« Piquer une bonne colère est parfois salutaire. Et aujourd’hui les raisons d’être en colère ne manquent pas ! »
C’était la semaine passée sur le blog d’Alain Juppé, dit le vieux par un ancien Président de la République reconverti en chef de son parti.
Tout comme Juppé je suis vieux, un peu moins que lui, et très en colère… pour les mêmes raisons plus une : le fait que des « amis » accordent du crédit à cette grande brêle de Philippe de Villiers parce qu’il conchie les élites.
Ils picorent comme des poulets dans l’aire de la métairie dans ses écrits, en prenant disent-ils ce qui est bon pour leurs analyses et le reste qui est le corpus du vicomte, qu’en font-ils ?
Une telle confusion dans les esprits me navre, m’exaspère, me flanque en colère car, le vicomte est bien pire que tous ceux qu’ils jettent à la vindicte dite populaire. Il est la quintessence de l’élite qui mène le petit peuple par le licol, avec lui, en Vendée était revenu le temps des maîtres.
Cet homme est habile « le moment est venu pour les Français de se rebeller contre cette classe politique qui vit entre elle de façon endogamique - avec les journalistes français. Ils pensent les mêmes choses, travaillent ensemble, rêvent ensemble, et vivent ensemble. »
Bonne vieille antienne des vieilles ligues de la droite dure et extrême, ça conduit où ?
À une « bonne guerre civile » ou à la France des nostalgiques du Maréchal avec le vicomte en tête, mais il n’est pas Stofflet, homme du peuple, mais le dernier avatar du temps des maîtres, ceux qui ont amené les paysans à l’abattoir de 14-18. Merci pour ce moment camarades révolutionnaires virtuels.
Je connais mon Histoire de France comme celle de ma Vendée, et croyez-moi jamais je ne me laisserai aller à partager le moindre verset des harangues du vicomte.
C’est un imposteur !
Dans mon petit roman du dimanche j’écrivais :
« Dans ce pays, où la vigne voisine les vaches et des boisselées de blé, la cave est un lieu entre parenthèses. Au café, les joueurs d'aluette, se contentaient de baiser des fillettes, ce qui, dans le langage local, consiste à descendre petit verre après verre, des petites bouteilles d'un tiers de litre à gros culot, emplies de Gros Plant ou de Muscadet. Ils picolaient. A la cave, le rituel était différent. Certes c'était aussi un lieu d'hommes mais le vin tiré directement de la barrique s'apparentait à une geste rituelle, c'était un soutien à la discussion. Dans la pénombre, le dimanche après-midi, tels des conspirateurs, les hommes déliaient leur langue. A la cave ces peu diseux disaient et ils se disaient, ce qu'ils n'osaient dire à l'extérieur. Echappant à la chape qui pesait sur eux depuis des millénaires, ils se laissaient aller. Les maîtres et leurs régisseurs en prenaient pour leur grade, surtout ces derniers, supplétifs visqueux et hypocrites. Ces hommes durs et honnêtes se donnaient la main pour soustraire du grain à la part du maître. Le curé, lui aussi, recevait sa dose, en mots choisis, il fallait t pas blasphémer. Pour lui taper sur le râble, ils raillaient leurs bonnes femmes, culs bénites, auxiliaires dévotes de leur servitude. Et quand le vin les y poussait un peu, les plus chauds, versaient dans leurs exploits de braguette. »
Ce pays, tout juste sorti de la dernière guerre, je l’ai connu dans toute sa misère, sa pauvreté, lorsque j’accompagnais le dimanche mon père, dans les années 60, pour visiter les paysans. Combien de métairies, avec de petits métayers, sans électricité ni eau courante, la terre battue, encore si proche de ce peuple des campagnes décrit par Jean Vidalenc dans son livre la Société Française de 1815 à 1848.
