En 2016, Paris au mois d’août n’est plus le Paris au mois d’août d’autrefois :
« 1966, l’année de mes 18 ans, je viens de boucler ma première année de Droit à la Fac à Nantes. Ma bourse plate me permet tout de même de me gaver de me gaver de cinéma au Katorza où le tarif étudiant : 3 francs c’est le prix de 2 sandwiches au jambon. Beaucoup d’entre nous vivions de peu mais nous étions fichtrement heureux de goûter à la liberté. Nous faisions la fête, fréquentions assez peu les amphis, commencions à refaire le monde.
S’il est un film qui a éveillé en moi les premières questions sur l’amour conjugal, le carcan de la fidélité, c’est bien le film de de Pierre Granier-Deferre «Paris au mois d’août» sorti au cinéma en 1966 qui était l'adaptation du roman éponyme de René Fallet, Paris au mois d'août datant lui de 1964. »
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« Et puis il y a le petit monde englouti du bar-tabac de Rosembaum où Plantin va taper la belotte avec ses copains. Parmi eux, Gogaille, son meilleur ami, clochard de profession qui s’exclame à propos des travaux à Paris : « Moi, je vais vous dire: ce qu’ils veulent détruire, c’est pas les vieux quartiers. Les taudis, ça les empêche pas de dormir, vu qu’ils ont jamais dormi dedans. Ce qu’ils veulent détruire; c’est l’amitié. Oui l’amitié. Dans les H.L.M., au moins, y en a plus, y a plus de conversations, plus rien. Les types se voient pas, se connaissent pas, leur reste que la famille, et c’est pas toujours primesautier, pas vrai? »
En août 2016 ce qui n’a pas changé c’est la grande désertion des indigènes aisés qui prennent des congés payés, toutes mes cantines sont fermées, il faut aller chercher le pain très loin, le long des trottoirs plein de vides pour le stationnement qui reste payant, dans les rues moins d’autos, de motos, de livreurs… les théâtres font relâche…
Serait-ce pour autant le bonheur ?
Pas vraiment, Paris est un peu Disneyland avec son Paris-Plage, sa grande roue de la Concorde, avec ses marchands de mauvaise bouffe, de mauvaise bière, de mauvais café sur des terrasses, peuplées de garçons renfrognés, où il faut casquer cher. Pauvres touristes malmenés, je les plains de tout cœur et je regrette que le bien-vivre ne soit plus l’ardente obligation des marchands de soupe de tous poils.
Que faire pour ne pas se transformer en vieux ronchon ?
Faire ce qu’il faut faire dans une ville où règne l’industrie du tourisme de masse : s’éloigner un peu, prendre du champ, aller baguenauder aux lisières de la ville, en des lieux ignorés des marchands.
Comme je fréquente beaucoup les hauts de Paris, le 19e arrondissement tout particulièrement, j’ai pu découvrir il y a deux la Mouzaïa qui est un quartier peu connu, même des parisiens, situé à l'est de Paris, le XIXe, entre le parc des Buttes-Chaumont et la Porte du Pré-Saint-Gervais. C’est un havre de paix, de verdure et de fleurs, avec ses ruelles pavées, ses petites maisons, toutes les mêmes. Et ne venez pas me dire que c’est une enclave de bobos c’est faux. Sa gentrification est de plus longue date.
« Les maisons situées en bordure de la rue Mouzaïa sont sensiblement plus grandes que celles situées au centre des « villas » et révèlent par quelques détails une gentrification très avancée du quartier d’où les « classes populaires » ont progressivement disparues depuis une vingtaine d’années en raison de l’augmentation des prix immobiliers. »
Si vous y allez en métro je vous conseille de descendre à la station Danube ligne 7bis
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Dès mon arrivée à Paris j’ai exploré à pied beaucoup de lieux ignorés par les touristes, surtout les îlots qui ressemblaient comme deux gouttes d’eau à l’habitat provincial. Mon but trouver un point de chute pour mieux me loger mais comme je n’avais pas un rond je ne pouvais accéder à la propriété. La location dans ces lieux protégés relevait d’un parcours du combattant pour le fraîchement débarqué que j’étais.
