C’est la belle Eva d’OENOS link qui m’a donné l’idée de cette chronique après avoir lu son message à propos d’un dîner avec Guillaume Nicolas-Brion du Morgon dans les veines link, Cyril Alonso et Florian Looze de P.U.R link « Ce soir, rendez-vous à 20h au Vieux Chêne, une autre adresse à côté du Paul Bert que j'aime bien, avec une belle carte des vins également (moins impressionnante que celle du Paul Bert). » Sitôt notée l’adresse je me suis dit dans ma petite Ford intérieure : « lorsqu’il prend l’envie à monsieur et madame tout le monde d’aller au restaurant quel est le poids, dans leur choix d’un restaurant, d’une belle carte des vins ? »
Première remarque : en toute logique lorsqu’on se rend au restaurant c’est de prime abord pour manger et non pour boire ce qui ne signifie pas bien sûr que l’on va manger sans boire. Souvent le choix du restaurant se fera sur la base d’une recommandation (le fameux bouche à oreille), la lecture d’un papier sur le resto, un guide ou le pur hasard lié à la proximité de là où l’on se trouve... Même dans la dernière hypothèse où l’on jette un coup d’œil sur la carte exposée à l’entrée, ce sont des critères de bien manger ou d’un supposé bon rapport dit qualité/prix qui emportent la décision. Je ne vais pas raffiner en envisageant qui décide : madame, monsieur ou les deux de concert. Donc, dans cette équation à plusieurs inconnues le vin semble être l’inconnu le plus transparent : il ne pèse pas très lourd dans le choix du restaurant.
Deuxième remarque : eu égard à ce que je viens d’écrire ma question peut paraître idiote ou à tout le moins vide de sens. Pourquoi en effet poser une question qui débouche sur une réponse quasi-certaine. Je plaide non coupable car, en creux, ma question en implique une autre : les critiques, dit gastronomiques, les auteurs de guides papier ou sur le Net, de quelques poils qu’ils fussent, cherchent-ils à intéresser leurs lecteurs à la carte des vins ? En général, les informations sur elle sont succinctes et souvent dans la presse elles se résument à la seule bouteille bue par le critique. À leur décharge ceux-ci ont-ils les moyens ou se donnent-ils les moyens d’apprécier la qualité de la carte des vins du restaurant qu’ils vont tester ? Ma petite expérience, et des papiers que je lis dans la presse, du feuilletage des guides, mais aussi de la fréquentation de critiques ou de blogueurs gastronomiques, je ne le crois pas. La plupart d’entre eux se contentent d’apprécier vaguement la carte des vins sur le papier en fonction de leur goût personnel. Ceci écrit, même s’ils ne se décarcassent guère, pourquoi se fouleraient-ils à éplucher et à, éventuellement, tester la carte des vins puisque leurs lecteurs, ou tout du moins leur grande majorité, ne la placent pas en tête de leurs critères de choix. Attention, je rappelle que ma population cible c’est « monsieur et madame tout le monde qui décide de se payer un restaurant au sortir du cinéma ou pour n’importe qu’elle autre raison d’ailleurs... »
Troisième remarque : dans la mesure où l’on nous bassine en long en large et en travers sur le nécessaire accord mets-vins, j’aimerais bien que l’on m’expliquât ce qu’est au juste une belle carte des vins ? Attention, pas dans l’absolu mais dans son degré d’adéquation avec la cuisine servie. Et là c’est morne plaine. Rien ou pas grand-chose en dehors de gloses en général fumeuses ou bavardes sur le vigneron à la mode ou le dernier nectar du terroir où les raisins sont astiqués par des petites mains et où le jus a vécu sa vie sans nourrice. Moi j’aimerais bien que les « bouffeurs patentés » et les « dégustateurs du même acabit » se prennent un peu par la main pour, ensemble, vraiment s’attaquer à un travail de fond. C’est sans doute trop demander à ce petit monde mais, au moins, nos critiques feraient preuve alors d’une réelle utilité pour le bonheur de « monsieur et madame tout le monde » qui, si j’en crois les tirages maigrelets, ne lisent guère la RVF et ses jeunes consœurs.
Conclusion provisoire : puisque tout le monde se fout, ou presque, du choix des vins de « monsieur et madame tout le monde » lorsqu’il leur prend l’envie à d’aller au restaurant, pas dans un grand bien sûr mais dans un truc où il y a des couverts, des assiettes, des verres et souvent des serviettes en papier, alors il ne faut pas s’étonner que « monsieur et madame tout le monde » boivent tout et n’importe quoi, cher et pas bon, parfois peu, et souvent rien c'est-à-dire pas de vin. Bien évidemment, ces « messieurs et madames tout le monde» n’intéressent pas nos grands connaisseurs qui préfèrent aller prêcher aux convaincus, aux grands amateurs, au petit nombre. Ça ne les empêche pas pour autant de regretter vivement, avec de belles envolées éditoriales, des trémolos dans la voix, des mots durs pour les politiques, la baisse de la consommation du vin en notre doulce France. Mais comme ils ne sont pas à une contradiction près je vais encore me faire traiter par leurs séides de mauvais coucheur. Grand bien leur fasse mais leurs quolibets ou leurs sarcasmes ne m’empêcheront pas d’écrire et de souligner en rouge : qu’ils font bien peu pour l’extension du domaine du vin.
Nous les petits blogueurs méprisés, vilipendés, raillés par les maîtres du papier qui font des salons nous faisons ce que nous pouvons avec nos petits moyens et nos doigts pleins d'ampoules... Gloire à nous !