Je suis sérieux comme un Pape, en effet il est loin le temps où Roland Barthes dans Mythologies célébrait le vin comme la boisson-totem des Français en notant qu’il était senti par la Nation comme un bien qui lui est propre.
C’était en 1957 et, avec les années 60, les fameuses Sixties, ce fut le début d’un déclin inexorable qui bien sûr n’avait rien à voir avec la fameuse loi Evin qui n’intervint que dans les années 90.
Au risque de choquer les âmes sensibles et prudes j’affirme que cette chute s’accompagna de l’abandon du slip kangourou et du marcel bleu qui peut se lire comme un renoncement à la lutte des classes.
Qui portait ces rudes sous-vêtements ?
Les travailleurs des usines, les paysans, les ouvriers, les valets et, comme au grand exode rural, qui a fourni les bras à l’industrie en vidant les campagnes, a succédé le dépeçage de pans entiers de notre secteur industriel par la délocalisation, ces cols bleus ont laissé la place aux cols blancs qui n’étaient guère adeptes du kil de rouge dans la musette.
Croyez-moi ce n’est pas aborder la chute de la consommation du vin par le petit bout de la lorgnette mais remettre certaines pendules à l’heure, surtout celles des adeptes de ce que l’on appelait au temps des prolos et des péquenots les vins fins ou les vins bouchés. Le fameux slogan : boire moins mais boire mieux ne pouvait que produire un tel effet et je ne suis pas de ceux qui regrettent cette chute de la consommation par tête, qui en plus était une moyenne où un petit nombre de gros buveurs, qualifiés de réguliers, boostaient le nombre de litres avalés par les Français.
L’idée de cette chronique m’est venue en relisant ce texte de Jacques Gaillard sur le slip kangourou tiré de « Qu’il était beau mon meccano ! 21 leçons de choses » chez Mille et Une Nuits.
« Il y a ceux pour qui le slip, kangourou ou pas, est moche, oppressant, ringard. On ne lui pardonne pas d’avoir garni les cordes à linge à l’époque des lessiveuses, où il fallait le faire bouillir pour assurer sa blancheur. Chez les pauvres et les ouvriers, il s’en faisait des bleus, assortis à la cotte de travail, dans cette couleur qui s’élimait de lavage en lavage, ternissait au fur et à mesure que le tissu, à côtes comme celui du « tricot de corps », se relâchait entre les jambes, et cette teinture de classe constituait l’aveu résigné d’un métier salissant : aux cols blancs les slips blancs…
Le regretté Reiser a beaucoup fait, dans ses dessins de « vieux cons », pour stigmatiser les débordements immondes qu’autorise le slip fatigué d’un prolétaire alcoolique. Disons-le carrément : l’abandon du slip au profit du caleçon peut se lire comme un renoncement à la lutte des classes, et caractérise beaucoup de soixante-huitards recyclés dans la publicité, la politique ou le journalisme. Si, si, il y en a, je vous assure. »
À propos de vieux cons, il y en a un, appelons-le Beauf, qui s’évertue en pure perte à vomir des commentaires rejoignant les égouts illico presto, qui confond le tricot de corps, le marcel avec une encolure en U, avec le tee-shirt qui enserre le cou. Sous une chemise au col ouvert le Marcel ne se voit pas. De plus, pour lui river plus encore le clou, le faire enrager dans son trou pourri, le Marcel est redevenu très tendance chez les jeunes bobos tatoués.
Pour les amateurs d’Histoire, la légende veut que le slip kangourou soit venud’Argentine où un représentant en bonneterie remarqua (comment, nul ne le dit) que les gauchos portaient des sous-vêtements renforcés sur le devant pour « épargner à leurs bijoux de famille les offenses du pommeau de leur selle… Avec une ouverture horizontale, plus accessible lorsqu’on ne descend pas de cheval… »
« Auparavant, les éléments extérieurs de la virilité, mal protégés par des caleçons flottants ou laissés libres dans le pantalon, vivaient une vie ballottée comme Ulysse dans ses tempêtes et l’Homme dans les espaces infinis qui effrayaient tant Pascal. Le slip permet de stabiliser ce que la nature laissait imprudemment pendouiller : c’est donc, sans équivoque, un instrument de culture, très supérieur à l’étui pénien des primitifs, qui ne traite pas la totalité du sujet et peut, par sa rigidité emphatique, se révéler extrêmement casse-couilles.
»