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5 octobre 2022 3 05 /10 /octobre /2022 06:00

Julien Bouvier - Environs de Chambéry

Je ne sais pourquoi ce grand tableau d’une cafetière émaillée, beaucoup de roses sur fond bleu et pourvu de deux ailes d’ange m’avait fortement intrigué.

Martha avait ri :

Je l’ai toujours vu accroché là, plus qu’accroché d’ailleurs, puisque le cadre est vissé au mur.                  

Je te le laisse bien volontiers, il te donnera à réfléchir !

C’était vrai.

Il devait éveiller en moi le désir de savoir pourquoi Melchior avait ainsi peint un objet domestique affublé de deux ails, dominant de sa masse un violon, une guitare et une partition posée sur le sol.

 

 

 

//////////

 

 

 

Martha me proposa un co-voiturage pour rejoindre l’école où nous enseignions tous deux.

 
Nos classes étant voisines, la chose paraissait parfaitement raisonnable.

 

Ce que nous fîmes.

 
Au bout de trois mois, nous étions devenus les meilleurs amis du monde.

Chacun ayant essuyé quelques déceptions aux cours des années passées, nous étions deux quadras sans grandes illusions.

Mais cela, c’est ce que nous laissions paraître. Je crois qu’au fond, nous désirions, sans oser nous l’avouer, tenter une expérience commune un peu plus intime qu’un simple voisinage amical.

Je voulais résister au sentiment qui commençait à me tarauder le cœur et au désir à me troubler l’esprit.

Je comprenais malgré tout, que de son côté, Martha résistât à la même tentation.

 

 

 

//////////

 

 

 

Un jour, seul, inspectant de plus près le fameux tableau à la cafetière, je me rendis compte qu’en fait la toile était recouverte d’un papier calque soigneusement marouflé, ce qui donnait au fond, aux ailes et aux objets, un flou qui passait pour artistique mais qui pour se partie principale masquait grâce à la fameuse cafetière, un mystérieux personnage.

 

L’envie de retirer cette couche qui dissimulait la toile commença à e poursuivre.

De jour en jour, quand mes soirées s’étiraient solitaires, en l’absence de Martha, la question lancinante.

Qu’y avait-il derrière la cafetière bleue ?

Enfin, un jour, n’y tenant plus je me suis mis au travail.

Il ne s’agissait, pour ainsi dire, que d’ôter du papier peint d’une cloison et ça, je savais le faire, aussi bien que d’en coller.

Avec délicatesse, étalant une serviette éponge bien humide sur la surface de la toile, je m’appliquais à décoller cet épais repeint qui la recouvrait.

L’affaire n’était pas simple et je dus me décider à décrocher le tableau pour travailler à l’horizontale.

Il était bien fixé.

Vis après vis, je finis par le retirer du mur.

A ma demi-surprise, je découvris qu’il dissimulait un placard mural dont les deux étagères supportaient quatre cahiers d’écoliers.

Sur la couverture de chacun était écrit : « Pour Martha »

À côté trônait la fameuse et énigmatique cafetière et une boîte à biscuits LU où étaient tassées vingt enveloppes fermées, toutes portant une adresse en Allemagne.

Au bas du placard gisait une quantité de tubes de couleurs et de brosses, de pinceaux et de fusains.

Tout était si bien rangé, qu’il y avait dans cet étalage comme une décision d’un renoncement.

Et j’ai la conviction que cet étrange trésor était le dernier acte de la vie d’un homme qui avait épuisé toutes ses possibilités d’envisager un avenir.

Les contenaient le journal de Melchior. Était-ce de ma part indiscrétion ou désir intuitif de la protéger, que de souhaiter lire ce journal avant de le transmettre à Martha ?

 

Je restais cependant intrigué, par cette cafetière. J’ai mis toute ma dextérité et ma patience à retirer le calque humide sans pour autant en abîmer la peinture.

Et lentement m’est apparu dans toute sa nudité un jeune ado à la beauté un peu trop classique des académies d’hommes de Beaux-Arts.

Il était coiffé d’une casquette à visière de l’armée allemande et sa jambe gauche repliée reposait sur un drapeau nazi.

Après avoir contemplé cette œuvre étrange, je décidai de la recouvrir à nouveau de son cache avant de dévoiler à Martha, le contenu de ma trouvaille.

 

 

 

                                 ///////////

 

 

 

 

Ceci est mon journal…

« Io servico come un povero diavolo e non come un uomo di lettere. »

 

C’est ainsi que commençait le journal de Melchior Seguin et je n’éprouvais aucune gêne à en déchiffrer la fine écriture et à en pénétrer les secrets.

J’avais acquis la maison et j’étais dans l’esprit l’héritier de Melchior.

J’étais celui par qui ses murs allaient revivre.

J’étais le Bernard-l'hermite des lieux et je voulais de toute mon âme, emplir cette coquille abandonnée.

 

Non, pas vraiment abandonnée, laissée selon une volonté bien déterminée, telle qu’un autre puisse s’y introduire et s’y fondre.

Ce journal sans date, sans véritable chronologie, ce long assemblage de mots jetés en vrac sur les pages poreuses  d’un ancien cahier d’écolier était-il la première étape d’un jeu de piste ?

Le vieux Melchior avait-il eu la prémonition d’un héritier ?

Mais d’un héritier étranger à toute cette histoire sans liens affectifs avec sa vie, certainement.

 

Tournant les pages avec méfiance, je sentais naître en moi une réelle complicité.

Je devinais dans cette confidence silencieuse, une connivence telle que bientôt, Melchior prit visage et forme pour moi.

 

« Io servico come un povero diavolo...»

 

Dans cette citation de Montale, je devinais une fausse modestie au fur et à mesure de ma lecture.

Je découvrais l’aveu d’un désir avorté : « Non come un uomo di lettere. »

Melchior avait certainement nourri le désir de réussir dans une voie que les circonstances, la vie, ne lui avaient pas laissé prendre.

 

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4 octobre 2022 2 04 /10 /octobre /2022 06:00

peinture tableaux Savoie peintre savoyard

Même la réalité s’invente… B. Giraudeau

 

 

1984

 

« Hello, vous, bonjour ! Ça s’est bien passé ?

- Oui, relativement bien.

Mais vous connaissez l’histoire, n’est-ce pas, les débuts sont toujours difficiles.

Nouvelle école, nouveaux collègues, nouveaux élèves !

- Si vous voulez un coup de main pour mettre un peu d’ordre dans la maison, n’hésitez pas.

 

 

 

                                                     //////////

 

 

 

 

C’est une grande ferme à deux corps mitoyens avec pour chacun un escalier en façade, un palier qui fait balcon au premier étage.

Rien n’a bien changé depuis l’origine, sauf peut-être que…

 

Lorsque j’ai eu ce poste à Aix, j’ai aussitôt cherché une maison.

J’ai sans hésiter jeté mon dévolu sur celle-ci que m’avait présentée ma collègue Martha Seguin, une jeune et jolie jeune femme sans histoire.

Elle vendait ce corps de ferme qui en fait, ne faisait qu’un avec celui qu’elle occupait.

Son père y avait vécu.

Elle avait décidé de ne conserver que la part venant de sa mère.

 

J’étais intrigué par cette promiscuité de l’un et l’autre parent, mais elle m’expliqua qu’ils étaient cousins germains et que, bien sûr, leur vie commune n’avait pas été sans quelques rumeurs de gens bien-pensants, du genre  « d’unions consanguines ne naissent qu’idiots ou génies. »

Elle avait ri en précisant que, n’étant pas idiote, elle était forcément un génie.

