pour le ressentiment ni pour la grandeur d’âme. Il avait le goût des autres, s’inquiétait pour ceux qu’il aimait et les choses s’arrêtaient là. Il était convaincu qu’il est inutile de vouloir changer le monde. En dehors de la vulgarité qu’il détestait, le reste était sans importance. Il n’avait pas d’idée préconçue sur la réussite ou sur le bonheur et ne défendais aucune cause. Même avec les filles. Il les aimait. Puis il ne les aimait plus. Sauf Jeanne. Il aimait Jeanne.

 

Jacques avait peu d’amis en dehors de François … issu d’un milieu aisé, futur Polytechnicien, Officier en Algérie… Il connaissait bien cette solitude qui finit par devenir une compagne.

 

Choisir ses amis, c’était choisir son avenir.

Jacques ne pensait pas à l’avenir.

 

Dédé son père… à la mort de Noémie… le Dédé avait pris de la dépression, comme il disait. S’était renfermé, n’était plus rattaché au monde que par des gestes quotidiens. Puis les choses avaient changé quand Jacques avait reçu les papiers pour le service militaire. Ensuite, il avait pensé que Jacques pourrait avoir besoin de lui.

 

La corvée de bois, vous savez tous ce que c’était.

 

Faire la chasse aux merles. C’est comme ça qu’on appelait les rebelles algériens.

 

Il existait bien un marché de la torture avec ses cotes selon la gravité des faits, selon l’âge aussi, une sorte de barème comme pour les voitures.

 

« Les nettoyeurs de guerre »

 

Deux adjudants et un prisonnier, on aurait pu croire qu’ils étaient en balade… l’arabe était un peu à l’écart. Il n’était pas menotté… le groupe s’est dispersé et il s’est mis à courir comme un dératé… Il y eut d’abord un coup de feu… Puis un deuxième coup… On n’avait pas besoin de le retourner pour voir son ventre fondu sous la mitraille.

 

- C’est bon on l’a eu. C’est qu’il courait comme un lapin, le bicot !

 

Ils disaient qu’ils ne seraient jamais ces héros qu’ils avaient rencontrés dans leurs lectures d’enfants, ces hauts dignitaires tels de grands fauves qui hissaient leur art au rang de la grandeur historique. Qu’à choisir, il ne serait jamais venu dans ce merdier. Que la guerre abîmait les corps et les âmes aussi. Puis il avait ajouté que les beaux jours reviendraient.

  

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6 juin 2020 6 06 /06 /juin /2020 06:00

 

L’agence de détectives Duluc, rue du Louvre, à Paris. JEAN-MICHEL TURPIN / DIVERGENCE

Dans les années 80 j’eus ma première période Echenoz, Le Méridien de Greenwich 1979, Cherokee, 1983 Prix Médicis, L'Équipée malaise, 1986, L'Occupation des sols, 1988.

 

Éclipse !

 

Les années 90 : Nous trois, 1992, Je m'en vais, 1999 Prix Goncourt, Au piano 2002.

 

Abandon !

 

Puis, le déconfinement saison 1 me jette dans les bras des libraires et je tombe nez à nez avec Gérard Fulmar, sur sa vie plus précisément, écrite par Jean Echenoz.

 

 

J’achète !

 

Pourquoi ?

 

Le son du titre, comme une promesse, l’intuition  de retrouver dans ce roman « le goût du romancier pour ceux qui, a priori, n’intéressent personne, ces héros d’histoires séduisantes parce qu’elles sont farfelues et inutiles, parfois quasiment sans queue ni tête. Le romancier sait, comme à son habitude, nourrir son récit de détails qu’il n’hésite pas à multiplier, de précision en précision, fragmentant à l’envi le récit, qui devient de plus en plus gratuit et absurde. »

 

Mais pourquoi me direz-vous cette éclipse de presque vingt années ?

 

Sans doute parce qu’un temps j’avais rêvé d’être un Echenoz, de publier aux éditions de Minuit, mais la virtuosité de son écriture, sa langue qui m’intriguait, surprenante, séduisante mais décourageante. Mais aussi, « parce qu’à force de jouer avec son lecteur, d’entretenir cette lecture déceptive qui fait aussi le sel du récit et qui fait son talent, Jean Echenoz entretient une distance qui finit par rendre la lecture elle aussi parfois distante. »

 

Echenoz, biographe de l’ordinaire

« Le travail pour moi consiste à rendre un personnage de fiction aussi attachant qu’un personnage réel. Il me semble que les personnages auxquels on s’attache sont des personnages un peu ternes, négatifs, un peu mauvais, ils sont par nature plus attrayants que les personnages positifs, qui m’ennuient un peu. » 

 

«  Je ne m’amuse pas en écrivant, je ne me suis jamais surpris à rire. C’est plutôt un sourire attendri. C’est une chose que l’on prend au sérieux, c’est un corps à corps entre moi et le personnage. »

 

« J’ai été un grand lecteur de série noire dans les années 1970, cela comblait quelque chose qui me manquait dans la production de l’époque. Le système du roman noir me parait toujours très fertile quand on a envie de raconter des histoires, il y a des enjeux, la possibilité des tresser des paysages, des décors, c’est une forme riche. »                    

Jean Echenoz

 

Et c’est alors que sur mon écran je ne sais plus qui me préviens que l’on publie les Lettres du Mauvais Temps de Manchette, en librairie le 29 mai.

 

 

Bien sûr, pile poil j’achète, je feuillette, il correspondait avec James Ellroy et… Jean Echenoz

 

Je me rue !

 

Le 13 juillet  1979

 

Il remercie Echenoz de son aimable envoi de son Méridien de Greenwich, déclare qu’il a mis du temps à se décider de le lire pour « son appartenance manifeste à littérature d’art », puis qu’il a passé deux soirées intéressantes, « rit comme un bossu », qu’il est « troublé par la grande similitude de beaucoup de nos intérêts » tel qu’il a eu l’impression qu’il était l’auteur de son livre dans un univers parallèle, qu’il est inquiet du « malheureux hasard » qui afflige le héros.

 

Le 14 juillet 1983 copie à Jérôme Lindon

 

Cher Jean Echenoz,

 

À côté des énigmes nombreuses et saugrenues qui s’entrelacent dons ton Cherokee, le vrai mystère du bouquin, c’est qu’il tient debout et qu’il est passionnant et drôle. On ne sait pas pourquoi. Car enfin ce n’est qu’un ramassis de déchets, comme sont tous les romans contemporains ; et Cherokee est un ramassis de déchets spécialement hétéroclites et qui devraient se détruire les uns les autres. Ce « méta-polar » référentiel, cette frénésie de descriptions « objectales », cette débauche d’allusions qui fait du Faucon Maltais un perroquet débagoulant et latiniste…

 

Le 16 janvier 1987

 

Il remercie Echenoz un peu tardivement de l’envoi de L’Équipée malaise car il n’avait pas pu disposer du temps qui convient pour le lire d’une traite et sans hâte. « Tu es carrément le seul écrivain contemporain que je lis avec joie ». Il lui fait ses vœux de bonne année et ses amitiés.

 

Le 12 mars 1988

Cher Jean Echenoz,

 

Grand merci de l’envoi que tu m’as fait de L’Occupation des sols. Comme nous pouvions l’un et l’autre nous y attendre, je l’ai lu avec un plaisir solide.

 

 

Il lui dit ensuite s’écarter de la « subversion douce » de son écriture.

 

« Mais quand à L’Occupation des sols, je suis évidemment squeezé par le simple fait que c’est très bref. »

 

J’y reviendrai dans une prochaine chronique. Ce petit livre, vraiment très mince, 21 pages numérotés, 7 réelles, fut à l’origine de ma passion pour les petits livres.

 

Mais revenons à Gérard Fulmar, un critique m’apprend que le fulmar était un oiseau dans Je m’en vais ; c’est aussi le nom du moniteur d’auto-école dans l’Appareil photo, de Jean-Philippe Toussaint.

 

Né à Gisors le 13 mai 1974, 1 mètre 68 sous la toise, 89 kg sur la balance, en surpoids, il fut steward viré pour de sombres raisons jamais précisées, interdit de vol. Il habite rue Erlanger, dans le XVIe dans  l’appartement, où vivait sa défunte mère, dont le propriétaire, un dénommé Robert d’Ortho, vient d’être tué par un boulon géant, « propulsé à une vitesse de trente mètres par seconde ». En effet « …le 2e étage d’un vieux lanceur soviétique Cosmos 3M vient d’anéantir mon hypermarché. Il traînassait auparavant sur son orbite depuis plus d’un demi-siècle, en compagnie de six cents de ses congénères tirés en pleine guerre froide depuis les bases de Plessetsk, Kapoustine Iar ou Baïkonour pour installer au ciel de furtifs satellites militaires. »

 

La rue principale du récit, la rue Erlanger est une rue des morts précoces : celle de Renée Hartevelt, dévorée par le cannibale japonais Issei Sagawa (événement décrit par Nicole Caligaris dans Le paradis entre les jambes) ou encore celle de Mike Brant. Dans les deux cas, le narrateur passe à côté de l’histoire collective, il en est spectateur, acteur parallèle par l’écriture. Les deux fois sa mère voit les faits, particulièrement lorsque Mike Brant manque de l’écraser dans sa chute.

 

Gérard Fulmard qui va se trouver embarqué dans une affaire politique de second ordre, sans grand intérêt, une histoire de succession à la tête d’un parti qui oscille entre 2 et 2,2 %, la Fédération populaire indépendante. « Jean Echenoz joue avec les codes du roman d’espionnage, s’amuse en brassant des références que le lecteur saisira au vol, aligne les lieux communs pour mieux les détourner et nous faire rire, grâce à un narrateur complice qui, tout comme le lecteur avisé, est au-dessus de tout cela, n’est-ce pas ? Et qui pourrait donc penser avec lui : « C’est convenu, fastidieux, sans surprise, mais bon, je suppose que c’est une figure imposée. »

 

Jean Echenoz est piquant, et cela n’est ni nouveau, ni fait pour nous déplaire. « L’esprit de curiosité n’étouffe peut-être pas le personnage éponyme, de son propre aveu, mais la critique sociale lui est familière, et se confond d’ailleurs avec celle d’un narrateur jamais à court de remarques, que ce soit sur la pauvreté … ou encore sur l’absence de toute réflexion politique d’une société qui tourne à vide. Et on rit, bien sûr, de ses descriptions de l’agitation médiatique, par exemple, caractérisée par une absence totale de pensée :

 

« Point sur la situation à Auteuil effectué tous les quarts d’heure par un stagiaire sur fond de ruines fumantes, pendant qu’un autre battait la semelle devant le seuil de l’ambassade de Russie. Puis le plateau s’est renouvelé : on a fait venir, tant qu’on y était, des philosophes, des hommes d’Église et des tenants du millénium, il y a même eu un druide évhémériste en tenue vociférant que c’était toujours pareil, qu’il s’était tué à prédire un désastre et qu’on n’avait pas voulu l’écouter. »

 

SOURCE : 

Echenoz à distance ICI

 

Jean Echenoz, à Paris, le 26 décembre 2019.

Jean Echenoz, à Paris, le 26 décembre 2019. RÉMY ARTIGES POUR LE MONDE

Jean Echenoz : « J’ai fini par avoir une véritable affection pour mon héros Gérard Fulmard » ICI 

L’écrivain reçoit chez lui, à Paris – ville où se déploie « Vie de Gérard Fulmard » – pour évoquer la conception de ce nouveau roman, son esthétique de la distance et sa stylistique ludique.

Par  Publié le 01 janvier 2020

 Vie de Gérard Fulmard » : un dur à cuire à la sauce Jean Echenoz ICI 

Prenez un détective privé, une tragédie classique, quelques faits divers, liez d’une phrase minutieuse et désinvolte, servez. Le nouveau roman de Jean Echenoz est un délice.

Par  Publié le 01 janvier 2020

Keskili, Jean Echenoz ?
Un premier souvenir de lecture ?

De grandes espérances, de Charles Dickens (1861).

Le chef-d’œuvre inconnu que vous portez aux nues ?

Instructions aux domestiques, de Jonathan Swift (1745 ; 10/18, 2019).

Le chef-d’œuvre officiel qui vous tombe des mains ?

