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27 avril 2018 5 27 /04 /avril /2018 06:00
Les délices de la gastronomie hospitalière : lettre à Martin Hirsch le boss de l’AP/HP pour une prise en compte de l’importance de la nourriture

La semaine débutait donc à la chambre 4 du service des soins courants en pneumologie. La journée est prise en main à 8 heures par l’infirmière de service – j’ai eu par la suite un infirmier de nuit Quentin, remarquable – lestée de 2 aides-soignantes – qui assurent le service d’intendance. C’est militaire, chacun sa tâche, c’est important pour le patient dépendant. Accéder aux fonctions naturelles, si routinières d’ordinaire, requière leur assistance. Appuyer sur cette foutue sonnette se gère, entre le pressant et ce qui peut attendre.

 

Le plus difficile pour moi fut les 3 nuits du lundi, mardi, mercredi où je ne pus fermer l’œil faute à des quintes de toux permanentes qui faisaient vibrer ma cage douloureuse. Le temps semble alors s’étirer, se moquer de la douleur, ne jamais atteindre le bout de la nuit.

 

Au cours de ses heures interminables je pensais aux gazés, nos grands-pères en 14-18 et aujourd’hui ceux de Syrie, le poumon, le souffle, des douleurs extrêmes auprès de laquelle la mienne n’était qu’un mauvais moment à passer. Moi, je me contentais d’expectorer.

 

Comme toujours le hasard fut mon allié, Anne-Cécile m’avait apporté la Revue dessinée n°19 dans laquelle, sous la rubrique Découvertes, Cécily de Villepoix, racontait la vie de Fritz Haber le chimiste allemand, père de la synthèse de l’ammoniac :

 

« Et, en avril 1915, les allemands déversent sur le front d’Ypres (en Belgique) plus de 150 Tonnes de chlore préparé et conditionné par Fritz Haber, sur les forces ennemies.

 

 

Des centaines de soldats meurent immédiatement, des milliers d’autres mettront des semaines à succomber dans des souffrances épouvantables.

 

Haber est nommé capitaine par le Kaiser…

 

… Et Clara (sa femme, chimiste elle-même) se suicide en se tirant une balle en plein cœur. »

 

La suite vous la connaissez « Les travaux du chimiste allemand mèneront d’autres chercheurs à une succession de découvertes et de mises au point de produits utilisés partout sur la planète.

 

 

Comme le très tristement célèbre ZYKLON B, d’abord un insecticide, il sera utilisé par les nazis dans leurs camps de concentration.

Mais aussi les pesticides dit « organophosphorés ». À partir de 1970 ils remplacent le DDT (dichlororodiphényltrichloroéthane) qui fut interdit à la suite d’un tollé soulevé par la publication du livre du biologiste Rachel Carson : « Printemps silencieux »

 

Le Round Up cet herbicide non sélectif à base de glyphosate est soupçonné d’être écotoxique et perturbateur endocrinien. Le Mialathon 50 %, cet insecticide est interdit dans l’Union Européenne depuis 2008. »

 

À Cochin, une cellule douleur étudie chaque cas, il me fut donc proposé la pose d’un petit cathéter qui injecterait au plus près des origines de mes maux les antidouleurs. Ce fut fait sous péridurale.

 

Chaque matin deux internes du service venaient m’examiner, me questionner, ce sont eux qui m’ont prescrit la pause du cathéter. Attentifs et bienveillants ils me permettaient de mieux assumer mon statut de patient.

 

Autre intervenant, une kinésithérapeute qui se préoccupait de ma capacité à inspirer-expirer. C’est avec elle que je ferai ma première marche dans le couloir en toute fin de séjour.

 

Deux autres intervenants plus tendance : une jeune femme accompagnée d’un guitariste pour me faire l’aubade puis, tout à la fin de mon séjour, une dame d’un certain âge, maquillée comme un sapin de Noël se présenta comme une visiteuse, style prison, pour cautériser la détresse des patients. Je déclinai poliment. Manquait plus que l’aumônier…

 

Je plaisante bien sûr, je suis bien conscient que les actes médicaux indispensables sont une chose mais que le moral est aussi un facteur de guérison.

 

Détail pour ceux qui fument, un petit détour en pneumologie s’impose. Je le dis d’autant plus facilement que j’ai fumé, peu, avec de longues interruptions, et que j’ai cessé.

 

Revenons au moral pour aborder l’abomination de la nourriture en hôpital. C’est pire que la pension de ma jeunesse. Cuisine centralisée, j’étais au menu de droit commun sans interdit alimentaire, et le moment du repas fut un mauvais moment à passer. Je me forçais pour m’assurer un bol alimentaire afin de supporter l’ingestion d’antibiotiques.

 

Les entrées, carottes râpées, betteraves, champignons à la grecque, céleri-rave, poireaux… étaient acceptables même si elles auraient gagnées à être plus simplement préparées.