La Mouzaïa est donc restée au rang du rêve inaccessible. J’y repassais de temps à autre pour m’immerger et rêvasser.
Et puis un jour, des amies m’ont dit « nous allons vivre pendant deux mois dans notre maison du paradis » et ce fut pour la première fois pour moi l’occasion de pénétrer dans une maison de la Mouzaïa.
C’était pour un dîner. J’y suis allé à vélo bien sûr en passant par l’affreuse Place des Fêtes défigurée par des immeubles sans âmes. J’avoue que je me suis un peu paumé avant de retrouver la rue de la Mouzaïa qui structure le quartier. La nuit tombait et, comme toutes les ruelles se ressemblent j’eu quelques peines à retrouver La Villa Émile Loubet.
La question que tout le monde m’a posé lorsque j’ai évoqué mes agapes à la Mouzaïa c’est quelle est l’origine du nom ?
Le quartier dit de la Mouzaïa tire son appellation du nom de la rue principale autour de laquelle il s’organise.
Sans doute nos écoliers d’aujourd’hui ignorent tout de la célèbre Smalah de l’émir Abd-el-Kader qui résista héroïquement aux troupes françaises lors de la conquête de l’Algérie.
Le 12 mai 1840 le duc d’Aumale à la tête des zouaves et des tirailleurs de Vincennes sous les ordres du colonel La Moricicière et du duc d'Orléans commandant en chef, prenait le Thénia de la Mouzaïa, le col, que défendait le dit émir Abd-el-Kader. Ce fait d’armes inspira aux zouaves du maréchal Bugeaud le populaire chant militaire de l’Armée d’Afrique : « La casquette du père Bugeaud. »
C’est à la fin du XIXe siècle, vers 1879, que les 250 maisons de la Mouzaïa ont été construites à pour les ouvriers qui travaillaient sur les carrières de gypse et de meulière du quartier. C’est l’architecte Paul-Casimir Fouquiau qui les a conçues selon des règles strictes imposées par la structure du sous-sol.
« Elles sont toutes érigées selon le même modèle sur un terrain en pente, avec façade de brique rouge (aujourd’hui repeintes dans la plupart des cas), porte d’entrée étroite, marquise en fer forgé et cour à l’avant. Le sol étant fragile à causes des anciennes carrières dans le sous-sol, les demeures ne devaient pas faire plus de deux étages.
C'est pourquoi il n’y a pas d’immeubles dans le quartier, mais seulement des maisonnettes, avec courettes, jardins, terrasses. Elles appartenaient autrefois à des voies privées et étaient fermées. Aujourd'hui ouvertes ces ruelles sont pavées et éclairées par des lampadaires dont le mât est décoré d'une branche de lierre entrelacée selon le modèle « Oudry ».
Les carrières de gypse ont été exploitées jusqu’en 1872. Le gypse des Buttes Chaumont avait une très bonne réputation car chauffé à 120 ° dans des fours il donnait un plâtre d'excellente qualité.
À la Mouzaïa Il existe d'ailleurs une rue des Carrières d'Amérique car selon la légende une partie du plâtre produit aurait été exporté, et aurait servi à édifier la Maison Blanche, à Washington, aux États-Unis.
En 1856 (8 ans avant le début des travaux du parc des Buttes Chaumont), on peut lire dans le guide Joanne des environs de Paris.
« Si Montmartre a perdu ses carrières de plâtre, les buttes Chaumont ont conservé presque toutes celles qu'elles possédaient. Leurs trois principales carrières portent les noms suivants: Buttes Chaumont, du Centre, d'Amérique. Les deux premières ne s'exploitent plus aujourd'hui qu'à ciel ouvert; la carrière d'Amérique seule va encore chercher sa pierre à plâtre dans le fond de ses vastes galeries qui n'ont pas moins de 1000 mètres de profondeur et dont d'énormes piliers supportent les voûtes hautes de 15 mètres, consolidées çà et là par des échafaudages.
