Pour ceux d’entre vous, et vous devez être nombreux, qui n’avez jamais emprunté l’ancienne nationale reliant la Roche s/Yon aux Sables d’Olonne, qui tranchait le bourg de la Mothe-Achard de part en part, vous n’avez jamais connu la ferme des Mares qui marquait justement l’entrée dans le bourg. Après avoir passé le cimetière, une légère descente vous voyait passer devant le Bourg-Pailler lieu de naissance du Taulier. C’était un ancien relais de poste mais si vous vous arrêtiez c’était pour faire le plein en face à la station BP. Et vous étiez nombreux l’été au temps des congepés à emprunter cette nationale. Enfant, à la fraîche nous regardions passer vos autos et, déjà un peu ramenard, je citais les marques et parfois le nom du département inscrit sur la plaque.
Maintenant c’est fini, tout en haut du bourg, longeant la gare, où passe le TGV sans s’arrêter, c’est l’autoroute et rare sont ceux qui font un crochet pour s’arrêter au bourg de la Mothe comme on disait dans ma jeunesse. Sauf les amateurs de cucurbitacées : les courges quoi ! En effet, depuis 1995, au-dessus des Mares, Michel Rialland y a installé son « Potager Extraordinaire » link Tout est parti de la gourde pèlerine qui n’est pas une fille de la Mothe mais une variété de cucurbitacée bien connus de nos ancêtres Vendéens. Le Jardin des Plantes de Nantes lui avait offert, « à la condition d’en faire quelque chose de bien » 320 variétés de de grainnes de cucurbitacées. Bref depuis les Mothais et les Mothaises, et bien sûr tous les amateurs n’en finissent plus de fêter la Citrouille à la Fête de la Citrouille et de concourir aux concours de cucurbitacées. Au début des années 2000, Olivier le fils de Michel a rejoint le Potager Extraordinaire et bien sûr lui insuffle un côté plus commercial : vente aux professionnels et opte pour la conversion « bio ». 19 ha de courges pour tous les goûts : le miam ou la déco. Qui m’eut dit que la Mothe-Achard, connue autrefois pour ses foires et marchés, gros bourg commerçant, deviendrait la reine des courges bio, j’aurais trouvé ça bien rigolo.
Dans cette affaire, hormis le mérite des Rialland, ce qui me branche c’est que tout près des Mares logeait Alcide Robert le caviste du frère Bécot, l’homme des hybrides américains, qui régnait sur les hectares de vignes de l’Ecole d’Agriculture de Notre-Dame de la Forêt où j’ai usé mes fonds de culotes jusqu’en classe de première. En effet, comme l’ensemble du département de la Vendée, à l’époque finissant son déclin après l'arrachage obligatoire des cépages prohibés en 1955, la commune de la Mothe-Achard abritait beaucoup de vignes (1). Mon pépé Louis en avait tout près : il fallait prendre le petit chemin en face du cimetière pour accéder aux vignes. J’ai donc connu la taille à l’école d’agriculture, la vendange chez pépé Louis, le pressoir, la cave aux toiles d’araignée avec une futaille que l’on rinçait avec une chaîne dedans sur un vieux pneu de tracteur et que l’on soufrait en abondance. Cependant je n’ai jamais vinifié, faut dire que chez pépé ça se faisait tout seul et à l’école d’agriculture c’était le royaume d’Alcide Robert. Le vin de la Mothe, celui de mon pépé Louis était une horrible piquette vite submergée de fleurettes mais le vin du frère Bécot, son baco noir tenait la route. Le brave frère, très porté sur la bouteille, profitait du port de la soutane pour véhiculer des flacons plus goûteux qu’il venait déguster avec mon père. Ses retours sur sa vieux vélomoteur à courroies relevait de l’exploit. Maintenant je ne sais s’il reste la moindre are de vignes à la Mothe-Achard, peut-être que l’ami Henri-Pierre Troussicot pourrait éclairer ma lanterne.
(1) « En 1897 paraissait dans l’annuaire de la Société d’Emulation de la Vendée un article sur « le vignoble vendéen et la crise phylloxérique ». L’auteur Charles Biguet y situait l’importance de la vigne en Vendée avant l’invasion du phylloxéra : 19 000 ha, 570 000 hl, 12 millions de F. au moins « Sans atteindre le chiffre des valeurs que réalisent, d’une part, la culture du blé, d’autre part, les cultures fourragères et le bétail, la production de nos vignes était néanmoins des plus fécondes et des plus rémunératrices ; elle était surtout la plus bienfaisante tant du point de vue de l’hygiène et de la santé publiques qu’au point de vue national et social. » Ouille, ouille, ouille nos hygiénistes blêmiraient mais Biguet ajoutait « La vigne, en effet, occupait à superficie égale cinq à six fois plus de travailleurs que la culture des céréales ; son produit était assez élevé pour que l’exploitant pût supporter cette grande dépense de main-d’œuvre et recueillir encore un revenu moyen qu’on peut évaluer sans exagération, à 8% du capital. »
Pour ceux qui voudraient se lancer dans la culture de la courge il faut qu’ils sachent que les graines doivent être mises en terre au printemps dans un sol chaud et bien sûr il leur faut de l’eau. Si vous êtes bio l’été faut biner et pour les soins soufre et cuivre au besoin. La récolte débute mi-août jusqu’à mis octobre. À cette date il faut tout ramasser à cause de la fraîcheur. Moi je n’ai pas la main verte alors je me contente de passer chez mon marchand de légumes pour en acheter. Mon goût pour la courge est assez modéré mais si maintenant les chefs la transforment en mets fort appétissants. Ce mésir – mot vendéen – date des soupes de citrouille familiales dont l’odeur fade me levait le cœur et je dois avouer, qu’en dépit des menaces, j’ai toujours refusé d’en manger. Maintenant les courges sont revenues en grâce et qu’elles portent des noms sympathiques : le pâtisson, le patidou, les potimarrons rouges, verts, bleus, les courges spaghettis, butternut, les chroniqueuses gastronomiques peuvent s’en donner à cœur joie et tartiner leurs recettes avec belles photos. Pour ma part, cuisinier d’occasion j’ai accepté d’ingurgiter un velouté de cucurbitacées le jour où j’y ai adjoint des patates et des poireaux mixés avec une bonne dose de crème fraîche.