 

L’immonde c’était la plat principal avec des sauces gluantes, des accompagnements mal cuits : comment peut-on transformer le riz en étouffe-chrétien ? La palme d’or de l’immonde revenant à un couscous dont la seule vue ne pouvait que vous révulser. Bizarrement, les spaghetti à la bolognaise étaient correctement cuits, je ne goûtai pas la viande qui aurait fait fuir mon chat pourtant insatiable.

 

Du côté fromages rien à dire, la banalité industrielle sous plastique. Ma vieille expérience du monde du lait me faisait identifier les fournisseurs de yaourts  ou desserts lactés, la grande hypocrisie des appels d’offre où AP/HP ramasse des produits élaborés bien trop coûteux pour ce qu’ils sont, des produits de la malbouffe : le Nova à la cerise détenant le pompon.

 

Les fruits, pomme et poire, du béton : immangeables !

 

Reste le pain, le petit pain blanc industriel, gorgé d’une mie pâteuse, étouffe-chrétien.

 

Tout ça sous la haute autorité de nutritionnistes !

 

Ne me dites pas que je suis difficile, c’est faux, mon bonheur le jour de mon retour à la maison fut un plat de macaroni au beurre.

 

Les repas dans les collectivités, pour un nombre de couverts importants, ont fait des progrès remarquables, on en n’est plus à la tambouille de cantoche, alors pourquoi AP/HP, cher Martin Hirsch, est-elle à la traine alors qu’elle devrait être en pointe dans ce domaine ?

 

La faute aux économies budgétaires, je n’en suis pas persuadé, le mal provient d’une gestion centralisée, ne laissant aucune autonomie, aucune initiative à ceux qui font la cuisine d’ailleurs peu impliqués dans la politique d’approvisionnement. Dans ce pays, où il est de bon ton de fustiger ceux qu’on désigne comme des fonctionnaires, ne pourrait-on pas se départir d’une approche du travail bureaucratique et autoritaire. J’ai le souvenir du restaurant  du Ministère, géré par une association d’usagers, fonctionnant fort bien sur un modèle de responsabilité.

 

Mon sort alimentaire dans cet affaire n’est pas mis en avant pour pleurer famine, Élisa Berthomeau, me ramenait chaque jour de la maison quelques douceurs, comme un jus de fruits fraîchement pressées ou du cake normand, mais tout simplement pour que les grands décideurs du monde de l’hôpital public : la Ministre, Martin Hirsch, l’IGAS, se préoccupent de ces basses questions d’intendance qui sont pourtant partie intégrante des soins des corps malades ou endoloris.

 

On parle beaucoup de la grande misère de EPHAD, de la détresse des vieux enfermés, plus ou moins bien traités, l’extension du nombre des dépendants dans notre vieux pays, fait de ce sujet une vraie cause nationale.

 

Nous nous targuons d’être encore les champions de la gastronomie alors pourquoi dans nos hôpitaux – pas tous – nos maisons de retraite, traitons-nous la nourriture par-dessus la jambe, avec un j’m’en foutisme indigne ?

 

Nos grands chefs médiatiques ne pourraient-ils pas bénévolement s’atteler à cette tâche ?

 

Martin Hirsch, vous qui êtes un homme de pouvoir, de communication aussi, prenez des initiatives pour sortir la restauration hospitalière de son ornière ?

 

 

Les délices de la gastronomie hospitalière : lettre à Martin Hirsch le boss de l’AP/HP pour une prise en compte de l’importance de la nourriture

Manger à l’hôpital, ça fait mal

 

« Lors de mon dernier séjour, cette fois à l’hôpital Saint Antoine à Paris, je n’avais pas d’appareil photo. Je n’ai donc pas pu immortaliser un moment inoubliable : celui du dîner. J’ai eu droit au plateau-repas d’hôpital dans toute sa splendeur. Une viande plate indéterminée de couleur grise, avec d’étranges légumes de l’espace qui pouvaient éventuellement être des côtes de blettes, mais pas sûr, pas sûr du tout, et une sauce à rien venant généreusement napper le tout. Cette sauce, elle était grise elle aussi. Quand je dis gris, ce n’est pas grisâtre ou terne, non, c’est un vrai gris souris, un gris qui ne rime à rien, ne ressemble à rien qui se mange. C’était ignoble. Alors voilà, après avoir étudié les plateaux-repas des avions, il est temps de se pencher sur ceux des hôpitaux. »

 

Lire ICI   http://www.lemanger.fr/index.php/manger-a-lhopital-ca-fait-mal/

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26 avril 2018 4 26 /04 /avril /2018 07:00
La résistible ascension de Benoît H Très vite la petite bande jeta dévolu sur la SCPI la plus juteuse en termes de rendement politique : la Garantie Foncière (76)
La résistible ascension de Benoît H Très vite la petite bande jeta dévolu sur la SCPI la plus juteuse en termes de rendement politique : la Garantie Foncière (76)

