Vin & Cie, en bonne compagnie et en toute liberté ...
Extension du domaine du vin ...
Chaque jour, avec votre petit déjeuner, sur cet espace de liberté, une plume libre s'essaie à la pertinence et à l'impertinence pour créer ou recréer des liens entre ceux qui pensent que c'est autour de la Table où l'on partage le pain, le vin et le reste pour " un peu de douceur, de convivialité, de plaisir partagé, dans ce monde de brutes ... "
Si vous souhaitez recevoir mes chroniques chaque matin abonnez-vous à la newsletter , colonne de droite (c'est gratuit ) surtout ne pas décocher chroniques (sinon vous ne recevrez rien) ou placez www.berthomeau.comdans vos favoris .
Merci pour votre fidélité et n'hésitez pas à faire des commentaires.
Bonne journée à tous, ceux qui ne font que passer comme ceux qui me lisent depuis l'origine de ce blog.
(2) Qu’est-ce que je me suis fait chier à Saint-Guénolé !
Tarpon, c’est moi bien sûr, mais, je dois à la vérité de vous révéler que ce nom est ma nouvelle raison sociale. Mon patronyme officiel, celui de mes papiers, c’est Desboires. Hubert Desboires. Sans contestation ce nom allait comme un gant à mon géniteur qui, tout au long sa vie, les a alignées comme des écheveaux saucisses pur porc. Ma mother, elle, était une Laforêt. Z’ont jamais mis un trait d’union à leurs noms vu que leur union n’a duré que le temps de me jeter hors du ventre de ma mère.
Le jour où j’ai viré de bord à 180°, barre toute, changé de vie quoi, j’ai aussi décidé de virer ce putain de nom. Si j’ai choisi Tarpon, un nom de poisson, c’est d’abord en hommage à Jean-Patrick Manchette mon idole, mais c’est aussi parce qu’Eugène Tarpon, pandore déchu pour avoir envoyé ad patres un plouc breton déversant son fumier sur la chaussée, poivrot invétéré, me ramenait à mon paternel qui, lorsqu’il était beurré à point comme un petit LU, sur le bord de mon lit, me marmonnait que j’étais le fils d’une mère maquerelle et que j’étais né un matin au 5 bis de la rue de la Grange aux Belles près du Canal Saint-Martin.
Délire d’ivrogne, ma mère, infirmière-chef à l’hôpital Beaujon s’était tirée, vite fait mal fait, quand j’étais encore un chiard braillard, avec un jeune interne boutonneux qui s’était empressé de s’installer comme toubib du côté de Bordeaux où sa famille possédait un château pissant du nectar, un GCC qu’y disaient dans les canards à pinard. Vu que ma génitrice me laissa tomber comme un baluchon de linge sale, il est vrai que je faisais alors encore pipi au lit, le pauvre hère qui me servait de père m’a lourdé. Destination immédiate : chez ma grand-mère paternelle, bretonne de son état, baignant dans l’eau bénite, empileuse de sardines à l’huile en usine à Saint-Guénolé.
Qu’est-ce que je me suis fait chier à Saint-Guénolé !
Même que j’ai fait enfant de chœur pendant un paquet d’années. Mémé sentait l’huile d’arachide et ronflait comme un sonneur de cornemuse. J’étais tout boulot, rond quoi, car la mémé me gavait comme une oie. Mon teint rougeaud avec des petits yeux de gorets et des cheveux tout filasse, mes courtes pattes et mes doigts potelés, mes frusques miteuses, m’handicapaient grandement auprès des gonzesses. Je me rattrapais en les faisant rigoler. Du bagout j’en avais, mémé disait que je tenais ça de ma salope de mère, ce qui me ravissait : pour une fois qu’elle m’avait donné quelque chose celle-là. Quand je poussais le bouchon trop loin mémé me calmait d’un beau revers de main. Des torgnoles j’en ai reçu, pas trop tout de même car je me rebiffais en menaçant la grand-mère de la dénoncer au curé.
J’ai toujours été un ramenard un peu flemmard. De mon père le seul truc que j’ai reçu en héritage c’est un goût très prononcé pour me foutre dans la merde et d’y patauger. Quand mémé a passé l’arme à gauche mon pater m’a flanqué en pension, mais, comme y pouvait plus raquer, les curés m’ont viré. C’est alors, qu’au lieu de rentrer à Paris, j’ai pris la route avec mon baluchon. La suite de ma courte histoire de routard ne présente guère d’intérêt, j’ai tout fait et j’ai rien fait, ma seule passion c’était les livres. M’en goinfrait. J’en volais. Carburer à l’imprimé me permettait d’exister. Je bouffais de tout mais, quand ça me tombait sous la main, je bouffais bien.
Chez moi, la limite entre ce qu’on appelle la vie, celle que tu vis, et celle que je forniquais dans ma tête, a toujours été très floue. Autour de moi, surtout mes employeurs car j’ai eu peu de gonzesses dans ma vie, on disait que j’étais toujours à côté de mes pompes, alors que ce qui me trottait dans la tête depuis longtemps c’était de mettre mes grôles dans celles des héros de Dashiell Hammett, que Manchette tenait pour « le meilleur romancier du monde depuis 1920 », de James Hadley Chase, Raymond Chandler… Les jours de déprime, je me trouvais prétentieux et velléitaire, alors pour remonter à la surface je me plongeais dans mes livres jusqu’à plus soif. Moral revenu au beau fixe je me glissais à nouveau dans la peau de mes héros.
Et puis, un beau jour, tout a basculé sans que j’y sois pour grand-chose. Ça m’est tombé dessus, comme ça, sans prévenir. À l’époque je vivais en pavillon avec une veuve beaucoup plus âgée que moi tout en végétant comme vigile au Carrouf de Pontault-Combault. Tous les soirs je rentrais chez elle, la bicoque était à elle, comme un âne qui recule. La retrouver, son gros cul posé sur le canapé, face à sa télé, me déprimait. Y’avait jamais rien à bouffer. Par bonheur elle s’endormait devant sa télé ce qui me dispensait de la sauter. Le plus souvent je retardais l’échéance, au café des Sports, à coup de petits jaunes. La bande de bois-sans-soif avec qui j’étayais le zinc jouaient à tout ce qui pouvait se jouer. Moi pas, comme la chance et moi ne faisions pas très bon ménage, je préférais m’abstenir. Et puis un vendredi soir, alors que j’en avais fini avec ma tripotée de petits jaunes, suis allé pisser avant de m’en aller. Dans les chiottes, sur le dévidoir de PQ y’avait un formulaire de l’Euro-Millions. Il était déjà rempli, un gars devait l’avoir oublié. Je l’ai glissé machinalement dans ma poche de veste. En tirant la chasse je me suis mis à gamberger, l’aspiration rauque du siphon me précipitait dans le vide de ma vie.
En me rebraguettant je gueulais « Putain de merde, ducon bouges-toi les fesses ! » Tous ces gros cons alignés en rang d’oignons face à la caisse pour jouer me renvoyaient ma sale image à la gueule. Foutu, t’es foutu mec. Je fulminais. Péter un câble me pendait au nez. Fallait que je fasse sauter la soupape ! C’est Simone, la femme du patron, qu’est super bien roulée mais qu’a aussi la tronche de traviole, qui m’a dégoupillé en m’étalant un beau sourire. Ça m’a donné envie. Simone m’envoyait des pleins phares. J’ai triqué. J’ai joué. J’ai gagné. J’ai touché le pactole. J’me suis tiré sans prévenir ni Carrouf, ni mon tas.
Direction Paris, non pas pour mener la grande vie mais pour m’installer dans un petit bureau, au 6e sans ascenseur, que je louai, sitôt arrivé, au 17 de l’Impasse du marché aux chevaux dans le 5e arrondissement.
Selon Vespasien « L’argent n’a pas d’odeur… pecunia non olet » mais, lorsqu’il est sale, il faut pourtant le blanchir, trouver des lessiveuses pour le recycler dans les canalisations officielles, légales. Toutes les organisations criminelles du monde mondialisé, quelle que soit leur appellation, ont besoin de débouchés dans l’économie « blanche », afin de faire circuler les capitaux amassés, d’atteindre de nouveaux territoires, de générer de nouveaux profits. Planquer les capitaux dans des paradis fiscaux c’est sortir du jeu, se priver de participer au festin offert par « l’économie légale »
Avoir pignon sur rue, s’insérer dans des entreprises comme les autres, des entreprises comme il faut, opérant souvent dans des secteurs modestes, peu voyants, telle est la première ambition des prédateurs criminels. Les lessiveuses doivent être de plus en plus monstrueuses car les volumes à blanchir augmentent de manière quasi-exponentielle. Le blanchiment s’avère toujours délicat, les mafias y laissent au passage beaucoup de plumes.
Ce premier saut réalisé, les canaux de l’économie mondialisée permettent à ces faux-nez de se développer, d’investir, de se fondre dans le paysage, mais, comme l’appétit vient en mangeant, et que les managers criminels en col blanc pratiquent le même jeu que leurs frères des multinationales, la phase ultime pour eux consiste à racheter des marques prestigieuses.
Ces incultes, ces nouveaux riches vénèrent les marques.
Et quoi de plus prestigieux qu’un saint-émilion grand cru classé A ?
L’histoire qui suit, que vous allez suivre tout au long de ce mois d’août, n’est pas un conte, ni une affabulation, mais une enquête minutieuse, très Isabelle Saporta, menée par un fin limier de la lignée des privés mythiques, qui vous permettra de découvrir un monde sans pitié, où tous les coups tordus sont permis, un univers de rapaces avides, de traîtres, d’adeptes du double jeu, de gens bien comme il faut capables de trahir pour un plat de lentilles, de hobereaux prétentieux et vénaux, de journalistes stipendiés, d’officiers ministériels achetables, de femmes fatales, et bien sûr de volaille politique à la recherche de blé à picorer.
Que la fête commence !
Je commençais à m’emmerder ferme…
Ma vie, depuis que je suis tout petit, par pure paresse, a rarement emprunté des chemins de traverse, je me suis toujours contenté de suivre les mêmes routes qu’eux, comme le chantait Brassens. Et puis, un jour où, comme à l’ordinaire, je me faisais royalement chier, j’ai fait la connaissance, façon de parler, de Marie de Saint-Drézéry, marquise de Bombon. Sans déconner ce fut le genre St Paul se vautrant de son cheval sur le chemin de Damas ou, pour faire plus contemporain, comme Paul Claudel rencontrant Dieu, à 18 ans, derrière un pilier de Notre Dame de Paris.
Je vous raconterai ça par le menu un peu plus loin.
Si je vous cause de Marie de Saint-Drézéry aujourd’hui c’est qu’elle vient de sortir, à l’instant, de mon somptueux bureau de « Conseil en affaires réservées ».
Adelphine, je l’ai choisie pour son prénom, ma collaboratrice, qui passe son temps à lire des romans abscons, son idole est bien évidemment Alain Robbe-Grillet le père du Nouveau Roman, la veille, avait interrompu ma sieste pour m’annoncer de sa voix sucrée d’annonces faites à Orly « J’ai au bout du fil une fille au nom imprononçable qui sollicite un rendez-vous… »
Donnez-le-lui !
J’chais pas comment faire mon ordinateur pédale dans la semoule ?
Je suppose que vous savez encore vous servir d’un crayon pour noter, sur un de vos nombreux post-it, le jour et l’heure de ce rendez-vous ?
Pas vraiment patron je suis une gauchère contrariée…
Passez-la-moi espèce de cruche !
Ce n’est pas gentil de dire ça de moi, hier vous m’avez dit que j’étais une perle rare…
Oui, oui, hier c’était hier, aujourd’hui c’est aujourd’hui…
Ça c’est bien envoyé chef ! Je vous la passe, j’ai au moins retenu son prénom : Marie…
Pour ne rien vous cacher mon bureau de « Conseil en affaires réservées » ne croulait pas sous les affaires, sur la lancée de ma période « privé minable » je continuais de ramasser de sombres histoires de fesses, de cocus, de mal-baisés, d’éclopés de la vie, qui ne me rapportaient pas gros. Faire du fric j’en avais rien à péter, du pèze j’en avais à ne savoir qu’en faire, ce que je recherchais c’était l’aventure, l’adrénaline, le truc tordu, le borderline, de gros poissons, des Serbes féroces, des oligarques russes plein aux as, des politiciens véreux, d’intrigantes dont les longs compas arpentent le monde interlope, des salopes, des flics corrompus, du go fast bien faisandé, du noir bien noir comme l’encre de chine ou de seiche.
Je commençais à m’emmerder ferme.
Avant d’aller plus loin dans cette narration je me dois de préciser : primo, que je ne couche pas avec Adelphine, elle n’aime que les filles ; deuxio : qu’Adelphine a fait khâgne, hypokhâgne, reçue à Normale Sup mais elle a préféré s’embaucher comme chocolatière chez Jacques Genin avant de bifurquer pour bosser chez moi ; tertio, que ceux qui ne sont pas contents aillent se faire voir chez Plumeau comme me le disait ma grand-mère paternelle !
Adelphine, après deux tentatives infructueuses, « moi, en dehors de la Grosse Pomme, je suis larguée grave… » me connecta enfin avec la mystérieuse Marie :
Marie de Saint-Drézéry, bonjour Tarpon, sacré farceur !
L’état de grâce a duré encore moins longtemps que pour ses prédécesseurs, le résultat de mesures annoncées sans préavis.
En s’installant à l’Élysée, Emmanuel Macron savait que la durée de « l’état de grâce » dont bénéficie un nouveau président a tendance à rétrécir comme la banquise sous l’effet du CO2. Mais il n’avait certainement pas anticipé une fonte aussi rapide.
En ce milieu d’été, les baromètres se suivent et se ressemblent pour le président, avec des reculs de 10 à 7 points selon les instituts. Le dernier publié ce jeudi par YouGov pour le Huffington Post et Cnews le fait chuter de 43 % d’opinions favorables à 36 %. Son Premier ministre est à peine mieux loti avec 37 % d’opinions favorables. Il faut remonter à 1995 et les premiers mois de Jacques Chirac à l’Élysée pour retrouver pareille glissade sur fond de « fracture sociale » délaissée pour plus de rigueur budgétaire…
Oui, l’issue est malheureusement fatale. Un président de la République ne se remet pas d’une impopularité structurelle.
Voici ce que dit d’elle Éric Dupin ?
Il peut certes se permettre d’irriter, pour un moment, son peuple. Touché par la grève des mineurs, le général de Gaulle a ainsi enduré une dépression sondagière au printemps 1963. Et il s’est vite rétabli.
Toute autre est la situation du chef de l’Etat lorsqu’il se trouve aux prises avec un mécontentement populaire profond et prolongé.
Or l’expérience historique montre qu’il est impossible de sortir du gouffre d’une forte impopularité. La petite mort politique —c’est-à-dire la perte du pouvoir consécutive à une défaite électorale— en est une conséquence obligée.
Valéry Giscard d’Estaing a été battu en 1981 alors qu’il n’avait basculé dans la défaveur publique qu’en fin de septennat. Victime d’un mécontentement populaire régulier depuis le virage de la «rigueur» en 1983, Mitterrand a perdu les législatives de 1986.
L’histoire s’est répétée lors de son deuxième septennat. La séquence de lourde impopularité entamée en 1991 s’est conclue par la spectaculaire défaite législative de la gauche en 1993.
L’implacable règle s’est encore vérifiée avec les deux derniers chefs de l’Etat. Ayant perdu l’oreille du peuple dès l’hiver 1995, Jacques Chirac a vu ses adversaires l’emporter aux législatives de 1997. Quant à Nicolas Sarkozy, sa défaite de 2012 était inscrite dans la logique de l’impopularité persistante qui a marqué la presque totalité de son quinquennat.
Le charme rompu
Comment expliquer l’impossibilité, constatée jusqu’à ce jour, de renouer avec l’électorat après une longue phase de mécontentement? Une première raison tient sans doute à des facteurs de psychologie collective. Dans notre système de monarchie élective, le président de la République concentre sur sa personne des attentes et des espérances telles qu’un retournement de perception est toujours très dangereux.
Le sacre du suffrage universel célèbre un candidat qui a réussi à communier avec l’humeur du pays. Dès lors que le charme vient à se rompre, la rancœur populaire s’installe et s’enracine.
Macron et le bon usage de l’impopularité par Rémi Godeau
« On ne doit pas se plier à cette dictature d’être aimé. » C’est un expert patenté qui parle, François Hollande. Ce conseil stoïcien ira droit au cœur de son successeur Emmanuel Macron: deux mois de pouvoir à peine, et le Président dévisse dans les sondages davantage encore que son anti-modèle… Après tout, gouverner, c’est mécontenter. Mais ce principe ne saurait suffire. Car comme pour la dette ou le cholestérol, la mauvaise impopularité côtoie la bonne. La première se nourrit du reniement, de la procrastination, de l’artifice et du déni; la seconde du courage, de la responsabilité, de l’effort et de la vérité.
Parce que la confiance reste l’élément clé du redressement et le crédit populaire le facteur essentiel de l’action, le Président doit ainsi prendre garde de ne pas mélanger le bon grain à l’ivraie. La refonte de l’ISF, la simplification du droit du travail et la hausse de la CSG alliée à l’allégement des cotisations, annoncées, préparées et expliquées, relèvent de cette audace créatrice, à court terme source de grogne mais à l’avenir porteuse de croissance et d’emploi. Les tergiversations sur la taxe d’habitation, l’acte d’autoritarisme mal interprété dans l’affaire Villiers ou la réduction surprise des APL entretiennent au contraire ce ressentiment mâtiné d’incompréhension qui a longtemps mené nos dirigeants dans l’impasse.
Sans doute les Français ont-ils pris au mot le chef de l’Etat: à défaut d’être réformable, la France est transformable. Or pour trop fleurer la vieille politique, les coups de rabot, une vision purement budgétaire ou encore une précipitation sans méthode dans la politique annoncée sont à l’opposé de cette révolution promise. Au risque de devenir impopulaire pour rien.