Avant dix ans, ces trois carrières seront complétement épuisées jusqu'à la limite où les règlements de police leur permettant de s'étendre. Celle de la Butte-Chaumont a déjà, diminuée considérablement sa production. Dans leur état actuel elles emploient environ 800 ouvriers (de 250 à 275 par carrière) qui gagnent de 3 à 4 francs par jour. Elles produisent chaque année 150 000 mètres cubes de plâtre (50 000 mètres par carrière) qu'elles vendent 15 francs le mètre. Depuis vingt années elles se livrent à trois sortes d'industrie.
Elles ne se contentent plus de fabriquer du plâtre elles fabriquent aussi des briques et de la chaux. Quand ces carrières seront épuisées, les fabricants de plâtre devront aller s'établir au-delà de Pantin, dans la chaîne de collines qui s'étend le long de la Marne jusque Meaux. Ils sont certains à l'avenir de trouver assez de bancs de pierre à plâtre pour subvenir à diverses reconstructions complètes de Paris et de tous les villages de sa banlieue. Le chemin de fer de ceinture traverse les buttes Chaumont en souterrain, entre les carrières du Centre et d'Amérique. »
En 1860 c'est la fin des carrières.
« On peut également découvrir au 46 rue du Général Brunet le Hameau du Danube, composé de 28 pavillons réalisés en 1923-1924 par Albenque et Gonnot et organisé de façon symétrique autour d’une voie en Y, constitue un bon exemple de ce rationalisme qui n’exclut pas les effets pittoresques. Il remporta le Concours de façades de la Ville de Paris en 1926. A une toute autre échelle, on trouve une autre illustration de ce rationalisme dans le développement du logement social sur les terrains libérés par les anciennes fortifications ou en bordure ce celles-ci et dans la construction des grands équipements (école, square, église) rendus nécessaires par l’afflux de population. »
Lire ICI Paris, balade architecturale autour du quartier de la Mouzaïa et des Buttes Chaumont.
Bonne découverte !
Et puis, il est des lieux, des ouvrages d’art dans Paris que l’on emprunte sans même se soucier d’eux : ce sont les ponts qui enjambent la Seine qui traverse Paris d'est en ouest sur 13 km.
Au total 37 ponts et passerelles , tous ne sont pas accessibles à vélo, ceux où passent le métro ou le périphérique, et les passerelles sont piétonnières.
Je les tous traversé à vélo, en auto, en bus, en métro, à pied…
Ayant habité à mon arrivée à Paris, rue Mazarine, j’ai souvent traversé le Pont Neuf pour me rendre à la Samaritaine, car on trouvait tout à la Samaritaine. Maintenant on n’y trouve plus rien depuis qu’Arnault l’a fermée. J’ai vu Christo l’emmailloter en 1985. C’est le doyen des ponts de Paris. Inauguré en 1607, sous Henri IV, il est le premier à relier d’un seul jet maçonné les deux rives de la Seine. Extrême pointe de l’île de la Cité, il est aussi le premier à être doté de trottoirs et dépourvu de toute habitation. Les passants pouvaient enfin admirer le fleuve.
Il surplombe le square du Vert Galant, en hommage au trousseur de jupons qu’était Henri IV, qui est un lieu privilégié pour celles et ceux qui veulent se rouler des patins sous la lune et plus si opportunité.
Les amants du Pont Neuf réalisé par Léos Carax, avec Juliette Binoche et Denis Lavent et sorti en 1991, le tournage de ce film a eu lieu en partie, à Lansargues, canton de Mauguio, près de Lunel… Le Pont-Neuf du film n'est pas à Paris, il est à Lansargues dans le département de l'Hérault, un petit village entre la mer et les vignes. En pleine nature, on va construire le Pont-Neuf et tout le quartier qui l'entoure. Et tout cela coûte cher, très cher ! Si bien que Léos Carax n'a plus d'argent et le tournage s'arrête. Trois producteurs différents vont prendre le relais dont Christian Fechner qui, finalement, permettra au film d'être achevé en 1991.