Voyage au bout de la nuit, de Louis-Ferdinand Céline (Denoël, 1932).

L’écrivain avec lequel vous aimeriez passer une soirée ?

Félix Fénéon (1861-1944).

Celui que vous aimez lire mais que vous ne voudriez pas rencontrer ?

Vladimir Nabokov (1899-1977).

Celui dont vous voudriez être le héros ?

Le Maître de Ballantrae, de Robert Louis Stevenson (1889).

Celui qui vous réconcilie avec l’existence ?

Jacques le fataliste, de Denis Diderot (1796).

Celui que vous avez envie d’offrir à tout le monde ?

Les Nouvelles complètes, de Joseph Conrad (Gallimard, « Quarto », 2003).

Celui qui vous fait rire ?

Le Journal, de Samuel Pepys (XVIIe siècle ; Robert Laffont, « Bouquins », 1994).

L’auteur que vous aimeriez pouvoir lire dans sa langue ?

William Faulkner (1897-1962).

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5 juin 2020 5 05 /06 /juin /2020 06:00

 

À l’annonce du confinement les pousseurs de caddies, à mon grand étonnement, se sont rués sur le PQ, faire des stocks de nouilles, d’huile, de  farine…, j’aurais pu comprendre mais remplir ses placards de rouleaux de papier dit hygiénique ça m’en a dit plus long qu’un long discours d’Onfray sur l’état d’esprit de nos concitoyens…

 

Ne pleure pas Jeannette t’auras ta « Pelure d’oignon » vieillie en fût de chêne à Beaune mais occupe-toi de tes oignons !

 

Moi je me suis, selon la formule consacré, occupé de mes oignons…, j’ai vérifié l’état de mes oignons (par bonheur je n’en ai pas aux pieds)…, en effet ce bulbe, comme tous les bulbes germe facilement…Pour bien le conserver, il faut savoir que la plante entre en dormance pendant les mois froids pour germer à nouveau au printemps. Aussi, une fois cueilli, il est important de conserver le bulbe à température constante. « L’objectif est d’empêcher qu’il ne sente l’arrivée du printemps ». Optez donc chez vous pour la cuisine, la cave ou un cellier pour le stocker. En outre, il faut empêcher l’oxygène de parvenir au cœur du bulbe. La méthode du tressage est la meilleure parade : « Elle permet de pincer la base du bulbe, empêchant ainsi l’oxygénation. »

 

J’aurais pu titrer ma chronique : histoire d’O puisque on peut dire indifféremment Oignon ou Ognon…

 

Se mettre en rang d’ognons, à bonne distance, est un impératif de santé publique.

 

L’expression est du cru du baron d'Oignon, maître de cérémonie à la cour des Valois, avait l'habitude de crier, lorsqu'il assignait leur place aux seigneurs : « Messieurs, serrez vos rangs ». Entre eux, les seigneurs se moquaient des rangs d'Oignon. ICI

 

Artus de la Fontaine Solaro, dit le baron d’Ognon, du nom du château d’Ognon, situé dans l’Oise. Ce personnage, chef du protocole lors des états généraux de Blois en 1576 et 1577, était connu pour son organisation et sa méthode de «rangement» des députés selon des règles protocolaires très précises.

 

Si vous voulez tout savoir sur l’oignon-ognon c’est ICI 

 

Ce bulbe est cultivé depuis plus de 5 000 ans, le terme « ognon » est apparu dans la langue française en 1273. La forme définitive, « oignon », apparaîtra au XIVe siècle. Le mot vient du latin populaire unio, unionis qui, en Gaule, a éliminé caepa (d'où viennent « cive », « ciboule », « civette », « ciboulette »), mot employé jusque-là pour décrire ce légume.

 

Pourquoi unio?

 

Tout simplement parce que l'oignon est l'une des rares alliacées dont le bulbe ne se divise pas (on parle ici de l'oignon dans le sens étroit du terme, ce qui exclut l'échalote) et est donc uni.

 

« L’Exode, Les Nombres (le peuple de Dieu quitte l’Egypte) constatent qu’il n’est pas facile de changer les habitudes alimentaires des gens même au prix de leur liberté : la manne d’accord, mais l’oignon d’Egypte manquent au peuple d’Israël traversant le désert.

 

Le peuple de Dieu avait de bonnes raisons de réclamer des oignons égyptiens.

 

La migration de l’oignon du nord de l’Iran vers les zones subtropicales du sud égyptien, du Soudan, de l’Ethiopie donne lieu, au 3éme millénaire BC (ou avant), à la création de variétés nouvelles.

 

Michel Pitrat et Claude Foury dans l’Histoire des légumes (INRA) expliquent que l’adaptation protohistorique de la plante aux jours courts entraîne une nouvelle sélection variétale.

 

Parmi elles des oignons d’une extrême douceur qui diffuseront en Afrique et qui existent toujours en Egypte où on les consomme cru. »

 

Une des variétés égyptiennes « était si excellente qu’elle recevait des hommages comme une divinité » écrit D.Bois, culte qui a perduré jusqu’à il y a peu selon Nerval .


Les arabes les acclimatent dans le sud européen, en Sicile notamment où on en mangeait matin, midi et soir encore au XVIIIe siècle. ICI

 

Ce matin je reviens vers vous à propos de l’oignon pour 2 raisons :

 

  • La France pays de l’AOC qui l’a essaimé dans le monde entier, offert à l’UE pour en faire l’AOP a octroyé une AOP au rosé de Roscoff, qu’il ne faut pas confondre avec le rosé de Provence qui lui, on se demande bien pourquoi, est aussi une AOP. ICI

 

  • La pelure d’oignon

 

L’oignon appartient à la même famille que les poireaux, l’échalote et la ciboulette.

 

« L’oignon était l’un des seuls légumes que les marins pouvaient conserver aux 17e, 18e et 19e siècles», raconte Nelly Maguet, du Syndicat de l’AOP oignon de Roscoff. « À cette époque, confrontés au scorbut, ils y puisaient la vitamine C permettant de prévenir cette maladie. »

 

« Comme nous vivons sous le règne des nutritionnistes sachez qu’il possède de multiples vertus pour la santé. Sa forte teneur en composés organo-soufrés et en flavonoïdes lui confère des propriétés anticancéreuses. Il est notamment riche en quercétine, un antioxydant présent aussi dans les pommes. La consommation de ce légume contribue également à diminuer la pression artérielle. Consommé cru, il apporte plus de 150 mg de potassium pour 100 g. Il renferme également de petites quantités d’acides gras oméga-3. Sans oublier les vitamines, parmi lesquelles la C. »

 

Comment le choisir à l’étal ?

 

« Pour Samuel Blin, maraîcher à La Limouzinière en Loire-Atlantique, qui produit les variétés jaune Paille des vertus et rouge Red Baron, « l’oignon de garde doit être ferme, avec une peau brillante et sans taches. On sait alors qu’il n’est pas pourri ou encore qu’il n’a pas commencé à germer. »

 

L’oignon primeur, appelé également cébette, présente un bulbe plus petit. Cueilli avant que ses feuilles ne cessent de pousser et que le bulbe ne se mette à grossir en terre, il se consomme frais et ne se conserve pas plus de quatre ou cinq jours. Il est vendu en botte.

 

Du côté cuisine :

 

« Outre la célèbre soupe à l’oignon, ce bulbe permet beaucoup d’inventivité en cuisine. Contenant naturellement du sucre, il caramélise facilement. Il peut être préparé en confit pour accompagner le foie gras, ou ajouté dans toutes vos salades d’été. On peut aussi en faire des sauces et même des desserts, comme une mousse, un clafoutis ou encore une glace avec l’oignon sucré de Roscoff ! Samuel Blin recommande, lui, de couper finement les fanes d’oignons primeur et de les intégrer à une omelette. On apporte ainsi un petit goût de ciboulette, tout en réduisant les déchets. »

 

Pour ne pas pleurer

« L’oignon a un défaut : il fait pleurer celles et ceux qui l’épluchent. Ce sont les composés soufrés et un enzyme, l’alliinase, contenus dans son bulbe, qui réagissent l’un avec l’autre lorsque l’oignon est coupé. Une fois libérées, ces substances entraînent la formation d’un gaz particulièrement irritant pour les yeux : le sulfate d’allyle. Pour limiter son effet, découper l’oignon sous un filet d’eau. Si cela n’est pas suffisant, vous pouvez passer l’oignon quelques minutes au congélateur avant de le couper.

 

Oignons

 

Pelure d'oignon

 

Couleur rose orangée très pâle de vins rouges vinifiés en blanc, rappelant la pelure d'oignon.

 

Ne pleure pas Jeannette t’auras ta « Pelure d’oignon » vieillie en fût de chêne à Beaune mais occupe-toi de tes oignons !

 

La couleur du vin peut varier fortement selon son âge, sa concentration et les techniques de vinification utilisées. Cette nuance pelure d’oignon définit la teinte rose-orangé (saumon) d’un rosé (un Champagne Rosé par exemple). Elle peut désigner également un vin rouge peu coloré qui a pris une forte nuance de jaune en vieillissant notamment. Ne pas confondre avec le vin de table rosé Pelure d’oignon (François d’Aubigné).

 

Tuilé le vin tuilé est un vin dont la robe rappelle la couleur des briques ou des tuiles, c'est-à-dire orangée

 

« Le vignoble des Côtes de Toul et certainement le vignoble de Lorraine qui produit les vins plus qualitatifs. Il se situe sur la rive gauche de la Moselle et un peu à l’ouest de la magnifique ville de Nancy. C’est ici qu’on produit le fameux vin gris, pelure d’oignon, qui a fait la renommée de ce vignoble. »

 

La marque la plus célèbre est Champlure !

 

Ne pleure pas Jeannette t’auras ta « Pelure d’oignon » vieillie en fût de chêne à Beaune mais occupe-toi de tes oignons !

 

Les Caves de Noémie Vernaux sont une marque de la Maison Patriarche en Bourgogne, elle-même propriété de Castel France

La soupe à l’oignon rurale des nouveaux mariés de Vendée et l’urbaine des Halles de Paris qui séduisit Carlo Petrini

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4 juin 2020 4 04 /06 /juin /2020 06:00

 

Le caoutchouc de pissenlit refait surface

Pendant le confinement lorsque je sortais faire mes courses à la supérette je n’ai jamais croisé âme qui vive dans mon immeuble, ni dans l’ascenseur, ni dans la cour, mais comme il faisait très beau nos parterres de fleurs, des roses, explosaient de couleurs. Un soir, descendant ma poubelle, je me suis dit je vais faire mon Pax (voir chronique), je suis remonté, pris mon sécateur et cueilli quelques roses. Après tout, étant co-propriétaire, je prélevais ma dîme de confiné.

 

L’image contient peut-être : ciel, plante et plein air

 

Dès que le black-out fut levé, j’ai ajouté à  ma razzia de livre un petit ouvrage : Miscellanées des fleurs d’Anne-France Dautheville, chez Buchet-Chastel.

 

Miscellanées des fleurs - Tout sur les fleurs et... de Anne-France ...

 

Comme au bas de chez moi, entre les arbres de la contre-allée, les pissenlits prospèrent, en effet le pissenlit pousse à peu près partout : dans les champs cultivés, les champs en friche, sur le bord des routes, aux abords des maisons. C’est la terreur des jardiniers traditionnels qui le considère comme une mauvaise herbe. J’ai feuilleté mon petit bouquin et je suis tombé sur une étrange rubrique : Le joyeux jaune du pneu.

 

Je me suis dit, ça doit être la nouvelle mode des chefs de cuisine et le guide du pneu en profite pour  se refaire une beauté (le pissenlit est aussi très apprécié pour ses vertus médicinales, la racine est utilisée comme dépuratif «Le pissenlit essore l’éponge hépatique et rince le filtre rénal» Henry Leclerc. « Précis de phytothérapie : essais de thérapeutique par les plantes françaises », 1954

 

À propos de racine, vous connaissez tous l’expression :

 

 

« Il pense à tous les types qui essaieront de vous faire la cour pendant qu'il cassera les cailloux.

- Ou qu'il mangera des pissenlits par la racine, dit Pinette »

Jean-Paul Sartre - La mort dans l'âme

 

Les lapins sont particulièrement friands de pissenlits, mémé Marie allait, sur le chemin de la Garandelière, couper des feuilles dans les fossés pour nourrir ses gros lapins aux yeux rouges.

