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23 avril 2016 6 23 /04 /avril /2016 06:00
Éloge du trouble par un meneur de vie en bâton de chaise onolâtre compulsif…

N’en déplaise aux derviches tourneurs des cercles fermés : Oui j’aime le trouble, y compris dans le vin ! Oui mais je l’aime comme je peux aimer aussi les taches de rousseur, les nez en trompette, les rondeurs, les défauts comme ils disent, car sur le lisse tout glisse. Les aspérités, la résistance aux canons de la beauté, cette perfection froide sur papier glacé.

 

Mes goûts, mes choix sont éclectiques et je ne formate pas mes sentiments, mes coups de cœur, mes passions, mes engagements, l’ennui naît toujours de l’uniformité des codes, de l’impératif des académies.

 

La monoculture vinique me gonfle absolument !

 

Le côté collectionneur, encyclopédie vivante sur un seul sujet, l’entre soi réducteur m’ont toujours paru être une source d’appauvrissement.

 

Toujours ouvrir le champ des possibles, être curieux de tout !

 

En peinture je suis addict de Gaston Chaissac, natif d'Avallon, vendéen d’adoption, qui se définissait comme un enlumineur d’ordures et qui étaient présenté sous l’appellation « comme un quasi-éliminé et comme l’illuminé »

 

Il écrivait beaucoup aussi « Dès 1944, Raymond Queneau puis Jean Paulhan, Gaston Gallimard, et plus tard Benjamin Perret et Gerashim Luca le stimulent au point qu’il engage une activité épistolaire qui va outrepasser le temps consacré à la peinture. Les lettres qu’il sait être lues et échangées vont devenir des outils de communication pour décrire son travail artistique et franchir les limites imposées par des cercles de connaissances exigus et son manque d’assurance dans le contact direct. Grâce à ses lettres, sa démarche devient explicite et corrobore avec les recherches de ses contemporains artistes et hommes de lettres. »

 

Les carcans, les espaces exigus, les limites artificielles, pour un artiste comme Gaston Chaissac, c’étaient autant d’entrave à sa créativité inquiète. Certains le citent en corrigeant ses fautes d’orthographe, ça n’enlève aucune force à ses écrits mais gâte un peu leur saveur, leur relief.

 

 

« J’avais pensé aussi à m’établir marchands de baignoires dans une des localités où personne n’en fait usage puisque de toute façon je suis pour échouer dans toutes les entreprises. Je tenterai peut-être la chose si un jour je suis assez en fonds pour avoir quelques baignoires en magasin. Quoique embarrassants ces objets ce serait tout de même mieux d’en avoir quelques-unes en magasin que de les faire choisir sur catalogue. Il faudra que je demande à Cattiaux le sorcier s’il me voit dans le marc de café vendant des baignoires à Chavagnes-en-Paillers. Ça pourrait d’ailleurs ‘être très bon d’être dans ce Chavagnes à cause des pères de ce nom qui y ont leur maison mère et qui sont dans le monde entier et pour peu qu’ils parleraient un peu de moi un peu partout s’ils me connaissaient ça me donnerait des chances de trouver le placement sinon de baignoires du moins de quelques dessin (à R.G., juin 1948)

 

Il n’empêche que je jouis de la même émotion esthétique en parcourant la galerie des Offices à Florence, le Musée d’Orsay ou le MOMA…

 

« Un peintre c’est quelqu’un qui essuie la vitre entre le monde et nous avec de la lumière, avec un chiffon de lumière imbibé de silence. » Christian Bobin L’inespérée

 

Idem pour la musique où je pleure en me gavant de Verdi dans les arènes de Caracalla tout en étant électrisé au Badaboum par le suraiguë d’Oiseaux Tempête mélange détonnant de free jazz, d’expérimentation Boulézienne au service d’un rock expérimental.

 

Bref, je fuis les figés, les installés dans des convictions inébranlables, les qui décrètent de ce qui est grand ou qui ne l’est pas, les frustrés des GCC, les qui m’habillent pour l’hiver en cataloguant en amateur de bistrouille.

 

Peu me chaut mais qu’ils sachent que je ne leur lâcherai pas la grappe, je continuerai de railler leur côté monomaniaque à la Bouvard et Pécuchet.

 

« En même temps que l'aloyau, on servit du bourgogne. Il était trouble. Bouvard, attribuant cet accident au rinçage de la bouteille, en fit goûter trois autres sans plus de succès. »

 

C’est ma liberté.

 

Chez moi la maison à les portes et les fenêtres sont grandes ouvertes, nul besoin de faire partie du club pour s’exprimer, critiquer, me rouler dans la farine, dire que je fais l’âne pour avoir du foin, que je nage en eaux troubles sous le pont-aux-ânes de mes détracteurs…

 

Le sieur Voltaire n’y allait pas avec le dos de la cuillère pour traîner plus bas que terre ceux qui l’attaquaient.