Bravo Martha !

 

- Et vous Martha cette rentrée ?

Vous avez retrouvé tous vos petits amants du CE2 ?

Elle a ri.

Et son rire tintait comme le cristal d’un verre précieux.

Elle disparaissait à moitié derrière la rambarde du balcon de bois d’où s’épanchait, d’une jardinière, une cascde de géraniums en fleurs.

C’est ainsi que tout a commencé.

Je l’ai observée.

Elle était affairée à enlever les fleurs sèches de cette touffe de pétales rouges et roses.

- Vous verrez, Bruno, vous aurez vite séduit vos CP.

Mais je réitère  si vous avez besoin d’un coup de main, n’hésitez pas.

J’ai essayé de laisser les lieux propres, mais pour ce qui est de l’ensemble, il est évident que la déco est surchargée !

 

 

 

                                                          //////////

 

 

 

J’avais acquis la maison, contenant et contenu, sans avoir fait l’inventaire, séduit tout simplement par l’aspect extérieur de vieille ferme et sa situation au sommet du hameau, avec un petit jardin ombragé par un majestueux pommier.

Des reinettes, les meilleures pour cuire.

Je ne peux pas dire aujourd’hui si le fait d’un voisinage aussi agréable que celui de Martha avait joué dans cette acquisition.

 

 

Martha m’avait parlé de son père. Un spectateur disait-elle, jamais vraiment présent, donnant toujours l’impression d’avoir l’esprit ailleurs.

Il avait fini ses jours seul, dans cette partie de la maison, en peintre du dimanche et plus peut-être.

Il avait encombré les locaux de centaines de toiles qu’il n’avait jamais ni exposées ni vendues.

Elles étaient restées là comme abandonnées, accotées au bas des murs de son atelier qu’il avait installé dans la grande pièce du rez-de-jardin.

 

 

Martha m’avait laissé une dizaine de ces toiles par-dessus le marché et en particulier deux ou trois représentations du Mont Granier qu’il appelait modestement, sa Sainte Victoire. 

Je compris plus tard que cette dénomination avait un sens beaucoup plus profond qu’il n’y paraissait.

C’était, cette vocation tardive de peintre, une victoire sur un passé tourmenté qu’il avait peut-être en partie surmonté grâce à cette dévotion pour la peinture.

J’avais pour ma part, laissé au mur trois Granier de bonnes dimensions, un hiver, un printemps, un été.

Et au-dessus de la porte de l’atelier, un petit tableautin d’un Granier rougeoyant sous un soleil automnal, au couchant.

Et puis il y avait, dans un recoin de l’atelier, qui en tenait tout un pan de mur, un immense tableau grand comme une porte et qui représentait une cafetière émaillée, pourvue de deux ailes.

Je me suis assis devant la grande table de noyer. J’avais l’impression qu’en épiant son large plateau, en gardant le silence, elle sortirait d’elle-même de son mutisme pour me confier l’histoire de cette maison, de ses petits secrets, de ses murs longtemps désertés.

 

 

Immobile et silencieux, je me surpris à respirer en cherchant à le définir cet air renouvelé.

L’acidité atténuée devenait odeur de cendre humide, l’âcreté s’effaçait devant l’effluve résineux qui sourdait des solives.

Je percevais peu les échos de cette vie longtemps tenue au secret qui lentement reprenait ses droits.

J’éprouvais soudain la crainte de tromper cette maison qui mûrissait en silence dans l’attente de son maître et pour laquelle j’étais l’intrus, le curieux.

Je décidais de m’effacer encore dans mon recueillement afin d’apprivoiser ces murs, ces poutres et ces meubles d’un autre temps et d’un autre homme.

Le soleil jouait sur la table, animant tous ses ronds avinés, ses auréoles de chaleur, ses astres noirs nés du cul d’un poêlon brûlant.

 

Elle était telle qu’il l’avait laissée, endossant sans gémir jour après jour, les imprudences, l’indifférence et les négligences de l’homme seul qui partageait diots et polenta avec des compagnons de passage, des amis peintres aussi à leurs heures et qui savaient, à l’ombre du Granier, se laisser tenter par le gouleyant vin d’Apremont.

 

 

Dehors, le long du balcon, amorçant une tonnelle, une glycine emmêlée de bignone filtrait la lumière.

L’air avait cette douceur des voûtes cisterciennes et le ombres qui s’agitaient mollement sur les dalles du sol renvoyaient leurs vibrations jusqu’à l’intérieur en sobre reflets.

Je me prenais à penser que là était l’antre qui me convenait, la rusticité des pierres dorées, la douceur des vitres embuées d’un temps où seul importait la lumière, sans concession pour la vue troublée par ses imperfections.

Oui, j’avais fait un choix heureux.

J’en avais la conviction.

Et sans effort, je me glissais dans la peau du nouveau maître de cette maison.

 

 

 

 

                                               //////////

 

 

 

 

Il y fait bon rêver, c’est vrai, mais encore ? (Martha me guignait gentiment par la porte entrouverte) ce n’est pas en rêvant que vous allez remettre le navire à flots !

- Je devine que vos saurez sans peine aider le nouveau capitaine !

- Pourquoi pas ? Finalement, je suis aussi étrangère que vous ici.

Mon père et moi, avons vécu des  années à côté de la maison de ma mère.

Il préférait ça.

Et ça ne se commande pas.

Je le soupçonnais de considérer sa part comme un sanctuaire où il avait enfermé un passé douloureux.

Il n’a emménagé ici que sur la fin, quand il s’est jeté dans la peinture.

Alors, sans que je sache pourquoi, il s’est mis à vivre une autre vie.

Moi j’étais devenue grande ou raisonnable, il pouvait donc m’oublier un peu.

 

 

Je vais en profiter disait-il.

Mais profiter de quoi ? En fait, il ne recevait que des amis peintres du dimanche, ou guère plus. 

Et tous les mois, une soirée diots polenta ou tripes… Pour lui c’était le paradis.

Vraiment, il n’était pas allé le chercher bien loin son paradis…

C’était un sage, Martha.

Peut-être avait-il compris que de toute façon il faut un jour cesser de courir après l’utopie.

Peut-être avait-il découvert le paradis derrière cette porte.

Au fait, ne pensez-vous pas que ma présence ici risque de faire un peu jaser les autochtones ?

-Trop tard c’est déjà fait !

Elle se mit à rire.

-Après tout, dis-je, nous sommes faits pour vivre pas mal de temps sous le même toit, non ?

 Nous avons jeté l’ancre côte à côte. 

 Alors pourquoi se poser des questions sur nos voisins ? 

-D’accord avec vous, cher collègue. 

Et son sourire éclairait son visage d’une lumière limpide où se lissaient à la fois la confiance et une certaine ironie.

 

 

 

                                                               //////////

 

 

 

 

 

Je sentais un heureux bien-être m’envahir lentement.

Toute affectation, toute timidité s’avérant soudain inutiles, relation voisin-voisine s’annonçaient toute simple.

 

 

 

 

                                             //////////

 

 

 

 

 

En quinze jours, j’avais investi son antre et j’en avais vraiment fait ma demeure.

Martha y avait largement contribué en m’aidant avec patience et aussi une curiosité où l’étonnement n’était pas loin d’être égal au mien.

-Martha, tu me surprends.

Tu ne connais rien à ces murs et pourtant c’était la maison de ton père ;

Tu le connaissais donc si peu ?