Le cabinet ABC, Armand&Benoît&Chloé, s’installa avenue de Lowendal, dans le huppé et discret 7e  arrondissement, il affichait sur sa plaque : Conseil. En ces temps post-soixante-huitard la fonction gardait tout son mystère face aux besogneux conseillers juridiques ou fiscaux considérés par les avocats et les notaires comme des usurpateurs ou, pis encore comme des « corruptibles », elle leur permettait d’échapper à l’opprobre des professions officielles chapeautées par des Conseils de l’Ordre. De plus, n’ayant nul besoin de générer du chiffre d’affaires pour vivre, ils ne m’aventuraient pas sur les pâtures favorites de leurs concurrents. Ils se contenteraient de conseiller, en clair de manipuler les uns et les autres. En termes de renseignement le cabinet constituait une superbe couverture. Dans un premier temps, tout en conservant leurs connections nocturnes au sein des mouvances gauchistes, la GP tout particulièrement, ils se limiteraient à compléter leur pelote, de tisser leur toile, de régaler, d’arroser. De mettre des celles et ceux qu’il fallait dans leurs lits. D’assurer les fins de mois de certains. De recueillir des confidences. De diffuser des rumeurs, ce qui leur était facile eu égard à leur double position d’agents dormant de la cellule MR du déjà fouteur de merde Bertrand petite main de Marcellin au sein des RG et de membres du Tout Paris. La propension des hommes à se précipiter dans des sacs de nœuds pour du fric, des femmes est extraordinaire. Ils passaient leurs journées à ne rien foutre, et leurs soirées soit dans les réunions des « enculeurs de mouche » de la GP, soit dans des obligations mondaines dont raffolent le Tout Paris de la politique, des journalistes, des lobbyistes, des femmes de pouvoir…

 

La mécanique des « sociétés civiles de placement immobilier », les fameuses SCPI, pompes à fric puisant dans le bas de laine des petits épargnants avides de gains à deux chiffres, transformait la pierre en papier. En effet, pour le législateur il fallait offrir au secteur immobilier en plein boom de nouvelles sources de financement et les petits génies du Ministère des Finances, nichés dans les soupentes du Louvre, rue de Rivoli, jamais en reste de formules pompeuses écrivaient dans leurs Notes bleues  « la mise en place des SCPI vise de surcroît à favoriser une démocratisation de la propriété tout en offrant au grand public une « forme moderne de mobilisation de l’épargne ». Deux mots magiques : démocratisation et moderne qui mettaient tous les prédateurs en chasse de gogos. Comme toujours dans notre beau pays toutes les sécurités sont officiellement en place pour rassurer le petit épargnant : les SCPI ne peuvent se livrer directement à des actes de commerce, acheter et revendre des biens par exemple, elles doivent donc confier leur fond à des sociétés de gérance d’où l’utilité absolue des « hommes de paille ». La formule qui allie, selon les encarts publicitaires, disponibilité : céder ses parts est plus facile que de vendre un immeuble ; rentabilité : les plus « performantes » proposent des taux d’intérêts annuels supérieurs à 10 %, ce qui, en période d’inflation, attire bien plus que le Livret A de la Caisse d’Epargne, et son petit 5%, les rentiers de Romorantin ; sécurité traditionnellement liée à l’investissement pierre ; fait fureur. Et puis, cerise sur le gâteau, une petite niche fiscale : l’exonération de l’impôt sur les Sociétés, qui est en 1969 de 50%, pour les SCPI. Tout le monde est content, la fraîche afflue, circule, fait des petits et, bien sûr, alimente le lubrifiant des affaires immobilières : les pots de vin aux hommes de pouvoir.

 

Très vite la petite bande jeta dévolu sur la SCPI la plus juteuse en termes de rendement politique : la Garantie Foncière. Créée par Robert Frenkel, un self-made-man de 35 ans rondouillard à grosse moustache, qui s’était lancé dans l’immobilier à l’âge de 25 ans, la Garantie Foncière se situait au carrefour fangeux du monde des affaires et du monde politique. Elle achète des immeubles avec l'argent de ses clients et leur verse en contrepartie une rémunération annuelle de 10,25 %. Les petits épargnants sont d'autant plus enclins à lui faire confiance que les SCPI concurrentes sont moins généreuses. L'astuce, du type « schéma de Ponzi », consiste à régler les intérêts promis avec l'argent frais qu'apportent les nouveaux souscripteurs.