 

La Salade de pissenlit est appréciée par ceux qui aiment l’amer. À la sortie de l'hiver, les rosettes des jeunes pissenlits sont tendres.

 

Pissenlit (Taraxacum officinale)

 

7 novembre 2009

Fatiguez votre salade de pissenlit avec du vinaigre de Banyuls pour votre omelette de saison ICI 

 

Mais j’avais tout faux, c’était encore un coup de nos chers voisins allemands qui font des grosses autos qu’adorent les bourgeois gaulois.

 

Un peu de patience, le pissenlit s'appelle aussi en français « dent-de-lion », terme dont on retrouve la traduction littérale dans le mot allemand Löwenzahn et qui, en anglais, a donné le mot dandelion.

 

Pisse en lit, eh, oui, c’est le CNRTL qui le dit « Composé de pisse (forme du verbe pisser*), de la préposition en* et de lit*. Cette plante est ainsi nommée en raison de ses propriétés diurétiques.

 

Le Figaro titre lui : Le pissenlit, la fleur qui détrempe les lits.

 

« Il est la petite fleur dans la prairie. Celui qui dore de têtes jaunes nos prés verts et que «les petits de l'hirondelle mangent» chez un autre Prévert. Le pissenlit. Voilà le bonhomme rayonnant de nos contrées qui fait également l'éclat des fioles de phytothérapie dans nos pharmacies. La plante herbacée est en effet très utile pour ses propriétés diurétiques. Une vertu qui n'est pas d'ailleurs sans avoir influencé son nom... »

 

Le pissenlit est une plante vivace et non une annuelle comme certains le pensent. La partie aérienne de la plante reste ou disparaît selon les températures en hiver, et l'énergie de la plante repart vers les racines. Lorsque la partie aérienne meurt, la plante donne naissance à une nouvelle rosette de feuilles à la fin de l'hiver ou au début du printemps.

 

Le pissenlit est très variable en taille, en fonction de l'environnement dans lequel il pousse. Au plus le sol sera riche, au plus sa masse aérienne sera importante. La forme des feuilles varie grandement elle aussi, et est plus ou moins découpée et dentée.

 

Très répandu en Europe, le pissenlit est souvent considéré comme une mauvaise herbe car il envahit rapidement les jardins, les espaces verts et les champs. En effet, grâce à la formation d’aigrettes à la suite de la floraison, cette plante a la particularité de disperser facilement ses graines.

 

Le pissenlit (Taraxacum officinale)

 

«Je sème à tout vent».

 

 

Je reviens à mon joyeux jaune du pneu.

 

Le pissenlit a fleuri. La pelouse, soudain, s’est constellée de taches jaunes, joyeuses comme le printemps. Le jardinier soupire : son gazon idéal n’est pas compatible avec ces sauvages. Et le fabricant de pneus se frotte les mains : me suc blanc, épais, amer qui imprègne la plante pourrait remplacer le latex du lointain hévéa. Un hectare de pissenlit fournirait autant de caoutchouc que la même surface d’arbres asiatiques. Les firmes Bridgestone ou Continental financent des recherches à coups de millions de dollars sur le pissenlit kok-saghyz, né en Russie En Orient, l’hévéa perd du terrain : le palmier à huile est plus rentable, il le remplace de plus en plus souvent. Comble de malheur, un champignon brésilien décime les plantations restantes.

 

Un pneu Continental au pissenlit - Recyclage Pneu

 

Quelques explications techniques pour les nuls comme moi :

 

Aujourd’hui, un pneu pour voiture de tourisme se compose de 10 à 30% de caoutchouc naturel. Cette proportion est encore plus élevée sur les pneus pour utilitaires. On obtient ce caoutchouc naturel à partir de la transformation du latex, une matière première provenant exclusivement de l’Hévéa (ou arbre à caoutchouc).

 

LE PISSENLIT RUSSE COMME ALTERNATIVE

 

Le pissenlit russe concurrent de l'hevea des zones tropicales, il fallait y penser

 

Continental, a choisi de se concentrer uniquement sur les pissenlits russes. Cette espèce originaire du Kazakhstan est la seule à produire un composé proche du latex et pouvant être utilisé pour fabriquer des pneumatiques solides et de qualité premium. Par rapport à l’hévéa, le pissenlit russe dispose de nombreuses qualités qu’il est important de souligner.

 

Tout d’abord, le cycle de croissance d’un pissenlit russe n’est que d’un an en moyenne. Cela signifie que la première récolte peut être effectuée seulement un an après la plantation du pissenlit !

 

Ensuite, le pissenlit russe pousse dans des régions à climat tempéré. Il n’a pas besoin d’un sol de qualité supérieure pour grandir. Ainsi, il sera donc possible de faire pousser les pissenlits à proximité des usines de pneumatiques Continental. Selon Carla Recker, responsable de la chimie des matériaux chez Continental, cela contribuera fortement à réduire les émissions de CO2, grâce à une réduction des trajets pour l’acheminement des matières premières.

 

Enfin, le pissenlit russe est une plante robuste et peu sensible aux conditions climatiques, ce qui est moins le cas de l’hévéa.

 

Le japonais Bridgestone, leader mondial du secteur, l’allemand Continental numéro 4 du marché.

 

En France, Michelin travaille sur d'autres pistes et ambitionne de fabriquer d'ici 30 ans des pneumatiques incluant 80 % de matériaux durables tels que des copeaux de bois ou de la betterave.

 

Lire ICI et ICI

 

Le pneu en pissenlit russe de Continental primé | Commodafrica

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3 juin 2020 3 03 /06 /juin /2020 06:00

Dessin de Chappatte paru dans Le Temps, Lausanne. Dessin de Chappatte paru dans Le Temps, Lausanne.

Ma lecture du livre de Dov Alfon a éveillé en moi le besoin de me plonger dans le guêpier du conflit israélo-palestinien, le mythe des 2 États mis à mal par Le projet du gouvernement israélien d’annexer une grande partie des territoires palestiniens en Cisjordanie.

 

Terrain miné, j’ai choisi de publier deux points de vue de l’intérieur :

 

  • Comment le monde vat-il réagir à l’annexion de la Cisjordanie ? THE TIMES OF ISRAEL

 

  • Regardons la vérité en face ! Ha’Aretz TelAviv

 

Ils n’ont rien de complaisant, ils permettent de mieux comprendre, par-delà les postures officielles et les prises de position partisanes, les enjeux de cette annexion.

 

Israël. Qui pour s’opposer à  l’annexion ?

 

Le projet du gouvernement israélien d’annexer une grande partie des territoires palestiniens en Cisjordanie soulèvera-t-il plus que de simples protestations de la part de la communauté internationale ?

 

Ce journaliste israélien en doute

 

Le 16  novembre 1980, le Premier ministre Menahem Begin était interrogé lors d’une interview à la NBC sur la façon dont il pensait que la communauté internationale réagirait face à une annexion du plateau du Golan par Israël. À l’époque, un projet de loi étendant le droit israélien à la zone contestée avait été présenté à la Knesset, mais le gouvernement de Begin n’avait pas encore annoncé son soutien à cette initiative. « Comme nous n’avons pas encore pris de décision à ce sujet, je pense qu’il est prématuré de parler de réactions », avait-il répondu.

 

Environ un an plus tard, Begin a fait passer la loi sur le plateau du Golan [territoire syrien occupé en 1967] à la Knesset. La réaction de la communauté internationale n’a pas été surprenante, le Conseil de sécurité des Nations unies condamnant l’annexion de facto d’Israël comme une « menace permanente pour la paix et la sécurité internationales ». Et la résolution 497 de ce même Conseil, qui soutenait que la loi israélienne sur le plateau du Golan était « nulle et non avenue et sans effet », a été adoptée à l’unanimité – même l’administration Reagan a voté en sa faveur.

 

LePremier ministre Benjamin Netanyahu (G) et l’ambassadeur américain en Israël David Friedman (2e G) dans l’implantation d’Ariel, au nord de la Cisjordanie, le 24 février 2020. (Crédit : David Azagury/Ambassade des États-Unis à Jérusalem)

 

Avance rapide de quatre décennies : le Premier ministre Benyamin Netanyahou prévoit d’annexer toutes les implantations, la vallée du Jourdain et d’autres parties importantes de la Cisjordanie (voir carte ci-contre). L’accord de coalition entre son parti, le Likoud, et le parti Kakhol lavan [centre droit] de Benny Gantz doit lui permettre de faire avancer la question dans le prochain gouvernement, et ce dès le 1er juillet.

 

 

Comment la communauté internationale réagirait-elle à ce type d’annexion ?

 

Il y aurait certainement beaucoup d’opprobre, des « réunions d’urgence » du Conseil de sécurité et de la Ligue arabe, et peut-être quelques menaces de « conséquences » non précisées. Mais personne ne sait avec certitude si l’annexion – dont les conséquences réelles sur le terrain sont difficiles à prévoir – aurait des répercussions négatives concrètes pour Israël.

 

L’Union européenne adopterait-elle des sanctions contre Israël, comme elle l’a fait contre la Russie après son annexion de la Crimée en 2014 ?

 

Bruxelles pourrait, par exemple, geler certains accords bilatéraux, suspendre la coopération scientifique, annuler les tarifs préférentiels qu’elle accorde aux produits israéliens ou interdire totalement les marchandises de Cisjordanie. Certains États membres pourraient rappeler leurs ambassadeurs ou reconnaître un État palestinien.

 

L’administration américaine mettra son veto à toute tentative de condamnation d’Israël.

 

« Les réponses varient selon les pays, mais, à ce stade, les conséquences concrètes de l’annexion n’ont pas encore été précisées », a déclaré Nimrod Goren, le chef de Mitvim, l’Institut israélien pour les politiques étrangères régionales. « La réaction des Palestiniens sur le terrain – qu’elle soit violente ou non – sera également un facteur déterminant. »

 

De nombreux pays ont récemment souligné que les annexions unilatérales représentent une violation du droit international, ce qui, selon M. Goren, montre que les contestations de la décision de Netanyahou se feraient non seulement au niveau bilatéral, mais aussi dans l’arène juridique internationale. Mais l’ONU et l’UE sont « limitées dans leur réponse à l’annexion en raison du veto possible des alliés d’Israël », a-t-il déclaré.

 

Avertissements. Les États-Unis ont récemment réitéré leur soutien à une annexion israélienne, pour autant que cela se fasse dans le cadre du prétendu « deal du siècle » du président Donald Trump [plan de paix américain pour le Moyen-Orient de janvier 2020]. L’administration est sûre de mettre son veto à toute tentative de condamnation de l’initiative israélienne, mais à l’Assemblée générale des Nations unies, une résolution (non contraignante) serait adoptée à une écrasante majorité. Certains États membres de l’UE ont estimé que dans le contexte de la pandémie de coronavirus, ce n’était “pas le moment des menaces”.

 

Pourtant, aucun pays hormis les États-Unis n’a apporté son soutien à une annexion israélienne, et même nombre de ses amis proches l’ont clairement déconseillé. L’Allemagne a déclaré que cela aurait « des répercussions négatives graves sur la position d’Israël au sein de la communauté internationale », et la France a averti que cela « ne passerait pas inaperçu et ne serait pas négligé dans nos relations avec Israël ». D’autres pays, dont la Russie, la Chine, la Belgique, l’Espagne, l’Irlande, l’Italie et la Norvège, ont fait des déclarations similaires.

 

Les dirigeants palestiniens ont salué « l’engagement de principe en faveur de l’application permanente et universelle du droit international, qui interdit strictement l’annexion » et ont appelé à « des mesures préventives et concrètes » contre Israël.

 

Bruxelles ne devrait pas prendre de mesures sévères, telles que la suspension de l’accord d’association

 

Il n’y a aucun moyen de savoir si le monde tiendra compte de l’appel de Ramallah [siège de l’Autorité palestinienne], mais Israël ne devrait pas attendre pour le savoir, a déclaré Yigal Palmor, un ancien porte-parole du ministère des Affaires étrangères israélien. « Ignorer les avertissements et les admonitions n’est pas une bonne politique, aussi imprécises que soient les menaces », a-t-il déclaré.

