Un point précis sous le tropique/Du Capricorne ou du Cancer/Depuis, j’ai oublié lequel/Sous le soleil exactement/Pas à côté, pas n’importe où/Sous le soleil, sous le soleil/Exactement, juste en dessous…
Les paroles de Gainsbourg tournaient dans ma tête mais elles avaient la voix d’Anna Karina l’égérie de Godard pendant que je lézardais sur mon balcon juste en-dessous de ce premier soleil d’avril en lisant la dernière biographie en date de Mitterrand écrite par Michel Winock. Au-delà de ce que je lisais, que je notais, elle était là, bien ancrée dans mes pensées, omniprésente, elle, l’inattendue, l’inespérée. 35 ans, quel bel âge, mais qu’est-ce donc l’âge ? Ce foutu âge. La différence d’âge, rien qu’un espace incomblable sur le fil tendu de la vie, mais était-il si infranchissable ? M’en persuadais sans grande conviction, en comptant celui qui séparait le vieux François et la jeune Anne Pingeot la mère de Mazarine. « Un personnage de roman » avait coutume de dire de lui François Mauriac. « Anne tient tête, et sa famille devra accepter sa résolution. Elle veut un enfant de François… En décembre, 1974, Anne Pingeot accouche d’une fille, Mazarine, dans une clinique d’Avignon. » François sera Président, en 1981, à 65 ans. J’en avais 33, l’âge du Christ au Golgotha. Entre ce François de Jarnac et moi, aucune proximité, un profond fossé générationnel, une opposition frontale, mais sans doute le même secret fiché au cœur et la même pugnacité. Ne rien lâcher aux pires moments, toujours se battre, ne jamais se plaindre. L’important c’est elle et, au-delà du manque, n’espérer que du bonheur sous le soleil exactement ! Même si, depuis toujours, je n’avais pas croisé le grand amour sans doute parce que je n’étais pas aimable. Trop tard ! Je me roulais une cigarette après avoir bu à petites gorgées mon café.
Plaie d’amour n’est pas mortelle, dit-on, il est pire blessure, comme le confit Djamel après son accident à Trappes sur le quai de la gare « J'ai eu la chance extraordinaire de ne pas m'en rendre compte. Quand le médecin est venu et m'a appris que je ne pourrais plus bouger le bras, il avait des stylos dans sa poche. Je lui ai demandé de m'en prêter un et je me suis immédiatement mis à écrire de la main gauche. Sans réfléchir, j'ai pris ma douleur à crédit. J'ai fait ma rééducation durant presque deux ans dans un centre du XVIe arrondissement, et j'ai vu des gens qui ne pouvaient s'exprimer qu'avec leurs paupières. Là, je me suis senti très bien, très en forme. J'étais heureux de vivre, je n'étais plus handicapé. »
Handicapé du cœur, une distance masquée par mon indolence qui aujourd’hui me glace dans une solitude intérieure qui, par instant, se révèle intolérable. Je n’en veut qu’à moi-même, alors sourire sans retenue, vivre, se dire que cette soudaine échappée belle sur un territoire inconnu c’est la chance de ma vie. L’unique, je la prends comme elle vient, à plein !
Comme il fait trop beau pour travailler je lézarde sur le balcon, sous le soleil exactement. Mais en fait je travaille. Face à la déliquescence de l’ensemble de la gauche sous ses appellations plurielles : PS officiel et ses nouveaux diverticules vibrionnant, Front de Gauche amalgame improbable du PCF qui n’a pas encore assumé son passé d’aligné sur la ligne des gérontes de Moscou : pauvre petit Laurent fils de son père et de la bande à Mélanchon pur produit du pire mitterrandisme et, bien sûr, le compost étrange des Verts mélangeant le pire et le meilleur, j’instruis avec succès le procès Mitterrand.