-Qui connaît son père, Bruno ? Autrement que « papa » ? qui sait ce qu’un père a dans la tête quand justement il n’est plus que « papa. »

 

 

Je t’avoue que je le découvre aujourd’hui en même temps que toi.

C’est l’aveu qu’elle me fit quelque temps avant que, poussant mes investigations, je ne découvre le journal de Melchior.

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21 août 2021 6 21 /08 /août /2021 06:00

Gabriel Aranda, ex-conseiller du ministre Albin Chalandon, et son avocat René Floriot répondent aux questions des journalistes à leur arrivée au Palais de Justice de Paris le 18 septembre 1972.

Automne 1972, le Canard Enchaîné révèle des scandales politico-financiers impliquant des élus du parti au pouvoir, l'UDR. Des trafics d’influence, de la corruption qui salissent la scène politique française.

 

La source ?

 

Gabriel Aranda, conseiller technique discret et sans histoire de l'ancien ministre Albin Chalandon.

 

Les journalistes ont eu accès grâce à lui à des documents confidentiels démontrant les magouilles immobilières entre élus et entrepreneurs. Pourquoi Gabriel Aranda est-il allé livrer de tels secrets à la presse ? Personne ne le sait avec certitude.  Mais une chose est sûre, celui que l’on surnomma ensuite l’Archange, vient de lancer une bombe. Des politiciens corrompus, des promoteurs immobiliers véreux, un lanceur d’alerte aux motivations suspectes : tous les éléments sont réunis pour une affaire, décidément, très sensible...

Présentation

La condamnation de la "dictature criminelle" de Staline en 1956, par M.
Khrouchtchev, démontra, si besoin était, le peu de crédit que l’on doit
accorder à priori à la propagande soviétique. Après avoir glorifié Staline et présenté l’U.R.S.S. comme le pays le plus démocratique du monde où
s’établissait progressivement un "paradis populaire", ces mêmes personnages reconnaissent aujourd’hui que la terreur policière régnait... En fait, il est bien évident, qu’en politique, les paroles n’ont pas beaucoup d’importance ; seuls les actes comptent, aussi il n’y a aucune raison d’être certains, qu’obligatoirement, la véritable stratégie politique du gouvernement soviétique, concorde avec sa propagande officielle. Le seul moyen permettant avec certitude de déterminer la politique réelle d’un gouvernement, est d’examiner soigneusement ses actes et les conséquences de ceux-ci. C’est à partir de ces principes logiques, qu’à Paris, Berlin, Essen, Varsovie et Prague, Gabriel Aranda a étudié, en utilisant une très importante documentation, tous les événements survenus dans le monde entre 1918 et 1945. Les actions, et leurs conséquences, de tous les partis communistes ainsi que du gouvernement soviétique, ont été examinées. Les conclusions sont stupéfiantes, mais parfaitement logiques.

Comment les services secrets anglais ont recruté MussoliniStaline – Média LAROUSSE

« Depuis 1917, les dirigeants bolcheviks travaillent pour le triomphe mondial du communisme, c’est en quelque sorte une guerre totale qu’ils mènent. Or, comme l’a dit Machiavel, « à la guerre, la ruse mérite des éloges. » Ils vont donc tenter de provoquer des révolutions en Europe, et plus particulièrement en Allemagne, mais dès le début de 1918 l’état-major de la Révolution Mondiale constata que l’incendie bolchevik avait peu de chance de s’étendre. « Dès lors pour ces hommes dont la raison de vivre était la révolution, il n’y avait qu’une alternative : renoncer à vaincre dans le monde entier ou trouver un moyen machiavélique qui permettrait la victoire, malgré l’impossibilité apparente. Plutôt que de renoncer, ils cherchèrent ce moyen. » Jusqu’ici, rien de très neuf sous le soleil de l’Histoire contemporaine dans les écrits de l’archange. Non, son « génie » autoproclamé est ailleurs. Il se prend pour l’Hercule Poirot de la géostratégie des années d’avant 1945. Je résume sa fulgurante hypothèse : il suffisait à l’URSS « de construire une puissante armée et de la lancer à la curée sur l’Europe au bon moment, c’est-à-dire à l’issue d’une guerre entre les Etats occidentaux, pendant laquelle l’URSS serait resté neutre. » Facile à penser mais plus difficile à faire mais pour notre archange ça n’est pas un problème : tout ce qui a abouti au second conflit mondial a été manigancé par les stratèges de la Révolution Mondiale avec la complicité des PC nationaux placés sous la coupe de la IIIe Internationale : arrivée d’Hitler au pouvoir, affaiblissement de la France et du Royaume Uni, échec des républicains espagnols, Anschluss,  etc. Notre archange accumulait des tonnes de « preuves » pour en tirer des conclusions pour le moins étonnantes sans trop se soucier des contradictions qu’elles comportaient. Mais tout cela n’était que broutille comparé à la révélation finale de l’ami de mon Ministre. Rien moins que « Mussolini, le « Duce » ne fut même en 1940 qu’un « agent communiste » ! Au service « d’un vaste plan machiavélique conçu à Moscou » pour mettre la main sur le monde.

 

« En fait toutes les conséquences des actes du Duce n’eurent qu’un seul bénéficiaire : l’Union Soviétique. Ainsi, c’est à cause de Mussolini, que le Reich perdit sa guerre contre l’URSS […] L’aide, que le Duce apporta au gouvernement soviétique est d’une valeur inestimable. » Mais cette trahison permanente de Mussolini était-elle consciente ou inconsciente ? Pourquoi le Duce prit-il ces nombreuses et graves décisions dont les conséquences faisaient uniquement le jeu des Soviets ? » Pour mon archange l’origine de tout se situe, « en 1903-1904, en Suisse, lors d’une certaine rencontre… » Suspens insoutenable,  nous sommes à la page 301 à 40 petites pages de la fin, l’archange ménage ses effets. Enfin à la page 309 la bombe éclate : « Aussi en 1903 et en 1904, à Genève et à Lausanne, Mussolini, avide d’étendre ses connaissances politiques, fréquenta assidûment ces groupes d’émigrés. Il connut ainsi Lénine et Trotski. Mussolini rencontra également Angelica Balabanoff qui travaillait alors en collaboration avec les deux chefs révolutionnaires russes. Il devint l’amant de cette femme et ils restèrent en relation pendant plusieurs années. Angelica Balabanoff emmena régulièrement Mussolini chez ses amis russes, et finalement, Lénine et Trotski se lièrent d’amitié avec le jeune et ardent révolutionnaire italien, qui était prêt à sacrifier sa vie pour le triomphe de la Révolution. » Point barre, rien de plus qu’une hypothèse fumeuse sur le recrutement sur l’oreiller de « l’agent communiste Mussolini. »

 

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16 juin 2021 3 16 /06 /juin /2021 08:15

Affiche de « Baisers volés » (François Truffaut, 1968) - La Cinémathèque  française

- Et qu’est-il devenu ? demanda-t-il.

 

 

- Il est écrivain, répondis-je. Il écrit des romans.

 

 

- Il en écrivait déjà à l’époque. Mais personne ne voulait les publier.

 

 

-  Maintenant c’est différent, dis-je. C’est un écrivain à, succès.

 

 

- C’est vrai ? Je m’en réjouis : j’ai toujours pensé que c’était un type qui avait du talent, en plus d’être un sacré menteur. Mais je suppose qu’il faut être un sacré menteur  pour être un bon romancier, n’est-ce-pas ?