 

Les partisans de l’annexion prédisent souvent que le monde exprimera sa désapprobation pendant quelques semaines et adoptera peut-être quelques résolutions édulcorées, mais qu’en fin de compte la caravane avancera, sans davantage qu’une égratignure sur le statut international d’Israël. Si Begin s’était inquiété de la réaction du monde, il n’aurait jamais annexé le Golan ni Jérusalem-Est [en juillet 1980], affirment-ils.

 

En revanche, le député Yaïr Lapid, nouveau chef de l’opposition israélienne, est convaincu que l’application de la souveraineté sur certaines parties de la Cisjordanie déclencherait des « réactions sévères » de la part des Palestiniens, des Jordaniens, de la prochaine administration américaine (au cas où les démocrates reprendraient la Maison Blanche plus tard dans l’année) et bien sûr des Européens, a-t-il souligné cette semaine.

 

To u t e f o i s , M a y a S i o n Tzidkiyahu, qui dirige le programme de Mitvim sur les relations entre Israël et l’Europe, a noté qu’il a été pratiquement impossible d’obtenir l’accord des 27 États membres de l’UE sur des déclarations critiques à l’égard d’Israël. Bruxelles ne devrait pas prendre de mesures sévères, telles que la suspension de l’accord d’association, le principal accord entre les deux parties, a-t-elle poursuivi.

 

Cependant, elle peut encore envisager d’autres mesures, comme l’exclusion d’Israël du programme de recherche et d’innovation de l’Union. Cela serait douloureux pour la nation autoproclamée “start-up”, mais aussi pour l’UE elle-même, selon Sion Tzidkiyahu. « Une certitude est que dans un tel scénario dramatique, Israël pourrait toujours compter sur l’Allemagne pour adoucir le coup de bâton de l’UE », a- t-elle déclaré.

 

Efraim Halevy, un ancien dirigeant du Mossad qui a également été ambassadeur d’Israël auprès de l’UE, a mis en garde contre toute mesure susceptible de contrarier les Européens.

 

« La relation d’Israël avec l’UE n’est pas seulement politique, elle est aussi économique, scientifique et technologique. Et alors qu’Israël est confronté à probablement la plus grande crise économique de son existence, pourquoi devrions-nous subir la colère des Européens ? », a-t-il déclaré au Times of Israël lors d’un entretien téléphonique cette semaine.

 

 « Les dommages économiques qu’Israël subira même si les Européens n’annulent pas tous ces accords [bilatéraux] mais les mettent simplement en suspens, dépassent de loin tout ce que l’on peut imaginer aujourd’hui », a-t-il ajouté.

 

Avec plus d’un million de personnes sans emploi en raison de la pandémie de coronavirus, «pourquoi les dirigeants israéliens risqueraient-ils d’accroître les tensions avec l’UE, son plus important partenaire commercial ? », s’est interrogé M. Halevy.

 

« Dans la situation actuelle, où le monde entier est confronté à une crise sanitaire et économique sans précédent, il y aura peu de patience avec Israël », a-t-il averti.

 

« Nous sommes en terrain inconnu. Le point numéro un de notre liste de nécessités est de rétablir la santé et l’économie d’Israël. Il devrait supplanter tout autre type de considération, y compris l’annexion politique de zones que nous contrôlons de toute façon. »

 

Quelles seront les conséquences sur l’accord de paix avec la Jordanie ? la suite ICI 

Raphael Ahren

Publié le 3 mai

 

Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas s’exprime lors d’une réunion du Conseil de sécurité au siège des Nations unies, le 11 février 2020. (Seth Wenig/AP)

Regardons la vérité en face !

 

Il est temps d’en finir avec les mensonges concernant la paix et la solidité de l’Autorité palestinienne, s’insurge cet éditorialiste israélien. Au moins, l’annexion fera réagir les Européens.

 

—Ha’Aretz Tel-Aviv

 

De quoi le centre gauche en Israël a-t-il peur à propos de l’annexion [de la Cisjordanie par Israël] ?

 

Pourquoi l’Union européenne et d’autres pays feignent-ils une telle colère contre un tel développement politique‑? L’annexion a toujours été présentée comme la mère de toutes les catastrophes, mais nous devons cesser de la craindre et même lui dire oui.

 

Elle s’avère être le seul moyen de sortir de l’impasse actuelle, le seul bouleversement possible qui pourrait mettre fin à ce statu quo de désespoir dans lequel nous sommes coincés et qui ne peut nous conduire nulle part de bien.

 

L’annexion serait effectivement une récompense intolérable pour l’occupant et une punition scandaleuse pour l’occupé. Elle légitimerait les crimes les plus graves et briserait le plus juste des rêves [le projet de deux États : israélien et palestinien]. Mais l’autre solution est encore pire. Une non-annexion éterniserait la situation criminelle qui se perpétue depuis longtemps ici. Au contraire, l’annexion acterait la réalité de l’apartheid qui sévit [dans les territoires palestiniens occupés]. Elle mettrait également un terme aux mensonges et obligerait tout le monde à regarder la vérité en face. Et la vérité est que l’occupation israélienne est là pour rester, qu’elle a déjà créé une situation irréversible : quelque 700‑000 colons juifs (y compris ceux de Jérusalem-Est) qui ne seront jamais expulsés, et sans leur expulsion, les Palestiniens ne se retrouveront avec rien d’autre que des bantoustans, ni un État ni même un pseudo-État.

 

C’est ce que craignent les opposants à l’annexion : sans annexion de fait, il sera toujours possible de continuer à se bercer d’illusions.

 

L’annexion, elle, menacera la fiction de l’Autorité palestinienne, qui continue de se comporter comme si elle était un État libre et souverain. Elle menacera le camp de paix israélien, qui continue de croire qu’il existe toujours une possibilité de solution à deux États. L’annexion mettra au défi l’Union européenne, qui pense qu’il suffit de condamner (fermement‑!) Israël, puis de ne rien faire contre l’apartheid, de le financer et de l’armer, et d’afficher ses “valeurs communes” avec Israël.

 

L’annexion mettra au défi les négateurs de la réalité qui n’ont jamais été mis de leur vie face à leurs contradictions. Il faut donc y être favorable malgré l’injustice et les catastrophes qu’elle est susceptible de créer : à long terme, le prix sera inférieur à celui de la situation actuelle.

 

C’est précisément l’opposant juré à l’annexion Shaul Arieli [un expert du conflit israélo-palestinien] qui a le mieux décrit ses avantages. Dans un article récent, il a énuméré comment l’Autorité palestinienne s’effondrerait, les accords d’Oslo seraient annulés, l’image d’Israël subirait des dommages et un autre cycle d’effusion de sang pourrait éclater.

 

Ce sont de vrais dangers à ne pas prendre à la légère, mais Arieli dit aussi : “Le pas de l’annexion porterait un grand coup aux fragiles équilibres de la situation actuelle.” Et pourquoi pas, Shaul Arieli‑?

 

La stabilité que l’occupation a créée, sa normalité de routine [cohabitation entre Autorité palestinienne, armée israélienne et colonies juives], sont les grands ennemis de tout espoir d’y mettre fin. En fait, l’annexion est après tout davantage réversible que les colonies : la politique d’annexion peut un jour se transformer en démocratie [un seul État binational judéo-arabe englobant Israël et les territoires occupés, une formule qui relève du cauchemar pour l’immense majorité des Israéliens].

 

Nous attendions ce pas. C’est notre dernier espoir. Quiconque connaît Israël sait qu’il n’y a aucune chance qu’il se réveille un matin de son plein gré et dise : “L’occupation n’est pas agréable, mettons-y un terme.” Quiconque connaît les Palestiniens sait qu’ils n’ont jamais été aussi faibles, isolés, fragmentés et dépourvus de tout esprit de combat. Et quiconque connaît la communauté internationale sait à quel point elle est lasse de ce conflit. Alors maintenant, Israël va venir et, avec les encouragements du célèbre pacificateur de Washington [Donald Trump], sortir cette réalité de sa torpeur : l’annexion des collines et des vallées [des colonies juives en Cisjordanie], puis de la zone C [partie de la Cisjordanie] et finalement de toute la Cisjordanie.

 

Comme aucun dirigeant israélien n’a l’intention d’accorder de droits égaux aux Palestiniens, Israël se déclarera de facto État d’apartheid. Deux peuples, l’un avec tous les droits et l’autre sans aucun droit. Est-ce trop naïf ou optimiste de croire que la majeure partie de la communauté internationale ne restera pas silencieuse ni même un grand nombre d’Israéliens‑? Existe-t-il un autre plan réaliste‑? Alors, cessons d’avoir peur et laissons-les annexer.

 

Gidéon Lévy

Publié le 10 mai

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2 juin 2020 2 02 /06 /juin /2020 06:00

 

Rien ne me mets plus en fureur que « les bien au chaud » affirment sur les réseaux sociaux que notre vieux pays républicain glisse vers la dictature sous la férule de notre caudillo Macron. Que notre démocratie ait besoin de se régénérer je suis le premier à le souhaiter comme l’a montré mon dialogue avec Jean-François, mais parler de dictature c’est insulter les morts des dictateurs et détourner son regard des femmes et des hommes qui, en 2020, vivent sous la botte de dirigeants adeptes de la manière forte pour réprimer ceux qui ne pensent pas comme eux.

 

1977 par Saccomanno

 

Guillermo Saccomanno dans le livre que je suis en train de lire 1977 ICI : Buenos Aires en 1977. La dictature militaire s’est installée depuis plusieurs années, certains résistent, des femmes défilent chaque jeudi pour rappeler qu’un de leurs proches, leur fils ou leur fille dans la plupart des cas, a «disparu» ; des voitures peintes en vert, comme un uniforme, bien reconnaissables, patrouillent, et la majorité des habitants essaie d’adapter sa vie aux circonstances.

 

Henri Jeanson, journaliste iconoclaste, donnait la meilleure définition que je connaisse de la démocratie :

 

« La démocratie, c’est quand on sonne chez vous à six heures du matin et que c’est le laitier »

 

… la terreur répondait toujours présente. Les militaires avaient mis en garde : « Nous éliminerons d’abord les subversifs, puis leurs complices, ensuite leurs sympathisants et enfin les indifférents et les tièdes. »

 

La Casa Rosada, le palais présidentiel argentin avec Argentina ...

 

La Casa Rosada

 

Le palais présidentiel devait sa couleur rose au sang de vache avec laquelle on l’avait peint au temps de la colonie espagnole. La conservation de la couleur d’origine constituait bien plus qu’une métaphore de cet abattoir que notre pays avait toujours été.

 

[…]

 

La Casa Rosada était plus rose que jamais. Cet après-midi-là, tandis que les mères des disparus commençaient leur ronde, juste en face il devait y avoir des officiers enfilant de jeunes appelés. J’ai pensé à ce qu’avait été l’armée de San Martin.

 

AFP Archives on Twitter: "30 avril 1977 : première marche en ...

 

C’est en 1977 que les mères ont commencé à se réunir sur la place  de Mai. Pas plus d’une douzaine au début, leur nombre s’est vite multiplié. Le foulard blanc était leur signe de reconnaissance. Les jeudis après-midi, elles tournaient autour de la  Pyramide de Mai. J’ai relevé le col de mon pardessus. Le  vent était humide. Il y avait un camion avec des effectifs de la garde d’infanterie. De chaque côté du palais présidentiel, comme en arrière-garde, des blindés de l’armée et des soldats postés avec leur FAL. Des policiers empêchaient que l’on s’approche de cette ronde. Comme un badaud parmi d’autres, j’avançais malgré tout vers ces femmes. Certaines étaient jeunes, d’autres plus âgées, mais la tragédie les avait toutes vieillies prématurément.

 

[…]

 

La dictature appelait ses victimes desaparecidos. Ce préfixe « des » suggérait que ces mères, quand bien même on retrouverait leurs enfants, ne recevraient que des fantômes. On aurait beau élaborer des explications et des théories psychologiques pour tenter d’en faire le deuil, ces disparus seraient à jamais des fantômes, des fantômes tournant autour d’elles comme elles le faisaient sur cette place de Mai, pour exiger leur réapparition à ce palais présidentiel couleur rose. L’épouvante constitue peut-être le genre le plus apte à raconter l’histoire de notre patrie.

 

[...]

