Le soleil jouait à cache-cache, je forçais le pas. Qui pourrait penser que nous vivons sous l’état d’urgence ? Place de la République, les occupants de Nuit Debout naviguent entre Woodstock et fête à Neuneu. Les Macron s’exposent chez les kiosquiers. Dans ma hâte je m’engage dans le mauvais, très vite je bats en retraite. Elle m’attend. Elle m’étreint. Elle me trouble.
Étrange état que ce trouble, perturbateur de mon calme intérieur, il me rend perplexe, m’embarrasse, m’inquiète, altère mon jugement, je suis proche du dérèglement des sentiments, de l’émotion amoureuse, du désir charnel.
« Ta mère... comme elle était belle! (...) La nudité de son cou, de ses bras et de ses mains me troublait » François Mauriac, Nœud de vipères.
Ils traversaient l’estuaire en bac, elle prenait bien la lumière d’un ciel pur, une brise légère gonflait ses cheveux. Accoudée au bastingage elle lui semblait embarquée pour un périple qui les mènerait dans les plis de son désir. Effleurer la commissure de son cou, glisser ses doigts sous la gaze de son corsage, explorer le pays de son corps. Il retenait ses mains. Au loin, les hauts murs de la citadelle, il savait que c’était elle sa citadelle inexpugnable. Faire son siège, l’entendre respirer dans la chambre d’à côté dans ce château improbable, rêver de voir tomber ses derniers voiles à ses pieds. L’aimer.
Tout près de la frontière, aux confins de l’univers connu, il attendrait le jour où la vraie vie commencerait. Clone de Giovanni Drogo, ce jeune ambitieux pour qui « tous ces jours qui lui avaient parus odieux, étaient désormais finis pour toujours et formaient des mois et des années qui jamais plus ne reviendraient... ». Ce jour viendrait, il lui tomberait dessus, ce serait la possibilité d’une île, à nouveau elle se tiendrait à son côté, ils vogueraient dans le détroit de Messine, entre la Sicile et la Calabre, et lui, confiant et aimant, glisserait enfin la réalité dans ses rêves… Demain ils seraient à Syracuse, loin de tout et de tous, et leur fenêtre face à la mer s’ouvrirait sur un horizon infini.
Le temps m’est compté.
J’ai décidé de me mettre en congé de la République, écrire sous sa tendre protection…
Position en retrait, à la bonne distance, celle qui me permettra le moment venu de reprendre du service.
« Deux Debré au-dessous de zéro » Jean-Louis Debré, l’ancien président du Conseil Constitutionnel, se refait une santé sur le dos des « frondeurs » du PS. Succulent !
À huit-clos, devant les élus du groupe socialiste à l'Assemblée Nationale, sans prendre de gants, Jean Louis Debré a assaisonné de vinaigre les élus « frondeurs » qui, dans son esprit, ne sont que des « iconoclastes inconscients, des flibustiers de carnaval ». Il ne supporte pas que les « frondeurs » affaiblissent les institutions en harcelant le chef de l’Etat. Lui, le fils de Michel Debré qui rédigea la Constitution de la Ve République les a accusés de fragiliser l’autorité du pouvoir en menant « une guérilla infantile » contre François Hollande. «C’est scandaleux, leur a-t-il lancé d’avoir détruit par des jeux politiciens incompréhensibles ses efforts d’union autour de la déchéance nationale». «C’est scandaleux, a-t-il ajouté, de passer son temps à déstabiliser le gouvernement, et tout ça pour passer deux minutes dans des télés que personne ne regarde». « C’est scandaleux, leur a-t-il encore lancé de prétendre conditionner la réélection de François Hollande à des primaires alors que, président sortant, il bénéficie d’une légitimité incontestable». Bref, une sévère leçon institutionnelle et politique.
Rien que de coups d’épée dans l’eau
L'ex-ministre de l'Intérieur a averti solennellement les députés socialistes « qu’ils seraient balayés s’ils persistaient dans leur fractionnisme frondeur ». « En imaginant vous sauver tout seuls en flinguant votre camp, vous vous tirez une balle dans le pied, et même dans la tête, tout en faisant le jeu de l’extrême droite et des populistes », les a-t-il sermonnés. Avant de conclure sèchement : « Si vous êtes une équipe vous gagnerez ; si vous persistez à être divisés, vous pouvez déjà faire vos paquets ». Debré, autrefois honni par les élus de la gauche, qui le surnommaient bien à tort « deux Debré au-dessous de zéro » a si bien chauffé la salle qu’il a été applaudi à tout rompre par ces élus de gauche! A l'exception des « frondeurs », bien entendu.
Reste que les chouchous des médias et des réseaux sociaux sont Macron et les occupants de la Place de la République.
« Je me couche quand ils sont encore debout. Je suis « résident de la République », comme le chantait Alain Bashung. J’habite sur la place de la République à Paris et c’est de mon balcon que j’observe depuis une douzaine de jours la kermesse euphorique de Nuit Debout.