Eloge de l'impopularité Jacques Attali
« Fallait-il préférer le populaire Chamberlain ou l’impopulaire Churchill? Le populaire Berlusconi ou l’impopulaire Monti? Le populaire Poincaré ou l’impopulaire Clemenceau? Faut-il être aujourd’hui populaire comme les gouvernements qui réduisent les impôts et augmentent les dépenses publiques, ou impopulaires comme les rares qui s’efforcent de faire l’inverse ? »
Et dans la France d’aujourd’hui? Faut-il dénoncer l’impopularité du Président? Faut-il lui recommander de tout faire pour faire grimper ses sondages? Ou faut-il au contraire lui conseiller d’avoir le courage de ne pas s’en occuper pour conduire les réformes dont le pays a besoin? Faut-il lui recommander de ne toucher à rien, de laisser filer les déficits pour créer des emplois artificiels? Ou d’assumer l’impopularité, si elle est le prix à payer pour réduire les déficits, casser les rentes? On en jugera bientôt avec le budget 2014, la réforme de la formation permanente et celle de la sécurité sociale, pour ne parler que des chantiers les plus urgents.
Bien sûr, il n’y aurait rien de pire que d’être impopulaire pour de mauvaises raisons, c’est-à-dire décevoir sans réformer. Ou d’être impopulaire parce qu’on explique mal son action. Sans doute, aurait-il fallu beaucoup mieux expliquer la position prise sur la Syrie, que j’ai approuvée, et ne pas laisser se multiplier les contradictions sur les objectifs fiscaux.
Il n’empêche: dans un pays en si grande difficulté, ne pas chercher à tout prix à être populaire est la seule attitude digne. L’impopularité est une bonne nouvelle. Et, accessoirement, dans un pays si frondeur, c’est même la seule façon d’espérer gagner les élections.
Je ne pense pas que pour l’heure l’impopularité de Macron soit structurelle mais l’impréparation et la faiblesse de beaucoup de ses Ministres vont lui compliquer la tâche.
Va-t-il rebondir ?
Je ne sais !
Avec lui tout semble toujours possible et ne vaut-il pas mieux faire avaler dès les premiers jours les pilules amères, pas d’élections avant deux ans, pour se réserver les bonnes nouvelles au cœur du quinquennat.
L’actualité m’emmerde, la dictature des réseaux sociaux transforment le moindre pet de travers en affaire d’État, l’instantanéité règne en maître, sur twitter c’est la course à l’échalote entre ceux qui se disent journalistes alors qu’ils ne sont plus que de minables commentateurs. Overdose ! Je décide sur l’heure le repli en bon ordre sur une base arrière préparée à l’avance.
Je range mon bureau.
Je trie.
Je me prépare à une nouvelle vie.
Dans mon fatras de ligne je retrouve ces textes :
De Malaparte j’avais lu de lui Technique du coup d’Etat publié en français en 1931 par Grasset qui m’avait intéressé car il était à cheval entre plusieurs genres, l’histoire, le pamphlet, la narration et la psychologie des masses de Gustave Le Bon et Gorges Sorel. Touffu et ambitieux il n’était pas à la hauteur du Prince de Machiavel mais il ma captiva.
Bon titre, accrocheur, style alerte, formules-choc, analyse lucide, il avait tout pour plaire à un apprenti révolutionnaire. Ne disait-on pas qu’il fut le livre de chevet de Che Guevara et de sa femme ou que le coup d’Etat des colonels grecs en 1967 s’en était inspiré. « L’erreur des démocraties parlementaires, c’est leur excessive confiance dans les conquêtes de la liberté, alors que rien n’est plus fragile dans l’Europe moderne. »
Ce livre restait très moderne car il dressait un tableau très actuel du parcours qui conduit, « l’homme nouveau », à s’emparer du pouvoir. Peu importait qu’il soit de gauche comme Trotski ou Staline ou de droite comme Primo de Rivera ou le polonais Pilsudski ou Mussolini. Malaparte reprend la leçon de « l’intelligent » Lénine qui sait que l’idéologie est moins importante que la réalisation efficace d’un coup d’Etat. Le Tout-Paris s’arracha le livre et Trotsky lui fit l’honneur de l’attaquer de plein fouet dans un discours à Copenhague le 7 novembre 1932 à l’occasion du quinzième anniversaire de la révolution d’Octobre.
« L’écrivain italien Malaparte, quelque chose comme un théoricien fasciste, a récemment lancé un livre sur la technique du coup d’Etat. L’auteur consacre bien entendu des pages non négligeables de son « investigation » à la révolution d’Octobre. À la différence de la « stratégie » de Lénine, qui reste liée aux rapports sociaux et politiques de la Russie de 1917, « la tactique de Trotski n’est – selon les termes de Malaparte – au contraire nullement liée aux conditions générales du pays ». Telle est l’idée principale de l’ouvrage ! L’auteur oblige Lénine et Trotski à conduire de nombreux dialogues dans lesquels les interlocuteurs font tous deux montre d’aussi peu de profondeur d’esprit que la nature en a mis à la disposition de Malaparte. Il est difficile de croire qu’un tel livre soit traduit en diverses langues et accueilli sérieusement (…) Le dialogue entre Lénine et Trotski présenté par l’écrivain fasciste est dans l’esprit comme dans la forme une invention inepte du commencement jusqu’à la fin. » On peut comprendre l’ire du père Léon, qui jouait alors toutes ses cartes contre Joseph Staline pour capter l’héritage du grand Vladimir Ilitch, d’être présenté comme un usurpateur alors qu’il se voulait le disciple le plus fidèle de Lénine. Malaparte, bien longtemps après l’assassinat par de Léon Davidovitch par Ramon Mercader au Mexique, taillera au révolutionnaire russe une fulminante nécrologie qui se terminait au vitriol « On peut dire de lui ce qu’on peut dire de tant d’autres hommes d’action : c’était un écrivain raté. »
Je me plongeais dans Kaputt pour ne pas en ressortir. La douce chaleur de Claire, le poids de sa tête sur mon épaule, le rythme de son cœur, ses pieds glacés, me tenait lieu de cordon ombilical. Ce livre est une sorte de voyage au bout de la nuit échevelé, où l’on passe, au cours d’un long périple au travers l’Europe Centrale, de la réalité à l’allégorie, sans que l’on puisse vraiment démêler le vrai du faux, d’ailleurs comme le dit dans la Peau le colonel américain Jack Hamilton « qu’importe si ce que Malaparte raconte est vrai ou faux. Ce qui importe c’est la façon dont il raconte. », où la barbarie est omniprésente, répétitive, banalisée. L’extermination totalitaire est avant tout une opération culturelle, ce sont les intellectuels qui ont préparé l’œuvre des bâtisseurs de camps, des gardiens et des exterminateurs.
Lorsque Malaparte visite le ghetto de Varsovie et qu’il croise deux jeune filles qui se battent pour le gain d’une pomme de terre et que l’une d’elle s’enfuie avec son petit butin laissant l’autre « les yeux remplis de faim, de pudeur et de honte ». Elle lui sourit. Gêné il lui offre de l’argent qu’elle refuse en souriant. Malaparte fouille dans ses poches, trouve un cigare et lui tend : « la jeune fille me regarda d’un air hésitant, rougit et prit le cigare : mais je compris qu’elle ne l’avait accepté que pour me faire plaisir. Elle ne dit rien, elle ne me remercia même pas : elle s’éloigna sans se retourner, lentement, son cigare dans la main. De temps en temps, elle l’approchait de son visage pour en respirer l’odeur, comme si je lui avais donné une fleur. »
En lisant le tableau de Hans Franck le nouveau roi de Pologne, car chez Malaparte ce sont des tableaux qui se succèdent, ce tueur cultivé et raffiné, bon père de cinq enfants, bon catholique de Franconie, ancien boursier à l’Université de Rome, féru de la Renaissance, bon juriste, bourreau au visage bien rasé avec ses petits mains blanches où l’on ne retrouve aucune trace du sang de ses victimes, ces mains qui vont effleurer les touches de son piano sur lequel il vient d’interpréter, avant l’arrivée de ses invités, Prélude de Chopin, œuvre interdite comme toutes les œuvres musicales exaltant le sentiment national polonais, je pense à ce passage que j’avais lu dans les décombres du sinistre Lucien Rebatet « Je ne verrais aucun inconvénient, pour ma part, à ce qu’un grand virtuose musical du ghetto fût autorisé à venir jouer parmi les Aryens pour leur divertissement, comme les esclaves exotiques dans la vieille Rome. » Mais attention : « Si ce devait être le prétexte d’un empiètement, si minime fut-il, de cette abominable espèce sur nous, je fracasserais moi-même le premier des disques de Chopin et de Mozart par les merveilleux Horowitz et Menuhin. » Et Malaparte d’écrire « l’extrême complexité de sa nature… il parle de Franck… singulier mélange d’intelligence cruelle, de finesse et de vulgarité, de cynisme brutal et de sensibilité raffinée. Il y avait certainement en lui une zone obscure et profonde que je ne parvenais pas à explorer… un inaccessible enfer d’où montait de temps en temps quelque lueur fumeuse et fugace… »
L’Italie de mes années post 68 m’a fasciné.
Erri De Luca, ancien dirigeant du très musclé service d’ordre de Lotta Continua à Rome, appelle la période dans laquelle je me plongeai avec réticence et incompréhension : un « Mai long de dix ans », ce que d’autres appelleront une « guerre civile de basse intensité ».
En France, et même en Italie, le mouvement armé sera minimisé et surtout sa base populaire minorée alors que le Ministère de l’Intérieur italien, non soupçonnable de gonfler les chiffres, bien que sait-on jamais, estimait à plus de 100 000 les personnes susceptibles de fournir une base arrière, de la logistique aux groupuscules armées. Ça n’est pas rien, c’est même relativement important que ce soutien de la population qui tranche nettement avec le faible enracinement de Rote Armee Fraction en RFA et bien plus encore en France de la GP et de sa dérive armée : Action Directe.
Ici, en Italie, ce conflit, cette guerre civile larvée a fait plusieurs centaines de morts, près de 5000 personnes furent condamnées pour leur appartenance à des groupes d’extrême-gauche et plus de 10 000 furent au moins une fois interpellées. Période complexe, particulièrement troublée, pleine de rumeurs, d’épisodes mystérieux jamais élucidés, des tentatives de complots manipulés par des services étrangers ou le crime organisé, qui a fait l’objet de relectures à posteriori, de reconstruction tendancieuse, erronées, ce que l’on dénommera en Italie la dietrologia : dietro, derrière.
Cette approche sera confortée en France par la « doctrine Mitterrand » qui offrit officiellement le refuge, au cours d’un discours lors du congrès de la Ligue des Droits de l’Homme en 1985, à tous ceux qui ayant « rompu avec la machine infernale du terrorisme » désireraient enfin « poser leur sac ».
Le clivage gauche/droite à la française permettra de bien séparer en noir et blanc ce mouvement contestataire « unique en Europe par sa densité et sa longévité » en oubliant le fond historique de Guerre Froide et de « stratégie de la tension ». Ce morceau d’histoire mal connu, enfoui sous la bonne conscience des pétitionnaires patentés de Saint-Germain des Prés, reviendra en boomerang dans le paysage médiatique après les évènements du 11 septembre 2001, lorsqu’en août 2002 le gouvernement français extradera Paolo Persichetti, ancien membre de la dernière branche des Brigades Rouges, les BR-UCC, reconverti grâce à la doctrine Mitterrand en professeur à l’Université Paris-VIII.
Mais, bien sûr, l’affaire la plus médiatisée fut celle de Cesare Battisti, ancien animateur d’un groupuscule milanais : les Prolétaires armés pour le communisme (PAC), concierge à Paris et auteur de romans noirs, qui ne devra son salut qu’à la fuite au Brésil. Je garde le souvenir d’une conférence organisée par Télérama en 2004 où la délirante Fred Vargas délivrait sa version très germanopratine de l’affaire. Le BHL, non présent ce soir-là, délivrait avec plus de subtilité la même version.
Sans entrer dans le détail, il me faut rappeler que les Prolétaires armés pour le communisme, organisation peu structurée, ont commis des hold-ups et quatre meurtres : ceux du gardien de prison Antonio Santoro le 6 juin 1978 à Udine, du bijoutier Pierluigi Torregiani le 16 février 1979 à Milan, du boucher Lino Sabbadin le même jour près de Mestre et du policier Andrea Campagna le 19 avril 1979 à Milan. Lors de la fusillade contre Pierluigi Torregiani, une balle perdue, a blessé son jeune fils Alberto Torregiani, avec qui il se promenait, et ce dernier en est resté paraplégique. Les quatre tireurs, Gabriele Grimaldi, Giuseppe Memeo, Sebastiano Masala et Sante Fatone, ont été identifiés et condamnés en 1981. Les PAC reprochaient aux commerçants Torregiani et Sabbadin d'avoir résisté aux braquages commis par des membres de leur groupe.
Pas très glorieux tout cela, dans plusieurs textes publiés des années plus tard, Cesare Battisti indiquera avoir renoncé à la lutte armée en 1978, à la suite de l'assassinat d'Aldo Moro et se dira innocent des quatre assassinats revendiqués par les Prolétaires armés pour le communisme.
Arrêté le 26 juin 1979 et condamné en 1981 pour appartenance à une bande armée il s’évade le 4 octobre 1981, avec l’aide de membres des PAC, de la prison de Frosinone et il s'enfuit d'Italie pour rejoindre la France puis le Mexique en 1982. C’est alors que Pietro Mutti, un des chefs des PAC recherché pour le meurtre de Santoro et condamné par contumace, est arrêté ; suite à ses déclarations, Cesare Battisti est impliqué par la justice italienne dans les quatre meurtres commis par les PAC, directement pour les meurtres du gardien de prison et du policier et pour complicité dans ceux des deux autres victimes.
Le procès de Cesare Battisti est donc rouvert en 1987, et il sera condamné par contumace en 1988 pour un double meurtre (Santoro, Campagna) et deux complicités d'assassinat (Torregiani, Sabbadin). La sentence est confirmée le 16 février 1990 par la 1re cour d'assises d'appel de Milan, puis après cassation partielle, le 31 mars 1993 par la 2e cour d'assises d'appel de Milan. Il en résulte une condamnation à réclusion criminelle à perpétuité, avec isolement diurne de six mois, selon la procédure italienne de contumace.
En présence de Laurent BAFFIE, Chahdortt DJAVANN, Serge RAFFY et KHALED, Thierry ARDISSON s'entretient avec Fred VARGAS, historienne, archéologue, médiéviste, chercheuse au CNRS et auteur de ro...
Au temps où j’occupais le grand bureau du rez-de-jardin de l’Hôtel de Villeroy, aujourd’hui devenu celui du Ministre, Claude Mauriac, fils de aîné de François Mauriac, sollicita un rendez-vous pour m’entretenir d’affaires familiales. Lui qui «reçu à sa naissance, le 25 avril 1914, un nom qui allait devenir prestigieux. Toute sa vie il s’efforcera de se faire un prénom. Entreprise d’autant plus difficile que le fils se situait sur le terrain de son père : l’écriture.» Visage acétique, grosses lunettes d’écaille, pudique et tourmenté, il venait me parler du vignoble de Malagar, en piteux état, de son devenir. Dans un long préambule, face à moi, il me dressa un tableau sombre de la situation familiale, la figure du père pesait sur lui, avec pudeur et retenue, il réussit tout de même à me confier ce qui lui causait des soucis. Je lui consacrai bien plus de temps que je n’avais de temps. En l’écoutant attentivement je repensais à un épisode de ma vie de collégien, à l’école d’agriculture de ND de la forêt, le jour où, le frère supérieur, me confisqua Thérèse Desqueyroux pour pornographie. Je prenais du temps car ce temps était celui au-dessus duquel flottaient une histoire familiale et l’Histoire tout court. Malagar « François Mauriac qui tenait ce patrimoine de son arrière-grand-père, y était fort attaché, y venait très souvent et écrivit beaucoup. C’était sa résidence d’été, et il en appréciait particulièrement le vin blanc doux, vin d’ailleurs traditionnel de ce pays de coteaux ensoleillés, qui dominent la vallée de la Garonne et le Sauternais. »
Je promis à Claude Mauriac de m’occuper des vignes de Malagar. Ce que je fis en m’adressant à un ancien collègue, Jean-Louis Blanc, énarque et agronome, ancien du bureau de la viticulture du Ministère, qui dirigeait la maison Cordier à Bordeaux pour le compte d’un groupe bancaire dont j’ai oublié le nom. L’affaire se fit avec Cordier pour le vignoble pendant que la maison passait dans le patrimoine du Conseil Régional d’Aquitaine. Maintenant le vignoble appartient à deux viticulteurs bien connus en Gironde, le négociant Jean Merlaut et l’œnologue Georges Pauli. Tous deux se sont associés pour vinifier et commercialiser les vins de Malagar.
François Mauriac à Malagar de Jean Mauriac, entretiens avec Éric des Garets, édition revue et augmentée, Fayard 2008.
« Aujourd’hui, il n’y a plus de chevaux, il n’y a plus de vaches, il n’y a plus de bœufs dans les prairies et dans les vignes de Malagar. Plus une seule sauterelle, un seul grillon – ni les gros noirs, que je faisais sortir de leurs trous avec un brin d’herbe, ni les petits des vignes, gris, aux longues pattes – plus une seule mante religieuse, verte ou couleur d’aiguille de pin. […] On ne voit plus, le long de l’allée des cyprès, les criquets aux ailes rouges ou bleues qui précédaient nos pas ni, après la pluie, tous ces petits escargots à la coquille jaune et rose, ni dans les charmilles, les gros crapauds qui surgissaient tard le soir. […] Je vous le demande : y a-t-il encore des chauves-souris ? Y a-t-il encore des lézards, je parle des petits lézards les plus communs, gris, dits "de muraille", à la terrasse ? Quant aux longues et belles couleuvres, dont je ramassais les fragiles enveloppes de peau blanche et fine, elles sont classées parmi les espèces disparues, comme le sont les papillons machaons, plus beaux que ceux de l’Amazonie. […] Où sont « les prairies murmurantes des nuits d’été » si chères à François Mauriac, "l’immense vibration des grillons, des sauterelles et des cigales" ? J’avais oublié les cigales de Malagar ! Elles ne chantent plus aujourd’hui que dans notre souvenir. Leur disparition, déjà lointaine, complète, définitive, fait régner sur cette campagne, dans la canicule des étés, un silence de mort. Seules rescapées de cet anéantissement, quelques libellules, au corselet vert ou bleu, surgissent encore brusquement, zigzaguant et troublant un instant le silence de leur vol métallique. »
François Mauriac, qui avait la réputation d’avoir une plume acérée, dans Préséances.