 

Araucaria: ERNESTO SÁBATO, PAS ENCORE LE BOUT DU TUNNEL

 

Je me souviens que Ratti, le président du SADE (Société Argentine des écrivains), avait accepté une invitation à déjeuner du dictateur Videla, en compagnie de Jorge Luis Borges, Ernesto Sábato et du curé Leonardo Castellani. Au cours de ce repas, seul le curé Castellani avait osé mentionner le nom d’Haroldo Conti, un des nombreux écrivains disparus. À la sortie de ce déjeuner, la presse les attendait. Borges et Sábato – je m’en souviens parfaitement – ne tarissaient pas d’éloges pour le dictateur. Un parfait gentleman, voilà leur impression de Videla.

 

Rien à ajouter, je n’en suis qu’à la page 65, mais croyez bien que, lorsque je croise en chair et en os certaines grandes gueules qui tartinent sur les réseaux sociaux leur vomi sur notre démocratie bien imparfaite je passe mon chemin, je les ignore, j’aurais trop envie de leur dire que dans une vraie dictature il y a longtemps qu’on aurait sonné à leur porte, et ce ne serait pas le laitier.

 

Coupe du Monde 1978 en Argentine, triomphe de la dictature de Videla

 

Un rappel : en 1978  L'Argentine organise et gagne son premier Mondial en pleine dictature.

 

« À la tête de la patrie du tango, le général Jorge Videla a semé la terreur. Tout comme Pinochet au Chili, il a pris le pouvoir par un coup d'État en 1976 et a mis en place le concept de "Guerre sale" - inspirée des militaires français des guerres d'Indochine et d'Algérie - qui consiste à torturer et tuer toute personne soupçonnée d'opposition au régime. L'une des salles d'interrogatoire - l'École supérieure de mécanique de la marine - était d'ailleurs quasi mitoyenne du stade Monumental, où devait se dérouler la finale. »

 

Coupe du Monde 1978 en Argentine, triomphe de la dictature de Videla

 

Un "mélange des genres" dénoncé par des intellectuels du monde entier. Ainsi, Marek Halter lance un comité pour le boycott de l'organisation par l'Argentine de la Coupe du monde de football qui réussit l'exploit de mettre d'accord le communiste Louis Aragon et le philosophe occidentaliste Jean-François Revel !

 

Videla e quel pranzo con Borges e Sabato - Limes

 

Coca-Cola verse 8 millions de dollars !

 

Ces personnalités ont peur que Jorge Videla fasse oublier à travers le sport les massacres perpétrés par ses miliciens. Elles ne veulent pas que la Coupe du monde puisse servir de propagande positive pour ce régime politique. Sauf que le business est passé à une dimension supérieure. Coca-Cola ne s'embarrasse pas de ces "détails" et verse huit millions de dollars pour devenir le sponsor officiel de la compétition (c'est toujours le cas en 2014...). Les affaires passent en priorité, tant pis pour la morale...

 

Coupe du Monde 1978 en Argentine, triomphe de la dictature de Videla

 

Les Bleus laissent en revanche leur sensibilité en France, même si le sélectionneur Michel Hidalgo, victime d'une tentative de rapt, hésite à partir. La sélection décide au final de ne pas boycotter l'épreuve et de voler en Concorde en direction de l'Argentine. En revanche, une fois sur place, les joueurs menacent de faire grève non pas parce qu'ils sont touchés par le contexte politique argentin, mais parce qu'ils estiment que le sponsor Adidas les roule dans la farine concernant l'attribution des primes !

 

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1 juin 2020 1 01 /06 /juin /2020 06:00

 

Pour Jean-François, après une analyse, comme toujours précise et argumentée, le levier essentiel pour changer notre vieux pays fourbu, et au fond très conservateur, c’est redonner des couleurs à la démocratie par la reprise en main des peuples sur leur destin.

 

« C'est un vaste programme comme disait le Général, mais ça n'empêche pas d'avancer et de marcher ! » avait lancé Macron dans une référence de plus en plus récurrente à de Gaulle, lors de son meeting de campagne à Lyon chez son ami Gérard Collomb (je suis taquin, le « en même temps »  permet tous les glissements ou dérapages politiques, ici en direction du fou du Puy)

 

En réalité de Gaulle aurait répondu: «Lourde tâche!», ce qui n’est pas tout à fait la même chose, les programmes sont le délice des politiques en campagne mais, une fois élus, s’atteler aux manchons de la charrue pour tracer le sillon annoncé c’est « une autre paire de manches »

 

L’ami Jean-François n’est pas de ceux qui se dérobent face aux difficultés de la mise en oeuvre du « changement c’est maintenant », slogan utilisé dans sa longue adresse aux Français de François Hollande pour le lancement de sa campagne électorale, il  sort alors de sa besace un outil qui, selon lui, permettrait de le mettre en pratique : la VIe République.

 

En le découvrant, je me suis dit « mon vieux Berthomeau » toi qui est vaguement juriste-publiciste sur les bords, qui as vécu l’ensemble de ta vie de citoyen sous la Ve, qui a bossé dans le privé, qu’as bourlingué dans les cabinets ministériels, qu’as terminé sa carrière au « gagatorium » comme médiateur dans la France profonde, ça t’interroge !

 

En effet, c’est l’arme atomique, balancer la Constitution de la Ve (œuvre du Grand Charles reléguant le régime des partis de la IVe au rang des antiquités poussiéreuses) aux orties, même le père François, l’homme du « coup d’État permanent » n’a pas osé, même qu’il a fait bien plus que s’en accommoder, en surjouant les vieux monarques patelins, ne sera pas une partie de plaisir. Faudra pas trop compter sur le cheptel politique, avec en tête l’actuel Président, pour se faire Hara-Kiri. Alors, le peuple, les Français, mais qui sait ce qu’ils veulent ces Français.

 

Un lecteur m’a écrit :

 

Pays assez étrange que la France quand même. Anarchiste, contre les lois, contre les  forces de l'ordre, contre les politiques, contre les partis politiques, souvent contre le parlement, contre l'Etat, mais un goût immodéré pour les chefs, ses chefs, son chef et son Etat. Napoléon, Louis XIV, de Gaulle. Tout le monde marche à l'ombre de ces « grands personnages » : Mitterrand, Sarkozy. Macron y va comme ses prédécesseurs, mais les autres y vont aussi. De Gaulle par ci, de Gaulle par là.

 

Le rêve d'un Etat fort qui nous protège de tout et d'où tout vient, même les masques. Mais ne pas payer d'impôts.

 

Mais, comme en 1968, « Soyons réalistes, demandons l’impossible ! »

 

Depuis j’ai vieilli, de mon parcours je tire de moins en moins la capacité à me positionner comme érecteur de pistes de solutions afin de remettre les citoyens-consommateurs au centre de l’exercice de la démocratie.

 

C’est vrai que j’ai toujours été minoritaire en politique, je n’en garde ni amertume, ni envie d’affirmer que nous avions raison contre ceux qui emportaient la mise. Simplement, pour virer de bord, changer, en respectant la règle de base de la démocratie représentative qui est le vote, encore faut-il qu’une majorité le souhaite après avoir reçu une information, j’ose l’écrire : objective.

 

D’expérience je reste très sceptique sur ce soudain accès des Français à assumer un changement qui risque de mettre à mal leurs fameux droits acquis, leur confort matériel et intellectuel, leur bonne conscience. Le changement pour les autres, oui ! Faire table rase du passé c’est ouvrir, pour des majorités ou des minorités, une porte sur l’inconnu, et l’inconnu fait peur.

 

Alors, la VIe République, grand coup de torchon constitutionnel, c’est séduisant, beau comme après plus de 60 ans de vie commune, changer de compagne ou de compagnon, laisser sur le bord  de la route le ou la précédente bien fatigué(e), usé(e), sans plus beaucoup de charmes, pour vivre une nouvelle expérience avec quelqu’un bardé(e) des qualités dont on a toujours rêvés.

 

Comparaison n’est pas raison, mais en général les séparations se font dans le bruit et la fureur, ce qu’affectionnent ou affectionnaient les Français, disons pour faire simple par le passé, une révolution, plutôt de nos jours des mouvements types bonnets rouges, gilets jaunes, le dégagisme, le front populaire d’Onfray, la vénération d’un nouveau gourou type Raoult…

 

Les fractures dans ce pays sont telles que je ne vois pas bien comment les réduire afin de retrouver une envie nouvelle de vivre ensemble. Mon âge accentue ma misanthropie et, le vieux cycliste parisien que je suis, qui subit l’incivilité de tous les usagers de la chaussée, pense que c’est l’image de la citoyenneté dans notre vieux pays.

 

Bref, à la radicalité constitutionnelle je souhaite ajouter une radicalité bien plus forte : celle du faire, avec qui le faire… sur les bases de l’analyse de Jean-François que voici :

 

France - Monde | Le changement c'est toujours maintenant

 

Pour Nicolas Hulot « le temps est venu» de poser les premières pierres d’un nouveau monde solidaire, relocalisé, respectant l’environnement. A quelques jours de là, cent cinquante personnalités de gauche ont signé un appel à l’organisation d’une convention du monde commun. Les appels à la construction d’un monde plus écologique, plus beau, plus coopératif se multiplient et qui pourrait être en désaccord avec ces déclarations d’intentions ? Peu de gens souhaitent un monde plus dur, des inégalités plus grandes, des ressources naturelles gaspillées, même si beaucoup s’en accommodent.

 

D’ailleurs, ceux qui nous gouvernent aujourd’hui, et leurs prédécesseurs ont adopté au cours des dernières années des documents internationaux et nationaux qui disent la même chose que tous ces appels et même parfois plus.

 

Lisez « l’agenda 2030 » adopté par l’ONU en 2015 Rien n’y manque. Les 17 « objectifs de développement durable » qui constituent cet agenda visent à éradiquer la pauvreté, les discriminations, à permettre l’accès de tous aux services essentiels (eau, électricité, éducation, santé), à renforcer la démocratie et la participation des citoyens, à réduire la consommation des ressources non renouvelables, la pollution, à développer une agriculture saine et durable, à assurer la paix et la solidarité internationale. Pour s’assurer de la mise en œuvre de ces objectifs, l’ONU a défini 232 indicateurs.  La « feuille de route » française présentée par E. Borne, le 29 septembre 2019, traduit en « programme d’action » pour la France cette résolution de l’ONU. La mise en œuvre en sera contrôlée grâce à 98 indicateurs.

 

Il faudrait, pour être complet, ajouter les plans produits à la chaîne, un jour en faveur de la biodiversité, le lendemain pour éradiquer la pauvreté, le jour suivant en faveur de l’hôpital, par des ministères qui ont d’autant plus d’ambition qu’ils ont moins de moyens pour agir.

 

La situation du monde s’en est-elle trouvée améliorée ? Si l’on en croit les discours catastrophistes tenus par les signataires d’appels, il ne semble plutôt que non.

 

Alors pourquoi cela ne marche-t-il pas ?

 

Il me semble que c’est en raison d’un diagnostic erroné, d’une sous-estimation des difficultés et d’une erreur de méthode. Seule la démocratie peut nous sortir de cette impasse.

 

Une erreur de diagnostic

 

Les êtres humains ne détruisent pas l’environnement parce qu’ils sont animés par de mauvaises intentions mais parce qu’ils vivent dans des sociétés structurées par une rationalité qui ne peut pas prendre en charge, autrement qu’en paroles, les objectifs de développement durable.

 

Les décisions prises par les gouvernements et les agents économiques sont rationnelles dans un monde organisé pour produire et échanger des marchandises sur un marché. Dans ce monde-là,  notre capacité à accéder aux biens et services essentiels (et beaucoup d’entre nous n’y ont pas accès) aussi bien que superflus (mais qui en décide) dépend du revenu généré par les activités de production et d’échanges. La capacité d’action des Etats est liée au montant des impôts qu’ils pourront prélever sur ces activités, donc à la croissance économique. Dans ce monde de la gouvernance par les nombres (Alain Supiot), notre bien-être économique est mesuré en termes de PIB par habitant, il se comparer à celui des autres, sa progression (ou sa dégradation) est visible et chiffrée.

 

La « science économique » a pris le pas sur les autres sciences sociales pour devenir la pensée commune. Elle considère que nous agissons tous pour maximiser les satisfactions que nous pouvons tirer de la consommation et de l’échange marchand et que nos décisions sont pour cette raison rationnelles ; elle considère aussi que le marché permet d’ajuster de la moins mauvaise façon possible les besoins individuels et les décisions collectives. Cette description de la réalité s’appuie sur une métrique qui permet de ramener nos comportements à une mesure commune.

