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8 décembre 2015 2 08 /12 /décembre /2015 06:00
«Qu’appelle-t-on penser, sinon disputer avec soi-même ?» Botul l’anti FacedeBouc des Hautes-Corbières « Clouer le bec à l’autre, avoir le dernier mot, couper la parole, ferrailler : cette culture du duel me fatigue. »

JBB, Jean-Baptiste Botul, est un philosophe méconnu auteur de La Métaphysique du Mou, né à Lairière, située à 360 mètres d’altitude, canton de Mouthoumet, proche de Limoux. Toute la vie de Botul se résume à une naissance difficile un 15 août, jour de l’Assomption de la Vierge Marie, et par son refus obstiné à l’âge de 10 ans de s’engager dans la grande révolte des viticulteurs du Langue d’Oc car il se trouvait ridicule avec ses culottes courtes au milieu des bourgerons des vignerons.

 

Ce double traumatisme explique largement l’échec de sa liaison romantique et de ses fiançailles ratées avec Marthe Richard, la future « Veuve qui clôt » en 1913. Certains biographes osent affirmer que ce fut sur une histoire de bulles, Blanquette ou Champagne, que l’incompréhension s’installa entre eux. D’autres encore, plus audacieux, trouvent le fondement philosophique de l’affaire des Pinot Noir dans les principes énoncés par Botul dans la Métaphysique du mou (moûts et mou permettent moult digressions).

 

Ses manuscrits furent découverts « en ouvrant la grande armoire en bois fruitier de la chambre à coucher « sur les trois étagères du haut » : 143 liasses de feuillets et d’enveloppes de formats divers. Cette découverte capitale, puisque « si Botul n’avait rien publié, il n’était pas prouvé qu’il n’avait rien écrit » Par bonheur, « la sécheresse ordinaire de l’air des Corbières a plutôt bien préservé le fonds de la moisissure, mais des épanchements anciens de liquide divers : vin rouge, bière, Viandox... ont souillé des pièces importantes. »

 

 

Bref, dans Botul au bordel de Frédéric Pagès chez Buchet Chastel, l’auteur seul spécialiste de JBB, met en lumière la prescience, à propos des adeptes de commentaires sur face de Bouc, de ce philosophe, qui pratiquait la « taxi-analyse » en énonçant le principe : «on doit pouvoir quitter son psychanalyste comme on descend d’un taxi». Certes Botul volera d’échec en échec, rencontrera Léon Trotski qu’il trouvera «étonnamment bronzé» puis, après une brève liaison avec Marguerite Donnadieu à la Sorbonne en 1935, il se brouille avec Giraudoux car trompé par le titre de sa pièce La Guerre de Troie n’aura pas lieu, il joue au billard avec des amis le soir de la première.

 

Dans une lettre à Stefan Zweig il se justifiait : « Je ne suis pas à l’aise dans la conversation « à la française ». Clouer le bec à l’autre, avoir le dernier mot, couper la parole, ferrailler : cette culture du duel me fatigue. Pour moi, une conversation ne doit pas se terminer par un KO mais par un OK. La concorde est une forme de savoir-vivre.»

 

JBB avoue être lent, avoir « l’esprit d’escalier, détester les prises de bec entre intellectuels même « élevés au grain. ». Pour lui, « la pensée est un exercice solitaire » et la « seule conversation qui vaille est celle qu’on entretien avec soi-même. »

 

En 1922, il écrivait à la « Vénus noire », Joséphine Baker : «Qu’appelle-t-on penser, sinon disputer avec soi-même ?»

 

Celle-ci lui répondait par une autre question « Je me dispute souvent avec moi-même. Suis-je normale ? »

 

Réponse de Botul : « Baissez le volume de votre radio intérieure si vous voulez vous entendre. »

 

Mais qui était donc ce Botul qui, au cours de son séjour parisien, fréquentait La Coupole, où il retrouvait Sartre, Beauvoir et leurs amis ?

 

Jean-Laurent Bost, dans une lettre à Beauvoir, se moquait de lui : « Votre pâtre occitan n’en décoince pas une. Il fume des cigarillos tordus en cherchant au loin la ligne verte des Hautes Corbières. Ce que je préfère en lui, c’est le ruban de son chapeau, chaque jour d’une couleur différente. C’est évident qu’il travaille énormément du chapeau, malheureusement, on n’en voit pas les effets. Il pense très fort, mais à quoi ? »

 

L’ironie du ton « nous fait entrevoir la distance sidérale qui séparait Botul des intellectuels parisiens de l’époque. »

 

Ne restait plus à « Ce paysan descendu de sa montagne » qu’à donner le change. Dans une lettre, au printemps 1945, à Maurice Merleau-Ponty, il confiait « Pendant toutes ces années parisiennes, j’écoutais, je ne disais rien. J’ai passé mon temps à prendre un air entendu et à faire semblant de comprendre de quoi parlaient ces gens. »

 

Botul, l’homme des Hautes Corbières, prudent, secret, taiseux, avait sans doute médité ce conseil de Sénèque à Lucilius, lui recommandant de « converser très peu avec les autres, beaucoup avec soi » et mettant en garde contre les confidences : « Il existe dans la conversation un je ne sais quoi d’insidieusement doux qui, comme l’ivresse, comme l’amour, nous soutire les secrets. »

 

Note du Taulier à propos de Botul au bordel :

 

En mai 1928, Botul, éphémère professeur de philosophie, conduisit sa classe de lycéens dans un bordel de Carcassonne nommé Mon Caprice. Sa conviction : « Si l'école ne va pas au bordel, ce sera le bordel à l'école. » À travers les discours enflammés de la sublime Divine, l'étonnante correspondance de Botul avec Simone de Beauvoir, Marthe Richard et Simone Weil, nous approfondissons ainsi notre connaissance du botulisme « avec la joyeuse insouciance de kangourous bondissant.»

 

Marthe Richard descend d’un Potez 53, « moulée dans sa combinaison de cuir. Elle soulève ses lunettes d’aviatrice : quelle belle femme ! Elle dépose un baiser sur la bouche de Botul et fait signe à la Divine de monter dans l’avion. Avant de fermer le cockpit, elle déclame ces vers du poète Gustave Nadaud :

 

Je vois bien qu’il n’est ici-bas

De bonheur complet pour personne

Mon vœu ne s’accomplira pas

Je n’ai jamais vu Carcassonne.

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commentaires

P
Heureusement que je suis très attaché à ce bon Taulier car en cliquant, comme suggérer, sur le lien<br /> je m'aperçois qu'il fait d'une pierre 2 coups . Ce pauvre ONFRAY, en 2010 n'était déjà pas épargné.<br /> Mama mia ! Et pan pour ma pomme!
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P
C'est peut être cette fatigue qui te rend bienveillant cher Taulier. Je le serai beaucoup moins ( c'est dans ma nature. Na !) Comment, à propos de J.P.BOTUL ne pas rappeler l'énorme bourde de BHL en 2010 qui dans un livre aussi sérieux que le personnage cite doctement le philosophe BOTUL alors que tous ceux qui s'intéressent à ce philosophe savent qu'il s'agit d'une hilarante fiction de Frédéric PAGES par ailleurs chroniqueur au Canard Enchainé. Un p'tit tour dur le oueb ( BOTUL/BH) est recommandé aux amateurs de franche rigolade. Quant à toi mon bon Taulier attention : " La bonté de Monsieur perdra Monsieur " comme me dit mon valet de pied quant il trouve mes étrennes bien trop chiches.
Répondre
J
si PAX cliquait sur les liens il saurait que tout ça est écrit dans une vieille chronique...

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