« Les fils de famille des Grandes Maisons en quelque manière sont interchangeables, tous corrects (habillés par le même tailleur), tous sportifs et délivrés du bureau vers 5 heures, tous enfin exempts des lois communes de la civilité, maîtres de saluer ou de ne pas saluer, dispensateurs incorruptibles de mépris (...) »
« Je passais une partie de la nuit à fumer et à rêver dans mon cabinet plein de livres dont les Fils eussent été fort choqués de voir que les pages étaient coupées (...) »
« Ces messieurs des Grandes Maisons, qui dans ce temps-là m’honoraient de leur faveur, me firent entendre qu’ils ne pouvaient souffrir le « genre artiste ». Je me le tins pour dit »
Régine Deforges situe l’action de La Bicyclette bleue dans le domaine de Malagar, qui appartenait à François Mauriac. « Je suis rentrée dans cette famille quand j’ai épousé son petit-fils, le dessinateur Wiaz. » dit-elle. Elle avoue aussi que ce liquoreux produit dans l’aire des premières Côtes de Bordeaux Saint-Macaire, elle l’a dans la peau. « C’est un vin que l’on buvait à l’apéritif. Il est frais, parfumé, élégant. Avec un crottin de Chavignol, un roquefort ou un foie gras, c’est un plaisir. » Elle cite aussi Meursault et l’Anjou. « Les bons vins me procurent de la joie. » Elle dit encore qu’une bonne bouteille peut surprendre mais ne pas tromper. Pour elle, le vin reste davantage lié au cigare. « Depuis que je suis allée à Cuba, j’ai découvert leur ressemblance. Le torcedor, c’est l’œnologue du cigare. Avec un vieux vin de Malagar, c’est idéal. » « Dans Et quand viendra la fin du voyage... Fayard, 2007, le dixième et dernier de la série commencée par La Bicyclette bleue, Léa fait des allers-retours entre la Bolivie et son domaine de Montillac, inspiré de Malagar... »
Pourquoi ce matin ce zoom arrière ?
Tout bêtement parce que ce matin, face à mon bol de café noir, dans le poste ils causaient des mobs bleue de ma jeunesse que des jeunes de Marseille s’emploient à faire revivre.
Ma mob bleue ciel, son siège biplace, son « son de meule »…
Ce fut un choc, comme un rappel à l’ordre, depuis des mois et des mois ma plume dominicale s’était égarée sur les sentiers de la politique, j’y ai usé plusieurs paires de souliers, je m’y suis vautré, j’y ai joui aussi de voir s’effondrer des pans entiers du vieux monde, et puis Macron est arrivé, prenant tout le monde à revers, soudain idolâtré par ceux mêmes qui l’avaient moqué, comme un remake de la versatilité du bon peuple. Le jeune homme a endossé le costar de Président avec une facilité déconcertante, il s’est imposé sur la scène internationale comme si ce rôle il l’avait bûché, lui le fort en thème, depuis toujours. Au-dedans de ce pays figé, le voilà qui joue le père la rigueur, s’attirant les foudres des derniers lambeaux de la gauche vaguement radicale qui fait du port de la cravate dans l’hémicycle un combat !
Les indignés, les insoumis, les économistes atterrés, le ban et l’arrière-ban d’une France qui ne sait que dire non, s’arcquebouter sur la somme de ses facilités, vivre à crédit, cigale plutôt que fourmi…
Alors, pour pourfendre ce jeune « morveux » libéral, bien sûr on en appelle aux mannes du Général !
Et pourtant que fit donc celui-ci en revenant au pouvoir ?
1960 : Rueff-Armand, un rapport visionnaire
Le retour à l'équilibre budgétaire en 1959 et l'expansion économique n'incitent pas de Gaulle à engager des réformes structurelles. Un rapport s'inquiète pourtant des rigidités de l'économie, de l'inadaptation de l'administration et de la qualité de l'enseignement.
On compte parmi les textes évoqués de façon rituelle dans les débats sur la croissance française le rapport Rueff-Armand de 1960. Evocation essentiellement intellectuelle, car il ne fut guère appliqué. Si le redressement opéré à cette époque a reposé sur les propositions de Jacques Rueff, ce ne fut pas le résultat du rapport cosigné avec Louis Armand.
Revenu au pouvoir en mai 1958, le général de Gaulle s'assigne trois objectifs : une nouvelle Constitution, la sortie du guêpier algérien et la stabilisation financière. En ce printemps 1958, la situation économique est délicate. Les devises en caisses représentent l'équivalent d'un mois d'importations. L'inflation, contenue en 1956 et 1957 grâce à un sévère contrôle des prix, a repris sur un rythme annuel de 15 %.
De Gaulle nomme Antoine Pinay aux finances. Se méfiant de lui, il lui impose de travailler avec Jacques Rueff. Polytechnicien, inspecteur des finances, celui-ci a occupé divers postes de responsabilité dans l'administration, de conseiller de Poincaré lors de la stabilisation du franc de 1928 à directeur du Mouvement général des fonds, l'ancêtre de la direction générale du Trésor.
Rueff met au point un plan d'austérité en deux volets qui entre dans l'histoire sous le nom de "plan Rueff-Pinay" : une dévaluation et un retour à l'équilibre budgétaire. En 1959, pour la première fois depuis 1930, le budget est en excédent.
DE GAULLE N'EN SENT PAS L'URGENCE
Fort de ce succès, Rueff propose à de Gaulle d'engager des réformes structurelles. Mais comme, depuis 1950, le taux de croissance moyen est de 4,9%, de Gaulle n'en sent pas l'urgence. Un décret du 13 novembre 1959 crée donc un comité présidé par le premier ministre, Michel Debré, et chargé "d'examiner les situations de fait ou de droit qui constituent d'une manière injustifiée un obstacle à l'expansion de l'économie".
Ce comité a deux vice-présidents, Jacques Rueff et Louis Armand. Polytechnicien comme Rueff, ingénieur du corps des Mines, Louis Armand a fait l'essentiel de sa carrière dans les chemins de fer, devenant président de la SNCF en 1955. Outre ses deux vice-présidents, le comité réunit 14 membres, hauts fonctionnaires, syndicalistes et chefs d'entreprise. Il rend en juillet 1960 un rapport largement inspiré par les vues libérales de Rueff.
Trois des phrases du début résument la philosophie du texte : "Il est aisé de constater qu'en fait, certaines législations ou réglementations économiques ont actuellement pour effet, sinon pour but, de protéger indûment des intérêts corporatifs qui peuvent être contraires à l'intérêt général et, notamment, aux impératifs de l'expansion" ; "Le comité estime qu'un blocage rigoureux des prix et des salaires ne peut être qu'une mesure de circonstance, justifiée seulement par des situations très exceptionnelles" ; "L'inadaptation de l'administration publique à ses diverses fonctions constitue un frein à l'expansion".
Ce diagnostic sur les blocages de l'économie française est conforté par les analyses de certains enjeux à venir. Ainsi, le rapport s'inquiète de l'évolution de la qualité de l'enseignement, et s'interroge sur les retraites en des termes prémonitoires : "L'accroissement du nombre et de la proportion des personnes âgées pose un problème important sous une forme nouvelle, qui exigera un examen approfondi de certaines conceptions sur leurs conditions de travail et de retraite."
LIBÉRER LES PRIX
Les recommandations s'organisent autour de cinq thèmes : "Réduire les rigidités qui affectent l'économie ; éliminer les atteintes à la véracité des coûts et des prix ; écarter les obstacles à une croissance harmonieuse ; remédier aux insuffisances de l'information et de l'instruction ; réformer l'administration."
Leur contenu traduit la volonté du comité de libérer les prix et de renforcer la concurrence. On y trouve des propositions fortes comme l'abandon de la loi de 1948 sur le blocage des loyers mais aussi un examen de certaines professions comme les - déjà célèbres - taxis parisiens. Au point de se perdre dans les détails... Le rapport contient, par exemple, cette phrase : "Le comité a constaté la nécessité de favoriser l'expansion du marché des jus de fruits et des eaux minérales et la diminution du prix de vente de ces produits" !
Appel à la liberté économique et à la concurrence, le rapport Rueff-Armand reste assez largement lettre morte. Le contrôle des prix, dont la suppression était si importante aux yeux de Rueff, n'a disparu qu'en décembre 1986. Et la commission Attali a retrouvé en 2008 pratiquement le même nombre de licences de taxi à Paris que le comité Rueff-Armand...
Ubérisation dit-on !
Les livreurs pédalent sur la chaussée de Paris et lorsque je les croise je repense à ma mobylette bleue...
Adieu la bleue par Cédric Mathiot — 26 décembre 2002
Après quarante-six ans de bons et loyaux services, la star de Motobécane, racheté en 1984 par MBK, coupe les gaz. Ultime virée nostalgique chez un vendeur d'Aubervilliers.
Jeannot et Jeanine, concessionnaires MBK à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) ne recevront pas les deux dernières «bleues» qu'ils avaient commandées. Quand Jeannot a lu dans le journal que MBK arrêtait la production de la vieille Mobylette qui doit son surnom à sa couleur originelle, Jeanine a appelé à Saint-Quentin (Aisne), siège de MBK, où on lui a dit que les stocks étaient épuisés. Jeannot est d'avis que chez MBK, ils ont dû «servir les copains» avec les derniers exemplaires qui leur étaient destinés. Car la bleue, Mobylette de facteur et d'ouvrier, chromo vieille France célébré une dernière fois dans le Fabuleux Destin d'Amélie Poulain, est désormais un objet de collection. Plus de quarante-cinq ans après avoir été présentée dans sa première version, en 1956, la dernière bleue vient de sortir de la chaîne de son usine historique, à Rouvroy, près de Saint-Quentin. Jeannot, 58 ans et demi, s'en étonne peu. La bleue, lui l'avait enfourchée comme lycéen («qui n'avait pas de bleue à l'époque ?», dit-il sur un ton d'évidence), puis comme «cyclard» (coursier). Surtout, il a vendu et réparé pendant vingt-sept ans les cyclomoteurs des banlieusards d'Aubervilliers. D'abord beaucoup, et puis de moins en moins. Jusqu'à assister, du fond de son petit atelier, à l'extinction de l'engin. Avec son vieux moteur, la Mobylette n'est plus adaptée aux exigences bruxelloises en matière de pollution. La chaîne d'outillage sera démontée et transportée en Turquie. A Rouvroy, on fabriquera des scooters.
30 millions d'exemplaires dans le monde
Les dernières années, Jeannot et sa femme Jeanine ne vendaient quasiment plus de l'antique Mobylette. «Disons 5 par an environ», estime Jeanine qui en connaît un bout, bien qu'elle soit surtout chargée de la réparation des vélos, à l'avant du magasin. La mécanique, c'est pour Jeannot, qui règne depuis 1975 sur l'arrière du magasin, où il a son atelier. C'est un minuscule gourbi, éclairé de quelques néons baladeurs, saturé de roues accrochées au plafond, avec des murs tapissés d'un capharnaüm d'outils, de chromes rutilants et de chiffons huileux. Il y a dans un coin un évier crasseux d'où pendouille une chambre à air, une petite fenêtre à quatre carreaux qui donne sur une cour à poubelles, une horloge qui affiche obstinément l'heure d'été «ils m'enquiquinent avec leur heure à changer tous les six mois. Revenez en août et elle sera à l'heure». C'est là que Jeannot a ausculté et trifouillé trente ans de mécaniques. Et sans surprise, son diagnostic, c'est que «la bleue, c'était la plus robuste, la plus simple, donc la plus choisie». Facile comme tout à réparer : «Tu descendais le moteur en un quart d'heure, maintenant, les scooters ont des carrosseries pas possibles.»
Dans ses multiples versions, la bleue a circulé à plus de 30 millions d'exemplaires dans le monde. Une star. Combien ils en ont vendu, des bleues, en vingt-sept ans ? Jeanine évalue «jusqu'à 60 par an». Jeannot, un peu moins, «30 ou 40». Mais ils sont d'accord pour dire que c'était il y a longtemps : dans les années 70. En 1974, Motobécane a battu son record de production dans l'usine de Rouvroy, avec 750 000 Mobylette. A l'époque, sans atteindre les chiffres des années 50 (la France disposait alors du plus grand parc de deux-roues motorisés), le marché du cyclomoteur hexagonal pétait encore la forme, avec plus d'un million de ventes annuelles.
C'est cette période faste des deux-roues qui a conduit les Pierrard à ouvrir boutique, en 1975, dans cette avenue centrale d'Aubervilliers, alors qu'ils hésitaient «entre une station-service, un bar et un magasin de deux-roues». Il faut dire aussi qu'avant cela, comme Jeannot avait été coursier il trimbalait les photogravures vers les imprimeries de presse , il s'y connaissait «déjà un peu en Vespa et en Mobylette». Cette année-là, donc, Jeannot a suivi un stage de formation chez Motobécane. C'est lors du stage, où il était payé au Smic, que Jeannot s'est «rendu compte qu'une bleue, c'était alors exactement le prix d'un Smic : 1 250 francs». A l'époque, rappelle Jeanine, les personnels administratifs roulaient en bleue : la police avait des bleues qui étaient de couleur blanche, «avec police écrit sur le côté». Les compagnies d'ascenseur les avaient aussi blanches. Celles des postiers étaient jaunes. La bleue, enfin, existait aussi dans une version orange, sa version luxe, qui se faisait appeler «le chaudron». C'était encore l'âge d'or. «On bossait bien à l'époque, dit Jeannot. Aubervilliers, c'était une banlieue ouvrière, tu faisais pas vingt mètres sans tomber sur une petite usine, une boîte d'artisans. Tous les gens qui allaient bosser y allaient en Mobylette. Et à la sortie du boulot, à 17 heures, place de la Mairie, il y avait du brouillard, nom de Dieu, tellement il y en avait des Mobylette», tonne-t-il en agitant les bras pour figurer la brume dans son atelier.
Comme le cheval au Moyen Âge
«La bleue, poursuit-il, c'était la bête de somme de l'ouvrier. Comme le cheval au Moyen Age. Une bleue, c'était une paire de sacoches : une pour les outils, une pour la gamelle. J'en ai réparé assez pour le savoir. Y avait toujours une sacoche propre pour la gamelle, et une sale, avec dedans une chambre à air et les outils.» Et puis le deux-roues a décliné. Jeannot concède qu'il n'a rien vu venir. «En 1979, je suis tombé chez un collègue concessionnaire sur une revue spécialisée qui montrait les statistiques de ventes de deux-roues pour les dix années à venir. Jusqu'en 1989, la courbe, vlan ! Elle dégringolait. Moi, je l'ai pas cru et pourtant...» Maintenant, il a son idée sur les causes. Il y a d'abord eu, en juillet 1975, le casque obligatoire pour les cyclomoteurs hors agglomération. «Ce qui a commencé à tuer le deux-roues, ça a été le port obligatoire du casque, qui emmerde tout le monde. C'est même les femmes qui ont commencé à récriminer, parce que les casques, ça abîmait la coiffure.» Ensuite, il liste : «Les assureurs. Les assurances sont devenues trop chères. Elles assurent même pas contre le vol. Alors, quand tu t'es fait voler trois cyclos, tu t'achètes une Carte orange.» Et puis «avec l'évolution de la qualité de la vie, les gens ont commencé à aller travailler en voiture», ajoute Jeanine. La Mobylette, qui avait à la sortie de la guerre envoyé les vélos à la casse, a subi à son tour la concurrence des quatre-roues. Entre 1975 et 1982, le marché hexagonal de la Mobylette a été divisé par trois. Le créneau du cyclomoteur est devenu plus jeune. Et sur ce terrain, la bleue de Motobécane a été concurrencée par Peugeot et ses 103. «Plus nerveux, plus facile à trafiquer. C'était plus à la mode, reconnaît Jeannot. Les vieux restaient Motobécane, les jeunes roulaient Peugeot.» Enfin, la robuste bleue est restée relativement chère par rapport aux cyclomoteurs concurrents, plus dépouillés.
En 1977, pour la première fois, Peugeot a devancé Motobécane dans les ventes de cyclomoteurs (1). En 1984, Motobécane, qui a eu «le tort de rester scotché à la bleue», diagnostique aujourd'hui Pedro Alvarez, directeur général délégué de l'usine de Saint-Quentin, a déposé le bilan. Les Japonais de Yamaha sont arrivés. Motobécane est racheté par MBK. Et la marque a fini par trouver son salut dans le scooter, en même temps qu'elle achevait de reléguer la bleue au rang de vieillerie. En 2001, MBK n'a sorti que 10 000 Mobylette, dont à peine 1 000 bleues. «Seuls les vieux qui ont toujours roulé avec, ou les paysans, en achètent», affirme un client qui converse avec Jeanine. De fait, «c'est dans les régions rurales, comme le Cantal, que les chiffres se sont maintenus», témoigne Pedro Alvarez, qui ajoute aussitôt que le marché africain a longtemps joué les soins palliatifs, retardant la fin de la vieille mécanique.
Car la bleue est à la Mobylette ce que la Peugeot 505 break est à la voiture. Portées par une réputation de mécanique increvable, toutes deux ont emprunté cette passerelle au-dessus de la Méditerranée, tissée d'histoire coloniale, pour aller vivre une seconde vie au Maghreb ou en Afrique noire. Ces dernières années, il se vendait, entre le Burkina Faso, le Mali, la Tunisie et le Maroc (ces deux derniers pays fabriquant encore la bleue), dix fois plus d'engins qu'en France. Il fut un temps ou certains concessionnaires français de Motobécane, soucieux de faciliter ces exportations vers les anciennes colonies, travaillaient directement avec les Douanes. «On aurait pu nous aussi travailler directement à l'export, mais ça nous aurait demandé de faire beaucoup de démarches», dit aujourd'hui Jeanine. Et de toute manière, malgré cela, «les dernières bleues qu'on a vendues, elles sont parties directement là-bas. Pour les familles restées au pays ou les neveux».