 

Elle est très contestable. Nous savons depuis longtemps que la croissance du PIB ne fait pas le bonheur et même qu’il y a de moins en moins de corrélation entre la croissance du PIB et les indicateur de bien-être social (espérance de vie, éducation, optimisme sur l’avenir). Les sociologues, les philosophes et les spécialistes de marketing savent que nos décisions sont loin d’être rationnelles,  influencées qu’elles sont par celles des autres, par les phénomènes mimétiques, par les présupposés du moment. C’est pourquoi la croyance dans la force du « signal prix », si chère aux économistes, est si souvent déçue. Peu importe puisque de crise en crise, les échanges marchands progressent.

 

Ce système économique, le capitalisme, est sans doute condamné parce que sa tendance à l’expansion perpétuelle se heurte aux limites physiques des ressources qu’il mobilise, aux déséquilibres écologiques qu’elle entraîne et qui menacent non pas la planète mais l’humanité. Mais comme nous vivons en ignorant notre mort certaine, le capitalisme vit en ignorant la sienne.

 

Cependant, si l’économie dominante ment en décrivant un équilibre qui n’existe pas, elle traduit une partie de la vérité de notre monde fondé sur le fétichisme de la marchandise et la réduction du commerce entre les humains au commerce tout court.

 

Nous ne passerons pas d’une rationalité à une autre, d’une représentation du monde à une autre par la seule vertu d’appels à la responsabilité et sans que le monde change. C’est là toute la difficulté car le changement des mentalités ne peut résulter que d’un processus long au cours duquel nous changerons le monde en même temps que nous nous transformerons.

 

2 – Une sous-estimation de l’importance des changements à opérer

 

Les écologistes accédant aux responsabilités ont pris conscience que leurs sombres prédictions sur notre avenir et leurs appels aux renoncements de toute sorte risquaient de ne pas séduire les foules. Ils ont donc abandonné « l’écologie punitive » au profit d’un récit plus coloré dans lequel la « transition écologique » n’était plus porteuse que de bonnes nouvelles pour nous tous. Les nouveaux convertis, de gauche et de droite leur ont emboîté le pas : « ne craignez rien, l’écologie n’est pas une contrainte mais une promesse ».

 

La réalité risque de n’être pas aussi riante, ce qui n’infirme en rien la nécessité de changer de monde et son mode de développement, mais il vaut mieux être averti de ce que cela signifiera pour nous tous pour que ça réussisse.

Un exemple. L’objectif des politiques publiques est de découpler la croissance économique de celle des émissions de gaz à effet de serre qui bouleversent le climat de la planète. L’intensité carbone de l’économie française (la quantité de carbone émise par euro de PIB) diminue d’un peu moins de 1,5 % par an depuis 1990. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (c’est l’objectif du gouvernement), il faudrait multiplier par quatre ce taux annuel de réduction. Aucune technologie connue ne le permet.

 

Soit cet objectif n’est qu’une déclaration de jours de fête tenue par des gens qui n’y croient pas, soit on y croit réellement et il faudra dire comment faire et dire que le coût social et économique d’une transformation de cette importance sera considérable. L’économiste Jean Tirole a le mérite de le dire; mais il en déduit une solution théoriquement juste mais socialement et politiquement impraticable: une taxe carbone de même niveau dans le monde entier puisque l’impact d’une molécule de CO2 est le même quel que soit l’endroit où elle est émise. On est prié de voir plus tard pour la compensation des dommages sociaux que créerait cette mesure pour les plus pauvres. Voilà qui permettrait au moins la constitution d’un mouvement international, celui des gilets jaunes.

 

Autre exemple, la finance doit devenir verte et cesser de financer les énergies fossiles. C’est très juste. Mais les grandes banques possèdent dans leur bilan des dizaines de milliards d’actifs liés aux énergies fossiles. Si ceux-ci doivent être brutalement dévalorisés, combien de banques feront faillite et avec quelles conséquences sur l’économie tout entière ? Elles sont piégées et nous avec. Les banques européennes sont dangereusement sous capitalisées, leurs fonds propres excèdent rarement 3 % de leur bilan et la politique de  fourniture de liquidités à tout-va de la Banque Centrale Européenne ne les incite pas a plus de raison. Une crise comparable à celle de 2008 est donc toujours possible. Pour ne rien arranger, beaucoup d’investissements « verts » sont peu rentables en raison du bas prix de la tonne de carbone, Environ 44 € la tonne aujourd’hui quand il faudrait  attendre 250 € /tonne en 2030.

 

L’Europe qui signe en permanence de nouveaux accords de libre-échange avec ses partenaires commerciaux aura-t-elle la volonté et l’unité nécessaire à l’instauration d’une véritable taxe carbone à ses frontières ?

 

Fixer des objectifs jamais tenus et des délais jamais respectés n’est sans doute pas le meilleur moyen de crédibiliser l’idée d’une nécessaire transition écologique. Pourtant ceux qui sont fixés actuellement au sein de l’UE ne sont jamais atteints et après avoir fait ce constat, les responsables européens concluent généralement en fixant des objectifs plus ambitieux pour la période suivante.

 

3 – Une erreur de méthode

 

Les plans décrits ici, qu’ils émanent de l’ONU, de l’Union européenne ou du gouvernement français font comme s’il était possible de tout changer en même temps. Tous sont également illisibles. Interminables, on en a oublié le début en achevant leur lecture. Les objectifs qu’ils fixent sont innombrables ; ils sont assortis d’indicateurs de suivi beaucoup plus nombreux encore.

 

Pourquoi cette complexité ?

Parce que les sujets sont « transversaux » ; il faut donc sortir des « silos » et traiter tous les sujets en même temps. Comment ? Il suffit que des stratèges définissent les objectifs à atteindre dans trente ans et la société se mettra en mouvement. Les dirigeants contrôleront la marche en avant de la société sur leur grand tableau de bord munis de 232 indicateurs qui brilleront de couleurs différentes, rouge, orange ou verte, parce qu’il faut bien tout de même ramener la complexité du monde à des choses simples et contrôlables par l’administration. Cette conception de l’action publique s’accompagne d’une restructuration permanente des administrations qui courent derrière la transversalité, en même temps que se renforce la centralisation du pouvoir et son illusion de contrôler « le changement ».

 

Mais la vie ne fonctionne pas comme cela. Ni un être humain, ni une entreprise, ni une société ne peuvent poursuivre sérieusement un grand nombre d’objectifs en même temps et certainement pas 17 (c’est le nombre des objectifs de développement durable) et encore moins 232 (c’est le nombre de sous actions traduites en indicateurs). Ce qui l’emporte dans nos existences, c’est l’habitude, la répétition de gestes et de savoirs acquis sans lesquels nous deviendrions fous et perdrions beaucoup de temps. La transversalité a ses limites et une société tient d’abord sur les savoirs acquis et les institutions publiques ou privées bien organisées, la crise du coronavirus vient encore de le démontrer. Ce ne sont pas les institutions transversales qui ont été d’un grand secours, mais les hôpitaux, les médecins, les éboueurs, les paysans et autres chauffeurs routiers. Une société ne peut se mobiliser et se transformer qu’autour d’un ou deux objectifs bien définis. En les atteignant elle n’aura pas tout réglé, mais elle aura avancé. Le reste relève soit de la mystification, du récit pour endormir les enfants, soit d’un rêve de planification sociale que même le stalinisme n’a pas osé formuler de façon aussi caricaturale.

 

L’autre erreur est de considérer la transition écologique comme un ensemble de solutions techniques à mobiliser. Substituer les véhicules propres (sous-entendu électriques) aux véhicules thermiques, les énergies renouvelables aux énergies fossiles. Mais les technologies vertes sont en partie un mirage. La voiture électrique est abusivement présentée comme un véhicule sans émissions alors que son bilan carbone intègre les émissions liées à sa fabrication, qu’il dépend des conditions de production de l’électricité qu’elle consommera et  qu’il n’est positif par rapport à un véhicule thermique qu’au bout d’un nombre important de kilomètres parcourus. Ses batteries requièrent du cobalt et du lithium, dont l’extraction est très polluante et les réserves limitées.

 

L’expression de « technologies propres » est un abus de langage, la seule technologie propre est la réduction de nos consommations et de nos déplacements. L’innovation technologique ne résout pas le problème écologique mais le déplace.

 

Le numérique est présenté comme un autre élément de la solution à nos problèmes. Il représente déjà 10 % de la consommation d’électricité. La 5G, dont le déploiement est soutenu par les gouvernements de l’Union européenne et la commission en même temps que le « Green Deal », est très énergivore, alors que la consommation d’électricité liée aux usages croissants du numérique augmente déjà de 9 % par an. Dans certains scénarios, le numérique représenterait bientôt 7,5 % de la demande finale d’énergie, et 30 % de la consommation d’électricité.

 

4 – La démocratie comme solution à l’impasse

 

Je ne critique pas les démarches actuelles pour nier la nécessité de la transformation écologique du monde. Au contraire, je suis convaincu de cette nécessité et persuadé que nous n’y parviendrons que si nous ne nous leurrons pas sur l’importance des changements à réaliser et sur les délais nécessaires pour y parvenir. Les murailles du « productivisme » ne tomberont pas au bruit des appels ou parce qu’on leur présentera les plans imaginés par des experts et leurs indicateurs de suivi.

 

Pour transformer la société il faut des leviers, de ceux qui permettent de soulever le monde.

 

J’en vois essentiellement un : la démocratie. La reprise en main par les peuples de leur destin.

 

Rien ne sera possible en France sans un changement d’état d’esprit des citoyens qui se méfient comme rarement auparavant de leurs dirigeants et de leurs institutions. La confiance ne pourra pas être rétablie sans une transformation profonde de nos institutions.

 

Le président de la république se croit tout puissant mais il n’a dans les mains qu’un sabre de plastique. Le roi est nu. L’inflation législative et réglementaire qui ne s’est pas arrêtée avec lui, bien au contraire, est un des rares secteurs de croissance dynamique du pays. Mais elle ne change rien à la situation. Des textes bâclés sont adoptés par une assemblée nationale aux ordres. Ils sont oubliés à peine votés et le contrôle sur l’exécutif et toujours plus défaillant.

 

Les déploiements policiers sont une métaphore de la situation l’Etat: puissants face aux manifestants, à ceux qui contestent l’autorité de l’Etat, ils sont absents là où la population a besoin de protection.

 

Oui, la sixième république est nécessaire, elle mettra fin à l’élection présidentielle au suffrage universel, elle instaurera une représentation proportionnelle à l’assemblée nationale et une représentation plus équilibrée au Sénat. Elle garantira un vrai contrôle de constitutionnalité des lois par un conseil constitutionnel dont les membres auront une compétence juridique mieux assurée et une implication politique moins immédiate. Elle abrogera toutes les lois d’exception qui ont rogné les libertés individuelles. Elle assurera l’indépendance de la justice et une politique judiciaire digne. Elle ne multipliera pas les lois limitant la liberté d’expression qu’elle garantira au contraire, comme l’a toujours fait la République lorsqu’elle se respecte elle-même, dans les limites des troubles graves à l’ordre public dont un juge judiciaire doit décider. Elle laissera les collectivités locales, administrées par des conseils également plus représentatifs, exercer librement les compétences qui leur reviennent sans intervention permanente de l’Etat qui crée cet entrelacs d’irresponsabilité croisée. Elle fera sa place au referendum d’initiative citoyenne. Une partie des membres des assemblées locales et nationales pourrait être tirée au sort de façon à permettre l’exercice de responsabilités politiques par des citoyens n’appartenant pas tous  à des partis politiques.

  

Elle sera fondée sur la responsabilité des dirigeants devant les citoyens et sur celle des citoyens eux-mêmes qui doivent être libres et responsables.

 

La République fera confiance aux citoyens au lieu de s’en méfier et de les traiter en mineurs. Ensemble ils décideront des transformations de la société. Mais il n’y aura pas de transformation sans  rétablissement de la confiance et réduction des inégalités.

