Même si je suis vieux, un vieil homme indigne qui aime les filles, je sais encore marcher sur des œufs pour aborder, sans gants ni fioritures, les sujets qui fâchent à peu près tout le monde sans souci aucun de ménager les copains et les coquins qui « s’aiment » hypocritement sur Face de Bouc.
J’assume depuis toujours mes nombreuses contradictions, ça m’a aidé à vivre.
Pour écrire ce que je vais écrire j’ai décidé de prendre mon temps.
J’observe, je lis, je vis, je me marre sous ma barbe blanchie en observant le jeu de rôles d’une microscopique bataille entre les Anciens et les Modernes du vin.
Une de mes belles amies, crapahutant dans le marigot du vin, me faisait remarquer lors de notre dernier dîner que les joutes du petit monde du vin étaient bien dérisoires mesurées à l’aune des graves problèmes de notre Monde.
D’un côté, la vieille garde qui se meurt – elle n’aura pas besoin de se rendre, elle est sur une très mauvaise pente, celle qui conduit au cimetière des éléphants.
De l’autre, les chevau-légers (c’est la bonne orthographe), qui eux, comme les poneys sauvages, vont là où l’herbe est verte et l’horizon illimité.
Joute verbale et scripturale, le combat semble bien inégal entre les gros bataillons des convenus et les petites bandes de farfelus adorateurs des vins nus.
Remake de la lutte des classes ou simple guerre en dentelles ?
Je ne sais !
Mais ce que je sais c’est que face à un rapport de forces quantitativement très disproportionné, y opposer une forme de bras de fer sur le terrain même de ses adversaires relève au mieux de la naïveté, au pire d’un goût immodéré pour le martyr.
Et pourtant le jeu vaut pourtant la chandelle, et je suis joueur, joueur de GO, jeu dont le but est de former des territoires, ensembles d'intersections vides contrôlés par le joueur.
Le premier de ces territoires est celui de la vigne car c’est là que tout commence, et où presque tout se joue.
Là, se situe l’essentiel du combat à mener et c’est là qu’il faut concentrer le tir, bander toutes les forces pour exiger auprès des tenants de l’immobilisme, des aquoibonistes, de décrocher la lune, c’est-à-dire obtenir l’impossible.
Au XVIe siècle, l'expression était « prendre la lune avec ses dents », alors face à l’invariante réponse des tenants d’une pratique dite conventionnelle : « ce que vous nous demandez est impossible », je pourrais citer le mot de Napoléon « Ce n’est pas possible, m’écrivez-vous : cela n’est pas français », mais je ne le ferai pas.
Je me contenterai de leur répondre : « Donnons-nous les moyens de décrocher la lune et nous la décrocherons ! »
Beau défi à relever pour un pays qui se gargarise chaque matin au terroir !
Supposons que dans les années qui viennent nous ayons décroché la lune pour la santé de nos sols et de nos vignes aurons-nous pour autant parcouru tout le chemin ?
Je ne le pense pas mais chaque chose en son temps, la façon de faire le vin n’engage pas l’avenir de notre planète même si, d’une certaine manière, les tenants du vin nature et leurs frères posent un acte de résistance à la standardisation fruit du système alimentaire mondial global «contrôlé par les multinationales qui font claquer comme un fouet la chaîne de distribution. », et à l’appauvrissement des saveurs et la standardisation du goût.
Est-ce là un acte révolutionnaire comme le proclament certains naturistes ? Cette pratique va-t-elle servir de détonateur à une nouvelle révolution verte de l’agriculture mondiale ?
En l’occurrence, non, ici en effet c’est la bataille du goût qui est engagée et je pense qu’il faut savoir hiérarchiser les urgences, ne pas à plaisir tout mélanger pour tirer parti de l’essentiel qui se situe dans la vigne.
Si l’appellation Révolution culturelle n’avait pas été pourrie par ce gros variqueux de Mao, j’écrirais que c’en est une. Mais, au risque de me répéter, ne tombons pas dans le travers de l’ambigüité chère aux tenants de l’AOC pour tous.
Mettons les choses au clair ainsi les consommateurs pourront choisir en toute connaissance de cause.
D’ailleurs, lorsque je parcours les allées des salons de vins à poils ou les travées des échoppes de cavistes alternatifs, la ligne de partage entre bio, biodynamie et nature est bien floue.
L’important, au-delà des postures, de se la jouer le bon, la brute et le truand sur les réseaux sociaux, c’est de convaincre le plus grand nombre de décrocher la lune. Ensuite, ou plus exactement, dans le même temps il faudra aussi convaincre les buveurs, bien au-delà des petits cercles où l’on débat entre soi en se regardant le nombril, de changer leurs habitudes.
Ceci dit, comme l’écrivait Audiard « j’aime les gens fêlés parce qu’on voit au travers… ». Ce sont eux qui veulent décrocher la lune.
Je les préfère aux pharisiens et à leurs zélotes qui suintent un ennui et une uniformité si peu en rapport avec leur discours sur la convivialité du vin.
Que la fête commence !