 

Javier Cercas

 

Écrire un roman, des romans, se glisser dans la peau d’un romancier, mentir, travestir, mêler, emmêler, démêler, fiction et réalité, étaler son érudition, laisser aller son imagination, n’être qu’un simple scripteur, imposer un style, être Guillaume Musso ou Robbe-Grillet, collection blanche ou P.O.L ?, passer à  Apostrophes, bouffer de la vache enragée, n’écrire que sous l’emprise de la nécessité ?

 

 

Haruki Murakami se raconte et nous raconte sa drôle de profession : romancier ! L'auteur dévoile les ficelles de ses créations, s'interroge sur l'avenir du livre, et prodigue conseils et encouragements aux écrivains en herbe. Dans cet essai drôle et passionnant, il se raconte et porte un regard aussi rafraîchissant que sincère sur le métier de romancier. Tout en explorant ses plus chères obsessions et en distillant des réflexions sur la littérature, la lecture et plus largement la société japonaise, l'auteur dévoile les coulisses de son quotidien, où s'imposent persévérance, patience et endurance. Une œuvre généreuse et sensible qui s'adresse à tous ceux qui sont en quête de l'homme derrière le maître, mais aussi aux curieux ou aux écrivains en herbe en mal d'inspiration !

 

 « Le romancier n'a pas pour rôle d'exposer des idées ou même d'analyser des caractères, mais de présenter un événement interhumain, de le faire mûrir et éclater sans commentaire idéologique, à tel point que tout changement dans l'ordre du récit (...) modifierait le sens romanesque de l'événement »  Merleau-Ponty.

 

La langue vulgaire est d'abord utilisée pour raconter la vie des saints, mais très vite la fiction s'en empare. Le nouveau genre littéraire ainsi créé, « le roman », prend alors le nom de la langue qu'il utilise. Le sens courant du mot « roman » demeure assez longtemps celui de « récit composé en français », même si Chrétien de Troyes substitue à l'expression « mettre en roman » celle de « faire un roman », qui met l'accent sur son activité créatrice. Tandis que la chanson de geste est toujours populaire, la nouvelle génération, celle de Chrétien, fera la fortune du roman, qui triomphera finalement de l'épopée.

 

Au temps du papier, depuis Gutenberg, écrire, produire un manuscrit, le relire, le faire relire, le proposer à un éditeur, se le voir refusé, s’accrocher, ne pas désespérer ou céder au compte d’auteur, le reposter, espérer, et puis un jour peut-être le voilà édité, signé sous un pseudonyme, broché, diffusé, noyé dans le flot des nouveautés, souvent ignoré de la critique, acheté à quelques exemplaires, rejoindre le pilon...

 

Aujourd’hui, il est facile de mettre en ligne ses écrits, de les jeter sur la Toile, au jour le jour, c’est en accès libre, gratuit, et lorsqu’on prend le risque de publier sans le filtre d’un pseudo c’est ouvrir la porte à l’autocensure, « Je ne peux pas écrire ça, ceux qui me connaissent vont n’y voir que du vécu, de la réalité, c’est ce qui m’est arrivé lorsque j’ai relu l’épisode que je devais publier ce matin : Un baiser presque volé… « Dans la pénombre du couloir leurs corps se frôlèrent, il lui enserra la taille, elle se laissa faire. »

 

Censuré !

 

Alors est-ce bien raisonnable de continuer ?

 

Je crois que non…

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15 juin 2021 2 15 /06 /juin /2021 08:00

Djokovic renverse Tsitsipas et remporte Roland-Garros !

 

- Alexeï, ton petit Vladimir doit être furax, se faire torcher trois pions secs, sur la pelouse de Saint-Pétersbourg, par des Belges, en plus, une fois, ha, ha, c’est la honte,  et deux par un grand black, ça sent le goulag…

 

 

- C’est nouveau, tu t’intéresses au foot Goran ?

 

 

- Non, je m’en tape, je dis ça comme ça pour voir comment tu réagis ?

 

 

- J’n’aime pas les footballeurs, rien que des tapettes avec leurs godasses fluos, des tatoués, gros muscles petit pois à la place du cerveau…

 

 

- Tu es dur mon grand…

 

 

- J’voudrais bien être dur mon pote mais tu m’as amené sur cette terrasse où y’a que des mecs, je ne savais pas que t’avais viré bobo Goran…

 

 

- Sacré Alexeï, toujours chaud bouillant !

 

 

- Te fous pas de ma gueule Goran, qu’est-ce qu’on est venu faire sur cette terrasse de merde ? Je n’aime pas le vin…

 

 

- Et le champagne, c’est quoi beau gosse ?

 

 

- Des bulles…

 

 

- Alors nous allons carburer au champagne pour fêter la victoire de Djokovic sur le petit pâtre grec…

 

 

- Dis-donc, ton Djoko, qu’est-ce qu’il a absorbé comme substance au vestiaire après avoir encaissé deux sets ? Ressuscité le grand vegan… Tu ne trouves pas ça étrange ?

 

 

- Non, du côté dope vous êtes plutôt les champions du monde…

 

 

- Ok, laissons ces conneries de côté, répond à ma question Goran, pourquoi sommes-nous là sur ce trottoir qui pue ?

 

 

- Pour faire notre job !

 

 

- …

 

 

- Tiens-toi bien voilà un beau petit cul qui se pointe, c’est la taulière du bar.

 

 

- Bonsoir, messieurs, qu’est-ce que je vous sers ?

 

 

- Champagne mademoiselle !

 

 

- Vous avez une préférence ?

 

 

- Le plus cher !

 

 

- Vous souhaitez manger quelque chose ?

 

 

- Des cacahuètes ! Désolé, je déconne, quand je suis venu avec la baveux nous avons pris une planche mixte…

 

 

- Oui, je me souviens, mais ce jour-là vous avez bu un vin orange…

 

 

- Excellente mémoire mademoiselle, et si je puis me permettre vous êtes vraiment très jolie…

 

 

- N’écoutez pas ce baratineur, il drague lourd, vous n’êtes pas jolie vous êtes belle comme un cœur…

 

 

Elle rougissait, bloquait son souffle, esquivait.

 

 

- Vin orange ou champagne, messieurs ?

 

 

- Commençons par votre jus orange, nous finirons au champagne…

 

 

- Excellente idée, je reviens de suite…

 

 

Elle voltait, filait à l’intérieur du bar.

 

 

- Tu l’as trouve comment Alexeï ?

 

 

- Un poil trop en chair à mon goût mais elle est plutôt bien gaulée. Et toi, elle te branche ?

 

 

 

- Je  la veux !

 

 

- T’es amoureux ?

 

 

 

- Elle m’émeut…

 

 

 

Qu’est-ce qui t’arrive, tu veux te ranger des voitures…

 

 

 

-  Pourquoi pas, la voilà qui reviens… et voilà aussi notre cher Maître… Comment allez-vous ? Je vous présente Alexeï… 

 

 

 

 

- Enchanté. Je vois que je vous ai converti…

 

 

 

- Cette charmante jeune femme fait bien le job, nous sommes entre de bonnes mains.

 

 

- Je rapporte un autre verre.

 

 

- Désolé, j’aurais dû vous dire que nous attendions quelqu’un.

 

 

- Tout le plaisir est pour moi…

 

 

Elle rougissait, s’en voulait d’avoir dit ça, pour se donner une contenance elle débouchait la bouteille, sentait le bouchon, versait un peu du nectar dans un verre qu’elle tendait à Goran qui se la jouait dégustateur.

