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6 mars 2011 7 06 /03 /mars /2011 00:08

En toutes circonstances, et plus encore lorsque pas un bouton de guêtre ne semble manquer à votre équipement, le relâchement est très souvent la source de pépins en cascade. Pourtant je croyais avoir tout prévu pour ne pas éveiller les soupçons en endossant mon chèque au nom de Ramulaud qui l’avait ensuite touché, son statut diplomatique le plaçait au-dessus des tracasseries du contrôle des changes, moyennant une honnête commission, puis en avait transféré les ¾ par virement télégraphique sur un compte ouvert chez de Neuflize-Schlumberger-Mallet à Paris au nom de Francesca. Avec 20 000 dollars en liquide je pouvais voir venir. L’obtention de mon visa touristique pour Buenos-Aires par Ramulaud interposé fut un jeu d’enfant. Cet emplâtre m’avait rebaptisé Jacques Charrier pour la simple et bonne raison, m’avoua-t-il sans ambages, qu’il en pinçait dur pour Brigitte Bardot et que le dit Jacques Charrier fut l’époux et le père de l’enfant de notre BB nationale. Les voies des mâles sont aussi tortueuses qu’impénétrables. Restait pour moi à neutraliser les ardeurs de Marie-Amélie qui lors de notre séance de thé n’y était pas allé par quatre chemins « elle voulait rattraper le temps perdu, connaître enfin les transes de l’extase, jouir sans entrave... » Comme je m’étonnais de ce vocabulaire si peu conforme à sa condition la comtesse soupirait en affichant un air réellement contrit « qu’à son âge ignorer tout des charmes de la fellation, des douceurs du cunnilingus et des rudes transports de la sodomie relevait de la mutilation... » J’en convins mais, timidement, tout en trempant précautionneusement mon boudoir dans le thé tiède, je risquai un « Pourquoi moi ? » qui me valait un « Pourquoi pas vous ? » cinglant. Il me fallait sortir le grand jeu pour me tirer de ce mauvais pas alors je dégainai ma Francesca. Marie-Amélie se cabrait et me lançait un « J’ai le droit à l’orgasme, monsieur ! » qui me laissait pantois. Lâchement je lui promettais d’essayer.  

 

Janvier s’étira en longueur dans une ambiance de plus en plus lourde. Allende louvoyait, quêtait les bonnes grâces de la haute hiérarchie militaire tout en flattant verbalement les excités du MIR. Aux élections partielles dans les provinces de Colchagua O'Higgins et Linares l'opposition gagnait deux sièges. Les économistes socialistes misaient beaucoup sur la prochaine ouverture le 3 février à Paris des négociations sur le refinancement de la dette chilienne. Par bonheur, cinq des six filles de Marie-Amélie furent successivement clouées au lit par des gastro-entérites. Je profitais de mes derniers jours au Chili pour me rendre à Valparaiso la seconde ville du Chili et qui plus est lieu de naissance de Salvador Allende. J’adore l’ambiance des ports. Sur un petit carnet datant de mon séjour dans l’estuaire une phrase de Giraudoux, dans Suzanne et la Pacifique, m’accompagnait. « Des voyageurs retour de Damas, qui partaient pour l’Océanie, regardaient avec émoi, symbole de la vie errante, des mouettes qui n’avaient jamais quitté Saint-Nazaire. » Pour m’y rendre j’avais décidé d’embarquer, même si le trajet était court, dans le Transpacifico qui reliait par le rail Puerto Montt, aux portes de la Patagonie, à Valparaiso. Dès ma montée dans le train je me rendais au wagon-restaurant, d’un luxe désuet, où je fus accueilli par un maître d’hôtel qui semblait porter sur ses larges épaules toutes les misères du Chili. Après avoir consulté son registre de réservation il m’entraînait à l’autre extrémité du wagon et me plaçait face à un couple de Français qui se chamaillait. Je glissai ostensiblement un billet de 10$  dans la paluche du maître d’hôtel pour que mes vis-à-vis me prennent pour un odieux citoyen des Etats-Unis. Bonne pioche car sitôt assis la donzelle prenait à témoin son compagnon « Vraiment, ils se croient partout en terrain conquis ces américains ». Lorsque le garçon vint prendre ma commande je la passai dans un français impeccable mâtiné d’un fort accent New-Yorkais. La fille piquait un fard sous le regard furibard de son compagnon.

 

Bon Prince je tendis la perche à la péronnelle pour qu’elle se sorte de ce mauvais pas. « Vous êtes une vraie parisienne ? » proclamais-je en levant mon verre de mousseux chilien. Ne sachant trop si c’était du lard ou du cochon elle balbutiait « Je suis désolée pour... » J’interrompais d’un grand rire son début d’amende honorable en feignant de l’attribuer à mon propos « C’était un compliment madame... ne soyez pas désolée d’être une parisienne. Vous savez j’adore Paris. J’y ai un pied-à-terre sur l’Ile Saint Louis... » Mon contre-pied laissait le type dubitatif alors que sa compagne tout en tripotant son alliance commençait à me trouver un charme fou. Je la branchai sur leur voyage. Elle expédiait la réponse à grande vitesse avant d’embrayer sur la Sorbonne où elle exerçait en tant que maître-assistant d’Histoire. Intarissable, je l’écoutais religieusement en mâchonnant du bœuf de la Pampa argentine agrémenté d’une purée un peu visqueuse. Le Carmenere que j’avais commandé sentait la vieille barrique et s’apparentait à un bon décapant mais, pour se donner, comme tout bon Français, une contenance de grand connaisseur de vin, son compagnon prenait des airs extatiques en l’avalant par petites gorgées. Comme le trajet était fort court l’idée me vint soudain de jeter un peu plus encore de trouble dans l’esprit échauffé de mon interlocutrice. Alors qu’elle reprenait son souffle je plaçais ma botte de Nevers. « Vous savez tout ce que vous me dites me parle vraiment car j’ai fait le coup de poing contre Guy Lardeux dans le hall de Louis le Grand, base Grand comme disaient les gauchistes... Ce type toujours drapé dans un long manteau de cuir noir qui battait le bas de ses lourdes bottes, un grand admirateur de Beria, se trimballait en permanence avec une cane gourdin pour casser du facho. Son instrument de travail raillait-il... Avec mes amis d’Occident nous lui avons donné une réplique à la hauteur de sa sinistre réputation... »

 

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