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15 février 2018 4 15 /02 /février /2018 06:00
La résistible ascension de Benoît H Benoît se disait « Je la suivrais tout autour de la terre, au bout du monde, là où elle voudra. » (16)

Benoît à loisir la contemplait, elle avait l'air d’une jeune fille sage mais au-delà il pressentait une volonté farouche. Bien sûr, il se couvrait de reproches. Comment avait-il pu ne pas la remarquer, elle qui lui donnait du Benoît, lui préparait un sandwich au saucisson sec ? C'était une apparition. Le retrait du cercle de Benoît n'avait en rien perturbé la discussion, un autre de ses camarades avait naturellement pris le relais. C'était aussi ça la magie de mai. Elle et lui, comme isolé du monde, seuls au monde, sur une île, genoux contre genoux car elle venait de s'asseoir face à lui. Ce « elle » crispait un peu Benoît. L'échange était inégal. Insoucieuse de son infériorité, elle se penchait vers lui pour murmurer à son oreille, en pouffant, « Vous croyez que nous allons bâtir un monde meilleur... » Tout en s'extasiant sur ce nous, qu’il réduisait à deux, à eux deux, Benoît réfrénait son envie d'effleurer de ses lèvres la peau ambrée de son cou. Il y pressentait une trace de sel, d'embruns, il la sentait naïade. Tel un naufragé, abandonnant le souci du bonheur de l'humanité opprimée, Benoît s’agrippait à cette intuition en lui posant cette question étrange : « aimez-vous la mer ? »

 

Elle aimait l'océan. Dans son maillot de bain une pièce blanc nacré c'était une sirène. Elle glissait vers le large pour n'être plus qu'un petit point à l'horizon. Lui le terrien balourd l'attendait sur le sable pour l'envelopper dans un grand drap de bain. La frictionner. La réchauffer. Lui dire « nous ne nous quitterions jamais ». Elle répondait oui. La serrer fort pour entendre son coeur cogner contre sa poitrine. Ce premier jour d'elle, pendant tout le temps où elle n'était encore qu'elle, Benoît en gardait bien plus qu'un souvenir, il le vivait chaque jour. À son étrange question elle avait répondu, en empoignant son cabas de fille, un oui extatique, en ajoutant « C'est mon univers Benoît... » Ils s’étaient levés, elle passait son bras sous le sien. Les cercles s'ouvraient. Ils les fendaient tout sourire. Certains lançaient des petits signes de la main, aucun ne s'étonnait. C'était cela aussi le charme de mai, ce doux parfum de folle liberté, coeur et corps, hors et haut. Benoît était déjà fier d’elle qui traçait un chemin droit. Ils laissèrent le fracas de la nouvelle place du Peuple derrière eux. Sur le cours des 50 otages ils croisaient un groupe de blouses blanches, remontées, bravaches comme s'ils allaient au front. Dans le lot, un grand type, tweed anglais, nœud pap., Weston, gesticulait plus que les autres, l'œil mauvais, le rictus aux lèvres. À hauteur, il vociférait « Alors Marie on se mélange à la populace... »

 

Nous passions outre. Elle, devenue enfin Marie par le fiel de ce grand type hautain, de sa voix douce, lui disait comme à regret, « Ne vous inquiétez pas Benoît, ce n'est qu'un de mes frères... Il est plus bête que méchant... » Les doigts de Marie se faisaient fermes sur son bras. Tout en elle lui plaisait. Marie lui montrait un vieux Vespa vert d'eau. Benoît se disait « Je la suivrais tout autour de la terre, au bout du monde, là où elle voudra. » Pour l'heure, sans casque, ils filaient vers Pornic. Filer est une façon de parler car l'engin ronronnait comme un vieux chat ce qui laissait à Benoît le loisir d'apprécier le paysage et de papoter. Tout un symbole, elle conduisait et lui, avec délicatesse enserrait sa taille et l'écoutait. Quel bonheur de se taire. Marie parlait. De lui surtout, il avait le sentiment d'être dans sa vie depuis toujours. Spectatrice des palabres interminables elle avait su pénétrer dans les rares brèches de son petit jardin d'intérieur. Lui, si soucieux de préserver l'intégrité de celui-ci, ne prenait pas cet intérêt pour une intrusion. Marie la douce lui disait tout ce qu’il ne voulait ne pas entendre de lui.  

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