 

 

- Ça vous va ?

 

 

- Parfait !

 

 

- Je reviens…

 

 

Goran se levait, l’accompagnait. Elle se demandait ce qu’il voulait. Il filait aux toilettes. Ça la rassurait, ce type, tout comme l’autre, l’inquiétait. Elle passait derrière le bar pour préparer la planche de nourriture. Goran revenait, hésitait, regagnait la terrasse avant  de s'engouffrer dans un gros 4X4 noir stationné sur le trottoir. Le monstre laissait de la gomme sur la chaussée. Les deux autres s'étaient éclipsés, ne restait plus sur la table qu'une poignée de billets.

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14 juin 2021 1 14 /06 /juin /2021 08:00

L’ancien premier ministre François Fillon sur un plateau de télévision, en janvier 2020.

L’ancien premier ministre François Fillon sur un plateau de télévision, en janvier 2020. 

 

Même si, selon Jean-François-Paul de Gondi, plus connu en tant que Cardinal de Retz, qui rêvait de devenir un grand politique, et avait un don pour se fâcher avec tous. « On ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment », je me dois, en tant que simple gribouilleur de mettre en garde mes rares lecteurs : sans être un pâté d’alouette mon misérable petit roman est, certes de moi, mais n’est pas moi. Tout juste répond-il à la fameuse règle des 80/20.

 

Ambrose, Louis, Clotilde, Chloé, Beria et les autres ne sont que le fruit de  mon imagination, bien sûr ils se meuvent, vivent dans un monde où se mêlent mes souvenirs, mes rêves, mes échappées belles, mes amours, mes envies, mais la mention « toute ressemblance avec des personnages existants serait purement fortuite » lui va comme un gant de pécari. Seuls des esprits mal intentionnés, fouineurs, voyeurs, qui n’ont rien à faire sur mes lignes, se complaisent à mettre des visages sous mes prénoms. À l’avenir, je vais, plus encore, observer une prudence de Sioux sur le sentier de la guerre, j’userai d’initiales, de pseudos, de leurres, de pieds-de-nez, de bras d’honneur… À bon entendeur salut !

 

En revanche, la menace russe n’est pas le fruit de mon imagination. Le G.R.U. acronyme du renseignement militaire russe, organisation centenaire au passé discret, s'est depuis peu frayé un chemin sous le feu des projecteurs de médias occidentaux. Ces trois initiales, qui ont fait parler d'elles ces derniers mois, désignent une organisation récemment accusée d'une série d’opérations en Occident - de l’empoisonnement de l'ex-espion Sergeï Skripal au Royaume-Uni aux piratages de l'Agence mondiale antidopage ou du Parti démocrate américain. La spécificité du GRU est d'être auteur de diversions, de mener des opérations spéciales, et non de former des espions: ses agents n'ont donc pas le même degré de couverture, souligne Pavel Felgenhauer. D’autres experts vont jusqu’à penser que ces bavures étaient volontaires, qu’en « signant » ces actes, la Russie informe les Occidentaux qu’elle peut agir sur leur sol en toute impunité. Vladimir Poutine, lors de la cérémonie du centenaire de l'organisation, le chef du Kremlin n'a pas tari d'éloge à son propos. « Je connais vos capacités uniques (...) et je suis convaincu que chacun de vous fera tout pour la Russie », a-t-il déclaré aux troupes.

 

Réels aussi les liens privilégiés qu'entretiennent le sport et la mafia russes : les clubs de football et les milieux criminels ont depuis longtemps compris qu'ils avaient besoin les uns des autres. Les structures sportives offrent de nombreuses possibilités de recyclage de l'argent sale et sans le pactole des gangsters les clubs russes, dans un contexte économique difficile, n'auraient jamais réussi à survivre. La plus symbolique de la collusion entre le sport et la criminalité reste celle d'Otari Kvantarichvili, entraîneur du Dynamo Moscou et parrain de la mafia dite «sportive», avec laquelle le «Taïwanais» était en affaires. C'est peut-être par l'intermédiaire de ce dernier que le droit acquis par Kvantarichvili – lui aussi assassiné en 1994 – d'importer sans taxe alcool et tabac est passé dans les mains de Chamil Tarpichev. Tarpichev, entraîneur de tennis de Boris Eltsine, puis ministre des Sports, membre du CIO et qui formait avec le chef de la sécurité présidentielle Alexandre Korjakov un des cercles de courtisans les plus en vue, avait créé un «Fonds national pour le sport» en compagnie du banquier Boris Fedorov. Ce fonds dissimulait en fait un vaste trafic d'alcool et de cigarettes auquel la mafia était directement mêlée.

 

Et puis, cerise sur le gâteau nous avons notre Fillon qui, pour s’acheter des costards a été proposé au conseil d'administration d'un groupe pétrolier public russe, Zaroubejneft – fondé en 1967, le groupe Zaroubejneft avait pour mission d'apporter une assistance technique aux pays amis de l'URSS pour y construire notamment des infrastructures pétrolières et développer leurs gisements d'hydrocarbures. Ainsi, il a participé à la réalisation de nombreux projets dans le domaine pétrolier notamment en Algérie, en Afghanistan, au Vietnam, en Egypte, en Inde, en Syrie ou encore au Vietnam – selon un décret du gouvernement russe rendu public vendredi 11 juin, dans la soirée. Le premier ministre unique de Sarko, entre 2007 et 2012, deviendrait ainsi l'un des représentants de la Fédération de Russie au conseil d'administration de cette société. Certes, d'autres anciens hauts responsables étrangers font déjà partie du conseil d'administration de groupes pétroliers russes. L'ex-cheffe de la diplomatie autrichienne Karin Kneissl, qui avait dansé une valse avec Vladimir Poutine en 2018, a été nommée en juin au géant pétrolier russe Rosneft, où l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder est déjà présent depuis plusieurs années. Début juin, invité à s’exprimer lors du Forum économique de Saint-Pétersbourg, il avait estimé que ces sanctions étaient « stupides et illégales ». Il s’agissait de sa deuxième visite depuis le début de l’année en Russie, dont les frontières sont en théorie fermées aux citoyens français. En coulisses, il expliquait au Monde être présent à cette manifestation en tant que simple « citoyen ».

 

Il y a donc beaucoup de grain à moudre… je ne vous roulerai pas dans la farine...

 

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13 juin 2021 7 13 /06 /juin /2021 08:00

 

Bien conscient de la complexité, de la dangerosité de leur entreprise, Ambrose entra en séminaire avec lui-même, il se réfugia seul dans son vaste loft surplombant le Parc Montsouris, coupa son smartphone, dormant le jour, cogitant la nuit sur sa terrasse. Régime sucres lents, pasta presqu’exclusivement, des bouilloires de café, un peu d’herbe, pas celle de Beria, du cannabis cheese qu’il cultivait sur sa terrasse. Penser à la marijuana comme à un simple type de plante est quelque peu réducteur. En effet, il existe aujourd’hui de nombreux types de cannabis, chacun pouvant offrir des expériences différentes et satisfaire différents palais. Après tout, c’est toujours une question de goût. Avec la variété Kush, on éprouve des effets très puissants, tandis qu’avec la Haze, on rencontre un goût raffiné accompagné d’effets stimulants. Le cannabis Cheese est certainement parmi les plus appréciés au monde, ce qui en fait l’un des cannabis les plus demandés et les plus populaires de tous les temps.

