La fourme de Valcivières c’est de la fourme d’Ambert que j’ai découvert chez Bruno Verjus au restaurant Table et que j’achète maintenant à terroir d’avenir.
Sur le site de la Maison de la Fourme d’Ambert je lis :
« Au XVIIIe siècle, la pression démographique paysanne intensifie la vie pastorale ; le bétail devient de plus en plus nombreux ; les femmes et une partie de la famille montent sur les Hautes Chaumes à la belle saison. Les loges et cabanes s’organisent en hameaux : les jasseries, qui deviennent de plus en plus nombreuses. Au XIXe siècle, l’activité pastorale atteint son maximum : 4500 vaches auraient estivé en 1860. On compte alors une soixantaine de jasseries sur les deux versants du Forez.
La forte poussée démographique et l’appropriation individuelle des terres favorisée par les dispositions du code civil napoléonien concernant les terres, en sont la cause. Fin XIXe, début XXe, le groupement en jasserie éclate au profit du jas individuel, qui plus qu’une fromagerie d’été, est une ferme en miniature conçue sur le modèle de la ferme permanente. A l’abri du vent, les jas sont situés sur le pourtour de la montagne, à proximité des lisières forestières et des sources.
Ils comprennent le fenil, l’étable et une partie habitation où se fabrique la fourme. Le troupeau bovin de 4 à 7 vaches, souvent des ferrandaises, est rentré toutes les nuits. Après la traite du matin, les bouses sont poussées dans l’allée centrale et évacuées par l’eau d’un réservoir aménagé à proximité : la serve. A la sortie de l’étable, un système de canalisation permet de répartir ces apports sur les parcelles en contrebas. Les prairies ainsi enrichies portent le nom de fumades ou fumées. Elles sont fauchées et donnent un foin d’excellente qualité. Dès l’aube, le bétail est sorti sur les landes. Les parcours des animaux sont fréquemment fauchés, la bruyère est récoltée pour servir de litière ou de foin. Ce mode d’exploitation, perpétué pendant des siècles différencie deux types de zones : les parcours collectifs pâturés sans restitution et donc progressivement appauvris contrastent avec des parcelles privées très enrichies et de bonne qualité : les fumades.
La montée à l’estive a pour fonction première de faire pâturer le troupeau. Les terres du village sont largement consacrées à la culture de céréales et les rares prés sont fanés pour constituer de stock fourrager hivernal. Le souci permanent du paysan est de maintenir cet équilibre entre les besoins du troupeau et les réserves alimentaires. Travaux agricoles et élevage reposent sur la répartition des tâches entre hommes et femmes. L’exploitation est dirigée par le père qui se charge avec ses fils des travaux de la terre. Les tâches d’élevage relèvent de la compétence des femmes. Dans une jasserie familiale, les soins apportés aux animaux, la fabrication de la Fourme, la garde du troupeau sont du ressort exclusif des femmes. Sur la montagne vivent la mère et l’une de ses filles ou belles-filles ainsi que de plus jeunes enfants qui les secondent. Les hommes restent au village, pour faire les fenaisons et les moissons. Néanmoins, ils montent régulièrement à la montagne pour effectuer certains travaux agricoles autour du jas, notamment des fenaisons complémentaires, et apporter les nouvelles d’en bas.
La jasserie est un élément fondamental du système d’exploitation agro-pastoral des monts du Forez. Au XVIIIe siècle, la fourme, appelée "fromage de Roche", qu’on y fabrique constitue le principal revenu d’une exploitation. Elle est commercialisée jusqu’à Paris et Lyon, ce qui est loin d’être le cas pour tous les fromages. Au XIXe siècle, époque de la pleine occupation de la montagne, les diverses communes du Haut-Forez sollicitent des autorisations pour établir de nombreuses foires, ouvrir ou aménager des voies de communication. La commune de Valcivières va même jusqu'à demander que le chemin de fer passe sur son territoire !