Dernier voyage pour l'Afrique
La toute dernière bleue présente dans le magasin Pierrard remisée dans un box à l'arrière , «elle partira au Mali». Du moins «quand l'autre moitié aura été payée», précise Jeannot, sortant la fameuse bleue flambante d'une gangue de papier bulle pour exhiber une dernière fois les contours bombés de la machine. Après, c'en sera fini. Jeannot, finalement, s'en fiche pas mal, à en juger par la facilité avec laquelle il oublie le sujet pour verser dans des complaintes plus générales sur les jeunes qui volent les deux-roues ou sur «le boulot qui fout le camp». En fait, ce qui les agace par avance, Jeanine et Jeannot, «c'est qu'on va [leur] refaire à propos de la bleue le coup du Solex». Les Solex, avant que ça s'arrête, plus personne n'en achetait. «J'ai bien dû mettre deux ans à vendre le dernier que j'avais en magasin», maugrée Jeannot. «Et quand ça s'est arrêté, poursuit Jeanine, les gens sont venus nous voir pour nous dire, le Solex, on aimait bien.» La nostalgie de la vieille mécanique, ça ne nourrit pas son homme. Et s'il avait vingt ans de moins, Jeannot, il ferait «du commerce électronique».
(1) Sur ce sujet, lire le très documenté Motobécane, de la Mobylette au Booster, de Didier Ganneau, éditions Etai.
Les noms des victimes et leurs âges ont été égrenés. Ils ont été accrochés sur un panneau en forme de cœur.
J’ai écouté.
Avant, Michèle Laroque, Michel Boujenah, Patrick Timsit, Line Renaud, Patrick Chesnais, Michel Legrand, Elsa Zylberstein, François Berléand, ont lu le texte écrit par l'écrivain niçois Jean-Marie Gustave Le Clezio, prix Nobel de littérature. Un hommage composé au lendemain de l'attentat du 14 juillet.
Le Clézio - À Nice, avec douleur et colère
Enfant de Nice, le Prix Nobel de littérature rendait, dans "Le Point", hommage à sa ville au lendemain de l'attentat du 14 juillet. Un texte lu ce vendredi.
Je suis né à Nice, j'y ai grandi. Il n'y a probablement aucun endroit au monde que je connaisse mieux. Chaque rue, chaque quartier de cette ville, chaque coin et recoin. Je sais où cela se trouve, j'y suis allé un jour ou l'autre, j'en connais le détail, le petit rien qui fait que c'est cela et rien d'autre. La promenade des Anglais, ça n'a pas été mon endroit préféré. Je ne suis pas de ce quartier, trop beau, trop luxueux à mon goût. Je suis du port. J'ai aimé les bateaux - dans mon enfance, les pointus des pêcheurs, les vieux cargos rouillés qui trafiquaient le vin rouge et le liège sanglant venu de l'autre côté de la Méditerranée, et bien sûr les ferrys de la Corse qui, outre les touristes et leurs autos, transportaient des vaches et des chevaux. La Prom' - comme on l'appelle à Nice avec affectation et affection -, c'est plutôt la plage, les filles qui déambulent deux par deux en minishort, les garçons en espadrilles, les pédalos, les buvettes avec leurs tables de ping-pong en sous-sol. Quand j'avais 17 ans, on y allait, mais comme ça, sans plus, sans y croire vraiment, pour jouer au touriste.
La Prom' avait une histoire, pourtant. Celle de ces fameux Anglais qui, au milieu du XIXe siècle, avaient été émus par la misère des Niçois - au temps du duché de Savoie - et avaient voulu leur venir en aide en échangeant chaque jour un panier de pain contre un panier de cailloux. Un miracle à l'anglaise, afin de ne pas ajouter à la charité l'humiliation. Les cailloux, ils avaient servi à la construction d'un chemin le long de la mer, la Promenade des Anglais.
L'identité de la Prom'
À Nice, après cela, devant la mer, il s'est passé des choses cruelles. Avant la Première Guerre mondiale, une jeune fille émigrée de Russie a vécu là ses premières émotions de la vie adulte, elle a rêvé de devenir peintre et écrivain, de vivre une vie exaltée, libre et lumineuse, et c'est là qu'elle est morte de la tuberculose à 23 ans. Elle s'appelait Marie Bashkirtseff. Sur la promenade, il y a toujours une stèle à l'ombre d'un pin, pour rappeler qu'elle venait y lire ou rêver devant la mer. À peu près à la même époque, Paul Valéry est venu habiter Nice, et Modigliani s'est promené sur la belle avenue libre de voitures - mais ils n'ont pas vu la petite Marie. Un peu plus loin, en allant vers l'est, une amie de ma grand-mère, ouvrière monteuse chez Charles Pathé, a habité dans une de ces petites maisons construites dans le rempart, que le producteur avait louées pour son équipe à l'époque où il pensait faire de cet endroit la nouvelle Santa Monica de Californie. L'amie de ma grand-mère se prénommait Gabrielle, chaque matin elle sortait de sa petite chambre pour aller piquer une tête dans la mer froide, sous le regard des mouettes. C'était l'époque où les grands acteurs américains venaient à Nice, l'époque de Rudolph Valentino et d'Isadora Duncan.
La Prom', quand j'ai commencé à y aller, n'était plus fréquentée par ces remarquables excentriques, et par beaucoup moins de millionnaires. Elle était plutôt le rendez-vous des retraites confortables qui se chauffaient aux reflets du soleil sur les balcons des immeubles modernes, en attendant la bataille de fleurs ou le défilé du carnaval. Certains jours, c'était la promenade des tempêtes, la mer démontée jetait des pierres sur les vitrines des cafés et sur la façade du Palais de la Méditerranée. Certains soirs d'été, un dissident nommé Fontan dissertait sur les nouvelles limites du monde selon les langues, et dessinait sur une carte du monde. Quand il devenait gênant, la police l'expulsait de l'autre côté de la frontière, mais il revenait toujours. Tout cela est ancien, mais c'est resté pour moi l'identité de cette partie de la ville, entre exotisme et naïveté, adolescence insolente et maturité résignée.
En tuant ces innocents l'assassin a détruit, a sabré et meurtri ce qui nous attache : la vie ordinaire avec ses menus plaisirs.
Ce qui arrive à Nice, ce crime monstrueux, indescriptible, qui a frappé ce lieu et qui a tué tant de promeneurs innocents, de familles avec leurs enfants, un jour de fête, me touche doublement, parce que j'y suis allé souvent, autrefois, portant mes filles sur mes épaules pour qu'elles puissent voir le feu d'artifice sans être bousculées par la foule - et aussi, et surtout, parce qu'en tuant ces innocents l'assassin a détruit, a sabré et meurtri ce qui nous attache : la vie, non pas la pavane de luxe et de vanité telle qu'un esprit confus peut l'imaginer, mais la vie ordinaire, avec ses menus plaisirs, ses fêtes patronales, ses historiettes amoureuses sur la plage de galets, ses jeux d'enfants aux cris stridents, ses baladeurs à rollers ou ses petits vieux somnolant sur leurs chaises longues, ses autostoppeuses ébouriffées ou ses photographes de couchers de soleil. La tragédie entre ici, aveuglément, elle broie les corps et les rêves, elle tue les enfants qui ont encore dans les yeux les gerbes d'étincelles du bouquet final dans les nuages roses.
Que soit maudit l'assassin qui a ouvert cette blessure dans cette ville. Qu'a-t-il pensé, qu'a-t-il voulu au moment où son camion s'est lancé dans la foule, a broyé le corps des enfants dans les bras de leurs parents, qu'a-t-il entendu dans leurs cris avant le silence de la fin ? Que périsse le monde puisqu'il ne voulait plus y vivre, c'est ce qu'il a voulu. C'est ce que nous devons refuser. Cela sera difficile, peut-être impossible. Comment pouvons-nous écarter le voile du néant pour tenter de retrouver la vie ? Comment pourrai-je revoir le pin de Marie, le petit matin bleu de Gabrielle, comment refermer les bords de cette plaie ? La mémoire des innocents fauchés sur la Prom' ce soir du 14 juillet 2016 nous aidera peut-être, alors pour y croire nous devrons imaginer, comme les Japonais, leurs âmes flottant pour toujours dans le ciel au-dessus de la mer comme un vol de merveilleux papillons.
Je suis levé ce samedi et j’écoute sur France Inter la revue de presse d’Hélène Jouan
On commence par une île, hantée par ses fantômes
«La Corse est hantée par ses fantômes », l’article fait la Une de M, le magazine du Monde. Antoine Albertini, journaliste à Corse Matin et correspondant du Monde raconte ce qui fait la singularité de son île, plus de 700 personnes assassinées depuis 1988, la violence qui fait partie de la culture commune. Mais plus intéressant encore comment lui, corse, et journaliste en Corse est imprégné de cette violence qu’il n’arrive pas à renier totalement.
Ça commence par une balade dans les rues et ruelles de Bastia. N’importe quel itinéraire mène sur les traces invisibles de ces spectres, Multeddo, Montigny, Baldi, Lucciani foudroyés par une balle, abattus d’une rafale. Depuis son ordination il y a 20 ans, un diacre à Bastia a assisté à plus de 200 enterrements de victimes d’assassinats. Quand on l’appelle en pleine nuit, il sait, et se dit « on l’a tué ».
« On » est incontestablement le meurtrier le plus doué de l’ile écrit le journaliste, car ce pronom indéfini se transforme rarement en une identité bien établie. Ce qui ne fait qu’alimenter explique-t-il la défiance de la population envers des institutions, police et justice, incapables de suturer les plaies de la société insulaire. Se perpétue ainsi le cycle de la vengeance privée, tuer pour réparer, spirale infernale.
Le journaliste pointe la responsabilité de l’Etat qui pendant des décennies a consacré beaucoup de ses ses moyens à la lutte anti-terroriste, ouvrant un boulevard au crime organisé ; les habitudes du milieu ont imprégné en profondeur le corps social, imposant une vision cyclique et brutale de recours à la violence, désormais considérée comme un mode de régulation des conflits parfaitement acceptable. Chaque Corse connait une victime d’assassinat, chaque intérieur corse est hanté par des portraits jaunis, la mort violente nous environne dit Albertini.
Pour autant, la violence fait-elle partie intégrante de la culture corse s’interroge-t-il ? L’opinion dominante dans l’île, si prompte à se sentir stigmatisée, refuse, dit il d’admettre l’évidence. Albertini, alors, se raconte. Ses tout jeunes enfants, qui comme tous ont intériorisé la banalisation de la violence, lui-même qui reconnait être de cette génération grandie non seulement dans une atmosphère de violence éruptive, mais aussi dans le culte de son absolue nécessité. En dépit de l’horreur qu’elle m’inspire ose-t-il écrire, je considère que la violence peut être libératrice, que son apprentissage précoce permet d’en éprouver les limites. Je mesure ce que mon propos peut avoir de choquant.
Alors les générations futures trouveront elles la force de rompre avec de tels comportements se demande-t-il. Albertini est plutôt pessimiste, face à une jeunesse confrontée à d’autres formes d’agressions, comme le choc du déclassement et l’insécurité sociale. Récit courageux, gênant voire choquant, d’un corse face à ses fantômes. »
L’exception culturelle corse
Fait-elle pour autant partie intégrante de la “culture corse” ? L’opinion dominante dans l’île, si prompte à se sentir stigmatisée – parfois à juste titre – refuse sur ce point d’admettre l’évidence. Manuel Valls, alors ministre de l’intérieur, en a fait les frais le 6 mai 2013 en répondant sur les ondes de France Inter à une question posée par une auditrice à propos de la Corse : « C’est la région de France où il y a le plus d’assassinats et de violence et vous voudriez que le ministre de l’intérieur nie cette réalité enracinée dans la culture corse ? » « Scandale », « population montrée du doigt » : tout ce que l’île compte de professionnels de l’indignation sélective, personnel politique en tête, s’est aussitôt enflammé.
« Si les tueurs occupent une place dans la société corse, c’est que la société corse leur en a laissé une. » Le diacre Pierre-Jean Franceschi
Mais au-delà de ces réactions épidermiques, comment expliquer autrement que par la permanence de certains traits culturels l’effroyable vertige né de la statistique ? Ceux qui refusent de regarder cette réalité en face ont-ils conscience de l’impasse où les conduit ce déni ? Affirmer que cette pratique de la violence ne relève pas de l’acquis revient à prétendre qu’elle procéderait de l’inné, de l’existence d’un « gène du crime » corse – une absurdité sans nom.
Le diacre Pierre-Jean Franceschi a sa petite idée sur le sujet, formulée entre deux poignées de main aux passants qui demandent quand il « montera » dire la messe au village : « Si les tueurs occupent une place dans la société corse, avance-t-il, c’est que la société corse leur en a laissé une. »
Cette banalisation intériorisée de la violence s’est imposée à moi à l’occasion d’un épisode anodin du quotidien. Mes fils étaient alors âgés de 8 et 10 ans. Nous dînions tous trois lorsque mon téléphone portable s’est mis à sonner. « Qui est-ce ? » a demandé l’aîné. Sans lever les yeux de son steak haché, le cadet a répondu avec un naturel glaçant : « À cette heure-ci, c’est la rédaction. Un type a dû se faire fumer. » Puis il a continué à mâcher comme s’il venait d’énoncer une sorte d’évidence – ce qui était le cas, d’une certaine façon.
Le culte de la nécessité de la violence
Depuis ce repas, il m’est impossible de couvrir un homicide sans m’interroger sur les limites de l’exercice et celles de mes propres certitudes. Ai-je suffisamment préservé mes enfants ? En leur répétant de ne jamais se laisser marcher sur les pieds, n’ai-je pas imprimé dans leur esprit la légitimité du recours systématique à la force ?
J’ai 42 ans. Comme celles qui l’ont précédée, ma génération a grandi non seulement dans une atmosphère de violence éruptive, mais dans le culte de son absolue nécessité, une attitude que l’écrivain Marcu Biancarelli résume d’une formule lapidaire : « Le concours de bites permanent. » Au début des années 2000, avant de rejoindre l’écurie corse des éditions Actes Sud au côté de son ami Jérôme Ferrari, ce professeur de langue corse installé dans la région de Porto-Vecchio a publié chez Albiana, un éditeur insulaire, plusieurs recueils de nouvelles qui ont dynamité une production littéraire locale ronronnante, ancrée dans la mythification d’une Corse qui n’a jamais existé que dans nos propres fantasmes.
« Une société pourrie par l’envie, le fric, la violence des rapports sociaux et la recherche perpétuelle de passe-droits. » Marcu Biancarelli, écrivain
Filles légères et toxicos, voyous à l’homosexualité rentrée, racistes décomplexés, élus véreux, nationalistes veules, pinzuti (« Continentaux ») méprisants et stupides : les figures héroïques du temps jadis, les femmes vertueuses, les bandits « d’honneur » se retrouvaient subitement remplacés par les rejetons déphasés d’une société passée, en l’espace de quarante ans, d’un mode de vie traditionnel au postmodernisme le plus déprimant, à une consommation débridée, projetée dans une ère de désordres affectifs, de précarité économique et culturelle.
« Une société pourrie par l’envie, le fric, la violence des rapports sociaux et la recherche perpétuelle de passe-droits, explique Biancarelli d’une voix éraillée de fumeur impénitent. Une société, surtout, où le rapport de force est quotidien parce que la virilité exacerbée interdit de perdre la face, quoi qu’il en coûte. »
Libératrice, la violence ?
Bien entendu, la Corse n’est pas que ça, mais elle est aussi ça et, si le propos peut être choquant, je me reconnais en partie dans cette critique sans concession. En dépit de l’horreur qu’elle peut m’inspirer, je considère que la violence peut être libératrice, que son apprentissage précoce permet d’en éprouver les limites, de mieux se défendre, de mieux protéger les autres. Que refuser d’y avoir recours par principe revient à prendre le risque de se transformer un jour en victime.
Débarqué à Paris à l’âge de 17 ans pour y faire mes études, j’ai ressenti mon premier choc culturel – en dehors du fait que chacun y payait son propre café, une habitude inconnue en Corse où nous nous invitons à tour de rôle ! – en constatant que la violence y était perçue comme un Mal souverain, la manifestation d’une forme de barbarie primitive.
J’ai aussi pu constater – au cours des deux seules agressions physiques subies en dix années de vie parisienne – comment ceux qui ont l’habitude d’imposer leur loi sans craindre la réplique se montrent lâches lorsqu’ils reçoivent le premier coup, de quelle manière se dégonfle leur superbe et, finalement, comment leur petit commerce d’emprise mentale s’effondre sur lui-même lorsqu’ils sentent la première goutte de leur sang sur la pointe de leur langue.
J’aime la belle et rude franchise de Marc Biancarelli, l’auteur de Murtoriu, écrit en 2012 en langue corse, traduit et édité chez Actes Sud dans la catégorie « étranger».
Pour lui, écrire en corse n’est pas un acte « militant » car « la posture identitaire est un regard sur un moment précis, un instant. Mais elle ne dit rien de la culture dans son ensemble ou de la qualité littéraire d’une œuvre. »
« … sur la longue durée, l’acte militant ne construit rien, à moins d’être un ayatollah!»
Regard acéré sur son pays dont il dénonce les travers mais qu’il défend également sans aucune concession, ajoutant parfois naïvement « Que les choses soient claires, je peux me permettre, moi, de dire du mal de mon pays, mais moi seul. »
« L’île serait-elle à l’avant-garde du pire ? »
« La Corse a un problème avec le racisme et la xénophobie, il n’y a rien de neuf. On ne peut pas faire comme si l’on découvrait cela »
« La Corse est une société violente » ou « le vivre ensemble relève actuellement du vœu pieu. »
Corse : les villas de Pierre Ferracci, proche d’Emmanuel Macron, échappent à la démolition
LE MONDE | 06.07.2017 par Isabelle Rey-Lefebvre
La cour d’appel de Bastia a tranché, mercredi 5 juillet : Pierre Ferracci, propriétaire de deux villas en cours de construction, avec vue sur les eaux turquoises de la baie de Rondinara, en Corse-du-Sud, ne devra pas les démolir. Sa société civile immobilière Sponsaglia est bien, elle, déclarée coupable d’avoir exécuté des travaux non autorisés et d’infractions au plan local d’urbanisme. Elle devra payer l’amende d’un million d’euros, ce qui confirme en tout point le jugement du tribunal correctionnel d’Ajaccio du 8 février 2016.