Et puis, grâce à lui on peut accéder à la place Dauphine, qui a mauvaise mine pour Dutronc lorsque Paris s’éveille, mais qui a un charme quasi-provincial.
Mais celui que j’ai le plus traversé à vélo lorsque je travaillais rue de Rivoli, c’est le Pont Royal, long de 130 mètres, il a été reconstruit à l'initiative de Louis XIV entre 1685 et 1688, par Jules Hardouin-Mansart (petit neveu du célèbre architecte), François Romain et Jules Gabriel. Il comporte cinq arches en anse de panier, des becs triangulaires chaperonnés et un cordon à la base du parapet. Les deux chaussées du tablier s'ouvrent en biais sur les deux chaussées des quais. Après la révolution il est appelé pont National, puis pont des Tuileries sous Napoléon 1er.
Pour le plus récent, et le plus inutile, le pont Charles de Gaulle – d'une longueur 207 m de long pour une largeur de 35 m, a été réalisé entre 1993 et 1996 par les architectes Arretche et Karasinsky, choisis à la suite d'un concours européen, lancé en 1987. Construit en forme d'aile d'avion et réalisé en acier, il offre une chaussée à sens unique large de 18 mètres, des pistes cyclables et des trottoirs surélevés permettant aux piétons de marcher en toute sécurité. Le tablier est relié aux piles revêtues de béton poli de couleur blanche par quatre énormes chapiteaux en acier moulé de forme conique – je l’ai traversé à vélo, dans le sens rive gauche-rive droite, une seule fois et je puis vous assurer que je m’en souviendrai pour le restant de ce qui me reste à vivre. C’était le dimanche 11 janvier 2015, je me rendais place de la Nation pour rejoindre mes amies à la grande manifestation parisienne suite à la tuerie de Charlie-Hebdo. Les gens marchaient en grappes, silencieux, déterminés, recueillis. Moment unique que nous devrions nous remémorer au lieu de céder à nos démons.
Le pont le plus kitch est sans aucun doute le pont levant de Flandre de la rue de Crimée situé à l'intersection du bassin de la Villette et du canal de l'Ourcq, dans le 19e arrondissement de Paris. Il permet à la rue de Crimée de traverser le canal, et relie le quai de l'Oise, sur le côté nord-ouest du canal, au quai de la Marne, sur le côté sud-est du canal. Mis en service en 1885, c’est le dernier pont levant de la capitale qui connaît encore chaque année près de 9 000 manœuvres. C’est un monument historique qui vaut le détour.
Enfin je terminerai par le pont de Bir-Hakeim que j’ai beaucoup fréquenté à une période agitée de ma vie. C’est le pont où dans le Dernier Tango de Paris de Bertolucci (1972) Marlon Brando dans son manteau camel et Maria Schneider coiffée d’une capeline fleurie, marchent côte à côte.
Et puis, au centre du pont, de larges escaliers en pierre permettent de rejoindre l’île aux cygnes, totalement artificielle pour emprunter l’unique allée bordée d’une double rangée d’arbres. La promenade d’une kilomètre débouche sur une réplique miniature, 9 mètres de haut, de la statue de la liberté.
Le pont de Bir-Hakeim, anciennement viaduc de Passy, d'une longueur de 247 mètres, pour une largueur de 25 mètres, a été construit entre 1903 et 1905 par l'ingénieur Louis Biette et l'architecte Jean-Camille Formigé. Il est à deux niveaux. Le niveau inférieur comporte deux voies routières de 6 m de large, séparées par un promenoir de 8,70 m ainsi que deux trottoirs de 2 m de large. Le niveau supérieur est réservé au passage de la ligne de métro n° 6 Nation-Charles-de-Gaulle-Étoile.
Voilà, chers amis, Paris, même au mois d’août, recèle de bien des charmes cachés, si vous passez par chez moi, profitez-en !