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15 avril 2018 7 15 /04 /avril /2018 06:00
La résistible ascension de Benoît H Avoir du bien, comme le disait sa mémé Marie, outre que ce fut la source de beaucoup les discordes familiales, n’avait jamais préoccupé ses parents, c’était leur côté ni ne sèment ni ne moissonnent qui l’avait façonné (75)

Ensuite, tout était allé très vite. Le lundi suivant, ils se retrouvèrent Chloé, Armand, Benoît et le grand homme dans le bureau de Me Dieulefit, notaire, dont l’étude, avenue de Breteuil, fleurait bon l’encaustique et la respectabilité de cet arrondissement aux fortunes discrètes. L’homme affichait tous les attributs de sa charge : costume sombre bien coupé, petites lunettes cerclées d’or, chemise sur mesure immaculée, boutons de manchettes en nacre, cravate sans fantaisie, richelieu impeccables, mais sa coupe de cheveux romantique, son sourire discret et l’acuité de son regard bleu égayaient son austérité de façade. Le père de Marie détonnait quelque peu par rapport à sa clientèle traditionnelle. Le clerc, un éphèbe blond, moulé dans un pantalon de flanelle se tortillait sur sa chaise et risquait, à chaque fois que son patron cessait de le solliciter, des œillades enamourées en direction du vieux fripon qui, de plaisir, se rengorgeait. Le speech introductif de maître Dieulefit, allusif et flou, ne les éclairait guère sur les raisons de notre présence en ce lieu.

 

Dans ce haut lieu de la transmission du patrimoine, le terme même de patrimoine, cette accumulation de biens, les terres, les immeubles, les meubles, les bijoux, les actions, les bons du Trésor ou de l'emprunt Pinay – qui prolongeait de quelques jours la vie légale de certains morts insoucieux de leur succession, qui se transmettait de génération en génération, socle dur et invisible de toutes les inégalités – ne faisait pas partie du patrimoine culturel de Benoît. Avoir du bien, comme le disait sa mémé Marie, outre que ce fut la source de beaucoup les discordes familiales, n’avait jamais préoccupé ses parents, c’était leur côté ni ne sèment ni ne moissonnent qui l’avait façonné. L’instinct de propriété lui était étranger. Comme eux il était très oiseau du ciel. Hériter lui semblait, comme au sémillant JJSS, une incongruité. Le clerc entama la lecture de l’acte en minaudant. Langage abscond, formules alambiquées qui leur passaient au-dessus de la tête. Armand imperturbable faisait semblant de s’y intéresser, Chloé, elle, souriait. De toute évidence, bien plus fine mouche que Benoît, elle comprenait que le père de Marie voulait le lier solidement à Marie en faisant de lui le bénéficiaire de ce qui aurait été son héritage. La monstruosité des sommes annoncées laissait Benoît de marbre. À chaque interrogation de Me Dieulefit il répondait par l’affirmative. À son corps défendant il se retrouvait à la tête d’une petite fortune. Pour l’heure, il se contentait d’apposer sa signature et ses initiales au bas de liasses de documents qui semblaient prêt pour l'éternité des notaires.

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14 avril 2018 6 14 /04 /avril /2018 07:00
La résistible ascension de Benoît H Marcellin est comme Hoover, c’est un obsédé du complot, une raclure pétainiste (74)

Le père de Marie, le grand homme, la coqueluche des galeristes newyorkais, l’éphémère beau-père, de Benoît claquait des doigts, sans un mot, pour congédier son petit monde froufroutant. La volaille s’éclipsait alors qu’il se rhabillait tout sourire. Surprise par la tournure prise par les évènements, Yvonne le Bellec, plantée face à eux deux, le magnum de champagne niché de ses bras, hésitait sur la conduite à tenir. Prévenant Benoît la libérait de son précieux fardeau tout en lui brossant un rapide tableau de la situation. Sa brève histoire lui plaisait et, lorsque le grand homme ce fut resapé il prenait Benoît par le bras en lui disant : « Je t’emmène au Harry’s Bar… » Au dehors la place des Vosges baignait dans un halo de ouate rouge tendre. Soudain Benoît se récriait « Chloé ! Je ne peux pas la laisser tomber comme une vieille chaussette…

 

-         La fille de cette vieille maquerelle de Rainieri. Tu as vraiment bon goût mon garçon !

 

-         Vous la connaissez ?

 

-         Oui, je l’ai croisée en compagnie de sa mère à un vernissage. Beau brin de fille, pas pétroleuse pour deux sous en dépit de ses liaisons avec les guignols de la Gauche Prolétarienne…

 

-         Comment êtes-vous au courant de tout ça ?

 

-         Mes vieux réseaux de la Résistance, tout se sait mon garçon. La Gauche Prolétarienne est un gruyère de fils de bourgeois infiltré par tous les trous…

 

-         À qui le dites-vous !