 

 

Au septième jour Ambrose coucha son plan en une brève note synthétique qu’il adressa, via  WhatsApp web, messagerie cryptée, à Louis. Celui-ci lui répondit dans l’heure : « nickel chrome, donne mon imprimatur. Nous arrivons. » Ambrose rebrancha son smartphone, transmis sa note à Chloé, toujours via WhatsApp, accompagnée d’émoticônes d’amour fou. Elle lui répondit dans la seconde qui suivit « Enfin ! Je te croyais mort. » « Les vieux chiens se cachent pour mourir, chouchou… » « T’es con ! » « Oui, mais je ne me soigne pas… Nos amis de Zoug arrivent ce soir. Viens dîner avec la princesse demain, petite patate chérie… Je ferai une carbonara… Apporte des jus nu» « tu es un vrai maquereau Ambrose, c’est ce qui fait ton charme… »

 

 

Ambrose installa Clotilde et Louis dans la chambre en rotonde qui donnait de plain-pied sur la terrasse. Beria, juché sur la commode bateau tirait la gueule, tout au long du dîner il rousina, s’activer sans grand résultat, frôlant les mollets des invités, miaula avant d’entamer une sarabande infernale, montant et descendant les escaliers comme un troupeau de bisons en rut, enfin, épuisé, il bouda sur le canapé. Au petit-déjeuner, Louis, connaissant ses faiblesses, lui offrit de lécher son bol de yaourt grec. Beria, planté comme un piquet, fit semblant d’ignorer la douceur avant de succomber à la tentation. Resté seul, il s’endormit dans le fauteuil d’Ambrose, ne daignant pas ouvrir l’œil lorsqu’Ambrose revint les bras chargés de victuaille. Sans doute pensait-il, façon de parler, que son très cher maître dînerait seul. La première déconvenue survint avec le retour de Clotilde et de Louis, feignant l’indifférence il s’étira puis gagna la cuisine pour se taper une plâtrée de croquettes. Ensuite il déféqua dans sa hutte gravillonnée. Ses premiers soupçons intervinrent lorsqu’il vit Ambrose et Clotilde dresser une vaste table sur la terrasse, ça sentait les invités, Beria commençait à trouver cette agitation très déplaisante, il détestait qu’on vienne troubler son tête à tête avec son divin Maître. L’irruption, en retard comme à l’habitude, de Chloé et de la princesse, dans un premier mouvement d’humeur, le contraria, celle-ci s’estompa en un coup de torchon, plus précisément les caresses de la princesse. Beria adorait être au centre de l’attention. Tel fut le cas, il entama un ronron d’avion, se roulant pattes en l’air pour le plus grand plaisir de la princesse.

 

 

Ambrose s’activa en cuisine, Louis papota avec Chloé, Clotilde proposa des amuse-gueules, Chloé ouvrit un flacon encapuchonné, un vin orange bien barré, la princesse se goinfra de rondelles de saucisson sous l’œil ému de Beria. Ambrose se joignit à eux, ils trinquèrent « À l’opération extension du domaine de la pute ! » lança Louis.

 

 

- Ta contribution essentielle à la dite opération ironisa Clotilde.

 

 

- Détrompe-toi, moi aussi j’ai défriché le terrain…

 

 

- Raconte ! s’exclama Ambrose.

 

 

- J’ai fait le tour de ta cour de « belles amies », tombeur des cœurs !

 

 

- Ça dû te prendre du temps, monsieur est un ravageur… rétorqua une Chloé mi-figue mi-raisin…

 

 

- Faut pas exagérer, je ne suis pas Casanova.

 

 

- Trêve de chamailleries, je me suis concentré sur le noyau dur…

 

 

- Qui y’as-tu trouvé ?

 

 

- Le terreau idéal pour organiser une belle dégustation sous la houlette de notre futur Lawyer X qui se targue d’être le meilleur en ce domaine.

 

 

- Bonne idée…

 

 

- Mais ce n’est pas tout les amis, dans mon tour de chauffe j’ai levé un lièvre. Notre saint homme qui va à la messe avec bobonne a déjà péché.

 

 

- Avec qui ? s’exclamèrent les trois autres.

 

 

- Je vous le dirai au dessert…

 

 

- Salaud ! les trois même.

 

 

​​​​​​​- Moi je sais qui c’est chuchota Chloé.  

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12 juin 2021 6 12 /06 /juin /2021 08:00

'L.A. Confidential' Series in Development at

- Chouchou on se fait une petite toile sur mon home-cinéma…

 

 

- Ouiii !

 

 

- «Hush, hush », «Chut, chut », comme le dit le reporter de l’Indiscret, Danny de Vito, tout en rotondité retorse), crapoteux tabloïd à scandales, dans le Los Angeles raciste, vénal et violent des années cinquante. LA Confidential (1997) est d’abord une prouesse d’écrivain, roman noir de James Ellroy, troisième tome du Quatuor de Los Angeles, entre Le Dalhia noir, Le Grand Nulle Part et White Jazz. Pour moi c’est aussi l’une des meilleures adaptations cinéma de ces vingt dernières années.

 

 

- Je te vois venir canaillou…

 

 

- Nous allons en faire un remake : fausses parallèles parfaitement tracées, pistes inattendues, retournements spectaculaires vers une même vaste machination.

 

 

- Oui mais ce ne sera pas un film…

 

 

- Bien sûr, et nous ne maîtriserons pas forcément le casting comme avec les trois héros, flics en quête d’une vérité que personne d’autre ne veut voir surgir au grand jour. Jack Vincennes est un dandy vaniteux et corrompu, fasciné par Hollywood, où il sert de conseiller technique pour une série télévisée. Bud White, lui, est une brute au passé traumatique, l’incarnation même de la violence urbaine et des méthodes expéditives de la police d’alors. Quant au troisième, Ed Exley, c’est un jeune loup dévoré d’ambitions politiques, pressé de conquérir le pouvoir.

 

 

- Et la sublime Kim Basinger en fausse femme fatale blonde platinée… qui sera notre Lynn Bracken le sosie de Veronica Lake ?

 

 

- Tu n’as pas une petite idée chouchou ?

 

 

- Non, pas elle !

 

 

- Si ma belle !

 

 

- Tu crois qu’elle acceptera ?

 

 

- Nous allons la mettre en condition de le faire…

 

 

- My God, ce n’est pas joli, joli…

 

 

- Comme tu dis, je t’ai prévenu nous allons patauger dans l’ignominie…

 

 

- Pourquoi tout ça ?

 

 

- L’intérêt supérieur du pays chouchou…

 

 

-Tu n’es pas en train d’envelopper de la merde dans du papier soie Ambrose ?

 

 

- Oui !

 

 

- Mais qui sera Dany de Vito,  le Sid Hudgens fouilleur de merde de l’Indiscret ?

 

 

- Moi !

 

 

 

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11 juin 2021 5 11 /06 /juin /2021 08:00

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- Chouchou, il est hors de question que tu t’impliques dans notre merdier !

 

- Et pourquoi ?

 

- Pour plein de bonnes raisons…

 

- Lesquelles ?

 

- Je vais te donner la seule qui vaille, c’est trop dangereux …

 

- En quoi  est-ce dangereux de séduire notre futur Lawyer X ? Tu es jaloux ?

 

- Non, même si tu le fais bander…

 

- Ne sois pas vulgaire Ambrose !

 

- Ce n’est qu’un pur constat et, très chère, alors que, depuis le temps qu’il te tourne autour, tu n’as pas cédé à son petit ballet de séduction, soudain tu lui tomberais dans les bras. Bizarre… Vous avez dit bizarre…

 

- Souvent femme varie Ambrose…

 

- Je sais mais j’ai une meilleure idée d’appât…

 

- Qui ?

