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30 mars 2015 1 30 /03 /mars /2015 00:09
À La Bonne Santé : chronique d’un café-relais face au porche de la prison disparu près de chez moi

Seuls les films gardent en mémoire les images de lieux rayés de la carte par les pelleteuses. Ainsi, un nanar des années 70 passant sur la chaîne Polar L’Ardoise avec Adamo, Michel Constantin, Jess Hahn dans les premiers rôles et Simone Valère, Jean Desailly, Boby Lapointe, Jacques Legras, Fernand Sardou dans le pur alimentaire. Tous les poncifs du fameux code du milieu s’y égrènent. Si j’ai visionné ce film c’est pour y retrouver les images d’un Paris englouti, ses 403, ses DS, ses taxis et ses cafés avec bar en formica dernier cri.

 

Comme Philippe – Adamo dit Sciences-Po –, Théo et Bob partagent la même cellule à la prison de la Santé et qu’ils en sortent, leur peine purgée, par la grande porte qui donne sur la rue de la Santé, plusieurs plans nous montre le café À La Bonne Santé.

 

Celui-ci, lorsque la guillotine coupait encore des têtes dans la cour de la prison de la Santé, lorsqu’il était ouvert au bon gré des autorités, accueillait les amis, les connaissances du condamné à mort.

 

« L’énorme horloge, à chiffres romains, accrochée sur le mur délabré, indique quatorze heures. Dès que j’aurai terminé mes recherches, je filerai avaler un sandwich À La Bonne Santé, le café-relais en face du porche, où se retrouvent, pêle-mêle, le monde de la Santé : les gardiens, les parents des prisonniers qui viennent y déposer leurs colis afin d’éviter la longue attente au guichet creusé dans le haut mur de la prison, les jeunes avocats en racolage de clientèle, les flics, et des gardes mobiles en instance de convoi. Ça grouille, ça bruit, ça pleure, entre deux sifflements de percolateur, entre deux sonneries de téléphone. On se serre dans la salle étroite, on s’y bouscule, on se lie, en quelques mots, avec l’un, avec l’autre. Monde étrange né de l’agglomération d’hommes, bien dissemblables, réunis par leur faute de l’autre côté de la rue, derrière les murs de la citadelle. »

Roger Borniche L’affaire de la môme Moineau

 

« Irène avait prétexté un malaise pour ne pas se rendre au lycée et avait pris le métro jusqu’à la Santé. Les murs de la maison d’arrêt qui apparurent tout d’un coup lui coupèrent le souffle. Il faisait froid, elle avait un peu peur. Elle n’était encore jamais venue dans ce quartier. Elle n’avait même plus l’impression d’être à Paris. Elle se serait crue dans une ville d’Europe centrale au XIXe siècle. Les rues étaient désertes. Elle s’arrêta devant la porte de la prison. Le café sur le trottoir d’en face s’appelait La bonne santé. Des groupes de femmes attablées à l’intérieur attendaient de rendre visite à leurs maris. Irène était en avance, comme toujours, et elle décida d’aller boire un café.

Les tables, les bruits appartenaient à un autre monde. Le patron portait un tablier à l’ancienne et un torchon jeté par-dessus son épaule, comme dans un vieux film. Elle écouta les conversations aux tables voisines, certaines de ces femmes étaient accompagnées de tout un tas de gosses. Elles parlaient de leurs avocats, de conditionnelle, de préventive, de jugement. Irène n’avait jamais vu de telles femmes. Même à Pigalle. Elle se rendait compte que les compagnes de prisonniers avaient un quotidien qui n’était qu’à elles, avec corvées spéciales qui les mettaient à part des autres femmes. Et elle, Irène, que faisait-elle là ? Elle avait presque peur en les écoutant. Elle craignait de finir par faire partie de ce monde, et elle ne se sentait pas assez forte pour ça. D’ailleurs, en les regardant, elle leur trouvait des traits tirés, des visages creusés par la fatigue, elles étaient trop brosses et trop pâles. Comme si elles-mêmes vivaient enfermées. »

Louis Sanders La chute de monsieur Fernand

 

« Aussi, il voulait en avoir le cœur net et avait décidé de se rendre à la prison d’assez bonne heure et de coincer le gardien Monmmousseau À La Bonne Santé le bistro où il prenait chaque matin, son café arrosé. »

André Burnat Police des mœurs

 

J’ai habité rue Vergniaud dans le XIIIe et chaque matin je passais à vélo rue de la Santé pour aller au boulot. Je ne me suis jamais arrêté À La Bonne Santé. Et puis, un jour il a fermé et presque toute cette partie des numéros impairs de la rue de la Santé, de la rue Léon-Maurice Nordmann au bd Arago, qui faisait face au long mur de la prison de la Santé a été détruite pour faire place à des immeubles.

 

La seule photo que j’ai retrouvé d’À La Bonne Santé est très ancienne si l’un d’entre vous dispose d’un cliché de sa dernière façade avant destruction je suis preneur. Merci

À La Bonne Santé : chronique d’un café-relais face au porche de la prison disparu près de chez moi
À La Bonne Santé : chronique d’un café-relais face au porche de la prison disparu près de chez moi
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commentaires

R
DANS LES ANNEES 1970 CHAQUE SEMAINE J'AMENAIS UNE AMIE QUI ALLAIT RENDRE VISITE A SON FILS INCARCERE A LA SANTE PENDANT QU"ELLE ETAIT AU PARLOIR JE L'ATTENDAIS DANS LE BAR ''A LA BONNE SANTE '' CELUI-CI FAISAIT OFFICE DE DEPOT DE LINGE LES VISITEURS DES PRISONNIERS DEPOSAIENT LE LINGE PROPRE QU'ILS AVAIENT PRIS SALE LA SEMAINE D'AVANT POUR LE LAVER ! BIENSUR CE SERVICE N'ETAIT PAS GRATUIT DE LA PART DU CAFETIER !
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G
Dans le film "la grosse caisse', il y a également une scène dans ce café, où Bourvil vient essayer de contacter un truand qui sort de prison
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S
donc on le voit dans au moins 5 films... le rouge est mis (Gabin) , l'Ardoise (Constantin), Et ta soeur (Fresnay) , et 2 films avec Bourvil, la grosse caisse et Garou-Garou,( le passe-murailles)..... pas mal pour passer à la postérité.....
K
On peut également revoir les murs de la prison, sa porte, et le café "A la bonne santé" dans le film de 1957 "Le rouge est mis", avec Jean Gabin.
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M
A noter une apparition rapide du bistrot au début de L'incorrigible (de Broca, 1975), avec Belmondo.
S
et dans 'et ta soeur" (1958) avec Pierre Fresnay et Arletty ...Fresnay rencontre Brialy dans ce café.
P
Jeu de mots ,bien sur, entre les 2 établissements qui se font face et qui rappel des appellations plus fantaisistes telle " Ici mieux qu'en face " que l'on trouve dans films ou roman tant les scènes dans ce type d'établissement font partie de la loi du genre.Au passage soulignons la bizarrerie historique de notre langue qui fait qu'une prison s'appelle la Santé et un hopital la Pitié !
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S
La Maison d'Arrêt de Rouen s'appelle Bonne-Nouvelle : ce n'est pas mal non plus !

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