 

Au Harry’s bar ils burent beaucoup, de la stout bien épaisse, costaud, à mâcher comme de la soupe de pois cassés. Benoît mit le grand homme au parfum de l’opération double chevron. Chloé dormait sur l’épaule de Benoît. « Mon petit Benoît nous allons leur pourrir la vie un maximum. J’adore la grande Claude Pompe, elle a de la classe mais, de Gaulle parti, son gros Georges, en bon banquier louis-philippard, va ouvrir les vannes et les affairistes vont sortir leurs groins du marigot et, crois-moi, ils vont se goinfrer. Marcellin est comme Hoover, c’est un obsédé du complot, une raclure pétainiste, les « enragés » ne sont que des fils de famille qui jettent leur gourme en jouant aux révolutionnaires. Crois-moi Benoît, sans l’épreuve du feu, les combats verbeux ne sont que des discours romantiques. À l’arrivée, les plus mauvais feront de la politique, les plus astucieux du blé et les plus cons finiront sans doute à Clairvaux. Puisque ton choix c’est de flamber ta vie moi je vais te fournir le carburant : mon fric. Nous avons aimé la même personne mon grand et nous allons lui offrir le feu d’artifice du siècle. Avec cette grande seringue tu vas former un couple d’enfer… »

 

Le président Pompe se méfiait, à juste raison d’ailleurs, l’affaire Markovic le démontrera, des « demi-soldes » du SAC où se mêlaient, autour du noyau dur de la diaspora corse, d’authentiques héros de la Résistance et de vrais truands. Comme l’heure n’était plus aux combats de l’ombre contre les « soldats perdus » de l’OAS ou à la défense de la Vème menacée, alors Pompidou avait demandé à Marcellin de débarrasser le SAC des éléments les plus douteux. Tâche malaisée car ce petit monde de reitres désœuvrés, naviguant en marge de la légalité, vivant d’expédients, cultivait un sentiment de toute puissance, au nom des services rendus au Général, et pensait que leur impunité ne saurait être remise en cause. La cellule « MR », Mouvements Révolutionnaires, créée au sein de la DST par le Fouché du Morbihan, dont dépendaient Armand et Benoît, allait, par le biais d’une de ses recrues les plus prometteuses, en provenance de Lorient, un « pistonné », jouer un rôle actif dans l’infiltration du SAC.

 

L’irruption du père de Marie, familier de Claude, l’épouse du président Pompe, et gros poisson des réseaux gaullistes de la Résistance, le fugace « beau-père » de Benoît, l’inséra avec un savoir-faire remarquable dans les filières où l’on ne vous pose pas de questions lorsqu’on est adoubé par un référent de cette dimension. Pour la première fois, depuis la disparition de Marie, Benoît retrouvait foi en sa destinée. Bien sûr ce n’était plus pour lui le bel avenir de ma jeunesse : la résistible montée vers les sommets, la griserie du pouvoir, le grand amour, qu’il avait en ligne de mire mais, de nouveau, même si ça peut paraître étrange et paradoxal alors qu’il pataugeait plus encore dans les égouts de la République, de nouveaux repères balisaient sa route et il se sentait rasséréné, optimiste même. Lorsqu’ils étaient sortis du Harry’s Bar, en dépit de leurs protestations, il les avait ramené chez lui. En ouvrant la porte de son appartement il avait dit à Benoît « Tu es ici chez toi ». Chloé et le grand homme passèrent le restant de la nuit à converser sous la verrière de son grand atelier. Benoît s’effondrai d’un bloc, tout habillé, sur le grand lit où il avait dormi avec Marie.

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13 avril 2018 5 13 /04 /avril /2018 07:00
https://louisbourdon.com/bretagne9.php

https://louisbourdon.com/bretagne9.php

À l'office, assise sur une chaise paillée, égrenant un chapelet aux grains usés, une déjà vieille, vêtue de noir, accueillait Benoît avec un large sourire édentée. « Mon petit gars, je suis la nounou de Jean-Edern, qu'est-ce-que je peux faire pour ton service ?

 

- Ne vous dérangez pas je vais me servir un verre d'eau.

 

- T'es bien le premier que je vois boire de l'eau dans cette maison...

 

Benoît lui trouvait un air de famille ce qui l'amenait à lui poser une question que d'ordinaire il se serait bien gardé de poser.

 

- Vous êtes née où madame ?

 

- En pays bigouden, à Pouldreuzic, je suis gagée depuis l'âge de 14 ans et y'a ben longtemps qu'on ne m'a pas donné de la madame. Ici, c'est Yvonne par ci, Yvonne par là, y'a que ma grande ficelle qui continue de m'appeler Lolo Bellec. Faut vous dire que je suis une Le Bellec, la douzième, et que je sais plus à quel âge il a arrêté de me téter ma grande ficelle. Quand il est fin saoul, comme l'était si souvent mon père et mon bonhomme, y vient pleurer dans mon giron et y me dit que j'suis bien la seule qui l'aime.

 

- Vous avez eu beaucoup d'enfants ?

