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31 janvier 2015 6 31 /01 /janvier /2015 00:09

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Milena Agus a choisi de nous conter de l'intérieur la vie des victimes, les sœurs Porro, Luisa, Carolina, Vicenza, Stefania, « elles » dans le texte, à travers le récit d'une amie de la famille, « elle » dans le texte, leurs derniers jours et le drame.


« elle » aimait les sœurs Porro mais « elle » disait d’« elles » qu’elles ne servaient à rein.


« Leur maniaquerie, par exemple, ne servaient à rien : quand elles faisaient repasser leurs draps, elles exigeaient qu’on en fixe les coins avec des épingles pour que les ourlets coïncide parfaitement…


Leur richesse ne servait à rien, elles vivaient comme des pauvresses, non par pingrerie, mais parce que leur façon  de penser et d’être était ainsi faite, par nature. »


Dans leur palais, l’un des plus beaux d’Andria, place de la Mairie, elles vivaient hors du monde. « C’est cela qu’elles appréciaient. »


« D’ailleurs, les êtres humains ne pourraient pas vivre s’ils devaient endurer les souffrances de tous les autres, et ceux qui souffraient là-dehors n’étaient qu’une masse anonyme. Elles ne connaissaient aucune vendeuse de chicorée et de petit paquet de grenouilles, ni un seul esclave journalier de la place Catùna, elles n’avaient jamais vu un enfant pleurer  de faim, ni rencontré un soldat en déroute, ou un Juif espérant embarquer du port de Brindisi pour la Terre Promise. »


« Elles se retrouvaient toutes ensemble pour prier, sur les bancs sévères de leur chapelle privée…


Elles mangeaient comme dans une cantine pour nécessiteux…


Elles n’allaient pas au marché, parce que ça n’aurait pas été convenable…


La bienséance, l’élégance, primaient tout, « elles semblaient tombées là, dans le somptueux palais des Porro del Quadrone à Andria, par le plus pur des hasards, et n’y faire absolument rien, et elle avait le sentiment qu’ils étaient nombreux dans leur milieu à le penser. »


« Luisa et Carolina, vaille que vaille, étaient d’accord sur tout ; Vicenza, les désapprouvait souvent, elle avait une autre opinion, mais elle ne l’exprimait pas… Stefania, parce qu’elle s’était mariée, n’avait plus vraiment voix au chapitre quand les décisions étaient d’importance, et elle se ralliait à la majorité. »


« Toute décision devait être commune… »


« Elle » la narratrice, elle aussi bien nantie mais révoltée, une révolte ne prenant que les sentiers de l’imaginaire, rentrée, amoureuse du héros des journaliers, Giuseppe Di Vittorio, qui hantait ses nuits, elle mariée pour des raisons de convenance économique, l’accumulation du patrimoine, à un vieux, lui dont lui venait le vague espoir d’un monde meilleur. »


Elle découvrait que le vice originel de tous les ancêtres d’elles « résidait dans le mécanisme implacable qui faisait d’eux des affameurs, sans le moindre sentiment de culpabilité, car ils pensaient qu’au fond, les pauvres étaient responsables de leur pauvreté, qu’ils ne s’étaient pas donné du mal pour devenir riches comme eux, les Porro, l’avaient fait. »


« Gracieuses, raides et efflanquées, elles l’accueillaient, elle, pataude et replète, qui, assise sur le sofa avec les jambes trop écartées, faisait la révolution. Elles l’écoutaient, prenaient peur, et riaient en se cachant la bouche. »


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C’est un roman.


« Au départ, j’ignorais tout de cette histoire moi aussi, avoue Milena Agus. Mais elle m’a tout de suite fascinée. J’ai éprouvé de l’affection pour ces quatre vieilles filles qu’étaient les sœurs Porro. Ce qui m’attirait, c’était l’éternelle question de l’oppresseur ou de l’opprimé, ce qui va faire de vous un bourreau ou une victime. »


« Quant aux descendants des sœurs Porro, lorsqu’on leur demande aujour­d’hui comment elles étaient « en vrai », ils répondent unanimes : « Mais… exactement comme dans le livre ! » Comme s’il n’y avait rien de tel que l’invention, pour dire la vérité. »


Voilà, c’est écrit, sans doute que cette chronique n’atteindra pas les sommets de celle sur les conneries de JM Quarin, mais si, pour ceux qui l’auront lu, je ne leur donne pas envie de se précipiter chez leur libraire pour acheter Prends garde, ce livre écrit à quatre mains pour une révolte par Milena Agus, la romancière sarde, qui m’a conquis avec Mal de pierres Liana Levi, 2007, Battement d’ailes, La Comtesse de Ricotta, tous chez Liana Levi, et Luciana Castellina, journaliste, écrivaine et grande figure de la gauche italienne, ancienne parlementaire et cofondatrice du journal Il Manifesto, il me prendra une grande envie de poser ma plume et de me reposer…

 

Crédit photo : Quand les paysans défilent contre les propriétaires terriens... Studio Patellani/CORBIS

 

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