 

- Ne soit pas impatiente, écoutes-moi !

 

- Ne me fais pas avaler des couleuvres Ambrose !

 

- Rassure-toi, tu seras une pièce maîtresse dans notre dispositif, pas en première ligne, en retrait tu seras notre agent dormant…

 

- Tu es vraiment très doué pour dorer la pilule Ambrose…

 

- Tu te goure chouchou, nous nous engageons sur un terrain fangeux : le chantage, ce n’est pas très glorieux mais nous n’avons que ça en magasin. Comprends que je veuille t’épargner de te retrouver au centre de cette vilenie.

 

- D’accord, je t’écoute…

 

- Notre homme, est vaniteux, il se pavane, s’expose sur les réseaux sociaux, tout en se la jouant bon père de famille qui va à la messe au bras d’une bobonne qui n’est plus de la première fraîcheur, à 50 ans, il ne rêve que de stupre et de fornication dans les bras d’une jeune minette…

 

- Tu devrais écrire des romans érotiques Ambrose…

 

- J’y songe chouchou. Mais je vais me contenter de te citer Montaigne Les Essais, livre III, chapitre IX: De la vanité. Tu vas voir c’est raccord avec notre futur Lawyer X…

 

« J'ai la complexion du corps libre, et le goût commun autant qu'homme du monde. La diversité des façons d'une nation à autre ne me touche que par le plaisir de la variété. Chaque usage a sa raison. Soient des assiettes d'étain, de bois, de terre: bouilli ou rôti: beurre ou huile de noix ou d'olive: chaud ou froid, tout m'est un: et si un, que vieillissant, j'accuse cette généreuse faculté et aurais besoin que la délicatesse et le choix arrêtât l'indiscrétion de mon appétit et parfois soulageât mon estomac.

 

Quand j'ai été ailleurs qu'en France, et que, pour me faire courtoisie, on m'a demandé si je voulais être servi à la française, je m'en suis moqué et me suis toujours jeté aux tables les plus épaisses d'étrangers. J'ai honte de voir nos hommes enivrés de cette sotte humeur de s'effaroucher des formes contraires aux leurs: il leur semble être hors de leur élément quand ils sont hors de leur village. Où qu'ils aillent, ils se tiennent à leurs façons et abominent les étrangères. Retrouvent-ils un compatriote en Hongrie, ils festoient cette aventure: les voilà à se rallier et à se recoudre ensemble, à condamner tant de mœurs barbares qu'ils voient. Pourquoi non barbares, puisqu'elles ne sont françaises? Encore sont-ce les plus habiles qui les ont reconnues, pour en médire. La plupart ne prennent l'aller que pour le venir. Ils voyagent couverts et resserrés d'une prudence taciturne et incommunicable, se défendant de la contagion d'un air inconnu.

 

Ce que je dis de ceux-là me ramentoit, en chose semblable, ce que j'ai parfois aperçu en aucuns de nos jeunes courtisans. Ils ne tiennent qu'aux hommes de leur sorte, nous regardant comme gens de l'autre monde, avec dédain ou pitié. Otez-leur les entretiens des mystères de la cour, ils sont hors de leur gibier, aussi neufs pour nous et malhabiles comme nous sommes à eux. On dit bien vrai qu'un honnête homme c'est un homme mêlé.

 

Au rebours, je pérégrine très saoul de nos façons, non pour chercher des Gascons en Sicile (j'en ai assez laissé au logis): je cherche des Grecs plutôt, et des Persans: j'accointe ceux-là, je les considère: c'est là où je me prête et où je m'emploie. Et qui plus est, il me semble que je n'ai rencontré guère de manières qui ne vaillent les nôtres. Je couche de peu, car à peine ai-je perdu mes girouettes de vue.

 

- Bien vu mon Ambrose, mais le sexe ?

 

- Monsieur, vous aimez vous regarder ? Alors, entrez ! [....] venez tenter votre chance, entrez, entrez, l’homme est un éternel pourceau, l’ange aussi sommeille en lui, le divin angelot. »

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10 juin 2021 4 10 /06 /juin /2021 08:00

 

- Et puis un beau matin plein de soleil nous enfourchions nos vélos, filions tout droit vers le check-point Charlie. À notre grand étonnement personne ne se soucia de nos petites personnes. Notre bonjour en français aux Vopos sembla leur suffire ce qui nous laissa pantois mais nous requinqua. Nous pédalâmes gaiement sur des avenues, aussi larges que des autoroutes, qui nous menaient jusqu'à l'avenue Unter den Linden en passant par l'Alexanderplatz le nouveau centre-ville du « siège du gouvernement de la RDA » pour ne pas dire Berlin-Est capitale de l’autre Allemagne puisque celle de l’Ouest se contentait de Bonn…

 

 

- Pourquoi ce raid soudain vers Berlin-Est ?

 

 

- Une histoire de filles…

 

 

- Comme toujours avec vous…

 

 

- Nous nous emmerdions à l’Ouest. Les allemands de l’Ouest, ceux de Bonn la petite capitale de la RFA, n’aimaient guère les Berlinois de l’Ouest. Deux années avant la chute du mur, la vitrine la plus avancée de l’Occident libre, le petit joyau enfoncé dans le cul des pays du Pacte de Varsovie, et plus concrètement dans celui de l’autre Allemagne dite Démocratique, coûtait aux contribuables ouest-allemands la bagatelle de 22 milliards de deutschemarks, soit comme l’écrivait un de ces économistes adepte de la formule qui frappe les esprits « 41 857 marks à la minute ». Berlin-Ouest relevait pour beaucoup de la danseuse coûteuse et, chaque fois qu’ils postaient une lettre, le timbre de solidarité obligatoire du Notopfer Berlin – 10% de sacrifice pour la détresse – ça leur laissait, de 1948 à 1956, un goût amer sur la langue. Bien sûr, l’image humble et courageuse, du bourgmestre Willy Brandt qui saura par des gestes symboliques, lors de la répression sanglante par les russes de l’insurrection hongroise en 1956, où  il prit la tête dizaine de milliers de jeunes manifestants se mettant en route vers la porte de Brandebourg au cri de « Russes dehors ! » ou lors de son agenouillement en 1970 devant le mémorial du ghetto juif de Varsovie, masquer toutes ces petites mesquineries petite bourgeoise.

 

 

- J’adore votre mélange étrange d’amourettes et de discours politique bétonné…

 

 

- Tu as raison, nos petits jeux du Berlin des années 70, qui peuvent prêter à sourire en ce début du XXIe siècle, où par-delà les effets d’intoxication du camp de ceux qui justifiaient l’enfermement, donc l’asservissement de leurs populations à un régime policier et bureaucratique, par la résistance à une autre mainmise : celle de l’impérialisme américain, choisir son camp relevait d’un vrai courage. S’en tenir au discours bêlant des pacifistes « plutôt rouge que mort » ou à celui des partisans de la lutte armée des FAR débouchant sur le vide et la violence aveugle, c’était se donner bonne conscience.

 

 

- Tu me dis que vous étiez pris au piège de Berlin-Est, je ne comprends pas pourquoi ?