« … à l’automne 1994… Paul Thibaud, ancien directeur de la revue Esprit, gravait du président un portrait au burin impitoyable. Pour lui, le chef socialiste était « incapable de penser à autre chose qu’à lui-même » : il « a tenté de sauver sa personne de l’échec de son œuvre. ». « Entre l’intensité de la passion pour le pouvoir et le résultat d’une dizaine d’années de pouvoir sans partage, le contraste est affligeant. Si l’on met à part le discours au Bundestag, réaction apparemment convaincue et certainement pertinente au chantage nucléaire soviétique, Mitterrand présente un bilan essentiellement passif ; il a enregistré et utilisé à son profit la mort de la gauche et le déclin de la France sans aller jusqu’à penser ces évènements et à essayer de remplacer les capacités défaillantes. Même en politique intérieure, après l’abolition de la peine de mort, retardée par la pusillanimité des gouvernements de droite, il n’y a pas eu de réforme importante menée à bien. […] Mitterrand aime le pouvoir, non le gouvernement. Le pouvoir a été souvent pour lui l’exercice d’un contre-gouvernement. Il y a chez cet homme dont le projet de gouvernement a échoué une croyance profonde en l’inaction, dans la vanité de l’action, une tendance à réduire la politique à un faire croire, à l’art de conjurer les évènements en leur opposant des mises en scène, des gestes. »
« Pour Paul Thibaud, Mitterrand a fait preuve d’un « absolutisme inactif », « d’ « une démagogie immobiliste » : « s’il n’y a rien à entreprendre, le souci de l’image et la détention du pouvoir sont toute la réalité du politique ». Qu’est-ce-que régner sans gouverner ? C’est choisir « la grandeur à vide, la grandeur parodiée, la vanité, le pouvoir débridé sans substance politique. »
Déçu Thibaud, moi je ne l’ai jamais été, lui et sa cour me sont toujours apparu comme étant que des opportunistes sans colonne vertébrale, jugement vérifié par mon voisinage avec un des hommes du premier cercle, fidèle parmi les fidèles, ce pauvre et falot Louis Mermaz, et je n’ai jamais espéré comme lui « que les déceptions de 1982-84 pouvaient entraîner une redéfinition, plus stricte et moins marquée par le ressentiment, du projet de la gauche. Le choix de Mitterrand, ce ne fut pas la rénovation du socialisme, le projet que certaines valeurs redeviennent opérationnelles, mais l’utilisation de son délabrement, sa conservation dans un état déconsidéré que s’en réclamer (Mitterrand continue de le faire) ne signifie plus rien. »
Jean-François Revel, lui aussi, frappe juste « Quant à la réflexion politique, à la connaissance des faits, Mitterrand était si incurieux des idées générales, des visions d’ensemble tirées de l’examen scrupuleux du réel que, précisément à cause de son indifférence à la pensée, ce réaliste était incapable de distinguer une analyse sérieuse d’une ânerie chimérique. »
Le seul mérite que je lui reconnais c’est d’avoir démontré, par sa victoire en 1981 et son refus de changer la règle du jeu, que l’alternance était possible. Par la suite il n’a fait qu’être de ceux que seule la vulgaire jouissance du pouvoir satisfait. L’heure des comptes pour ses héritiers a sonné et ce n’est que justice…
À peine refermé le livre de Winock je me penchais sur l’actualité en laissant de côté la famille Le Pen dans toute sa merde pour ne m’intéresser qu’à Nicolas qui se dit « humilié d'assister à un tel spectacle » dans l’amour qu’il porte à l’allié de Juppé, le petit béarnais. « Bayrou, c'est comme le sida... Quiconque le touche meurt ! » Dans son édition du mercredi 8 avril, le journal Le Parisien attribue ces propos à Sarko qui dément catégoriquement et annonce des poursuites judiciaires à l'encontre du quotidien.
Dans cette affaire, dont nul ne pourra jamais savoir si c’est vérité ou mensonge, ce qui plaide en défaveur du petit teigneux c’est que ces propos sont crédibles à défaut d’être réels. Monsieur et madame tout le monde, instruits par moult précédents, se l’imaginent parfaitement se laissant aller à ce type d’horreur. Il est méchant et rancunier.
Alors le Bayrou entre en guerre ouverte contre Sarkozy :
« Le responsable de la victoire de la gauche en 2012, il porte un nom, il s’appelle Nicolas Sarkozy »
« Si Juppé ne l’emporte pas, je serai dans la situation que j’ai construite depuis longtemps : je serai libre, affirme-t-il. Si sur la table, le jour du vote en 2017, on trouvait seulement les bulletins de vote Hollande, Sarkozy et Le Pen, des millions de Français n’auraient pas le bulletin qui représente leur opinion. » Et d’ajouter : « Nicolas Sarkozy a l’habitude que tout le monde plie devant lui et se range, voire se couche. Ce n’est pas ma nature. »
C’est tout bon pour notre opération Chartrons !
Avant d’aller m’asseoir à une terrasse pour prendre l’apéro je coche pour mes troupiers un article du Monde « Charlie Hebdo » : quand la DGSI réécrit l’histoire
« La scène se déroule au lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo. Il est 19 h 50, ce jeudi 8 janvier, lorsqu’un agent du renseignement territorial (ex-RG) téléphone à l’ancien syndicaliste policier, Jo Masanet. Il lui parle de la cellule de crise mise en place « avec Bernard Cazeneuve et tous les services de renseignement », place Beauvau. Puis l’agent marque une pause. Il hésite, cherche ses mots pour évoquer les frères Kouachi toujours recherchés : « Bon, par contre… Faut savoir que, heu… On avait les informations déjà sur les individus… On les avait suivis, on les avait sur notre base de données… » Ils les connaissaient mais ne les surveillaient pas.
« On avait constaté que la DGSI (la direction générale de la sécurité intérieure) était dépassée par les événements, d’accord ? Donc, on a un gros souci, là-dessus… » Cette conversation, écoutée par des enquêteurs en marge d’un dossier de trafic d’influence, illustre ce que beaucoup pensent sans oser le dire dans un cadre officiel. Et ce même au sein de la DGSI, traversée depuis par de légitimes questions sur ses choix stratégiques et ses méthodes de travail. »
Je note aussi la fameuse distinction de Carl Schmitt dans La Notion de politique, théorie du partisan l’instinct du politique c’est l’aptitude de percevoir nettement l’ « ennemi en tant que tel quel » Tonton et Sarko même combat !