Jusqu’où ira la mode stupide qui consiste à vouloir systématiquement, en toute circonstance, pour tout ce que nous mangeons, faire des accords mets-vins. Je veux bien admettre que pour des plats cuisinés, hors d’œuvre, desserts, fromage, ce type de conseils puisse guider dans leur choix du vin monsieur et madame tout le monde. Mais que diable pour les fruits frais en l’état, pommes, poires, fraises, framboises, groseilles, mûres, myrtilles, abricots, brugnons, cerises, nectarines, pêches, prunes, coings, cormes, nèfles, ananas, bananes, caramboles, goyaves, litchis, mangues, papayes, fruits de la passion, kiwis, raisin... le vin ne me semble pas un compagnon indispensable.
J’imagine un très beau titre : « Que boire… avec le raisin ? »
Pour l’heure le sieur Enrico Bernardo officiant pour le Figaro, collant au calendrier fructifère, nous gratifie d’un « Que boire… avec les cerises ? »
Mais rien de rien monsieur Bernardo, s’il est un fruit qui désaltère c’est bien la cerise, « de la burlat douce et rouge foncé à la griotte plutôt acide et presque noire, en passant par la Napoléon jaune pâle et la Montmorency vermillon… ». Le manger de cerise est un art car ce petit fruit, tout rond, tout lisse, pendu à sa queue, parfois en un duo qui nous les faisait les pendre derrière nos oreilles, s’ingurgite entier dans la bouche pour être dénoyautée grâce aux moyens prévus à cet effet : dents et langue. On la croque donc avant de n’avaler que sa chair en se gardant bien de le faire pour le petit noyau lui aussi tout lisse. En cas de fausse manœuvre buccale aucun danger, les petits noyaux s’expulseront par l’autre voie prévue à cet effet. Mais pour les autres qu’en faire ?
- Méthode 1 : le noyau peut se sucer pendant des heures c’est très agréable.
- Méthode 2 : le noyau peut s’expulser élégamment, bouche en cul de poule, en un beau jet tel de la mitraille, soit discrètement dans le creux de la main.
- Méthode 3 : le noyau peut se propulser, si l’on est facétieux, entre pouce et index, vers une cible un peu plus lointaine.
Ayant mangé mes premières cerises perché sur les branches de l’immense cerisier du jardin familial j’étais adepte de l’expulsion immédiate qui me permettait de me gaver tel un sansonnet lubrique, puis au collège j’étais au réfectoire très porté sur la méthode 3, enfin ayant grandi en âge et en sagesse j’ai utilisé la méthode 1, lorsque j’étais fumeur, afin de ne pas griller cigarette sur cigarette, même si le fait de les rouler me freinait.
Alors, en plus s’il fallait se mettre à boire en se livrant à cette geste ça gâcherait tout le plaisir, ce serait une entrave à la créativité. Bien sûr je n’évoque ici que la consommation de cerise en l’état, lorsqu’elle est partie prenante d’un clafoutis ou si elle accompagne une viande, il est possible de se livrer au petit jeu de l’accord mets-vin.
Reste une question à laquelle il est extrêmement difficile de répondre « Que boire avec… des cerises à l’eau-de-vie ? »
Vu mon inculture je suis bien en peine de vous donner des conseils pour y répondre.
J’en reviens aux conseils d’Enrico Bernardo pour marier nos chères cerises avec le vino. Que nous dit-il ? « Sa chair – celle de la cerise – toujours ferme, parfumée, goûteuse, propose généralement un bel équilibre entre sucrosité, amertume et vivacité. Pour cela justement, j'écarte résolument tous les blancs issus de vendanges tardives, bien mieux adaptés aux agrumes et aux fruits exotiques : ici, ils pourraient apporter une légère note oxydative désagréable en fin de bouche. Et j'irais plutôt vers ces vins mutés qu'on élabore en Roussillon et dans la Vallée du Rhône. Par exemple un maury… la suite ICI link
Sans vouloir ironiser je trouve qu’en la matière on frise le grand n’importe quoi pour faire du remplissage sous couvert d’originalité. À l’extrême rigueur, et je m’en remets à l’expertise de mes lecteurs belges, j’admettrais avec les cerises une KRIEK.