 

L’Europe ne survivra aux chocs successifs qui la frappent que si elle aussi devient démocratique. Il n’est pas possible d’aller plus loin dans l’intégration d’une Europe traversée par tant d’inégalités entre les pays qui la constituent et tant de fractures politiques. Il faut décréter la pause de l’intégration. Accepter que l’Europe ne peut vivre pour le moment que comme une union de Nations souveraines qui ont accepté d’en abdiquer une partie mais veulent coopérer sans disparaître. A quoi sert-il d’augmenter le budget européen ou de créer un budget de la zone euro ou des fonds de solidarité si le prix à payer doit être la poursuite des « réformes structurelles », expression qui signifie à Bruxelles destruction des services publics nationaux et libre concurrence dans un marché qui ne sait pas se protéger du dumping fiscal et social? C’est pourtant ce qui se joue en ce moment même sous nos yeux sous couvert de renforcement de la solidarité européenne. Pourquoi le parlement européen ne serait-il pas composé de fractions des parlements nationaux ? Ce sont bien les ministres des différents gouvernements qui se retrouvent à Bruxelles, pas un gouvernement européen. Pourquoi pas une fraction des membres de ce parlement rénové tirée au sort là-aussi ?

 

A rebours des plans trop complets qui ne connaissent jamais leur réalisation, il faut en revenir à des objectifs simples. Le besoin de démocratie et de liberté est primordial. Il conditionne la satisfaction de tous les autres. C’est par là qu’il faut commencer.

 

Le 26 mai

 

JF Collin

Alors j’ai répondu (en bleu) à Jean-François et il m’a répondu (ses réponses sont en rouge)

L'analyse me va

Je donne à chaud mes interrogations sur la solution constitutionnelle :

 

-          Mettre fin à l’élection présidentielle au suffrage universel, pourquoi pas supprimer le Poste ou en refaire un pot de fleurs de type allemand, le caractère bicéphale du pouvoir exécutif est une particularité bien française. Tout fait d'accord

 

-          Instaurer une représentation proportionnelle à l’assemblée nationale et une représentation plus équilibrée au Sénat. Pourquoi ne pas supprimer le Sénat et la proportionnelle pour les députés est, on le sait d’expérience, la prime aux appareils des partis politiques. La proportionnelle permettrait de modifier le paysage politique, quitte à l’aménager un peu et le tirage au sort permettrait de renouveler le personnel politique, mais il n’y a pas de panacée. Quant au Sénat, il permet avec tous ses défauts de limiter les embardées et pour le moment d’être un contre-pouvoir au présidentialisme. (Si le président inaugure les chrysanthèmes il ne fera plus d’embardées)

 

-          Garantir un vrai contrôle de constitutionnalité des lois par un conseil constitutionnel dont les membres auront une compétence juridique mieux assurée et une implication politique moins immédiate. Qui les désigne ? Le parlement à la majorité des deux tiers

 

-          Abroger toutes les lois d’exception qui ont rogné les libertés individuelles. Je suis d’accord en élargissant le balayage à l’ensemble du corpus législatif. OUI

 

-          Assurer l’indépendance de la justice et une politique judiciaire digne. Là encore, je ne connais de par le monde une justice vraiment indépendante du pouvoir, mais je suis prêt à étudier le modus operandi de la gestion des carrières des juges assis et debout.

 

-          Elle ne multipliera pas les lois limitant la liberté d’expression qu’elle garantira au contraire, comme l’a toujours fait la République lorsqu’elle se respecte elle-même, dans les limites des troubles graves à l’ordre public dont un juge judiciaire doit décider. Accord total, mais là encore qui va définir les garde-fous ?

 

-          Elle laissera les collectivités locales, administrées par des conseils également plus représentatifs, exercer librement les compétences qui leur reviennent sans intervention permanente de l’Etat qui crée cet entrelacs d’irresponsabilité croisée. Vaste programme quand on sait ce que sont les baronnies régionales mais nous pourrions commencer par là, c’est l’une des clés du déverrouillage.

 

-          Elle fera sa place au referendum d’initiative citoyenne. Suis dubitatif sur le phénomène référendaire sauf à ce qu’il s’inspire sur un modèle suisse.

 

-          Une partie des membres des assemblées locales et nationales pourrait être tirée au sort de façon à permettre l’exercice de responsabilités politiques par des citoyens n’appartenant pas tous  à des partis politiques. Pourquoi pas, mais je souhaite ne pas être tiré au sort.

 

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31 mai 2020 7 31 /05 /mai /2020 08:00

Jean-Yves-Decottignies

 

On connaît la fameuse boutade du Général de Gaulle rapportée par l'ancien ministre de la Culture André Malraux dans «Les chênes qu'on abat». 

 

Les chênes qu'on abat..., by André MALRAUX - CONSUS - FRANCE

 

« Au fond, vous savez, mon seul rival international c’est Tintin ! Nous sommes les petits qui ne se laissent pas avoir par les grands. On ne s’en aperçoit pas à cause de ma taille. »

 

Au fond mon seul rival international, c'est vous. De Gaulle ...

 

De Gaulle et la France : plus qu’un duo, une incarnation. « Je suis France ! » disait déjà Louis XI à la fin du Moyen Âge. Mauriac, gaulliste de la première heure, mêlant passion et raison, confirme : « Un fou a dit « Moi, la France » et personne n’a ri parce que c’était vrai. »

 

De Gaulle, le modèle de Macron ?

 

Au lendemain de son élection il affirmait vouloir faire de la France une grande puissance, renouer avec l'héroïsme politique...

 

 

« J'assume ce discours de grandeur. Il est à la hauteur du moment que nous vivons », affirmait Emmanuel Macron... Il puise ses inspirations : Les mémoires de guerre du Général de Gaulle figurent sur son bureau. De Gaulle, son modèle ?

 

Et puis patatras un sale petit virus nous tombe dessus et 3 titres :

 

Charlie Hebdo

 

« La France n’est plus un grand pays, mais une petite nation mesquine, bouffie d’orgueil et de prétention. Et en face d’un virus microscopique, l’orgueil et la prétention, ça ne sert à rien.

Une injustice insupportable. »

 

Mélenchon dénonce la « clochardisation sanitaire » lors d’un meeting virtuel

 

Jérôme Fourquet : « Les Français ont vu l’Etat en voie de clochardisation »

 

Oui, le grand perdant, c’est l’Etat jacobin surplombant. C’est l’Etat central et sa haute administration. Il a été percuté par cette crise sanitaire. L’exemple type, ce sont les Agences régionales de santé. Ce à quoi nous avons assisté, c’est à son “étrange défaite” - pour reprendre le titre du magnifique livre de Marc Bloch - et ça a été un choc. Parce que, dans notre pays en temps de crise, on se tourne spontanément vers l’Etat, très présent et censé nous protéger mais qui là a pataugé. Résultat : les Français ont eu le sentiment de vivre un violent déclassement national. Ils ont vu des scènes - comme ces soignants qui, faute de sur-blouses, mettaient des sacs poubelles ! - qui disaient de notre Etat qu’il était en voie de clochardisation.

 

« Tout ce qui est excessif est insignifiant. » Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord

 

Talleyrand, le diable diplomate - 2- Un hédoniste au service de la ...

 

Après une désobéissance caractérisée, du Diable boiteux, Napoléon avait explosé : « Mr de Talleyrand, vous êtes de la …m,  dans un bas de soie. » Et Talleyrand avait répliqué le fameux mot : «Sire, vous êtes excessif et ce qui est excessif reste insignifiant ! »

 

L’air du temps est à l’excès, j’ai vraiment envie de rétorquer aussi bien au petit sondeur Fourquet qu’au Leader Minimo, savez-vous ce qu’est un clochard ? Dans quel pays vivez-vous ?

 

Je préfère et fais mienne la réaction d’un lecteur :

 

Charles de GAULLE - Lettre signée et photographie originale

 

De Gaulle...

 

Pays assez étrange que la France quand même. Anarchiste, contre les lois, contre les  forces de l'ordre, contre les politiques, contre les partis politiques, souvent contre le parlement, contre l'Etat, mais un goût immodéré pour les chefs.

 

Ses chefs, son chef et son Etat. Napoléon, Louis XIV, de Gaulle. Tout le monde marche à l'ombre de ces "grands" personnages" : Mitterrand, Sarkozy.

 

Macron y va comme ses prédécesseurs, mais les autres y vont aussi. De Gaulle par ci, de Gaulle par là.

 

De Gaulle, c'est quand même le XIXe, une pensée politique qui n'a plus court. Maurras. Nous aurions pu espérer qu'elle était morte avec Mitterrand. Mais non,  là revoilà.  Le destin de la France Eternelle, centre du monde et lumière du monde. Et si nous acceptions tout simplement la place qui est la nôtre aujourd'hui, sans nous gonfler d'importance, sans narcissisme ? Après tout, l'idée que nous faisions ne se fait qu'au détriment des autres, et avec beaucoup d'oubli.

 

Le rêve d'un Etat fort qui nous protège de tout et d'où tout vient, même les masques. Mais ne pas payer d'impôts.

 

Conclusion provisoire : à quand Raoult candidat à la Présidentielles ?

Didier Raoult.

Il était une star des sciences. Puis il a promu un remède douteux pour Covid-19. ICI

 

L'homme derrière le traitement non prouvé préféré de Trump a fait une grande carrière dans l'orthodoxie. Sa revendication d'un taux de guérison de 100% a choqué les scientifiques du monde entier.

Le général de Gaulle en visite à Nantes, le 15 janvier 1945. Photo © AFP

De Gaulle : “L'Ena, c'est moi”

Par François d'Orcival

Publié le 18/05/2019 à 10:17

Le projet d'école nationale d'administration, c'était celui de Michel Debré. Il l'avait mûri avant-guerre, défini à la veille de la Libération. En 1945, de Gaulle lui donne huit mois pour le mettre en œuvre.

 

Dans son bureau du premier étage de l'hôtel du ministère de la Guerre, le Général fait asseoir devant lui un jeune maître des requêtes au Conseil d'État qu'il avait nommé commissaire de la République à Angers huit mois plus tôt, Michel Debré. Il vient de le faire entrer à son cabinet de chef du gouvernement.

 

De quoi veut-il lui parler ?

 

De “refaire la France”, tout simplement. Ses institutions ?

 

Pas seulement : « Pour l'administration, quelles sont vos intentions ? » , demande de Gaulle. Debré n'hésite pas une seconde ; il s'est préparé à l'entretien comme à un concours. Son sujet, c'est “le recrutement de la haute fonction civile”…

 

Nous sommes à la fin du mois d'avril 1945. La libération du pays est achevée. À Berlin, l'Armée rouge a lancé l'assaut final sur le bunker de Hitler. La fin approche. En France se préparent les élections municipales, auxquelles participent les femmes pour la première fois. Et puis, il est temps d'en finir avec les institutions qui ont mené la IIIe République au désastre. Mais qui est donc ce Michel Debré, pour être le premier interlocuteur consulté par de Gaulle ?

 

Une génération les sépare ; il est né en 1912. D'autres choses vont les réunir. Après avoir achevé ses études secondaires au lycée Louis-le-Grand, entrepris son droit en faculté et couronné son cursus universitaire par la voie royale vers la haute administration, l'École libre des sciences politiques, il a réussi un brillant doublé : sortir major de Saumur, être reçu au concours de l'auditorat du Conseil d'État.

 

Sa carrière est tracée ; il a 22 ans. Son père, le Pr Robert Debré, qu'il vénère, lui offre une édition originale de Qu'est-ce qu'une nation ? de Renan. À 25 ans, il fait la connaissance de Paul Reynaud, premier homme politique à avoir compris et soutenu la doctrine militaire d'un colonel de 47 ans, Charles de Gaulle. Deux ans plus tard, Gaston Palewski, le directeur de cabinet de Reynaud, ministre des Finances, l'appelle à son ministère....

 

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31 mai 2020 7 31 /05 /mai /2020 06:00
Nous les OK boomers, chargés de tous les maux subis depuis mai 68 par notre pays, avions en ligne de mire Aron, Sartre, Camus, Desproges, Bedos… 50 ans après l’offre médiatique c’est Onfray, Zemmour, Raoult, Bigard…

J’en ai oublié un de mon temps pour faire le pendant au Pr Raoult c’est Alexandre Minkowski, pédiatre, l'un des fondateurs de la néonatalogie, auteur d’un livre d'entretiens avec Jean Lacouture Le mandarin aux pieds nus. Pour les peoples qui occupent le paysage médiatique c’est le grand-père de Julia Minkowski, pénaliste inscrite au barreau de Paris et épouse de Benjamin Griveaux.