« C’est vrai que ces maisons sont belles mais situées dans un site sauvage, vierge de construction, un espace protégé proche du rivage donc totalement inconstructible. La forêt méditerranéenne est désormais saignée de pistes pour accéder au chantier. Un parking, un réseau électrique, une adduction d’eau, une piscine… Tant pis pour la biodiversité ! », proteste un porte-parole de U Levante, association corse de protection de l’environnement.
« Nous envisageons un pourvoi en cassation car, selon nous, le préjudice que constitue l’atteinte à l’environnement doit être intégralement réparé, ce que seules la démolition et la remise en état permettent », insiste Benoist Busson, avocat de U Levante et de l’Association bonifacienne comprendre et défendre l’environnement (ABCDE), parties civiles à l’origine de cette procédure.
« Bien que l’amende soit très élevée, cette décision est raisonnable et équilibrée », estime de son côté Olivier Burtez-Doucède, l’avocat de M. Ferracci.
Permis de construire refusé
P-DG du Groupe Alpha de conseil aux comités d’entreprises et président du Paris Football Club, M. Ferracci, qui se dit homme de gauche, est un proche du nouveau président de la République, qu’il conseille sur les questions sociales. Son fils, Marc Ferracci, est un des meilleurs amis de M. Macron : ils ont préparé l’ENA ensemble et ont été témoins à leurs mariages respectifs, en 2005 et 2007. Sophie Ferracci, épouse de Marc Ferracci, a été chef de cabinet du candidat Macron et dirige aujourd’hui celui de la ministre de la santé, Agnès Buzyn. « La famille Ferracci, originaire de Suartone, près du chantier litigieux, est très respectée dans la région : le grand-père, Albert Ferracci, est une figure de la Résistance rappelle un membre de l’association partie civile.
Construire sa maison dans la baie de Rondinara est donc, selon Pierre Ferracci, cité par Corse Net Infos du 8 février 2016, « la réalisation d’un rêve d’enfance sur un terrain que je parcours depuis mon plus jeune âge et où j’allais à la pêche ». L’affaire est d’ailleurs ancienne, puisque c’est en 1990 qu’il achète ce bout de maquis au prix de 2,50 euros le mètre carré.
En 1996, il dépose une demande de permis de construire pour créer un hameau de huit maisons, ce qui lui permet de bénéficier d’une exception à la loi littoral. Le maire (PS) de Bonifacio, Jean-Charles Orsucci, lui aussi proche de M. Macron – et candidat malheureux de La République en marche aux législatives – le lui refuse, mais… hors délai ! Une faille dans laquelle s’engouffre M. Ferracci, qui va contester jusque devant la cour administrative d’appel ce refus trop tardif et obtient, de ce fait, le 12 janvier 2006, un permis tacite.
Des villas valant de 5 à 10 millions d’euros chacune
« Il n’aurait jamais dû l’obtenir, constate Me Busson. Le préfet de l’époque était d’ailleurs contre, mais la technique du permis refusé hors délai et devenant tacite est, en Corse, un procédé fréquent. » Il a aussi l’avantage de la discrétion vis-à-vis des défenseurs de l’environnement, puisqu’il n’est pas affiché en mairie et échappe à leur vigilance.
L’erreur de Pierre Ferracci est de ne pas avoir construit ce à quoi il était autorisé : il s’est contenté de deux maisons au lieu de cinq, implantées à 150 mètres du site initial, et donc construites sans aucune autorisation. « Le projet est moins ample, plus respectueux des lieux, et les juges en ont tenu compte », se félicite Me Burtez-Doucède, soutenu par le maire de Bonifacio qui lui a adressé une lettre dans laquelle il insiste sur « ces constructions partiellement masquées par la végétation, plus discrètes, mieux intégrées au paysage naturel, moins visibles depuis le rivage ».
Les deux villas valent aujourd’hui entre 5 et 10 millions d’euros chacune.
Mélenchon fait comme si ses électeurs insoumis marchaient du même pas que lui, il oublie que son capital de 7 millions de voix à la présidentielle a fondu comme neige au soleil et que son fameux groupe parlementaire n’est qu’un ramassis d’élus de ce qui restait encore de la ceinture rouge du PCF, déjà pillée par le PS, la Seine-Saint-Denis. Des miettes, un taux d’abstention record, des élus aussi mal élus que ceux du Président Jupitérien. Mélenchon a toujours eu le melon, grisé par son premier succès à une élection sur nom, à 65 ans si tu n’es pas député tu as raté ta vie, le voilà qui pontifie, court après le très médiatique Ruffin, flanqué de ses grognards : le mari de Garrido, ce pauvre Corbières qui va pouvoir payer un loyer décent, la sémillante Clémentine Autain qui prend bien la lumière et qui risque de lui faire de l’ombre, si son mouvement ne l’a pas porté jusqu’à l’Olympe c’est la faute des autres qui ne se sont pas pliés à ses exigences.
Dans Le Journal du jour, le leader maximo de La France insoumise a accusé les autres partis de gauche, du Parti communiste français (PCF) au Parti socialiste (PS) en passant par Europe Ecologie-Les Verts (EELV), d’avoir été complices pour «bloquer la percée» de son mouvement.
« Ne focalisons pas sur l’ambiance de décomposition de la vieille gauche ! Les spasmes d’agonie du PS, du PCF, d’EELV, leur échec électoral terrible et celui de leur complicité pour bloquer la percée de La France insoumise, leurs congrès respectifs, la réunion de Hamon : ce ne sont que des entre-soi juxtaposés. Laissons décanter. La vie est ailleurs »
« L’opposition sera globale et frontale. Mais surtout, nous serons une opposition qui argumente et propose afin de convaincre »
En bon langage trotskyste, le pouvoir sera dans la rue et non dans les travées du Palais Bourbon.
Il va nous falloir potasser les classiques : la révolution permanente du Léon pour Mélenchon et le Prince de Machiavel pour Macron.
Boris Souvarine résume bien le corpus de la philosophie de tous ceux qui dans leur jeunesse ont, pour combattre l’hégémonie des Partis communistes orthodoxes, fait de Trotsky l’icône d’un marxisme-léninisme pur et dur.
« Trotski a contribué à forger avec Lénine le mythe néfaste de la “dictature du prolétariat” et le dogme funeste de l'infaillibilité du Parti, au mépris des idées réelles de Marx invoquées à tort et à travers. Tous deux, ivres de leurs certitudes doctrinales, juchés au sommet de la pyramide bureaucratico-soviétique, ont méconnu ce qui s'élaborait aux niveaux inférieurs, faisant preuve d'une inconscience qui a livré à Staline tous les leviers de commande. »
Du côté de Macron, François Bazin, écrit :
Le Prince à l’Elysée
Lorsqu’il était simple ministre, Emmanuel Macron considérait qu’il n’était pas «l’obligé» de celui qui l’avait nommé à son poste – le président de la République, en l’occurrence. Il revendiquait une liberté d’action et surtout de parole dans une fréquentation assidue de la gente journalistique. Pour être performant, il s’était entouré d’un cabinet de fidèles dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’était pas resserré. Il estimait enfin qu’une bonne loi devait être le fruit d’un débat parlementaire ouvert à la contestation et donc à l’amendement. L’usage de moyens coercitifs – le 49.3, au premier chef – lui semblait être sinon une faute, du moins le signe d’un échec dans l’exercice de conviction dont il se prétendait le champion.
Lorsqu’il était candidat à la présidentielle, Emmanuel Macron voulait casser les codes d’une politique marchant au pas de l’oie. Il refusait par principe le style binaire. Il se voulait attentif à ce qu’il y a de meilleur tant à gauche qu’à droite. Son fameux «mais en même temps» était l’expression achevée d’un discours balancé, nuancé, rétif aux arguments d’autorité chers aux représentants d’un vieux monde qu’il s’agissait d’envoyer à la casse. La démocratie avec lui, c’était l’ouverture, le renouvellement des hommes et des idées, bref un souffle d’air frais dans un système perclus de rhumatismes au terme d’un quinquennat hollandais sans saveur ni audace.
Depuis qu’il a été élu Président, Emmanuel Macron se dit «jupitérien». L’Élysée est devenu un Olympe d’où tombe la foudre à jets continus. La verticalité du pouvoir est remise à l’honneur. Le Premier ministre n’était pas encore nommé qu’on tentait déjà en haut lieu de le traiter en simple collaborateur en lui imposant un directeur de cabinet choisi par le Palais. Dès la formation du gouvernement, les ministres ont été sèchement avertis que le temps des «bavardages» était désormais révolu et qu’ils allaient devoir se contenter de cabinets amaigris à l’extrême alors que, face à eux, la haute administration serait soumise à la loi des dépouilles. Les futurs députés d’En Marche ont été rappelés à leur devoir de «loyauté» à l’égard de celui sans lequel ils ne seraient rien. Le porte-parole du gouvernement a pu tranquillement déclarer à propos de la loi Travail, votée demain par ordonnances, qu’un débat «trop long» serait contraire à la démocratie et que des amendements trop nombreux ne seraient ni plus ni moins que du «tatillonnage». C’est le même enfin qui, en plein cœur de l’affaire Ferrand, a été chargé de resservir à la presse l’éternel distinguo entre l’enquête et le jugement.
Macron ministre, Macron candidat et Macron président, ça n’est visiblement pas la même chose. La ligne politique reste celle d’un social-libéralisme revendiqué et assumé sans complexe. Mais le style de gouvernance diffère du tout au tout. Simple effet d’un opportunisme porté jusqu’à un point inégalé d’incandescence par un homme animé par un pur esprit de conquête ? On peut le dire aussi autrement. Pour Emmanuel Macron, la politique est d’abord et avant tout une technique. La prise du pouvoir répond à ses yeux à d’autres règles que son exercice et sa conservation. Autre situation, autre comportement. Aux sources intellectuelles du macronisme, on cite souvent Paul Ricœur. On ferait mieux de convoquer le Prince de Machiavel.
C’est en cela qu’Emmanuel Macron est vraiment l’anti-Hollande. En arrivant en pouvoir, ce dernier imaginait que sa gloire et son honneur serait de rester le même qu’auparavant. Il ne voulait pas changer. Il pensait que l’habileté suprême serait de demeurer normal, donc normalement habile comme lorsqu’il naviguait dans les courants du PS. L’opinion, dans cet exercice immuable, n’était pour lui en rien un point d’appui. Son objectif était d’abord de la contourner avant de la désamorcer. Il y avait chez lui une forme de libéralisme frisant l’indifférence et, au final, l’inconscience. Emmanuel Macron est un stratège d’un tout autre tonneau. Toute son action depuis le 7 mai dernier consiste à démontrer, par le verbe et le geste, qu’accéder à la présidence, ça n’est pas pareil que s’installer durablement dans ce rôle. Emmanuel Macron, à l’Élysée, met donc en scène une rupture qui est d’abord avec lui-même. Il tourne la page. La seule justification qu’il suggère à cela est qu’à partir du moment où s’ouvre un nouveau livre, il n’est pas nécessaire que le héros répète à l’identique ce qui fit son succès. Le conquérant d’hier était le renard et la ruse. Le monarque d’aujourd’hui est le lion et la force. Machiavel, encore.
Concrètement, cela signifie que l’urgence pour Emmanuel Macron n’est plus à la contestation de l’ancien système mais à la reconstruction d’un autre dans lequel sa place sera désormais centrale. Cet ordre nouveau suppose de l’autorité, des rênes courts et donc une manière d’hyper-présidentialité. Nicolas Sarkozy, par tempérament, en avait rêvé en son temps sans voir que cet exercice supposait non pas d’autres pratiques mais d’autres structures dans l’organisation du pouvoir élyséen. Ce que veut mettre en place Emmanuel Macron n’est rien de moins qu’un système verrouillé à l’extrême capable de résister aux aléas lorsqu’il faudra qu’à l’amour nécessairement volage car née de la séduction succède la crainte, fruit de la force qui, elle, n’est pas éphémère. Machiavel, toujours.
Pour réussir cette transmutation, il était indispensable qu’au sommet de la pyramide, il y ait un Président qui, dans sa réputation, ne soit pas contesté. Emmanuel Macron, en moins d’un mois, s’est fait ce qui avait manqué à son prédécesseur, durant les cinq ans de son règne, sauf par intermittence : une tête de chef d’Etat. Derrière ce travail d’image réalisé avec brio sur le terrain essentiellement régalien, on n’a pas suffisamment remarqué combien la République macronienne était en train de révolutionner l’organisation du pouvoir sans attendre que les élections législatives ne lui donnent la majorité attendue. C’est dans le resserrement minutieux du moindre de ses leviers qu’elle se prépare pour la suite. Face un pays qui reste travaillé par le doute, elle met en place un système potentiellement autoritaire, comme l’ont d’ailleurs toujours été ceux que l’on dit bonapartistes et qui, en l’espèce, portent l’intelligence et la vertu en sautoir.
Afin de durer, puisque telle est l’ambition principale – Machiavel à nouveau –, ces systèmes-là ne recherchent pas des amortisseurs mais des accélérateurs de puissance. Ils n’aspirent pas au dialogue et à l’éparpillement des forces mais à leur concentration à des fins supposées d’efficacité. Comme c’est précisément sur ce terrain qu’ils ont été choisis et qu’ils seront demain jugés, rien ne vient jamais les retenir sur ce chemin risqué qui, soit dit en passant, ne ressemble guère à celui qu’avait imaginé François Bayrou lorsqu’il se faisait le promoteur des nouvelles cultures de coalition. Le macronisme, en politique, est a-libéral. Le constater n’est pas lui faire un procès d’intention. C’est constater sa pente, qui vient de loin. C’est dire, preuves à l’appui, sa chance et ses risques à la fois.
Emmanuel Macron s'adressera lundi au Congrès, à Versailles, pour tracer les lignes de force de son quinquennat
A 15H00, le chef de l'Etat rejoindra l'Aile du Midi du château de Versailles pour s'adresser solennellement aux deux chambres du Parlement réunies et, à travers elles, aux Français.
Une sorte de discours sur l'état de l'Union comme celui prononcé chaque année par le président américain, a expliqué le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner. Au président, « les grandes orientations », au Premier ministre, leur « mise en œuvre »
Mais ce partage des rôles n'est pas du goût de tous parmi les 577 députés et 348 sénateurs conviés à Versailles. Quelques-uns manqueront à l'appel, à commencer par les députés du groupe La France insoumise ainsi que l'ensemble des parlementaires communistes.
« Nous nous rebellons », a tonné Mélenchon, dénonçant, tout comme ses anciens alliés communistes, un « franchissement de seuil dans la dimension pharaonique de la monarchie présidentielle ».
Pour le conducator, Emmanuel Macron ravale son Premier ministre au rang de « collaborateur » en le devançant de 24 heures, les parlementaires communistes dénonçant aussi un passage en force de la réforme du Code du travail à coups d'ordonnances.
Deux députés UDI, Jean-Christophe Lagarde et Philippe Vigier, avaient pris les devants. « Il faut que le président de la République préside, plutôt qu'il ne passe son temps à faire à la fois le travail de président de la République et de Premier ministre », avait critiqué le premier.
Avant la réforme constitutionnelle de 2008, a cependant rappelé Christophe Castaner, il était "d'usage" que le "président s'adresse à sa majorité" par un message lu par le Premier ministre devant le nouveau Parlement.
- Tracer le "chemin" -
« François Mitterrand l'avait fait dès juillet 1981, le général de Gaulle, Jacques Chirac, Georges Pompidou, tous l'ont fait, sauf François Hollande et Nicolas Sarkozy. C'est aussi ça le message : (montrer) sur quelles traces, vers quel chemin nous allons travailler ensemble", a-t-il fait valoir.
En déplacement en Estonie mercredi, Edouard Philippe a évacué la polémique. « Je pense que, comme toujours, il y aura deux expressions à la fois parfaitement en ligne et en même temps complémentaires », a-t-il dit.
Quoi qu'il en soit, ce discours sera d'autant plus attendu que la parole du chef de l'Etat, abondante sur la scène internationale, s'est faite particulièrement rare sur la scène intérieure depuis son investiture, le 14 mai.
Emmanuel Macron a de surcroît fait savoir qu'il n'accorderait pas d'interview à l'occasion du 14 Juillet, rompant avec une tradition de 40 ans initiée par Valéry Giscard d'Estaing.
Sur le fond, son adresse qui devrait longuement évoquer la réforme du marché du travail pourrait ainsi prendre une dimension similaire à celle, restée célèbre, de Gerhard Schröder, le 14 mars 2003. Annonçant l'"Agenda 2010", le chancelier allemand de l'époque avait promis du sang et des larmes à ses compatriotes mais pavé le chemin du retour au plein emploi outre-Rhin.
Le discours d'Emmanuel Macron pourrait faire écho aussi au "Jobs act" de l'Italien Matteo Renzi ou aux réformes libérales engagées par David Cameron en Grande-Bretagne.
Mardi, ce sera donc au tour d'Edouard Philippe de détailler la feuille de route gouvernementale devant l'Assemblée.
Puis le Parlement entamera ses travaux avec le projet de loi prolongeant le régime d'état d'urgence décrété après les attentats jihadistes du 13 novembre 2015.
L'état d'urgence doit être renouvelé une sixième et dernière fois, jusqu'au 1er novembre, avant qu'une nouvelle loi antiterroriste n'en pérennise certaines mesures en les inscrivant dans le droit commun.
