J’ouvre le débat à la demande de lecteurs. Mon titre est explicite et restreint le champ du débat à la finalité très spécifique de cette recherche. En l’espèce, si nous voulons bien débattre le préalable est que nous puissions nous entendre c’est-à-dire nous écouter pour nous comprendre. Dans mon esprit il ne s’agit en rien d’instruire ici un dossier à charge et à décharge, et encore moins de confronter les plaidoiries de procureurs ou d’avocats d’une quelconque cause. Mon souhait c’est que nous puissions donner sa chance à un vrai débat citoyen, passionné certes, mais débarrassé des postures, des à priori idéologiques, ouvert, respectueux des opinions, permettant ce que je qualifierais de « respiration » de notre démocratie que je trouve trop souvent asthmatique.
Comme je suis en vacances je prends la liberté de lancer le débat en empruntant les réponses d’Olivier Lemaire, chercheur à l’INRA de Colmar publiées dans 20minutes.fr. Pour la suite nous verrons : commentaires certes mais aussi contributions écrites envoyées sur mon adresse e-mail berthomeau@gmail.com.
Olivier Lemaire, chercheur biologiste de l'INRA de Colmar présente, le 07 septembre 2005, un plan de vigne génétiquement modifié. AFP PHOTO FREDERICK FLORIN
Pourquoi utiliser des OGM pour lutter contre la maladie du court-noué?
Le virus du court-noué est la maladie la plus grave et la plus ancienne étudiée à l’Inra. On la connaît depuis une soixantaine d’années et on a exploré plusieurs stratégies. On a notamment recherché des gènes de résistance naturelle au virus et on a utilisé la prémunition, qui est une forme de vaccination. Le problème, c’est que nous ne travaillons pas avec un seul virus, mais avec un mélange de variants viraux qui rendent la prémunition inefficace à terme. Nous nous sommes donc orientés vers la transgénèse. Celle pratiquée à Colmar s’apparente à de la thérapie génique.
En quoi consistent ces expérimentations?
On ne modifie génétiquement que la racine de la vigne, appelée porte-greffes, pour qu’elle s’oppose au virus qui vient du sol. Le greffon, toute la partie aérienne qui produit le raisin, n’est pas transgénique. Le greffon n’est pas contaminé par le porte-greffe transgénique: on a suivi ces risques et les résultats se sont avérés négatifs. Quant aux risques de contamination des cultures environnantes par les fuites de pollen, on s’est engagé à éliminer toutes les inflorescences, qui de toute façon étaient sur la partie non OGM de la vigne.
Quel est votre état d’esprit après le saccage des vignes d’expérimentation?
Nous sommes en colère et très déçus. Les OGM arriveront un jour ou l’autre en France, il faut que nous ayons les connaissances pour les refuser ou les accepter. Les gens qui ont fauché se sont tiré une balle dans le pied car nous étions prêts à répondre point par point à leurs interrogations. Aujourd’hui, les plantes sont définitivement perdues mais il nous reste le sol dans lequel on a le virus et la microflore, ce qui nous permettra de continuer à travailler sur l’impact environnemental des OGM. Mais quand bien même nous continuerions, ce serait dans quelles conditions? Serait-ce pour que des extrémistes reviennent labourer ce champ? Il faut arrêter les amalgames, les OGM sont une technologie à réfléchir au cas par cas, et surtout il faut dialoguer. La violence n’a jamais élevé le débat, et s’attaquer ainsi au travail d’autrui est d’une violence extrême: ce matériel vivant a été haché menu par des outils tranchants, la vigne a été coupée en tous petits morceaux, elle saignait littéralement et mourait. Nous sommes avant tout des biologistes qui aiment le vivant, et c’était douloureux pour nous.
Propos recueillis par Audrey Chauvet