 

 

- La Stasi nous avait repérés, nos copines étaient des opposantes, étiquetés comme des espions impérialistes, nous n’avions nulle envie d’aller respirer les geôles d’Hohenschönhausen…

 

 

- L’art et la manière de se fourrer dans un guêpier…

 

 

- Excellente remarque dont tu devrais tirer profit, mais ne revenons pas sur les choses qui fâchent. Nous sollicitâmes Sacha, l’homme des solutions. Très vite il nous informa qu’il allait nous exfiltrer sous le couvert d’une troupe de jeunes comédiens anglais du British Council qui, après avoir entamé sa tournée par Berlin-Est, partait le surlendemain pour le Festival International du Théâtre de Prague. La chance nous souriait, le régisseur et son assistant venaient de contracter la coqueluche. Nous prendrions leurs places nombre pour nombre. Il nous confia à Conrad qui nous entraîna à l’étage dans un bureau encombré de livres et de piles de paperasses recouvertes de poussière. « Donnez-moi vos papiers d’identité ! » S’asseyant derrière sa table sous une lampe très puissante, avec un soin d’horloger, Conrad entreprit l’extraction des photos de nos passeports en nous précisant qu’il allait nous établir un passeport de la République algérienne démocratique et populaire. « Pour vous ça présentera un double avantage : d’abord celui de la langue, vous pourrez vous exprimer en français ou en anglais sans que les nombreux gardes-chiourmes, qui ne manqueront pas de vous contrôler, s’en étonnent, ensuite vous bénéficierez du fait que dans nos démocraties populaires l’Algérie de Boumediene jouit, en tant que membre éminent des non-alignés, d’un grand prestige. Je m’inquiétai des visas. « Entre pays frères c’est relax, et d’autant plus que vous êtes officiellement des protégés de Boumediene... » me rétorqua Sacha qui, d’un ton désinvolte, ajouta « le plus difficile pour vous sera de sortir de la nasse des pays du Pacte de Varsovie. Là il vous faudra jouer serré... »

 

 

 

Le car dans lequel nous embarquâmes, un British Leyland, avait des allures de bus psychédélique avec sur ses flancs des fleurs peintes cernant des décalcomanies de portraits de Marx, Gandhi, Castro, des Beatles et bizarrement de la Reine d’Angleterre et son porte-bagages couvert d’une bâche bleue arborait la colombe de la paix. Nous gagnâmes, Louis et moi, les places du fond qui nous étaient réservées. Les saluts furent joviaux mais nous dûmes nous habituer à nos nouveaux prénoms. Le voyage se passa sans incident et nous nous retrouvâmes à la tombée de la nuit dans un hôtel pour congrès, en lisière de la ville, genre monstruosité de verre et d’acier à la sauce soviétique. Depuis notre arrivée nous étions flanqués de trois accompagnateurs officiels. Sacha m’avait prévenu « c’est l’usage, tu fais comme si tu ne le remarques pas. Votre chambre sera fouillée. Ne jouez jamais au plus malin. Souriez sans arrogance ça les rassurera... »

 

 

 

Nous devions repartir, direction Varsovie, dans cinq jours. Nous retrouver aux portes de l’empire soviétique me renforçait dans l’idée que c’était là que la tenaille allait se refermer. La première ouverture vint de Louis qui, au détour d’une conversation, m’informât que deux de ses partenaires chiliens, membres du MIR, regagnaient leur pays car ça chauffait dur pour le bon docteur Allende. L’un d’eux, Ernesto, heureux que nous souhaitions les accompagner, se rendit à l’ambassade d’Algérie pour obtenir, en urgence, deux visas pour prendre le vol 2616 de la SAS en partance de Prague pour Quito via Schiphol. Pour bien comprendre la mécanique en œuvre, il faut se garder de comparer le temps d’aujourd’hui à celui d’une époque où les liaisons entre les ambassades et leur pays d’origine ne bénéficiaient pas des moyens modernes et rapides de communication. Le téléphone comme les téléscripteurs étaient utilisés avec parcimonie car les grandes oreilles américaines tétanisaient les services d’en face. Pour les visas le poste gardait une capacité d’appréciation et c’est ce qui nous sauva d’un contrôle tatillon. Le fonctionnaire déploya un zèle qui nous permit d’obtenir en un temps record les sésames des autorités tchèques qui se hâtèrent de faire plaisir à des ressortissants de partis frères s’embarquant à la hâte pour soutenir un président affichant ses amitiés avec Castro.

 

 

 

Restait maintenant pour nous à exécuter la partie physique de notre évasion et là nous allions devoir jouer serré. Comment allions-nous faire pour nous éclipser sans éveiller l’attention de nos cerbères ? L’avion décollait au milieu de l’après-midi et, par chance, l’aéroport se situait à quelques kilomètres de notre hôtel. L’achat de nos billets, via l’agence d’Air France à Prague, fut le premier test de notre capacité à passer au travers des mailles du filet. Mon choix de la Compagnie Française, qui assurait la représentation de SAS dans la capitale tchécoslovaque, n’était pas du tout innocent. Je m’y étais rendu sitôt que nous avions formé le projet de nous éclipser.

 

 

 

Mon plan était simple mais risqué. Chaque jour, une camionnette conduite par un vieux pépère très porté sur le schnaps se rendait à l’aéroport en début d’après-midi pour aller récupérer la presse internationale qui était ensuite distribuée aux différentes délégations. Mes relations avec le préposé étaient des meilleures. Je lui avais, en effet, procuré une bouteille de Cognac que j’avais déniché dans un magasin d’Etat réservé aux hiérarques auquel lui, simple pékin, n’avait pas accès. À plusieurs reprises je l’avais accompagné. Après le déjeuner j’annoncerais très officiellement que nous devions nous rendre à l’ambassade d’Algérie pour y réceptionner des documents arrivés par la valise diplomatique. Les seconds couteaux des services de Sécurité sont toujours très respectueux vis-à-vis de ceux qui manient des documents de ce type. Ma demande les prendrait de court. La bureaucratie à en horreur l’improvisation. Afin de leur sortir une épine du pied je proposerais d’accompagner le préposé à la presse à l’aéroport puis, de là je prendrais le bus pour me rendre à l’ambassade. De nouveau c’était risqué mais jouable. Dernier point d’importance : nous ne pouvions, sans éveiller les soupçons des douaniers, partir pour l’Amérique du Sud sans bagage.

 

 

 

Tout se passa sans la moindre anicroche, mon plan semblait couler de source, fluide. Après nous être enregistrés et avoir indiqué aux douaniers, forts compréhensifs à l’endroit d’invités de leur beau pays démocratique, que nos bagages allaient arriver avec nos camarades chiliens qui prenaient le même vol, nous gagnâmes la salle d'embarquement. Notre zinc, en provenance de Zurich, se payait un retard non chiffré. Au-delà de deux heures d’attente tout mon beau plan risquait de s’effilocher : nos gardes-chiourmes allaient s’apercevoir de notre absence. Par bonheur, très vite, le timbre aigu d’une voix annonçait, dans un anglais guttural, que notre vol SAS 2050 était annoncé pour la demi-heure qui suivait. Nous poussâmes un ouf de soulagement lorsque sur le tarmac les passagers en provenance de Zurich, une petite vingtaine, en file indienne, comme crachés par le gros tube d’acier, progressèrent en direction du hall d’accueil. Un camion-citerne allait se placer près du flanc droit de notre Mac-Donnell-Douglas. Dans une petite demi-heure nous devrions être en bout de piste, prêt à décoller. Sauf événement de dernière minute notre opération « extraction du guêpier » se solderait par un succès.

 

 

- Et ce fut le cas…

 

- Oui !

 

 

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