Le vin de mes Amis titre Laurent Bazin pour son blog. Le mien se veut un Espace de Liberté donc ouvert à tous les vents « même ceux qui suivent une autre route que la mienne » pour parodier Brassens. En effet :
Au village sans prétention/ j’ai mauvaise réputation/
Je ne fais pourtant de tort à personne/ En suivant mon chemin de petit bonhomme/
Alors pourquoi certains s’étonnent-ils de la verdeur et de la vivacité de certains de mes propos car, comme vous le savez je ne suis pas un garçon convenable, je me roule dans la fange des mots gros, je foule comme un salopiaud les convenances, je dis même merde à la reine d’Angleterre qui nous a déclaré la guerre, je suis vulgaire, je hurle avec les loups et j’adore tirer sur les ambulances, parfois même je me joins au chœur des vierges effarouchées car je suis un peu efféminé, en un mot comme en cent je ne serai jamais comme certains, virtuoses du baisemain et des courbettes, le gendre idéal. Rassurez-vous je sais me servir d’un couteau à poisson, je ne siffle pas cul sec le rince doigts et j’adore les petits marquis, ou les supposé tels, des Roger Nimier au petit pied, ils me ravissent, m’enchantent par leur obsession de la forme. Un tiers mondain et deux tiers opportunistes, ils crapahutent entre petits fours et champagne, exècrent la gauche caviar, les bobos, les intellos, adorent les vieilles anglaises – les voitures bien sûr –, les châteaux de Bordeaux, les Clos, les bons mots et le bon goût qui est leur monopole. La vraie France quoi, celle où les métayers, casquette à la main, disait « bonjour notre maître... » et aussi celle de notre discoureur ci-dessous dont, bien sûr, je tairai le nom car nous sommes sur la Toile, ventre saint gris, où l’anonymat fleurit sans retenue aucune. Merci aussi de ne pas dire à ma mère qui est au ciel que je fornique avec les mots elle croit que je suis chroniqueur au Figaro.
Extrait d’un discours prononcé le 19 novembre 1935 devant le monument aux morts de Capoulet et Junac (Ariège) oeuvre de Bourdelle.
HOMMAGE AU PLUS BEAU MÉTIER
Lorsque le soir tombe sur les sillons ensemencés, qu’une à une les chaumières s’éclairent de feux incertains, le paysan encore courbé par l’effort, jette un dernier regard sur son champ, comme s’il lui en coûtait de le quitter. Pourtant la journée a été dure. Tout au long d’heures monotones, sans autre compagnon que ses bêtes qu’il encourage de temps en temps, par des appels de la voix, il a silencieusement dirigé le soc de la charrue et creusé en plein sol des sillons parallèles. La tâche du jour est accomplie comme elle l’a été la veille et le sera le lendemain. Il la contemple avec satisfaction. À la même heure, des milliers de regards, emplis d’une saine fierté, se portent comme le sien sur un coin de terre, de vigne, de lande, exprimant l’amour et le respect des hommes de la terre pour le sol nourricier.
Aucune amertume dans ces regards. Cependant le labeur du paysan ne trouve pas toujours comme celui de l’ouvrier la récompense qu’il mérite, et cette récompense n’est jamais immédiate. Plusieurs mois séparent le labeur de la récolte, pendant lesquels il faut vivre d’espérance. Rien n’est certain aux champs. Le travail ne suffit pas. Il reste à protéger les fruits de la terre contre les caprices du temps, le gel, l’inondation, la grêle, la sécheresse. Le citadin peut vivre au jour le jour, le cultivateur doit prévoir, calculer, lutter. Les déceptions n’ont aucune prise sur cet homme qui e dominent l’instinct du travail nécessaire et la passion du sol. Quoi qu’il arrive, il fait face, il tient. De ce miracle chaque jour renouvelé est sortie la France, nation laborieuse, économe, attachée à la liberté. C’est le paysan qui l’a forgée par son héroïque patience, c’est lui qui assure son équilibre économique et spirituel. Le prodigieux développement des forces matérielles n’a pas changé la source des forces morales. Celles-ci marquent le cœur du paysan d’une empreinte d’autant plus forte qu’il les puise à même le sol de la patrie.
L’obstination dans l’effort quotidien, la résistance physique, une prudence faite de prévisions à longue échéance et de décisions lentement mûries, la confiance raisonnée, le goût d’une vie rude et simple, telles sont les vertus dominantes de nos campagnards. Ces vertus qui soutiennent la nation aux heures de crise sont aussi celles qui font le vrai soldat.
Car dans cette fusion intime des origines, des caractères, des individus qu’est une troupe, l’homme de la terre apporte un élément d’une valeur inappréciable : la solidité. Ceux qui ont eu l’honneur de le commander savent ce qu’on peut attendre de lui. Insensible aux excitations pernicieuses, il accomplit son devoir militaire avec la même assurance tranquille que son devoir de terrien. Il apprend méthodiquement et n’oublie pas ce qu’on lui a appris. Aimé de ses supérieurs, respecté de ses camarades, il suit son chef sans discuter et donne à ce chef la volonté d’entreprendre. Pendant la guerre, le citadin plus instruit en général, a fourni les cadres. Plus technicien, l’ouvrier a alimenté la main d’œuvre indispensable aux usines. Le paysan s’est battu dans le rang avec le sentiment profondément ancré en lui qu’il défendait sa terre.
Aux heures les plus sombres, c’est le regard paisible du paysan français qui a soutenu ma confiance.
Étant l’héritier d’une lignée « d’obéissants », d’agenouillés, de crottés résignés, de vrais paysans, de ceux que la France des discoureurs, dit patriotiques, a envoyé se faire massacrer sur le Chemin des Dames, gazer dans l'Argonne, estropier sur la Somme, tous ces noms gravés sur les monuments aux morts de nos villages, alors ceci explique cela : je développe une profonde allergie pour toute cette engeance qui n’a que la France aux lèvres pour nous faire accroire qu’elle seule est la France. Si moi je ne suis qu’un vil « forniqueur » de mots eux ne sont que des petits usurpateurs.