Ce vendredi soir, tout premier d’un mois de décembre glaciaire, affrontant les éléments mes pas me portaient jusqu’au Télégraphe, sis à une encablure du Pont Royal, où l’ami Olivier Borneuf www.brittle-boutique.com proposait une dégustation de Champagne de ses producteurs préférés. À peine défait, alors que je me portais vers une sainte table pour me faire mousser, mon attention fut de suite attirée, non par une charmante damoiselle mais par un grand escogriffe portant en bandoulière un Nagra et qui tendait un micro siglé France-Inter sous le nez de tous ceux qui lui tombaient sous la main. « Tiens me dis-je, comme c’est étrange, un reporter de France-Inter dans un lieu de perdition... » Ne craignant nullement la concurrence j’entamais mon ouvrage dégustatif jusqu’à l’instant où cherchant Vincent Laval pour laper son champagne je le vis pris dans les rets de l’homme de Jean-Luc Hess – si j’osais ça ferait une rime d’enfer. Bref, je m’approchais et qu’entendis-je ? Des questions pas bien dosées du genre b.a.-ba du champagne pour les Nuls. Vous me connaissez je ne pus m’empêcher d’ironiser sur la haute compétence des journalistes de notre grande radio nationale. Mal m’en pris car le gars, qui se présenta sous le nom d’Hervé Pauchon, prit ça du bon côté et se mit à rousiner autour de moi me posant mille questions à la con.
Là mon ignorance crasse de la grille de France-Inter éclatait, même vue l’heure tardive, au grand jour et je dus à mon tour confesser qu’Un temps de Pauchon d’Hervé Pauchon du lundi au jeudi de 21h50 à 22h sur France Inter je ne savais pas ce que c’était. Mais notre gars s’en foutait comme de sa première chemise. Je tentais le coup de La résistible ascension du petit Pochon mon feuilleton inachevée des années 2006 en vain, il continuait de m’asticoter. Faut dire que le gars était sympathique pas pour deux sous bêcheur donc je me suis laisser-aller à bavasser.
Ceci écrit, sans préjuger de ce qui en restera à l’antenne, je me suis dit « si ce gars-là pose autant de questions sur le Champagne c’est qu’à la base, comme disent les partisan de Méluche, l’homme qui éructe plus vite que le faisait Marchais, ils ne doivent pas savoir grand-chose de ce nectar qui mousse. » Donc je me suis plongé sitôt rentré dans mon Lachiver « Vins, vignes et vignerons Histoire du vignoble français » chez Fayard pour en extraire quelques pépites me permettant d’édifier les jeunes générations. Marcel Lachiver consacre 3 rubriques au Champagne :
- Vin Champenois et Vin de Champagne
- Naissance du vin mousseux de Champagne
- La fortune du Champagne.
Voici donc pour l’édification du Grand Pauchon l’extrait sec des écrits du Grand Marcel Lachiver.
Au Moyen Age, la Champagne c’est la Champagne pouilleuse qu’évoquait le frère Buton mon professeur de géologie et de géographie où ne broutaient que des moutons. L’expression vin de Champagne n’apparaît pas à cette époque. « Mais les régions de Chalons, d’Épernay et de Reims magnifiquement situées sur la route reliant la Bourgogne à la Flandre, étaient depuis la fin du XIVe siècle, période à laquelle avait surgi la renommée des vins de Beaune tirés du pinot noir, le lieu où passaient ces vins de Bourgogne, où ils étaient entreposés. Tout flamand se dirigeant vers Dijon avait donc la possibilité, en allant ou en revenant, de compléter sa provision si la vendange bourguignonne avait failli et nous avons noté, du XIVe au XVIe siècle, de nombreux achats faits en Champagne. Il s’agissait de vins de la vallée de la Marne, qualifiés de vins d’Ay, le cru le plus réputé. »
Selon Lachiver « La plus ancienne mention de vin de Champagne semble avoir été trouvée par M. Guillot ; elle figure en 1493 dans les ordonnances de l’Hôtel-Dieu de Paris qui recommandent l’achat de vins de Suresnes, de Gentilly, de Vanves et « autres bons terrouers près de Paris » plutôt que de « vin de Gastinois ne de Champagne qu’il a esté faict par cy devant ». Sous ce vocable se cachent des « vins de valeur inégale » en effet si ceux d’Ay sont classés comme « vins délicats et excellents » les vins de la Montagne sont qualifiés de « petits vins » en 1389 dans un inventaire des caves de l’évêque de Reims. Mais dans le courant du XVIe René Gandilhon conclut à une amélioration notable de la qualité des vins de la Montagne, surtout le cru de Verzenay et insiste « sur le fait que vin de la Montagne est synonyme jusqu’au début du XIXe siècle de vin rouge exclusivement... » On reproche au vin rouge de Champagne leur manque de couleur et comme dans beaucoup de vignobles on utilise « des baies de sureau pour lui donner un peu de sang ». Même si les vignerons de Champagne ont entrepris, selon le Chanoine Godinot en 1718, « de faire en Champagne du vin aussi rouge que celui de Bourgogne » il doit bien concéder que les vins de la Montagne « ne valent pas tout à fait ceux de Bourgogne et il s’en faut qu’ils ne soient aussi moelleux ni même si agréables au goût. »
« Jusqu’à la Révolution, on distingue la jauge de Rivière et la jauge de Montagne... »
La 1ière s’applique à des poinçons de 192 à 196 pintes soit 180 litres environ.
La 2ième s’applique à des poinçons de 216 à 220 pintes soit 200 litres environ.
Mais comme le souligne Marcel Lachiver « cette distinction n’est pas seulement géographique ; si on mesure bien les vins blancs de la vallée de la Marne avec la jauge de la Rivière, tous les vins rouges, non seulement ceux de la Montagne, mais aussi ceux de la vallée, sont jaugés à la mesure de la Montagne. Ainsi, on n’oppose pas seulement deux régions aux vocations viticoles différentes, on met l’accent sur la distinction à faire entre les vins blancs (même s’ils proviennent de raisins noirs) et les vins rouges, toujours moins réputés à l’époque. »
Affaire à suivre demain sur mes lignes...
Hervé Pauchon
Comédien et homme de radio, lauréat des enfants d’Inter, Hervé Pauchon signe ses premiers reportages à France Inter dans «Là-bas si j’y suis». C’est ensuite «Ça crée des liens», «Zinzin», «Le grand polochon», «La bande à Bonnaud»… Parallèlement on l’a retrouvé au cinéma dans le «Miraculé» de Mocky, «Cyrano» de Rappeneau, «Le couperet» de Costa-Gavras, sur scène dans «Zazou» de Savary entre autres. Il a tourné sous la réalisation de Radu Mihaileanu «Le concert» avec Mélanie Laurent, Miou-Miou et François Berléand (en salles en nov. 2009).