La fabrication de la fourme fermière est une opération délicate. La femme en maîtrise la fabrication qui exige un grand savoir-faire et beaucoup de soins. 20 litres de lait sont nécessaires pour en faire une seule.
Dès la veille, la jassière met le lait à refroidir jusqu’au lendemain matin dans des seaux baignants dans l’eau courante du bac de la cave ou de l’étable.
Le matin, elle l’écrème en partie et ajoute le lait entier de la traite du matin.
La température du lait doit être d’environ 30°, s’il le faut la jassière le réchauffe un peu au bain-marie.
Puis elle emprésure le lait, avec la présure qu’elle a obtenue à partir de caillette (partie de l’estomac) de veau et de sel. Le lait coagule et donne le caillé au bout de 2 heures.
la vachère découpe ce caillé dans la caillère avec un agitateur en bois, la franiê.
Ensuite, avec une palette elle agglutine les miettes en un bloc.
Puis, elle sépare ce bloc de caillé du petit lait et le verse sur la selle fromagère, table basse taillée dans un tronc de sapin, légèrement inclinée dans la direction du bec par où s’égoutte le reste du petit lait.
Le caillé est broyé et introduit dans un moule cylindrique stabilisé dans une faisselle ; il est salé à l’intérieur en plusieurs fois. Puis une seconde faisselle ferme l'ensemble.
Le cylindre de caillé fermé par les deux faisselles, est retourné régulièrement afin de faciliter l'égouttage.
Le lendemain, la jassière extrait la fourme de son moule et la couche à la suite de la production fromagère des jours précédents sur la chanée, planche concave en forme de chéneau trouée et suspendue au plafond. Deux fois par jour la fourme est retournée d'un quart de tour. Lorsqu’elle commence à être sèche la jassière l’installe sur un rayon de cuisine pendant 8 jours avant de la mettre à la cave.
Quelques semaines plus tard, elle pique avec une broche de fer pour lui “faire prendre le bleu”. L’air circule par ces trous et active la moisissure. Plus anciennement on pratiquait le ‘bleuissement” en ajoutant avec le sel, au moment de la mise en faisselles, du pain moisi. »
Et puis « Dès le début du XXème siècle, une nouvelle logique économique remet en question le système agro-pastoral traditionnel et un glissement de la production fermière vers une production plus industrialisée se met en place. Des petites laiteries s'installent sur le territoire, à Valcivières, St Anthème, Sauvain... et collectent les fourmes fermières pour les affiner, puis directement le lait des troupeaux pour procéder elles-mêmes à la transformation. »
Et puis depuis quelques années c’est le renouveau de la production fermière.
La fourme de Bruno et de Terroir d’avenir provient de la Ferme des Supeyres à Valcivières qui réunit deux frères qui transforment l'intégralité du lait de leurs vaches Abondances en tomme de montagne et en fourme fermière. Le troupeau est conduit en estive ; la production est écoulée à la ferme et sur le marché d'Ambert le jeudi matin. Cette exploitation bénéficie de l'AOP depuis le début de l'année 2011 et produit donc la seule fourme d'Ambert d'estive.
Installée à Valcivières (1100 m d’altitude), à proximité d’Ambert, la Ferme des Supeyres est l'un des trois producteurs fermiers de l’AOP (Appellation d’Origine Protégée) Fourme d'Ambert.
Frédéric Gounan vinifie depuis les années 2000 en Auvergne à Saint-Sandoux, au sud de la ville de Clermont-Ferrand. Le domaine de L’Arbre Blanc propose des vins délicats et élégants. La recherche de la complexité et de la finesse est le travail de Frédéric au quotidien. Les Petites Orgues est un vin de plaisir moins complexe et charnu que Les Grandes Orgues. Une légère acidité apparaîtra, il convient de carafer une bonne heure et de déguster à 14°C.
Lire ma chronique du 15 octobre 2009