 

L’autre jour au fond d’un vallon

Un serpent piqua …

Que croyez-vous qui arriva ?

Ce fut le serpent qui creva.

 

Je vous laisse le soin d’étaler votre culture générale en plaçant le nom de l’intéressé en lieu et place des 3 points de suspension. Ce doit être dans les cordes d’un En Éducation Nationale.

 

Si tel n’était pas le cas je me propose de lui faire un chouïa de soutien scolaire : l’égratigneur de Voltaire publiait dans L’Année littéraire, rebaptisé par le polémiste L’âne littéraire.

 

J’eusse aimé être ainsi traité par l’innommé car je suis onolâtre.

 

L’onolâtrie est le culte de l’âne.

 

J’adore les ânes. Je leur voue un culte sans concession.

 

L’homonymie avec l’œnolâtrie me va comme un gant pour jouer sur les mots : ha, le trouble !

 

Le 4 décembre 1985, Laurent Fabius, le plus jeune Premier Ministre que Tonton ait donné à la France, clame son « trouble » devant l’Assemblée nationale face à la décision du Président de la République de recevoir le général Jaruzelski chef d’Etat polonais, l’homme aux lunettes noires qui a décrété l’état de guerre et qui réprime le combat de Lech Walesa pour la démocratie.

 

 

Y’avait de quoi.

 

Étrange état que ce trouble, il perturbe le calme intérieur, rend perplexe, embarrasse, inquiète, altère le jugement, proche du dérèglement des sentiments qui fait naître une émotion amoureuse, un désir charnel.

 

« Ta mère... comme elle était belle! (...) La nudité de son cou, de ses bras et de ses mains me troublait » François Mauriac, Nœud de vipères.

 

Le trouble fend l’armure, « Heureux sont les fêlés car ils laisseront passer la lumière » c’est signé Michel Audiard.

 

Cinglé, insensé, sonné, timbré, toqué, avoir un grain de folie, être légèrement ou totalement à l’Ouest, aimer les filles du bord de mer avec leur teint si clair : chauffe Arno, citer Louis Scutenaire «J’écris pour des raisons qui poussent les autres à dévaliser un bureau de poste, abattre un gendarme ou son maître, détruire un ordre social. »

 

Mon espace de liberté, maintenant que je suis retiré des voitures, c’est mon oxygène, ma manière à moi de mener une vie de bâton de chaise* , nul est obligé de me lire, je ne fais de tort à personne, je mène les combats que je peux, alors ceux que j’irrite, indispose, n’ont qu’à passer leur chemin ou venir vraiment débattre : comme les mémés j’aime la castagne. Mais en ce domaine c’est courage fuyons, chacun dans son pré et les vaches seront bien gardées.

 

Le vin est pris en otage, instrumentalisé, il n’est plus un objet de plaisir ou de désir mais un simple véhicule de je ne sais quelle ambition, du paraître, d’une forme de compétition dégustative. C’est triste, ennuyeux, chiant, entre mecs bien évidemment, la gente féminine s’occupe de l’intendance. Ils ont le vin triste. Le poids des mots n’efface pas le choc des photos sur les réseaux sociaux…

 

Chacun sa route, chacun son chemin, chacun son rêve, chacun son destin… après tout ce n’est que du vin, un peu de douceur dans ce monde de brutes…

 

*du côté des bâtons de chaise rappelez-vous Plantu à propos de Balladur : sa chaise à porteurs munie de 2 grands bâtons en permanence manipulés, soulevés, posés, tirés pour dégager la porte de la chaise, remis en place... ils avaient une existence très peu reposante, ce qui explique l'expression dans laquelle l'idée d' « activité excessive » a peu à peu fait place à l'idée de « vie désordonnée ».

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commentaires

P
V'la qu'notre bon Taulier nous place dans la situation de l'âne de BURIDAN ce qui n'est pas très gentil pour un onolâtre puisqu'la pôv bête en est morte. Les options ?<br /> Soit être un généraliste : celui qui en sait de moins en moins sur le plus en plus de chose.<br /> Soit être un spécialiste : celui qui en sait de plus en plus sur de moins en moins de chose.<br /> A chacun de choisir son camp s'il le peut !<br /> On connait tous certaine tête de turc de notre Taulier : l'ineffable ONFRAY par exemple. Pour moi Taulier, c'est le Christ hihan beau bain que je ne peux encadrer à fortiori lire. Je préfère ici : Oscar WILDE : " « Avant TURNER il n’y avait pas de brouillard à Londres » Cela me semble avoir une autre gueule pour exprimer la même chose mais avec subtilité et poésie.Ou philosophiquement Anna ARENDT qui déclare que l'oeuvre d'art n'est pas un produit de consommation mais " un instrument d'élucidation du réel "
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