 

- Non mon petit gars, trois seulement, un par an avant que mon bonhomme se fasse écraser par un wagonnet dans la ligne Maginot. Que des gars, y font des cochons au pays et leurs femmes font leurs commissions en auto. Y n’viennent jamais me voir. Z'ont honte de moi, j'suis qu'une bonniche pour eux, alors le soir je dis des chapelets pour mes petits-enfants.

 

Benoît s'était assis en face d'elle. Le temps passait, hors du temps il l'écoutait dévider ses souvenirs en pensant à sa mémé Marie.

 

Au-dessus de sa tête une sonnerie à mi-chemin entre le grelot et la clochette d'enfant de chœur le tirait de ses rêves éveillés. Yvonne soupirait « C'est son heure. Avec lui c'est réglé comme du papier à musique. Après ses galipettes c'est, comme y'me dit toujours de sa belle voix, Champagne ! » En l'écoutant Benoît se tordais le cou pour observer le panneau d'où provenait la stridulante injonction ; une petite merveille en loupe de noyer sertie de cuivre avec, sur deux rangées, des ampoules rouges et des sonnettes surmontant des plaques de porcelaine où, en écriture romaine, était indiqué le lieu de provenance. L'ampoule clignotait au-dessus de « Bibliothèque ». Yvonne se relevait pesamment pour aller ouvrir la porte supérieure d'un frigo, façon boucher, encastré dans le mur qui faisait face à la lourde cuisinière de fonte encadré par un grand évier de granit et un plan de travail en bois patiné. « Même s'il a drôle de manières que notre religion réprouve cet homme, mon garçon, est bon et généreux. Lui quand il m'appelle Yvonne je n'ai pas le sentiment qu'y me traite comme un vieux torchon. L'a des yeux qui rient. Y prend, comme toi, le temps de me causer. Et puis, y trouve toujours l'occasion de me donner la pièce. Y m'dis, Yvonne « achetez-vous un beau foulard pour aller avec vos prières ». Le rit avec ses belles dents. Jamais moqueur, un peu taquin, y fait toujours attention à moi... » Les bras chargés du magnum, trainant ses savates, Yvonne Le Bellec, sur le pas de la porte, lançait, sans même se retourner, « et si vous veniez avec moi je suis sûr que ça lui ferait plaisir... »

 

Pour se rendre à la bibliothèque, afin d'éviter les pièces où se tenait la réception, Yvonne les fit passer par le jardin. Sous la lumière crue de la pleine lune les gravillons blancs des allées, tels des amas de vers luisants, traçaient d'étranges filaments sur la masse sombre des massifs. Ils contournèrent l'hôtel par la droite et leurs pas désaccordés résonnaient dans l'étrange amphithéâtre formé par les immeubles avoisinants qui découpaient dans le ciel blafard d'inquiétantes figures sans relief. Provenant d'une porte-fenêtre ouverte l'écho d'une voix reconnaissable entre mille faisait sursauter Benoît. Coup au plexus solaire, il marquait un temps d'arrêt. Yvonne s'inquiétait « z'êtes où ? » Se tirer ! Fuir. Benoît hésitait. La voix interpellait Yvonne qui se tenait sur le petit perron donnant accès à la bibliothèque : « Alors sainte femme, j'espère ne pas avoir interrompu votre Rosaire ! Ne restez pas plantée dehors, entrez donc dans ce lieu de perdition... » Yvonne lui répondait qu'elle n'était pas toute seule. Elle hélait Benoît « J'vous ai pas demandé votre petit nom mon garçon alors je ne sais pas comment vous appeler. J'vous aurais pas cru si timide. Allez venez y va pas vous manger... » Un grand éclat de rire accueillait sa déclaration « Mais on dirait que notre Yvonne nous amené une petite nouveauté qui fait des manières... » Benoît ne pouvait plus reculer et, d'un pas mal assuré, il rejoignait Yvonne Le Bellec sur le perron. « Ha, bien merde alors, te voilà enfin Benoît... » Debout, pieds nus, en caleçon, face à lui, le père de Marie n'en croyait pas ses yeux.

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12 avril 2018 4 12 /04 /avril /2018 07:00
La résistible ascension de Benoît H Il se laissait choir sur le sofa auprès d’Anna qui confiait à Chloé : « vraiment ce July ce n’est pas une lumière… »     (72)