Et à droite, rien de nouveau :
Laurent Wauquiez et la Région Auvergne-Rhône-Alpes : le chaos
La Région Auvergne-Rhône-Alpes traverse une tempête violente. Jamais depuis 1998 et le tristement célèbre rapprochement entre Charles Millon et le Front national, la collectivité (8 800 agents et 3,685 milliards d’euros de budget) n’avait connu pareille tornade. Élus de la majorité et de l’opposition, membres de l’exécutif, salariés, représentants du personnel, interlocuteurs extérieurs, spécialistes en stratégie territoriale, dirigeants consulaires, syndicaux et patronaux, conseillers du Ceser, élus de la Métropole de Lyon… dressent un état des lieux social, humain, organisationnel inquiétant. Même funeste. Avec pour point de cristallisation la personnalité, le comportement et les méthodes de son président Laurent Wauquiez. La collectivité apparaît proche de la rupture. Premier volet de l'enquête. Jeudi 29 juin : "Malaise et souffrances" au sein de l'exécutif, portrait et interview du 1er vice-président Etienne Blanc. Vendredi 30 juin : L'impatience et les craintes du milieu économique.
Dieu que c’est élégant me direz-vous mais, entre nous soit dit, la vulgarité se niche bien plus dans les façons d’être que dans les mots, surtout dans les mots du populo.
Qui peut contester que notre nouveau Président n’ait pas de bol, du pot, de la veine, du cul pour revenir au langage populaire, mais que viennent faire les nouilles dans cette expression appliquée à une personne bénéficiant d’une chance insolente ?
La nouille, en argot, c’est l’attribut viril des mâles, et dans l’argot des prisons, un détenu qui a le cul bordé de nouilles est celui qui a le plus d’avantage.
Dans notre belle langue faubourienne, les expressions désignant les chanceux et chanceuses sont légion... et généralement toutes situées au-dessous de la ceinture avoir de la chatte, avoir de la moule, avoir une veine de cocu ou une veine de pendu, en l'occurrence, ce n'est pas le pendu qui a de la chance, mais la corde avec laquelle il a été pendu qui serait un porte-bonheur, selon une croyance populaire.
Ça énerve notre leader maximo, lui qui rame depuis des décennies pour atteindre les sommets, lui qui a dû passer des années dans le mouroir du Sénat, subir l’horreur de la bannière étoilée au Parlement Européen, lui qui n’a pu accrocher à son CV qu’un minable maroquin de secrétaire d’État, lui qui a échoué à la pire des place : la quatrième, lui qui va passer le cap des 65 balais alors que le Macron va sauter la quarantaine à cloche-pied.
L’horreur absolue !
Notre Mélenchon, héraut auto-proclamé du peuple, les gens comme il dit, est le mètre-étalon de la vulgarité surjouée que l’on devrait déposer au Pavillon de Sèvres. Il y a chez lui du Georges Marchais, une faculté de masquer son passé de pur apparatchik, pensez-donc il lui a fallu attendre ses 65 ans pour être élu au suffrage universel sous nom, sous une logorrhée populiste, flatteuse pour ses seuls thuriféraires.
Il ne recule devant rien sous les roucoulements de ses disciples, dernier exploit en date, sa sortie sur Cédric Villani, nouveau député du mouvement de Macron :
« J'ai vu le matheux, je vais lui expliquer le contrat de travail »
Cédric Villani (@VillaniCedric) l’a de suite taclé :
Cher @JLMelenchon, Directeur de l'IHP, j'en ai vu des contrats de travail... mais c'est tjs un plaisir de recevoir des cours particuliers !
La toile a pris le parti de Villani
Padre_Pio (@Padre_Pio):
"Le matheux". 😐😐😐
Prix Fermat et médaille Fields.
Et Albert Camus, c'est le mec qui se débrouille en rédac'?
Clémentine Autain, nouvelle députée de la France insoumise déclare ne pas avoir compris la polémique. Elle développe :
Monsieur Villani... Il y a des polémiques qui prennent comme ça des proportions surréalistes. J'entends qu'il y a une polémique et j'ai déjà mis un petit peu de temps à comprendre. Une fois que j'ai bien démêlé quel était le sujet, j'en ai parlé avec Jean-Luc Mélenchon, il est meurtri à l'idée qu'on pourrait imaginer qu'il aurait le moindre mépris pour lui, un fort en maths, très fort, exceptionnel en maths. Il n'y a aucun mépris de la sorte. En revanche, j'ai entendu Monsieur Villani nous expliquer que sur la loi Travail il n'avait pas encore de point de vue. Je peux vous dire que si j'étais dans la majorité parlementaire qui soutient le gouvernement, je pense quand même que j'aurais une petite idée de ce que je vote.
Passons, tout cela n’est que gesticulation politicienne !
Revenons à Macron, et à son insolente chance, pour souligner que son étonnant parcours, et surtout le résultat, c’est-à-dire l’immense champ de bataille où gisent les victimes de son blitzkrieg. En faisant ce constat je ne verse pas dans une quelconque macronmania, je me contente de faire un constat. Il a renversé la table, envoyé au tapis les tenants de l’ancienne donne, les battus comme les spécialistes de la chose politique ont toujours un coup de retard. Ils ne comprennent rien au film.
Jusqu’à quand ?
Là n’est pas encore la question, décortiquons le présent.
De l'angoisse des journalistes politiques qui sont (eux aussi) noyés par la vague Macron
Claude Askolovitch, prototype même du journaliste à la française, vivant en concubinage notoire avec la gente politique, mais qui ne s’en cache pas, l’assume, observe avec la gourmandise de ceux qui aiment l’excès, les soubresauts du vieux monde, face à Macron, qui ne va pas s’effondrer si facilement…
Il est une pièce majestueuse dans le palais médiatique, qui le lundi 12 juin sentait le fantôme et c’en était poignant. Avant neuf heures, depuis que le monde est monde et la politique se calfeutre de mots, l’interview politique, déclinée de chaîne en station, est l’instant stratégique des pouvoirs, où les importants donneront le ton du jour et de l’époque, et comment le rater ? Ce lundi 12 juin, de chaîne en station, défilait un monde aboli, et qu’on l’invita encore semblait une cruauté crépusculaire. Le macronisme se déversait sur la législative comme une flaque fraîche de renouveau, mais seuls ou presque s’exprimaient des réchappés de l’ordre ancien, leur vie derrière eux, leur carrière en suspens, leurs mots, leurs codes, leur dignité balayée par l’inimaginable. Que faisaient-ils encore à cette heure, et que leur demander ?
Jean-Michel Aphatie, sur France Info, interrogeait Nathalie Kosciusko-Morizet sur l’abstention, comme si cette femme qui avait longtemps figuré l’espérance d’une droite moderne pouvait encore nous indiquer le chemin. Elle était douce, condamnée par avance dans sa circonscription parisienne, décrivait un renouvellement dont elle ne serait pas, niait en riant qu’elle put se perdre dans l’aigreur, ne savait plus si elle était dimanche soir ou lundi matin et puis lançait son message comme une bouée, « est-ce que voulez-vous qu'il y ait encore quelques voix libres et indépendantes à l’Assemblée nationale » demandait-elle. C’était horrible. Sur France Inter, Léa Salamé recevait Brice Hortefeux. Qui donc ? Il avait été un blazer bleu rieur et de droite au-dessous d’une figure rose et déplumée, installé à l’Intérieur sous un président nommé Sarkozy. Il trouvait que l’on votait trop dans ce pays et cela expliquait l’abstention. « Appartenez-vous au monde ancien ? », interrogeait la cruelle Salamé, et la question aurait pu clore la journée. Sur BFM, Jean-Jacques Bourdin interrogeait Xavier Bertrand, et on comprenait que c’eut été important, puisque Bertrand serait peut-être président de la République un jour, quand la droite reviendrait à l’Élysée, si seulement il la dirigeait alors, mais il ne voulait pas déclarer ce matin sa candidature à la présidence des Républicains. Bon. On s’en moquait un peu. On se moquait de tous ces gens, en somme, qui ne gouvernaient pas, ne gouverneraient plus, pas de sitôt, ne pouvaient rien pour nous, puisque les électeurs n’avaient rien fait pour eux. La vie était ailleurs, En Marche était partout, sauf sur nos ondes. C’était la journée de trop du monde ancien. Le journalisme avait décroché. Il s’accrochait à ses habitudes, et traitait avec déférence ces personnages dont la défaite le laissait démuni. Il les prolongeait. Les autres, nous ne les connaissions pas.
À la mi-journée, je vis sur Twitter une apostrophe rieuse. « #Astuce Les futurs députés n'étant pas très connus des journalistes politiques, changeons aussi les journalistes politiques et éditorialistes », twittait la patronne du Bondy Blog, Nassira El Moadem, et comment lui donner tort ? Il n’y avait rien, dans ce que nous montrions, qui éclairait la nouveauté du jour. Nous étions vieux. Macron avait fait sans nous. Ses troupes prenaient le contrôle de l’Assemblée. On nous en annonçait quatre-cent, plus encore… Ils étaient dorénavant le pouvoir, disons la réalité de sa représentation, ils feraient nos lois, ils s’étaient imposés par la grâce de leur parrain, par la tenue de leur marche, sur des comptes Facebook, des vidéos Youtube, des réunions où nous n’étions pas. Nous ne savions rien de nos nouveaux maîtres. Nous parlions des anciens. Encore une petite minute, monsieur le bourreau ?
Même si je n’étais qu’un gamin le deuxième tour des élections législatives de novembre 1958, j’ai le souvenir que dans ma vieille Vendée, les élus Indépendants et Paysans, le parti des maîtres, furent balayés comme des fétus de paille par des inconnus étiquetés gaullistes.
Y compris, Boux de Casson qui bravache déclarait qu’il pourrait présenter son âne en ses lieux et place ; ça renvoie à cette petite ordure de Zemmour qui balance la même vanne à Aurore Berger, jeune élue macroniste, en parlant de chèvre, vieille homothétie avec notre Mélenchon qui déclarait que face à MLP une chèvre aurait élu.
Un mois avant les élections, le Conseil des ministres décide de substituer au scrutin proportionnel le scrutin uninominal majoritaire à deux tours censé créer des majorités stables. La campagne électorale voit toutes les grandes formations politiques se réclamer du gaullisme, depuis la SFIO jusqu'à l’Union pour la Nouvelle République, créée à la veille des élections pour rassembler les gaullistes. En face, le parti communiste et les candidats de l'Union des forces démocratiques ont du mal à faire entendre leur voix.
Le paysage politique français sort transformé de ces élections. En premier lieu, on est frappé par l'importance de l'abstention (23%) qui révèle que les Français demeurent méfiants envers les partis politiques, alors qu'ils font une large confiance au général de Gaulle. Le deuxième fait marquant est la défaite du Parti communiste qui, avec 10 députés (contre 150 en 1956), apparaît comme le grand perdant de la nouvelle loi électorale. Les partis qui s'étaient identifiés à la IVe République (MRP, SFIO, radicaux) le paient cher, comme le montre l'hécatombe des sortants : sur les 475 élus de 1956 qui se représentent, 334 sont battus et parmi eux Pierre Mendès France, Edgar Faure, Gaston Defferre, François Mitterrand. En revanche, les grands vainqueurs sont les gaullistes (198) et les modérés (133).
Qui peut nier que nous ne retrouvons pas dans un cas de figure identique ?
Ce qui ne signifie pas pour autant que l’Histoire va se répéter mais, ce Macron, réduit par ses adversaires à un petit banquier aux dents longues, a chaussé les bottes de 7 lieux du général pour se dresser une stature sur la scène internationale.
Pour l’heure il a réussi, et ce crédit qui a permis à ses troupes immatures de tout balayer, d’être majorité à l’assemblée nationale, relève bien d’une stratégie gaullienne.
Son offensive, à la veille de son premier Conseil Européen en est la preuve :
Emmanuel Macron: «L’Europe n’est pas un supermarché. L’Europe est un destin commun»
«Le Temps» a fait partie du groupe de huit journaux européens conviés par Emmanuel Macron à l'Elysée, pour son premier entretien comme président. Il s'exprime sur l'Europe et la diplomatie française revisitée, à la veille de son premier sommet européen ce jeudi à Bruxelles.
Sur l’organisation de cette interview: A l’Elysée, un président côté jardin
Deux jours après la nette victoire de «La République en marche» aux législatives du 18 juin, la politique intérieure n'a pas été évoquée. Tout le reste, en revanche, était à l'agenda. Y compris la candidature parisienne aux JO 2024, que le président français viendra défendre en personne à Lausanne devant la commission d'évaluation du CIO, le 11 juillet prochain.
Le Soir était aussi du lot voici son analyse :
Le pari mégalo mais surtout bluffant d’Emmanuel Macron
Alors qu’il participera ce jeudi à son premier sommet européen de chefs d’Etats et de gouvernement à Bruxelles, le locataire de l’Elysée n’a voulu expressément parler que d’Europe et de diplomatie. Pas un mot de politique française.
Le décalage est spectaculaire mais 100 % assumé. Nous avons été reçus mardi à l’Elysée alors que la ministre des Armées Sylvie Goulard venait tout juste de démissionner, anticipant un remaniement plus large qui verrait le lendemain les deux autres ministres du Modem affaiblis par les affaires, celui de la Justice François Bayrou et celle des Affaires européennes, Marielle de Sarnez, prendre le large. Mais d’une sérénité absolue, Emmanuel Macron a disserté dans les jardins de l’Elysée pendant près d’une heure et demie sur les grandes affaires de ce monde.
La séquence illustre de manière saisissante la présidence qu’il veut incarner. Bien sûr, il est au cœur du remaniement et rien de la situation politique intérieure n’échappe à son contrôle. Il a été le grand ordonnateur de cette année électorale folle dont s’achève la dernière séquence. Mais il ne sera ni ce président de l’anecdote qu’a fini par devenir François Hollande, commentant sa propre action, ni cet hyperprésident débordant d’énergie tempétueuse parfois incontrôlée qu’était Nicolas Sarkozy. Gaullien, Emmanuel Macron entend rien moins que se hisser au-dessus des partis et pour tout dire au-dessus même de la France pour guider l’Europe et pourquoi pas le monde vers un futur plus désirable.
De la crise des démocraties occidentales aux déséquilibres et aux inégalités qui ont plongé la planète dans une instabilité historique, du terrorisme dont les causes profondes relèvent notamment à ses yeux de nos propres erreurs, Emmanuel Macron dresse le portrait d’une Europe et d’un monde auxquels il veut redonner du sens. Il se battra pour une Europe «qui protège» , et qu’il ne faudra pas confondre avec l’Europe protectionniste des souverainistes. Au contraire : il veut une Europe qui refonde son bien commun : un alliage unique entre la liberté, la démocratie et le progrès social.
Après un gros mois à peine passé à l’Elysée, le président français se sent prêt à abattre des murs. A ramener Donald Trump à la raison sur le climat. A conduire Vladimir Poutine à une solution politique sur la Syrie. Rien que ça. Titanesque rôle que s’est assigné un président de 39 ans surgi de «nulle part».
On peut juger le pari mégalo. Il est surtout bluffant. Dans un monde sclérosé et pétri d’inquiétudes, Emmanuel Macron fait souffler un vent nouveau. En Mai 68, il était interdit d’interdire. Cinquante ans plus tard, on pourrait paraphraser. Il est interdit de ne pas au moins essayer.
Revenons à l’interview
Le Temps: Vous venez d’acquérir une légitimité nouvelle après la victoire de «La République en marche» aux élections législatives. C'est un atout au service de votre leadership en Europe?
Emmanuel Macron: Le leadership ne se décrète pas. Il se construit en entraînant d’autres pays, d’autres acteurs et il est constaté au vu des résultats qu’on obtient. Il serait présomptueux de dire dès à présent que la France exerce un nouveau leadership européen. La vraie question est celle de l’objectif de notre action. Et le point de départ, c’est la crise que traversent les démocraties occidentales qui se sont construites au 18ème siècle sur un équilibre inédit entre la défense des libertés individuelles, la démocratie politique et la mise en place des économies de marché.
Un cycle vertueux a permis aux libertés individuelles d’être reconnues, au progrès social de se développer et aux classes moyennes d’avoir une perspective de progrès. Depuis la fin des Trente Glorieuses, le doute s’est installé. La France en a fait la cruelle expérience, elle qui avait sans doute le modèle social le plus élaboré. Quand nous regardons la planète aujourd’hui, que voyons-nous? Une montée des démocraties illibérales [c'est-à-dire dire contraires au libéralisme, ndlr] et des extrêmes en Europe, la réémergence de régimes autoritaires qui mettent en cause la vitalité démocratique et des Etats-Unis d’Amérique qui se retirent en partie du monde.
La question première n’est donc pas de savoir s’il y a ou non un leadership français, de savoir si nous bombons le torse plus fort que les autres. Elle est d’abord de savoir comment défendre notre bien commun à tous, c’est-à-dire la liberté et la démocratie, la capacité des individus et de nos sociétés à être autonomes, à rester libres, à assurer la justice sociale et à préserver notre planète à travers le climat. Sans ces biens communs, il n’y a pas d’avenir souhaitable ni durable. Notre défi est de savoir comment nous allons gagner cette bataille dont l’Europe, j’en suis convaincu, porte la responsabilité. Pourquoi? Parce que la démocratie est née sur ce continent. Les Etats-Unis d’Amérique aiment autant que nous la liberté. Mais ils n’ont pas notre goût pour la justice. L’Europe est le seul endroit au monde où les libertés individuelles, l’esprit de démocratie et la justice sociale se sont mariés à ce point. Va-t-elle réussir à défendre ses valeurs profondes, dont elle a irrigué le monde pendant des décennies ou va-t-elle s’effacer devant la montée des démocraties illibérales et des régimes autoritaires? Telle est la question.
Qu’est-il possible de faire concrètement pour relancer l’Europe? Quel est votre projet pour refonder la zone euro? Comment convaincre les Allemands du bien fondé de votre projet?