Dans un premier temps, ce rassemblement foutraque suscite ma bienveillante curiosité. C’est bavard mais étonnamment paisible : on échange sans s’invectiver. Pas un papier ne traîne par terre. Ces hipsters barbichus, ces étudiantes conscientisées respectent l’environnement avec obsession. Dans les slogans placardés un peu partout, Manuel Valls en prend pour son grade mais on retrouve aussi toute la panoplie anticapitaliste, libertaire, écologique, pro immigration et féministe. Aucune faute d’orthographe. Tout ça respire le Bac+ 2 ou +3, minimum.
Cette jeunesse est atteinte de la maladie des cadres, la réunionite : assemblées générales, commissions, ateliers de réflexion. Il y a même un groupe qui élabore une nouvelle Constitution pour la France. Si j’ai bien compris, c’est plus proche de 1789 que de Michel Debré. Le dimanche, les bobos débarquent du Canal Saint-Martin avec poussettes et marmaille pour visiter pieusement ce laboratoire de démocratie citoyenne et solidaire. »
L’apéro chez Valls, la haine joyeuse venue de loin par Claude Askolovitch
« Au bout d’un moment, la Révolution est un peu essorée. En février 1651, les bourgeois de Paris en Fronde retiennent prisonniers en leur bonne ville le jeune roi Louis XIV, qui en concevra une inquiétude tenace et construira Versailles, cette forteresse à l’écart de la fournaise. En octobre 1789, des femmes en colère iront arracher à cette quiétude versaillaise «le boulanger, la boulangère et le petit mitron», et ce sera pour Louis XVI le début de la fin.
En avril 2016, des joyeux drilles d’un monde plus juste sont bloqués par la police à quelques mètres du domicile de Manuel Valls, Premier ministre de la République française, qu’ils voulaient assiéger, sinon envahir, certains d’eux-mêmes et de leur colère.
Le pouvoir est une cible
On baisse en intensité. Entre nos ancêtres coupeurs de tête et les zigotos de cet #aperochezvalls qui a réjoui les réseaux sociaux, il y a un monde, la différence entre les temps de meurtre et nos virtualités parodiques? Mais il s’agit du même tabou que l’on brise, d’un moment où l’on s’autorise à porter la main sur un dirigeant, quand le corps du roi n’est plus sacré, ni sa demeure. Ce n’est pas anodin. »
Nuit debout : comment dépasser l’expérience citoyenne dans un projet politique ?
Culture de poireaux au Louvre pendant la guerre dédié aux jardiniers du dimanche de la Place de la République
« Délocaliser ou pas la cuisine de la cantine, telle est la question qui accapare une bonne vingtaine de minutes l’Assemblée générale de la quatrième Nuit debout, dimanche 3 avril, Place de la République. Pour des raisons d’hygiène, il serait préférable de préparer la nourriture dans de vraies cuisines équipées. Oui mais alors le cuisinier, à l’écart, ne pourrait plus participer aux discussions de la place. Le débat glisse ensuite vers une question plus profonde : est-il vraiment indispensable de faire débattre et voter, là maintenant, le millier de personnes présentes en AG sur la délocalisation de la cuisine ? Les membres de la "commission cantine" ne pourraient-ils pas, tout simplement, décider entre eux du lieu où ils veulent faire à manger ?
Savoir ce que l’on dit aux profiteurs qui se nourrissent tous les jours à l’œil à la cantine où le prix est libre est important. Décider ce que l’on fait des gens ivres sur la place aussi. « Mais il ne faut pas que tout ça nous fasse perdre le sens de ce que nous faisons ici. » Le recadrage émane de Frédéric Lordon, qui a demandé à prendre la parole au bout d’une heure de discussions logistiques. L’économiste, soutien depuis le début du mouvement, n’est pas là pour parler intendance. « Nous n’occupons pas pour occuper. Nous occupons pour atteindre des objectifs politiques. » Et de plaider d’une part pour la « convergence des luttes » avec les agriculteurs, les chauffeurs de taxi etc, et d’autre part pour l’écriture d’une « constitution de la république sociale pour nous libérer de la propriété privée du capital ».
Nuit debout : Mélenchon, avec l’eau du bain?
« Il fallait que quelqu’un le dise, et c’est Fabienne Sintes, matinalière de France Info, qui s’y colle. Mélenchon est invité de la tranche matinale. Il pilonne classiquement la Société Générale, dont on vient d’apprendre - quelle surprise !- qu’elle batifolait encore dans l’offshore panaméen, en dépit de ses grandes protestations de vertu. Puis, on en vient à la Nuit debout. Mélenchon soutient le mouvement. Il est allé à la République, et «ça s’est bien passé». Qu’on discute constitution sur le pavé parisien le ravit, «conformément à ce que j’ai toujours annoncé». Mais plane tout de même un non-dit. Qui va oser ? A un moment, Fabienne Sintes, n’y tenant plus : «Monsieur Mélenchon, ils ne lâchent pas la politique, ces gens sur la place. Mais ils lâchent le système.» Mélenchon, à peine audible : «C’est clair.» Sintes : «Or vous êtes le système. Or Pierre Laurent est le système. Or tous les politiques sont le système. Alors comment vous faites pour vous raccrocher à ces gens ?»