Les premiers échos de la seconde bataille de Flins arrivaient. Il se disait que la femme de l’ex-grand chef de l’UJ, la Nicole, qui avait pour mission de récupérer dans un minibus, une poignée des assaillants, s’était égarée. Qu’elle avait tout de même retrouvé son chemin mais, quand elle était tombé sur ses camarades, Gamelin en tête, blessé, celui-ci n’avait dû son salut qu’à la présence d’une voiture qui l’avait embarqué en dépit de ses protestations, les véhicules des gardes mobiles s’engageaient dans le chemin forestier et alors elle avait détalé. Tout ce beau monde gloussait en se léchant les babines encore humides de caviar. Edern pérorait. Gustave éclusait cul sec des petits verres de Vodka frappés. Chloé sur un sofa, à l’écart du brouhaha, devisait avec Anna. Benoît abandonnait Aline au milieu d’un paquet de ses sœurs de militance qui se payaient la fiole de la pauvre Nicole : « Elle n’aurait jamais dû quitter son officine. Faut rester lucide faire pharmacie c’est comme s’engager dans l’épicerie ce n’est pas l’antichambre idéale du mouvement populaire. Avec son Robert, le visionnaire, ils font vraiment la paire. Des petits bourgeois étriqués… » Ça fusait. Benoît se retenait de leur dire que le Robert en question s’esquintait la santé chez Citroën mais, comme le temps n’était plus pour lui à jouer les redresseurs de torts, il se contentait de lâcher un lourd « bande de connes » qui les conforta dans leur allergie de plus en plus prononcée pour les porteurs de slip kangourou. Il se laissait choir sur le sofa auprès d’Anna qui confiait à Chloé : « vraiment ce July ce n’est pas une lumière… »   

 

Pour Benoît cette soirée au cœur de la gentry intellectuelle parisienne, qui ne pouvait être en ce temps-là que de gauche, une gauche qui se voulait rebelle, engagée, pétitionnaire, révolutionnaire du modèle « tigre de papier », bavarde, intolérante, bien logée, protégée, donneuse de leçons, internationaliste versus Classe Affaires d’Air France ou de la Pan Am, que la droite n’osait pas encore la qualifier de caviar, était une première. Tel un jeune ethnologue débarquant en Papouasie Nouvelle-Guinée, le cul posé sur le sofa, il observait les mœurs de la peuplade en faisant semblant de s’intéresser à la conversation de ses voisines. Les vieux mâles de la peuplade paradaient, prenaient des poses tout en surveillant, d’un œil qui se voulait indifférent, la superficie et la qualité des cercles de leurs concurrents. Deux ou trois spécimens remarquables, très Collège de France, mandarins marxistes, crinière blanche et ongles manucurés, portant beau, drainaient l’essentiel d’une population féminine qui devait avoir passé beaucoup de temps à s’enlaidir et à choisir des fringues informes. On aurait dit des hordes de sorcières dépenaillées, les plus vieilles tétaient des cigarettes américaines alors que celles qui auraient pu être leurs filles se refilaient des joints. Toutes buvaient sec. Que du menu fretin sans intérêt, pour espérer lever des espèces rares il fallait qu’il aille jeter ses filets en des eaux moins poissonneuses mais plus profondes. Il claquait une bise sur le front de Chloé avant de se lancer dans la pêche au gros.

 

Jean-Edern, l’œil de traviole, cerné par une nuée de godelureaux, en futal pattes d’éléphant, vestes à carreaux cintrées sur chemises à jabot, gesticulait et pérorait en postillonnant sur ses adorateurs. Sur une bergère Louis XV Gustave, entouré de deux filles défoncées qui gloussaient en fourrageant dans sa braguette, pionçait la bouche ouverte. Dans le couloir qui menait à l’office un grand type sans âge, aux yeux globuleux et inexpressifs, bien mis, vomissait avec élégance dans un vase de Sèvres. Indifférent à la présence de Benoît, toujours avec des gestes précieux, il se débraguettait pour aller pisser sur la terre sèche d’un grand Yucca en pot. « J’amende, jeune homme… j’ensemence aussi… si ça te dit je peux m’astiquer le membre rien que pour toi… J’ai une faculté d’érection hors du commun… d’ailleurs c’est bien ma seule supériorité… j’adore me faire défoncer par de beaux étalons comme toi… si ça te dis ton prix sera le mien… » Sans prendre la peine de répondre à sa proposition il se contentait d’empoigner ses fesses étiques fermement « avec un tel matériel, ma pauvre fiotte, t’es tout juste bon à faire des passes gratos, pour les toxicos en manque, à la vespasienne du boulevard Arago… »

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11 avril 2018 3 11 /04 /avril /2018 07:00
La résistible ascension de Benoît H « Viens avec nous le surineur. Ne fais pas cette tête-là. Crois-moi tu es un bon coup Gustave, je n’ai jamais joui comme ce soir … » (71)

Gustave débandait, bras ballants, résigné, il chouinait : « Putain de merde t’as vraiment juré de me casser tous mes coups… », le coup en question rectifiait avec dignité sa position tout en cherchant du regard sa petite culotte alors que Gustave dubitatif  contemplait l’étendue du désastre qui remettait en cause sa virilité. Benoît raillait « Dis donc mon Gustave t’es une bête de sexe. Infatigable l’enflure toujours sur la brèche, si je puis m’exprimer ainsi chère madame, allons Gustave tu manques à tous tes devoirs de gentleman, présente-moi à ta charmante partenaire…

 

- T’es naze mec, c’te pouffiasse j’la connais même pas.