« Une métairie vendéenne a un caractère rustique particulier. La place qui est devant la maison et qu’on nomme la cour, n’est point environnée de murs, une épaisse litière d’ajoncs épineux et de genets flétris la couvre presque toute entière ; foulées aux pieds et dissoutes par les pluies d’hiver, ces plantes sont destinées à servir d’engrais… La maison d’habitation ne se compose que d’un rez-de-chaussée avec une porte au milieu et une fenêtre de chaque côté… L’intérieur répond à une simplicité de l’extérieur ; c’est une grande pièce formant un carré long où, pendant l’hiver, la flamme du foyer unie à celle d’un flambeau de résine jette une lumière douteuse. Le manteau de la vaste cheminée est décoré de fusils de chasse ou de munition : on en compte quelquefois jusqu’à cinq ou six. Dans les angles du foyer sont des morceaux de bois ou de pierre servant de siège au métayer et à ses enfants : aux deux côtés de la cheminée sont deux lits… Leur hauteur est telle qu’on ne peut y arriver qu’en montant sur les coffres étroits de cerisier poli qui bordent les lits dans toute leur longueur. À la tête de chaque lit on remarque un petit bénitier, un rameau de buis bénit, une croix de bois et quelques images de saints. Les armoires et les autres meubles de la chambre sont également en bois de cerisier… Au milieu de la chambre se trouve une longue table entourée de bancs sur laquelle, d’après un usage antique, un pain est toujours placé. Ce pain indique à l’indigent qu’on est prêt à lui donner. »
« Cet aspect assurément sympathique de l’hospitalité vendéenne n’était pas sans contrepartie pour le voyageur « choqué par le manque de propreté des cours et par le peu de soin à utiliser les matières fertilisantes ; on y montrerait des meules de fumier sans fosse à purin, s’égouttant de tous les côtés pour aller se perdre dans la mare où le bétail va s’abreuver, de tiges de colza, des pailles de blé noir et des chaumes pourrissant au dehors, exposés aux pluies de l’hiver et formant au printemps un affreux cloaque où les pourceaux se vautrent en liberté, et d’autres détails qui ne donnent pas une idée plus satisfaisante des habitudes de la population.
Une fois pourtant chaque année, cette cour sordide est l’objet de soins qui correspondent au temps de la moisson : la ferme change d’aspect ; la cour est balayée, le fermier prépare l’aire où il battra son grain. Par un moyen qui n’a rien de propre et de délicat, il atteint le but qu’il se propose en se servant de la bouse de vache délayée dans un peu d’eau ; il nivelle le terrain de manière à obtenir un plan parfait, imprègne la surface de ce singulier mélange et, le soleil séchant le tout, le sol reste couvert d’une sorte de vernis qui dure assez longtemps pour que le battage puisse s’opérer. »
« Dans les zones de marais, les femmes travaillaient aussi les bouses de vache, les ramassant et les faisant sécher pour en faire un combustible, le seul possible dans ce pays sans arbres ; les cendres en étaient ensuite vendues à des habitants du Bocage en échange de quelques fagots indispensables pour le chauffage des fours à pain. Le respect des traditions allaient très loin. « Un propriétaire qui défrichera une portion de lande sera très mal vu de toute sa commune. On a vu cette horreur du progrès porter ces malheureux jusqu’à incendier des fermes modèles. »
C’était cela l’exploitation familiale chère aux hobereaux grands propriétaires que les gamins saluaient d’un bonjour nôtre maître. Le vicomte est de cette trempe, hautain, méprisant, roublard, flatteur, autocrate, de la race des nouveaux maîtres.
« Cette fois, surpris par le danger (ndlr le départ de son fils pour la ville), en plein travail de labour, il tourna lentement sur lui-même, comme poussé par l’habitude, et chercha dans la campagne, aussi loin que ses yeux pouvaient porter, un sauveur, un appui, quelqu’un qui défendît s cause et le conseillât. Ses bœufs au repos le regardaient. Il aperçut d’abord, entre les arbres, le clocher de Sallertaine. Mais il secoua la tête. Non, le curé n’y pouvait rien. Le vieil et bon ami qu’il consultait volontiers, Toussaint Lumineau le savait impuissant contre les hommes de la ville, les fonctionnaires, les administrations, contre tout l’inconnu immense qui s’étendait autour de la paroisse. Son regard quitta l’église, rencontra des fermes et ne s’arrêta pas ; mais il s’arrêta un peu sur les toits aigus de la Fromentinière. Ah ! le marquis, s’il avait été là ! Rien ne l’intimidait, lui, ni les galons, ni les titres, ni les paroles que les pauvres ne comprennent pas. Et rien ne lui coûtait non plus : il aurait fait le voyage de Paris pour empêcher un Maraîchin de partir. Hélas ! le château était vide. Plus de maîtres… »
La Terre qui meurt René Bazin