Si nous n’avons pas conscience du défi qui est le nôtre, nous pouvons continuer à passer des nuits entières à nous interroger sur l’endroit où se trouvera la prochaine agence européenne ou la manière dont sera dépensé tel ou tel budget… Nous nous placerions alors hors de l’histoire. Je n’ai pas fait ce choix. Angela Merkel non plus. La question est de savoir comment nous arriverons à restaurer une dynamique, une capacité à entraîner. La France n’aura aucune capacité motrice si elle ne porte pas un discours clair et un regard lucide sur le monde. Mais elle ne l’aura pas non plus si elle ne renforce pas son économie et sa société. C’est pourquoi j’ai demandé au gouvernement d’enclencher les réformes fondamentales qui sont indispensables pour la France. Notre crédibilité, notre efficacité, notre force sont en jeu. Mais la force de quelques-uns ne peut pas se nourrir longtemps de la faiblesse des autres. L’Allemagne, qui s’est réformée il y a une quinzaine d’années, constate aujourd’hui que cette situation n’est pas viable. Mon souhait est donc que nous puissions construire une force commune. Ma méthode pour le couple franco-allemand, est celle d’une alliance de confiance. Je souhaite que nous revenions à l’esprit de coopération qui existait jadis entre François Mitterrand et Helmut Kohl. On ne se rend pas à un conseil européen sans avoir de position commune. Cela ne veut pas dire que nous sommes d’accord sur tout. Mais que nous ne voulons pas perdre de temps à demander aux autres d’arbitrer nos désaccords.
Cette Europe-là doit continuer à protéger?
Oui, parce que dans toutes nos sociétés les classes moyennes se sont mises à douter. Elles ont l’impression que l’Europe se fait malgré elles. Cette Europe-là se tire elle-même vers le bas. Il faut créer une Europe qui protège en se dotant d’une vraie politique de défense et de sécurité commune. Il faut être plus efficace face aux grandes migrations en réformant profondément le système de protection de nos frontières, la politique migratoire et le droit d’asile. Le système actuel fait porter à quelques-uns toute la charge et ne pourra pas résister aux prochaines vagues migratoires. C’est la première étape. Il ne peut pas y avoir d’approfondissement institutionnel tant que nous n’aurons pas restauré la cohérence de l’Europe. Si nous voulons passer ensuite passer à l’étape suivante, il faut au sein de la zone euro avoir une intégration plus forte. D'où l’idée, que je défends avec vigueur, d’un budget de la zone euro, doté d’une gouvernance démocratique. C’est le seul moyen de recréer un mouvement de convergence entre nos économies et nos pays. Si on ne fait pas ça, on affaiblira la zone euro. Il faut pouvoir articuler le pilier de la responsabilité et celui de la solidarité. Mon sentiment est que l’Allemagne n’est pas bloquée là-dessus.
Vous pensez que les Allemands sont prêts eux aussi à changer?
J’en suis persuadé. En matière de sécurité et de défense, la chancelière allemande a fait bouger les choses profondément. Elle est revenue sur des tabous profonds hérités de la Seconde Guerre Mondiale. L’Allemagne va dépenser plus que la France en matière de défense dans les années à venir. Qui l’eut cru ? Mais l’Allemagne est lucide sur les limites d’une action qui ne soit pas pleinement européenne, notamment en matière d’intervention militaire. Elle sait que notre destin est redevenu tragique. Elle a besoin de la France pour se protéger, pour protéger l’Europe et assurer notre sécurité commune. Je crois par ailleurs que les dynamiques que j’évoque traversent aussi la société allemande. Notre devoir en tant que dirigeants est d’en faire la pédagogie. Les égoïsmes nationaux sont des poisons lents qui entretiennent l’affaiblissement de nos démocraties et notre incapacité collective à relever le défi historique qui est le nôtre. Je sais que la chancelière en a conscience.
L’Europe se présente aujourd’hui en ordre dispersé. La division entre l’est et l’ouest est réapparue. Comment gérer une Europe aussi divisée?
Je ne crois pas à ce conflit entre l’est et l’ouest de l’Europe. Il y a des tensions car nos imaginaires et notre histoire récente ne sont pas les mêmes. Je n’oublierai jamais cette phrase de Bronislaw Geremek, que j’avais rencontré il y a une vingtaine d’années au moment de l’élargissement européen: «L’Europe ne mesure pas tout ce qu’elle nous doit». Pour sa génération, attachée à l’Europe des Lumières, l’Europe occidentale avait trahi en laissant s'ériger le mur et le continent se diviser. Quand j’entends aujourd’hui certains dirigeants européens, ils trahissent deux fois. Ils décident d’abandonner les principes, de tourner le dos à l’Europe, d’avoir une approche cynique de l’Union qui servirait à dépenser les crédits sans respecter les valeurs. L’Europe n’est pas un supermarché. L’Europe est un destin commun. Elle s’affaiblit quand elle accepte qu’on rejette ses principes. Les pays d’Europe qui ne respectent pas les règles doivent en tirer toutes les conséquences politiques. Et ce n’est pas uniquement un débat est-ouest. Je parlerai avec tout le monde et avec respect, mais je ne transigerai pas sur les principes de l’Europe, sur la solidarité et sur les valeurs démocratiques. Si l’Europe accepte cela, c’est qu’elle est faible et qu’elle a déjà disparu. Ce n’est pas mon choix.
Le dialogue, mais pas de sanctions?
Le dialogue, mais il doit être suivi de décisions concrètes. Je souhaite que tout le monde ait à l’esprit la responsabilité historique qui est celle des Européens. Nous devons promouvoir une Europe qui aille vers un mieux-être économique et social. L’objectif d’une Europe qui protège doit aussi s’imposer dans le domaine économique et social. En raisonnant comme on le fait sur le travail détaché depuis des années, on prend l’Europe à l’envers. Il ne faut pas s’y tromper. Les grands défenseurs de cette Europe ultralibérale et déséquilibrée, au Royaume-Uni, se sont fracassés dessus. Sur quoi le Brexit s’est-il joué? Sur les travailleurs d’Europe de l’Est qui venaient occuper les emplois britanniques. Les défenseurs de l’Europe ont perdu car les classes moyennes britanniques ont dit stop! Le souffle chaud des extrêmes se nourrit de ces déséquilibres. On ne peut pas continuer à faire l’Europe dans des bureaux, à laisser les choses se déliter. Le travail détaché conduit à des situations ridicules. Vous pensez que je peux expliquer aux classes moyennes françaises que des entreprises ferment en France pour aller en Pologne car c’est moins cher et que chez nous les entreprises de BTP embauchent des Polonais car ils sont payés moins chers? Ce système ne marche pas droit.
Quel modèle pour la future relation entre le Royaume Uni et l’Union Européenne? La porte est-elle ouverte à une marche arrière?
La porte est ouverte jusqu’au moment où on la franchit. Ce n’est pas à moi de dire qu’elle est fermée. Mais à partir du moment où les choses s’engagent avec un calendrier et un objectif, il est très difficile de revenir en arrière, il ne faut pas se mentir. Je souhaite que la discussion qui vient de s’engager soit parfaitement coordonnée au niveau européen. Je ne veux pas de discussions bilatérales car il faut préserver l’intérêt de l’UE à court, moyen et long terme. La France compte en revanche poursuivre et renforcer sa forte relation en matière de défense et de sécurité avec le Royaume-Uni. Le traité de Lancaster House reste le cadre de cette coopération. Nous allons aussi davantage coopérer en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme. Nous avons déjà arrêté un plan d’action commun en matière de lutte contre la radicalisation sur internet. Car nos destins sont liés: les filières terroristes ne connaissent pas les frontières de l’Europe. Enfin, en matière de migration, je souhaite que l’on fasse évoluer notre coopération. Il faut absolument éviter la création de nouveaux abcès de fixation que sont les camps de migrants. C’est le pragmatisme qui régira nos relations.
Faut-il remettre à plat l’espace Schengen, dont la Suisse fait partie ? Faut-il forcer les pays qui refusent les migrants de les accepter?
Je suis attaché à l’espace Schengen qui permet la libre-circulation des personnes au sein de l’Union européenne, et qui est des éléments constitutifs de notre citoyenneté européenne. Si nous voulons garantir cette libre circulation, il faut renforcer les contrôles aux frontières extérieures de l’Union européenne. Je souhaite que nous donnions rapidement tous les moyens nécessaires à l’Agence européenne des gardes-frontières et des gardes –côtes pour gérer notamment les crises à ces frontières.
Il y a ensuite la question des réfugiés. Les réfugiés sont des gens qui demandent l’asile dans notre pays. Nous parlons de femmes et d’hommes qui risquent leur vie dans leur pays, qui la risquent pour venir jusqu’à nous, qui fuient des pays en guerre. Nous leur devons hospitalité et humanité. Le problème est que dans de nombreux pays, dont la France, l’instruction de la demande d’asile prend trop de temps entre le dépôt, l’enregistrement, l’instruction des dossiers, sans parler des délais induits par la complexité administrative et les recours devant différentes juridictions. Toutes ces procédures peuvent durer jusqu’à deux ans. Or, pendant cette période, on ne peut pas vivre de manière transitoire dans un pays. On s’installe, on tisse des liens familiaux… On voit donc que face à cette pression migratoire le système actuel n’est plus satisfaisant.
J’ai donc demandé une réforme en profondeur du système d’asile en France, pour le déconcentrer et pour accélérer considérablement les délais d’instruction des demandes d’asile. L’objectif est que nous divisions ces délais moyens par deux, en passant à six mois toutes procédures comprises.
Il y a ensuite les migrants qui ne relèvent pas de l’asile, qui n’ont donc pas vocation à s’établir en France, et dont il faut régler la situation conformément à notre droit avec humanité, et dans le cadre d’une plus grande coopération internationale. Il faudra assurer l’effectivité de leur reconduite à la frontière et travailler étroitement avec les Etats d’où sont originaires ces personnes, avec les pays de transit, et lutter plus efficacement contre les filières mafieuses qui exploitent la détresse humaine. Sur toutes ces questions, je suis favorable à des réformes en profondeur qui permettent d’avoir une même philosophie européenne. Il faut notamment remédier à la situation ubuesque que qu’on observe avec «les dublinés», ces personnes qui passent d’un pays à l’autre en espérant enfin obtenir l’asile.
Après le Brexit et l’élection de Trump, votre élection donne-t-elle un coup d’arrêt aux populismes en Europe ? Le modèle macron est-il exportable ailleurs?
Je me méfie du terme populisme car il a plusieurs colorations. Beaucoup, à droite et à gauche, m’ont dit que j’étais populiste. Quand les partis sont fatigués, on s’étonne qu’on puisse parler au peuple! Si c’est ça être populiste, ce n’est pas un mal. Moi je ne crois pas dans la démagogie, qui consiste à flatter un peuple pour lui dire ce qu’il attend, lui parler de ses peurs. Je n’ai pas l’arrogance de penser que mon élection marque un coup d’arrêt. Les Français ont toujours été comme ça: au moment où on ne les attend pas, il y a un sursaut. La France n’est pas un pays qu’on réforme, c’est un pays qui se transforme, un pays de révolution. Donc aussi longtemps qu’il est possible de ne pas réformer, les Français ne le font pas. Là, ils ont vu qu’ils étaient au bord du précipice et ils ont réagi. Mon élection, comme la majorité obtenue à l’Assemblée, ne sont pas un coup d’arrêt: elles sont un début exigeant. Le début d’une renaissance française et je l’espère européenne. Une renaissance qui permettra de repenser les grands équilibres nationaux, européens, internationaux, de retrouver une ambition, une capacité à regarder les choses en face, à ne pas jouer sur les peurs mais à les transformer en énergie. Car les peurs sont là et donc ce qui divise les sociétés demeure. Il n’y a pas de recette miracle, c’est un combat de chaque jour. J’ai parié sur l’intelligence des Françaises et des Français. Je ne les ai pas flattés mais j’ai parlé à leur intelligence. Ce qui épuise les démocraties, ce sont les responsables politiques qui pensent que leurs concitoyens sont bêtes. En jouant avec démagogie de leurs peurs, de leurs contrariétés et en s’appuyant sur leurs réflexes. La crise de l’imaginaire occidental est un défi immense et ce n’est pas une personne qui le changera. Mais j’ai la volonté de retrouver le fil de l’histoire et l’énergie du peuple européen. Pour endiguer la montée des extrêmes et la démagogie. Car c’est ça, le combat de civilisation.
Comment gérer le risque que représente Donald Trump?
Donald Trump est d’abord celui qui a été élu par le peuple américain. La difficulté est qu’aujourd’hui il n’a pas encore élaboré le cadre conceptuel de sa politique internationale. Sa politique peut donc être imprévisible et c’est pour le monde une source d’inconfort. Concernant la lutte contre le terrorisme, il porte la même volonté d’efficacité que la mienne. Je ne partage pas certains de ses choix, avant tout sur le climat. Mais j’espère qu’on pourra faire en sorte que les Etats-Unis réintègrent l’Accord de Paris. C’est la main que je tends à Donald Trump. Je souhaite qu’il change d’avis. Car tout est lié. On ne peut pas vouloir lutter efficacement contre le terrorisme et ne pas s’engager pour le climat.
Si la ligne rouge de l’utilisation des armes chimiques est franchie en Syrie, la France est-elle prête à frapper seule ? Et peut-elle le faire?
Oui. Quand vous fixez des lignes rouges, si vous ne savez pas les faire respecter, vous décidez d’être faible. Ce n’est pas mon choix. S’il est avéré que des armes chimiques sont utilisées sur le terrain et que nous savons en retracer la provenance, alors la France procédera à des frappes pour détruire les stocks d’armes chimiques identifiés.
Il y a un problème de zones de défense aérienne. Il faut une coopération indispensable avec les autres pays de la coalition…
Oui, mais qu’est-ce qui a bloqué les choses en 2013? Les Etats-Unis ont fixé des lignes rouges mais ont fait le choix in fine de ne pas intervenir. Qu’est-ce qui a affaibli la France? De définir politiquement une ligne rouge et de ne pas en tirer les conséquences. Et qu’est-ce qui a du coup libéré Vladimir Poutine sur d’autres théâtres d’opérations ? Le fait d’avoir constaté qu’il avait face à lui des gens qui avaient des lignes rouges mais ne les faisaient pas respecter.
Je respecte Vladimir Poutine. J’ai eu avec lui un échange constructif. Nous avons de vrais désaccords, sur l’Ukraine en particulier, mais il a vu aussi ma position. Je lui ai parlé longuement en tête à tête des sujets internationaux ainsi que de la défense des ONG et des libertés dans son pays. Ce que j’ai dit en conférence de presse, il ne l’a pas découvert. C’est ça, ma ligne. Dire les choses avec beaucoup de fermeté à tous mes partenaires mais leur dire d’abord en tête à tête. Aujourd’hui, nous avons avec Vladimir Poutine le sujet ukrainien, que nous continuerons à suivre dans le cadre du processus de Minsk et du format «Normandie». Nous aurons avant le G20 de Hambourg, au début juillet, une réunion sous ce format avec l’Ukraine et l’Allemagne. Et il y a la Syrie. Sur ce sujet, ma conviction profonde, c’est qu’il faut une feuille de route diplomatique et politique. On ne règlera pas la question uniquement avec un dispositif militaire. C’est l’erreur que nous avons collectivement commise. Le vrai aggiornamento que j’ai fait sur ce sujet, c’est que je n’ai pas énoncé que la destitution de Bachar el-Assad était un préalable à tout. Car personne ne m’a présenté son successeur légitime!
Sur la Syrie, mes lignes sont claires. Un: la lutte absolue contre tous les groupes terroristes. Ce sont eux, nos ennemis. C’est dans cette région qu’ont été fomentés des attentats terroristes et que se nourrit l’un des foyers du terrorisme islamiste. Nous avons besoin de la coopération de tous pour les éradiquer, en particulier de la Russie. Deux: la stabilité de la Syrie, car je ne veux pas d’un Etat failli. Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néo-conservatisme importée en France depuis dix ans. La démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples. La France n’a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions? Des Etats faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie. Trois: j’ai deux lignes rouges, les armes chimiques et l’accès humanitaire. Je l’ai dit très clairement à Vladimir Poutine, je serai intraitable sur ces sujets. Et donc l’utilisation d’armes chimiques donnera lieu à des répliques, y compris de la France seule. La France sera d’ailleurs à cet égard parfaitement alignée avec les Etats-Unis. Quatre: je veux une stabilité syrienne à moyen terme. Cela veut dire un respect des minorités. Il faut trouver les voies et moyens d’une initiative diplomatique qui fasse respecter ces quatre grands principes.
Alors que le groupe Etat islamique perd des territoires en Syrie et en Irak, un terrorisme dit «low cost» défie nos démocraties. Comment placer le curseur entre une législation d’exception et la nécessité de protéger les libertés?
Parlons d’abord de l’état d’urgence en France. L’état d’urgence était destiné à répondre à un péril imminent résultant d’atteintes grave à l’ordre public. Or la menace est durable. Il faut donc s’organiser sur la durée. Je prolongerai l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre, le strict temps nécessaire pour permettre au Parlement d’adopter toutes les mesures indispensables à la protection des Français.
Un texte est présenté ce jeudi en conseil des ministres. Quel est son esprit ? Il prendra en considération toute les formes de menaces et notamment les actes d’individus isolés que nous avons pu constater récemment. Nous prévoyons des procédures spécifiques pour lutter contre ce terrorisme islamiste. Ce n’est en rien un affaiblissement de l’Etat de droit, ni une importation de l’état d’urgence dans l’Etat de droit. Il faut construire les instruments pour lutter contre ce risque nouveau, sous le contrôle du juge, administratif ou judiciaire. Il faut des réponses inédites et propres à la lutte contre ce terrorisme islamiste. C’est ce dont notre société a besoin pour sortir de l’état d’urgence permanent.
Il faut ensuite renforcer la coordination de l’ensemble de nos services face à la menace terroriste. C’est dans cadre que j’ai souhaité la création de la coordination nationale du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, avec la création en son sein d’un centre national de contre-terrorisme.
Cela suppose enfin d’avoir une politique internationale cohérente et de savoir parler avec toutes les parties. Mon principe diplomatique est celui-là. J’ai parlé cinq fois au président Erdogan depuis que je suis là. J’ai eu deux fois le président iranien Rohani. J’ai reçu Vladimir Poutine. La France n’a pas à choisir un camp contre l’autre. C’est sa force et son histoire diplomatique. Nous devons retrouver la cohérence et la force d’une politique internationale qui nous redonne du crédit.