Les amis de Macron et la présidentielle de… 1969!
Un vieux monde s'écroule
La référence en 2016 par les amis de Macron à ce scénario de 1969 éclaire leur vision de l’avenir.
1. Il n’est pas question que François Hollande démissionne - comme l’avait fait jadis le Général - mais ils n’excluent pas que François Hollande ne soit pas en mesure de se représenter. Et que toutes les cartes - à gauche comme à droite - soient alors redistribuée.
2. Comme cela a été le cas en 1969 pour la SFIO, les pro-Macron pensent que le PS ne se remettra pas de ses déchirements actuel et qu’en l’état, il est, à son tour, condamné. De même que la SFIO n’a pas survécu en 1969 à son implosion de la présidentielle, le PS de Jean-Christophe Cambadélis ne survivra pas, croient-ils, à ses errances actuelles.
3. Comme en 1969, ils estiment que l’heure d’une recomposition politique générale se profile donc. Ceux, d’où qu’ils viennent, qui sont pour une politique social-réformiste se regrouperaient. Ceux qui n’ont pas abandonné la vulgate marxiste feraient de même, mais ailleurs. En clair : les supporters du ministre de l’Economie croient que, derrière les impasses actuelles, un vieux monde s’écroule, et qu’un nouveau va surgir. CQFD.
Un ticket Macron - Hulot en 2017 ? "On a commencé à discuter", admet l'ancien présentateur de TF1
Hulot, Macron, même combat en vue de la présidentielle de 2017 ? Interrogé sur LCI, l'écologiste préféré des Français reconnait un rapprochement avec le ministre de l'Economie qui vient de lancer son mouvement "En marche" : « Il ne m'a pas échappé qu'on avait des convergences. Evidemment on a commencé à discuter mais il faut aller au-delà. Parce qu'il faut écouter la société civile, que la division gauche droite ne doit pas être une condition au dialogue. »
Peopolisé dans Paris Match, recadré par Hollande: Macron 2017, c'est fini!
« On attendait Macron, et on a Balladur. A la une de Paris Match. Du people à l’ancienne. De la communication des années 90. A ce point datée que le ministre de l’Economie "En marche" s’est senti obligé de faire demi-tour. Déjà. « C’est une bêtise, une bêtise qu’on a faite ensemble, non pas que ça ait beaucoup d’importance mais moi, ce qui m’importe le plus, au-delà de mon engagement, c’est mon couple » a-t-il déclaré à Londres, en marge d’une conférence sur l’avenir de l’Europe.
Et d’expliquer que ce le résultat produit dans les pages intérieures du magazine people est le résultat d’une erreur de son épouse, piégée par la presse manipulatrice: « Mon épouse, à laquelle je tiens beaucoup, a parlé à une journaliste de Paris Match. Mon épouse, elle ne connaît pas le système médiatique, elle le regrette d’ailleurs profondément ».
« Quiconque voudra savoir ce qu’est la gourmandise lorsqu’elle confine à la jouissance devra désormais se reporter – pour le son et l’image – à ce moment du sommet franco-allemand de Metz, le 7 avril 2016, au cours duquel François Hollande a commenté la création par Emmanuel Macron, la veille à Amiens, d’un mouvement sortant des sentiers battus de la politique. Ce fut court mais intense. Étonnement feint, phrases à double détente, fausse retenue, jeux de regards amusés avec l’intéressé, le tout sous couvert d’une banalisation apparente de l’événement : dans le genre, on a rarement fait mieux et il y avait longtemps, en tous cas, qu’on n’avait pas vu le Président dans un pareil état.
Tout cela dit un tempérament et une manière de faire. François Hollande est joueur. Quand il lance la balle, il adore que d’autres viennent courir après elle, surtout si c’est pour la lui rapporter illico. Dans le langage des signes qui est celui de la politique, il voulait accréditer l’idée que sa candidature en 2017 est désormais une évidence. Comme celle-ci précisément ne l’est pas, il fallait que d’autres fassent le travail à sa place. De ce point de vue, Emmanuel Macron est un parfait complice.
«En marche !» montre que ça marche ou tout au moins, que ça peut marcher. Ceux qui, plus tard, écriront la chronique des dernières aventures présidentielles de François Hollande, noteront sans doute que tout cela a commencé avec le discours d’Amiens et le commentaire de Metz. Rien ne garantit que cette opération en deux temps ait l’effet escompté par ceux qui l’ont initiée. Au moins signale-t-elle une intention. Ce qui, dans le contexte, n’est pas rien ! »