 

ALEXANDRE MIKOWSKI - LE MANDARIN AUX PIEDS NUS | eBay

 

De gauche disait-on avec ironie dans son milieu de mandarin, une gauche bien tempérée, engagé oui, membre du comité de parrainage de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence, chargé de mission par Bernard Kouchner au secrétariat d'État de l'action humanitaire, puis militant du mouvement Génération Écologie de Brice Lalonde.

 

Il est connu notamment pour avoir dit du système d'éducation français, que c'était une remarquable machine à fabriquer des crétins.

 

À son décès, Jean-Yves Nau écrivait en 2004 :

 

Avec la disparition survenue le vendredi 7 mai, à l'âge de 88 ans, à l'hôpital des Invalides, à Paris –du Pr Alexandre Minkowski grande figure de la Résistance la médecine française perd l'une des personnalités les plus marquantes, les plus originales et sans doute les plus chaleureuses de la seconde partie du siècle qui vient de s'écouler ; l'un des rares praticiens à avoir acquis la célébrité tout en abandonnant son titre professoral et une partie de son nom, heureux ainsi de devenir «Minko». Elle a aussi perdu l'un des premiers spécialistes hospitalo-universitaires de sa génération à avoir su faire progresser sa discipline la néonatologie tout en menant de front de multiples combats au service des droits de l'Homme, des enfants du tiers-monde victimes de régimes totalitaires puis, plus tard, de l'écologie… La suite ICI 

 

Le paradoxe aura aussi voulu que ce soit lui qui, au travers de nombreux écrits et déclarations indignées, tente de dynamiter le système hospitalo-universitaire, à bien des égards féodal, dont il était issu et dont il avait amplement bénéficié. Il mène ainsi, de multiples manières, son travail de sape au service d'une médecine qu'il voulait «sociale» et non plus «glorifiée» ou «élitiste». Sa séduction, son charisme, feront que les médias ne seront pas alors les moindres de ses alliés.

 

 Comment par exemple ne pas se souvenir de ses arrivées à l'aube, 5 rue des Italiens au siège du Monde, dans les années 80 quand, vêtu d'une veste rose, il apportait un «Point de vue» à publier en urgence ?

 

Il y eut aussi l'édition de la célèbre série d'entretiens avec Jean Lacouture publiée en 1975 sous le titre «Le Mandarin aux pieds nus» (Le Seuil). Rendant compte de cet ouvrage, à bien des égards, original et novateur, Claudine Escoffier-Lambiotte écrivait dans les colonnes du Monde daté du 12 mars 1975, à propos de ce pédiatre non conformiste, que le pamphlet était sans aucun doute «le mode favori d'expression de ce Don Quichotte généreux jusqu'à l'imprudence, jusqu'à l'inconséquence et qui ne s'anime vraiment que dans le jeu mêlé de l'indignation et de la provocation». L'indignation, la provocation, caractériseront bien longtemps après la publication de cet ouvrage, les actions du néonatologiste de Port-Royal ; sans pour autant que ses fougues ne parviennent à corriger ni les absurdités de la politique française de distribution des soins ni le fossé grandissant séparant le Nord et le Sud.

 

Indigné, provocateur, engagé, Miko, médiatique des années 80, désolé d’écrire que c’était une référence d’une autre taille que la cohorte des Professeurs médiatiques, Juvin, Raoult, défilant sur les plateaux de télévision pendant le confinement…

J’assume !

 

Tout comme j’assume mon allergie, très ancienne, pour le couple Zemmour-Onfray… (voir plus bas)

 

Raymond Aron à Paris, en janvier 1947. Photo Roger Berson. Roger-Viollet

 

Sartre-Aron, les frères ennemis ICI  

 

Sartre et Aron existent par eux-mêmes, tant par leur personnalité et leur œuvre propres que parce qu'ils sont devenus des figures tutélaires de leurs camps respectifs, mais ils constituent aussi, à travers leur face-à-face, des indicateurs tout à la fois d'amplitude de houle historique et d'intensité de radiation idéologique

 

Raymond Aron avait raison, hélas !  ICI 

 

Jean-Paul Sartre (1905-1980), au café de Flore à Paris. © Albert Harlingue/Roger-Viollet

 

Sartre, Camus et le communisme ICI 

 

Albert Camus et Jean-Paul Sartre en meeting salle Wagram, Paris, 1952. Fidélité à l’Espagne.© Roger-Viollet

 

Enfin, Guy Bedos vient de tirer sa révérence ICI 

 

 

Mon souvenir de lui le plus drôle c’est un spectacle qu’il donna à Conflans-Sainte-Honorine, le maire Rocard étant dans la salle, en mitterrandien pur sucre il l’étrilla avec délectation, ce qui plut beaucoup à celui qui était alors le chouchou des sondages. Je m’y étais rendu à l’invitation d’un de mes cadres de la SVF habitant Conflans.

 

Jean-Marie Bigard sonne les cloches de Benoît XVI - Gala

 

Avec Bigard, que Sarko présenta au Pape, soutien de Campion aux municipales de Paris je ne sais si on touche le fond, mais comme l’intéressé le dirait dans sa langue : ça sent la merde !

 

Bon dimanche…

Michel Onfray ou les errements de l’identitarisme

 

Par Alain Policar, chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof). — 25 mai 2020 

 

Le philosophe a annoncé la semaine dernière la création d’une revue, «Front populaire», avec des collaborateurs censés aller du RN au Printemps républicain. Mais avec peut-être un fort penchant à l’extrême droite.

 

Tribune. Nulle véritable surprise dans le chemin qu’emprunte, désormais sans vergogne, Michel Onfray («faux philosophe et histrion de la pensée contemporaine», écrit Alain Jugnon, auteur d’un salutaire essai, Contre Onfray) : il est celui, profondément inquiétant, de l’alliance rouge-brun, laquelle, à vrai dire, ne réunit que les bruns déclarés avec d’autres bruns camouflés. Les signes d’internationalisme prolétarien proviennent du seul Onfray, mais on a de bonnes raisons de douter de son engagement, ses déclarations d’amour étant réservées aux ouvriers blancs. La création de cette revue, Front populaire, avec des collaborateurs qui vont du RN au Printemps républicain, avec la sympathie affichée de la nouvelle droite (par la bouche de son leader historique, Alain de Benoist), est l’indice, s’il en fallait encore, de l’offensive national-souverainiste dont les structures intellectuelles se nourrissent de l’identitarisme, c’est-à-dire de la sauvegarde de «nos» valeurs contre celles qui viendraient d’ailleurs. Ce clivage entre «eux» et «nous» s’exprime dans la préférence pour Proudhon contre Marx, telle qu’Onfray la résume : le premier est «issu d’une lignée de laboureurs francs» alors que le second est «issu d’une lignée de rabbins ashkénazes».

 

On pourrait s’étonner que ces effluves d’antisémitisme ne gênent pas les militants du Printemps républicain, dont la marque de fabrique est sa dénonciation. On aurait tort car, selon eux, il existe un antisémitisme qu’il convient de combattre, celui des quartiers, principalement arabo-musulman, et un autre acceptable, celui de l’extrême droite, car il serait fondé sur l’exaltation des valeurs nationales et ne prêterait, dès lors, guère à conséquence.

 

Défendre «notre» identité nationale est ainsi devenu le lien consistant entre des courants par ailleurs relativement hétérogènes. C’est désormais le nom du racisme de notre temps. Un temps marqué par la prééminence de l’hostilité sur l’hospitalité. Un temps de nostalgie pour nos racines où nous sommes «invités» à avouer ce qui compte vraiment : «Lorsqu’on me demande ce que je suis au fond de moi-même, cela suppose qu’il y a "au fin fond "de chacun une seule appartenance qui compte, sa "vérité profonde" en quelque sorte, son "essence" déterminée une fois pour toutes à la naissance et qui ne changera plus ; comme si le reste - sa trajectoire d’homme libre, ses convictions acquises, ses préférences, sa sensibilité propre, ses affinités, sa vie en somme - ne comptait pour rien»
(Amin Maalouf, les Identités meurtrières). Pourquoi le besoin d’appartenance conduit-il trop souvent à la peur de l’autre et à sa négation ? Pourquoi la revendication d’une identité collective tend-elle à se confondre avec la promotion de celle-ci ou, plus exactement, d’un élément de celle-ci au détriment de tous les autres ? Ce dernier choix (ce terme n’est sans doute pas le plus adapté pour désigner la soumission à des origines largement fantasmées) ne résiste pas à l’examen. Comment ne pas être frappé par la variabilité temporelle de la hiérarchie des éléments identitaires ?

 

L’identité sur laquelle se fondent les principes de l’exclusion est, comme l’a qualifiée Ali Benmakhlouf, une «fable philosophique». Ce sont les conventions linguistiques qui nous incitent à voir une permanence derrière toute identité. Il suffit de songer à l’hétérogénéité culturelle des nations modernes pour comprendre l’impossibilité de réduire leur identité à un substrat objectif et immuable. On ajoutera que la capacité à s’arracher au donné et à choisir d’autres appartenances que celles qui nous ont été transmises est une spécificité humaine extrêmement précieuse. Et, plus fondamentalement, l’horizon de l’homme n’est pas d’être assigné à ses origines ou enfermé dans son passé. Ce qui reste essentiel est l’identification par l’intermédiaire des mythes et des symboles. Dans la voie tracée par Paul Ricœur, on doit par conséquent insister sur le caractère essentiellement narratif de l’identité nationale. L’un des effets de cette narrativité est l’impossibilité de définir le noyau dur de l’identité réelle d’une nation dans l’objectif illusoire de savoir à quoi les immigrants doivent s’intégrer. On met ainsi l’accent sur l’importance du choix des mythes dans l’ouverture à la diversité. Ainsi ceux qui perpétuent l’illusion de l’unité culturelle ou morale de la nation alimentent une conception non inclusive de celle-ci.

 

En outre, identifier l’origine géographique d’un homme, c’est vraiment dire peu de choses sur lui. Contrairement à ce que croit le raciste qui perçoit des identités et non des êtres singuliers, et qui considère avoir tout dit sur un homme lorsqu’il sait d’où il vient, il reste tout à connaître de cet être, différent de tous les autres, y compris de ceux auxquels il ressemble. C’est cette réalité anthropologique que nie la barbarie identitaire. Il nous semble que cette négation définit correctement l’entreprise nauséabonde d’Onfray et de ses affidés. Tous ceux qui se veulent par l’imagination descendants de rabbins ashkénazes lui opposeront l’espérance cosmopolitique, c’est-à-dire le point de vue d’un humanisme civilisationnel qui regarde l’espèce comme un ensemble de relations. Etre citoyen du monde, écrivait le regretté Tzvetan Todorov, dont la pensée s’est nourrie des principes universels que célèbre la devise républicaine et non des racines des laboureurs francs, «c’est faire partie du devenir de celui qui vient après moi, c’est traiter les générations qui n’existent pas encore comme des concitoyens envers lesquels existe un devoir d’un type particulier qui est "un devoir du genre humain envers lui-même"»
 (dans son Essai d’anthropologie générale, heureusement intitulé la Vie commune). De cette vie commune participent tous ceux qu’Achille Mbembe nomme, avec bonheur, les «passants».

 

 Dernier ouvrage paru : Cosmopolitisme ou barbarie, éd. Rue d’Ulm.

 

Alain Policar chercheur associé au Centre de recherches politiques de Sciences-Po (Cevipof).

 

Le capitaine Stephen Decatur à l'abordage d'un vaisseau barbaresque le 3 août 1804, lors de la guerre de Tripoli. | Dennis Malone Carter via Wikimedia Commons Le capitaine Stephen Decatur à l'abordage d'un vaisseau barbaresque le 3 août 1804, lors de la guerre de Tripoli. | Dennis Malone Carter via Wikimedia Commons

Le cancre Zemmour, l'Amérique et les Barbaresques ICI

Les cuistres méchants ont de la réalité des souvenirs imprécis. Quelle pitié quand l'histoire est si belle et complexe.

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