Vous parlez d’un dialogue franc avec Vladimir Poutine. Mais il ne bouge sur rien. Il y a encore des combats en Ukraine, dans le Donbass, la Crimée est toujours occupée… Cherchez-vous une nouvelle méthode?
Quand je parle de dialogue franc avec Vladimir Poutine, je ne dis pas qu’il est miraculeux. Qu’est-ce qui motive Vladimir Poutine? C’est de restaurer un imaginaire russe puissant pour tenir son pays. La Russie elle-même est victime du terrorisme. Il a lui-même à ses frontières des rebellions et des identités religieuses violentes qui menacent son pays. Tel est son fil directeur, y compris en Syrie. Je ne crois pas qu’il ait une amitié indéfectible à l’égard de Bachar el-Assad. Il a deux obsessions: combattre le terrorisme et éviter l’Etat failli. C’est pour cela que sur la Syrie des convergences apparaissent. Longtemps nous avons été bloqués sur la personne de Bachar el-Assad. Mais Bachar, ce n’est pas notre ennemi, c’est l’ennemi du peuple syrien. L’objectif de Vladimir Poutine, c’est de restaurer la Grande Russie, parce que c’est selon lui la condition de survie de son pays. Est-ce qu’il cherche notre affaiblissement ou notre disparition? Je ne le crois pas. Vladimir Poutine a sa lecture du monde. Il pense que la Syrie est une question de voisinage fondamental pour lui. Que peut-on faire? Réussir à travailler ensemble sur la Syrie pour lutter contre le terrorisme et déboucher sur une vraie sortie de crise. Je pense que c’est faisable. Je continuerai à être un interlocuteur très exigeant en matière de libertés individuelles et de droits fondamentaux. Ce qui est sûr, c’est que nous avons un devoir: la protection de l’Europe et de ses alliés dans la région. Là-dessus, nous ne devons rien céder.
Et la Turquie, comment gérer les relations avec ce pays qui ne partage pas nos valeurs?
La Turquie heurte en ce moment certaines de nos valeurs. Mais elle partage certains de nos intérêts. Nous sommes d’abord liés à la Turquie par le conflit syrien. La Turquie est un élément clé de notre politique régionale puisque c’est à la fois un voisin de la Syrie, un pays qui accueille un grand nombre de réfugiés et qui coopère dans la lutte contre le terrorisme. J’ai un dialogue exigeant et lucide avec le président Erdogan. Nous avons besoin de ce dialogue avec la Turquie. Je souhaite qu’en matière de migrations, ce dialogue soit européen et coordonné. Quand l’Europe a conclu un accord, elle l’a fait tard et de manière subie, même si celui-ci a donné des résultats. Il ne faut pas reproduire cette erreur. Pour le reste, compte tenu des positions actuelles de la Turquie, il est évident qu’aller plus loin vers une intégration européenne n’est pas une évolution envisageable.
Le sport concourt à la diplomatie. Vous avez décidé d’aller vous-même défendre la candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024 devant le CIO. Pour vous, cette candidature va bien au-delà de la candidature d’une ville?
C’est l’engagement de tout un pays que je veux manifester en me rendant les 11 et 12 juillet à Lausanne puis à Lima en septembre. Pourquoi? Parce que c’est un événement sportif, mais bien plus que cela: il correspond notamment à la politique que nous voulons mener sur le handicap; ce sont des jeux olympiques et paralympiques! C’est un élément de fierté nationale et de mobilisation, un événement économique considérable. C’est également un geste qui montre que, dans notre bataille de long terme face au terrorisme, on n’arrête pas les grands événements. Et puis c’est une candidature européenne et francophone. Ce n’est pas simplement celle de Paris, ni de la France. Cela partie de ces éléments d’engagement, de fierté, de projection dont un pays a besoin. Cela n’a rien d’anecdotique à mes yeux. C’est un élément fort qui démontre qu’on n’embrasse pas un monde fait uniquement de violence, mais un monde de valeurs partagées, de réconciliation, de joie, de compétition pacifiée.
Dans notre vieux pays fourbu nous vivons une époque formidable, un bon tiers des français qui se sont abstenus l’ont fait, disent les sondages, par lassitude de la votation. Comme si la surexcitation des primaires de la droite avec son lot de surprise et de dégagisme, le coup raté de Balpop portant le petit Hamon sur le pavois, l’irruption de deux trublions dans le haut du tableau, un tout lisse et propre sur lui, Macron, un tout rugueux qui se fait matois, Mélenchon, avaient porté très haut le taux d’adrénaline de la population pour virer à la déprime sitôt l’élection de Macron.
On eut pu s’attendre au contraire, étant donné les 4 quarts du premier tour à un troisième tour revanchard pour Mélenchon, la LMP et le petit Baroin. Pour ce dernier la nomination d’Édouard Philippe à Matignon a été fatale, ses rêves de cohabitation sont partis en fumée. En revanche, pour les deux extrémistes la douche fut glacée, leurs électeurs sont allés à la pêche, dur retour à la réalité de la versatilité du fameux peuple chanté lorsqu’il adhère, évaporé lorsqu’il se dérobe. Seul l’électorat de Macron s’est mobilisé.
Le camarade JF Khan, qui est parfois un peu foutraque, mais qui peut aussi avoir des fulgurances géniales :
Pourquoi les macronistes peuvent remercier le journal Libération
L'électorat bourgeois de droite, stupéfait, ébloui, a commencé à se convaincre que ces « gens d'En Marche », tout compte fait, n'étaient pas si mal.
De toutes les surprises que nous ont réservé les élections législatives, la plus improbable, la plus inouïe est l'ampleur qu'a pris, en une dizaine de jours, le basculement d'un électorat bourgeois et grand bourgeois de droite dans le camp Macron.
Pour la première fois sans doute, dans l'Histoire de la République, des villes, des circonscriptions qui, depuis 1789, avaient toujours été fidèles à la droite conservatrice ou réactionnaire, même au lendemain de la Libération, l'ont larguée, cette fois, pour se donner à d'autres.
Et cela bien que ces villes et circonscriptions aient largement plébiscité François Fillon il y a un mois et demi. Dans le XVIème, Fillon avait obtenu 58 % des suffrages, or la droite est ramenée à 27 % et écrasée par "En Marche!". A Neuilly, 62 % pour Fillon, et 21 % seulement pour le candidat LR contre "La République en Marche" à 42 %.
Ont également fait faux bond, pour la première fois, à la droite, le XVIIème et le VIIème arrondissement de Paris, ce Faubourg Saint-Germain où, en 1814, on acclama l'entrée à Paris des cosaques, mais aussi Versailles, Fontainebleau, Saint-Germain-en-Laye, Saint-Tropez dans le Var, une grande partie des Alpes-Maritimes, Cholet dans le Maine-et-Loire, Chamalières où le fils de Giscard d'Estaing est battu...
Que s'est-il donc passé?
En fait, ce surplus de raz-de-marée c'est aux médias de gauche qu'Emmanuel Macron le doit.
Dix jours avant le scrutin, en effet, pour remobiliser leur camp, ce qui était parfaitement légitime, ils ont déclenché une puissante offensive sur le thème de la droitisation du macronisme: alerte, il y a un plan caché pour mettre à bas le droit du travail, un véritable retour au XIXème siècle! Alerte, au nom de la lutte implacable contre le terrorisme, on s'apprête à mettre à mal les libertés publiques et à court-circuiter les juges ! Alerte, à l'éducation nationale la "réaction" est de retour!
Les radios et télévisions ont largement répercuté ces thèmes et polémiques. Résultat: l'électorat bourgeois de droite, stupéfait, ébloui, a commencé à se convaincre que ces "gens d'En Marche", tout compte fait, n'étaient pas si mal, que loin d'être des ersatz de socialistes, comme on leur avait seriné, ils étaient près à oser ce devant quoi la droite avait toujours reculé, que ce n'était pas une gauche de substitution, mais une droite de substitution. D'où ce basculement, parfois massif. Merci Libé!
Phénomène d'autant plus surréaliste, qu'au même moment, dans Le Figaro, Yves de Kerdrel, qui est au néolibéralisme ce que Jean Kanapa était au marxisme, explique que Macron est en train de trop céder aux syndicats et que sa "loi travail", bien timide, est largement en retrait sur celle qu'avait institué Gerhard Schröder en Allemagne.
Logiquement ce glissement des voix de droite vers "La République en Marche" aurait du être compensé par un retour d'électeurs de gauche effrayés. Or, seconde surprise, cette campagne n'a eu sur eux absolument aucun effet. Au mieux, ils se sont abstenus. Peut-être n'ont-ils pas oublié que la "loi travail" est, à l'origine, une initiative d'un gouvernement socialiste.
Résultat, et c'est une autre première absolue dans notre Histoire, alors que "La République en Marche" cartonnait dans des villes et quartiers de la droite bourgeoise et grande bourgeoise (l'électorat populaire de droite, en revanche, est resté fidèle), elle cassait la baraque dans des fiefs de gauche et d'extrême gauche, s'emparant par exemple des deux ex-sièges réputés imprenables de Laurent Fabius en Seine-Maritime ou d'Henri Emmanuelli dans les Landes, s'imposant dans le XIXème parisien et arrivant même en tête à Aubervilliers et à Ivry.
Le gaullisme triomphant fut globalement plus puissant, mais il n'avait pas réussi à ce point à faire exploser les vieux clivages politico-sociologico-territoriaux.
Cette recomposition, en grande partie ambiguë, aura une autre conséquence lourde de sens, c'est qu'on découvrira dimanche soir que non seulement la "vraie droite" comme ils disent, c'est-à-dire non macronisée, devra se contenter d'une cinquantaine de sièges seulement, mais aussi que la plupart des représentants de la droite dure – Georges Fenech, Jacques Myard, Thierry Mariani, Nicolas Dhuicq, Claude Goasguen, Elie Aboud, Alain Marsaud, Philippe Meunier, Guillaume Larrivé, peut-être même Eric Ciotti et Eric Woerth, risquent de se retrouver au tapis.
Heureusement, pour que tous les repères ne soient pas d'un seul coup emportés, restera l'ineffable Christian Jacob.
Ce qu'Emmanuel Macron a mieux compris que les autres pour incarner le renouveau par Bertrand Delais Documentariste, journaliste, auteur de En Marche vers l'Elysée
À la veille du second tour des élections législatives qui vont offrir une majorité forte au Président, il convient de s'interroger sur les contours politiques de son mouvement...
A la question, le macronisme existe-t-il, on ne peut que répondre par l'affirmative... Les succès sont là, l'engouement aussi et son expérience volontiers raillée plaide en réalité pour lui... Mais là où les choses semblent se compliquer, c'est lorsqu'il s'agit de le définir, de lui trouver un corpus idéologique... Pourtant, il existe et c'est sa nature même qui rend difficile sa perception.
S'il y a un mot qui résume le macronisme et la méthode d'Emmanuel Macron, c'est la dialectique... On a volontiers raillé son fameux "en même temps" mais il pose une méthode qui fait de son mouvement quelque chose d'hybride, de paradoxal mais de profondément ancré dans notre histoire.
Le premier paradoxe est qu'Emmanuel Macron est à la fois l'enfant de la révolution libertarienne issue de Mai 68, avec un réel progressisme sur les questions de société, et celui de la révolution économique libérale survenue au cours des années 80. Une révolution portée historiquement par la gauche, une autre par la droite...
Mais surtout, et c'est là un premier paradoxe, il est l'enfant légitime qui prospère sur le rejet des deux matrices idéologiques qui semblent épuisées.
Alors pourquoi le macronisme parvient-il à sortir de cet épuisement, pourquoi parvient-il à incarner un renouveau politique?
La réponse à cette question qui permet de définir le macronisme est double.
D'abord, il y a une indéniable équation personnelle forte, posé dès la campagne électorale par Emmanuel Macron, candidat. Plus que d'autres, à rebours de la plupart des leaders d'opinion, Emmanuel Macron comprend la nécessité de remettre une verticalité dans la pratique politique. Il rompt non seulement avec l'héritage de François Hollande qui s'était fourvoyé en théorisant l'idée d'un Président normal, mais il rompt aussi avec une certaine culture de la 2ème gauche et absorbe une partie de l'héritage culturel de la droite avec son culte du chef...
Il y avait dès la campagne un mélange d'horizontalité dans la genèse du mouvement avec le diagnostic, l'intervention forte des militants et de la verticalité avec un parti de masse totalement dévoué au chef.
Toujours une dialectique entre l'ordre et le mouvement... Mais surtout, cela lui permet de se défaire de tout surmoi idéologique au nom d'une seule efficacité. En cela, il renoue avec les militaires égarées en politique qui faisait valoir une réussite de terrain, de Bonaparte à de Gaulle. Il est un enfant de la dissuasion, de l'après... Son efficacité s'appréhendera sur le terrain économique. Dans cette configuration, son passé à la banque Rotschild n'a pas constitué un handicap, bien au contraire..
Un homme seul, dépourvu de schémas idéologiques mais pas sans conviction, voilà qui pourrait définir la démarche d'Emmanuel Macron... La recherche d'une dialectique entre libéralisme et égalité incarnée par la volonté d'un homme là où les idéologies les oppose... C'est cette dialectique du libéralisme égalitaire qui est au cœur de sa conviction...
Mais si on veut le macronisme, il y a une autre particularité, avec là encore une construction dialectique.
Il apparaît comme un homme moderne dans son époque, par son refus des idéologies, par sa volonté d'incarner la révolution numérique mais son inclinaison naturelle est plus classique voire plus conservatrice... Il pense que la culture classique constitue un rempart contre la ségrégation sociale et en cela épouse les contours d'un politiquement incorrect loin de la pensée mainstream dominante... Il est transgressif avec des références classiques..
Au fond, pour définir la pensée d'Emmanuel Macron, il faut se référer à l'un de ses philosophes préférés, Alain.
Il n'y a pas de courant de pensée se réclamant de lui, il y a une volonté de s'affranchir des schémas de pensée, la philosophie étant là pour éveiller l'esprit.. Toujours, il fait le pari de la raison, comme marque de respect...
Cela renvoie à Emmanuel Macron à Amiens avec les ouvriers de Whirlpool où il revendique son discours de raison. Il y a là une forme de bienveillance d'un homme libre et qui incarne à lui seul une rupture avec le cynisme de l'époque...
L'histoire dira si cette incarnation était celle d'un moment ou celle d'un sursaut historique
«En Marche, c’est un peu l’esprit de milice helvétique appliqué à la France» par Richard Werly Le Temps
Un tsunami de députés jamais élus auparavant s’apprête, dimanche, à déferler sur l’Assemblée nationale. Investis par La République en marche!, ils n’ont pour la plupart jamais rencontré celui à qui ils doivent tout: le président de la République, Emmanuel Macron. Portrait d’une déferlante qui rêve de transformer la France.
Comment le big bang Macron pourrait remettre la politique française à l'endroit par Chloé Morin Directrice de l'Observatoire de l’opinion de la Fondation Jean-Jaurès
Au lieu de vouloir faire rentrer les électeurs dans des cases qui n'ont plus aucun contenu idéologique clair et cohérent, partons du bas pour reconstruire le haut.
Au lieu de se demander s'il est normal que Benoît Hamon appelle à voter pour la candidate France insoumise opposée à Manuel Valls, de reprocher à ce dernier d'avoir soutenu Emmanuel Macron, ou encore à Thierry Solère de vouloir voter la confiance au gouvernement, on ferait mieux de se poser les bonnes questions.
En matière d'idéologie comme en économie, certains croient fermement à la politique de l'offre, d'autres à la politique de la demande. Les discours tenus par les médias, partis, institutions façonneraient l'opinion (politique de l'offre). Ou, à l'inverse, les responsables politiques ne seraient élus et les médias écoutés que dès lors qu'ils feraient écho à des opinions/convictions pré-existantes dans la société.
Législatives: «Je me retirerai de la politique les deux pieds devant!»... Mélenchon répond à nos lecteurs
Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise et candidat dans la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône a accordé une interview à 20 Minutes. Une centaine de questions, quelques trolls, vous, lecteurs, avez posé vos questions à Jean-Luc Mélenchon, nous lui en avons soumis une dizaine.
Sur quels enjeux pensez-vous que la victoire va se jouer dimanche ?
Avant le premier tour, il n’y a eu aucun débat, ça a été une apologie permanente du gouvernement en place. Mais cette dernière semaine, des médias ont révélé des énormités comme le projet de destruction du Code du travail ou la mise dans le droit commun des mesures liberticides de l’état d’urgence. Même les gens éloignés de moi politiquement m’ont dit leur stupeur. Les gens découvrent que les candidats du « renouveau macroniste » ont déjà une expérience politique. A ceux qui ont éjecté Les Républicains et le PS, Macron propose un potage qui est le concentré des deux. Je vois venir un effet correcteur contre la vague Macron.
Votre Taulier ne rechigne jamais, même pendant les mois d’été, à explorer les plis et les replis de la libido du buveur. Mais, comme il est aussi un fieffé ramier, il ne crache pas sur le recyclage de chroniques anciennes. Pour sa défense, celle que je...
Puisque certains n'ont pas compris mes conneries de la saison 1 ICI link j'en remet une louchée. C’est donc l’histoire d’un mec qui passait sa vie avec les bandits manchots dans les casinos. Il jouait à tout. Il pariait sur tout. Il grattait. Il se faisait...
Fenêtre sur cour, L’amour Est un crime parfait, Des mots noirs De désespoir Jetés sur un petit carnet. Mère au foyer sans foyer À nue Toute nue. Sur sa peau lisse tout glisse. Ses grains de beauté Fixés sur mes clichés volés. Sente blanche de ses hanches...
1- J'adore les mecs, le cul vissé sur le siège de leur scooter, qui m'invectivent parce que sur mon vélo je ne démarre pas assez vite aux feux tricolores... Bienheureux les beaufs ! 2- J'adore les nanas, les fesses posées sur le cuir des sièges de leur...
Sur la Toile faut s’attendre à tout lorsqu’on est comme moi un VB, vieux blogueur, un VC, vieux con, un VD, vieux débile qui crache sa bile comme dirait l’immense Mimi, mais un qui a aussi le bras très long, un influenceur de Première League, un gars...
Abonnez-vous pour être averti des nouveaux articles publiés.