 

- Alors présente-moi ça permettra à madame d’élargir le cercle de ses relations.

 

- Tu fais chier chais même pas qui tu es…

 

Sensible aux lazzis de Benoît la dame retrouvait de sa superbe, elle lui tendait une main aux ongles finement manucurés « Aline de Lescure » qu’il effleurait d’un baiser avant de lui lancer, bravache, « Léon Béria, de la police politique du Président Pompe… »

 

-         C’est quoi cette nouvelle engeance ?

 

-         Mon bon plaisir Gustave, tu devrais remonter tes brailles sinon madame de Lescure va te prendre pour son garde-chasse…

 

-         Ta grande sauterelle t’a bourré le pif de poudre mon gars. Arrête ton char sinon…

 

-         Sinon tu vas me dénoncer Gustave la balance…

 

-         Faut pas l’écouter madame il n’est pas dans son état normal…

 

-         Même s’il me prend pour une pauvre conne ce jeune homme me semble très pertinent. Soyez sans crainte gros tas de merde vos affaires tordues j’en ai rien à foutre…

 

-         Tu faisais moins la fière tout à l’heure pouffiasse…

 

-         Allons Gustave c’est à une dame que tu causes…

 

-         Je préfère les putes…

 

-         Pour toi toutes les femmes mariées sont des putes Gustave. Je compatis chère madame, vous devez vraiment souffrir pour en arriver à vous faire mettre par cette raclure…

 

-         Je ne te permets pas…

 

-         Mais si Gustave, tu permets tout pour toi ce n’est qu’une question de prix…

 

-         Ce n’était qu’une expérience, j’ai toujours eu le phantasme du camionneur…

 

-         Sans vouloir être mufle, chère Aline, si vous me permettez cette familiarité…

 

-         Après ce que vous venez de voir vous êtes sans pitié avec moi jeune homme…

 

-         Dans votre cas c’est une bonne thérapie mais là n’est pas le problème. Comme je m’apprêtais à vous le dire, assimiler Gustave à un camionneur c’est faire insulte à une corporation, certes un peu brut de décoffrage, qu’aime bien les fachos, mais qui a reçu ses lettres de noblesse depuis le Salaire de la peur…

 

Gustave atterré perdait pied. Aline, qui venait de récupérer sa petite culotte que Gustave avait délicatement posée sur l’abondante chevelure d’un Beethoven en buste qui trônait sur le manteau de la cheminée, lâchait elle aussi prise. Mon verbiage fumeux lassait, moi le premier.

 

Pendant qu’Aline de Lescure se repoudrait le nez et se redessinait les lèvres, Gustave, avachi dans un fauteuil crapaud, observait Benoît d’un œil mauvais en ruminant sa contre-attaque. L’intrusion brutale dans le beau nid douillet que lui offraient ses thuriféraires des hautes sphères de la GP risquait de fiche en l’air tout le bénéfice qu’il tirait de son statut de « prolo officiel ». Après l’avoir bousculé, déstabilisé il fallait à Benoît prendre appui sur sa mauvaise humeur pour le cadrer. Le marché était d’une grande simplicité : Benoît offrait à Gustave de conforter, auprès du locataire de la place Beauvau, son statut d’indic n°1 au sein de la GP en échange d’agir selon sa volonté. Gagnant/gagnant : pour lui la pérennisation de sa situation de coqueluche idolâtré lui ouvrant tous les avantages collatéraux : baise, fric, fréquentation de la crème gépéiste : Clavel, Duras, Claude Mauriac, Joris Ivens et même Godard, vie facile ; pour Benoît, se dégager des tâches subalternes, manipuler tout le monde, s’infiltrer dans les cercles du pouvoir pour leur pourrir la vie. Bien évidemment, avec Gustave il n’entrerait pas dans ces subtiles considérations. Comme il le tenait à la fois par les couilles et par la peur, lorsqu’il lui ferait part de ce que seraient à l’avenir leurs relations ce serait comme sur le foirail, entre maquignons, qui baise qui, on ne sait pas vraiment, mais au bout du compte on tope-là.

 

Au lieu de se coltiner le Gustave en tête à tête dans cette chambre, théâtre de ses ébats interrompus, Benoît se tournais vers Aline de Lescure pour l’inviter à regagner la réception à son bras. De très bonne grâce, elle se pliait à cette bonne manière des plus bourgeoise en taquinant au passage le Gustave : « Viens avec nous le surineur. Ne fais pas cette tête-là. Crois-moi tu es un bon coup Gustave, je n’ai jamais joui comme ce soir … » À la tête qu’il fit, étonnée et satisfaite, en se rengorgeant, benoît comprenait que le compliment, même s’il flattait l’enflure, chagrinait son machisme profond : la qualification de « bon coup » ne pouvait s’appliquer qu’aux pétasses. Pour emporter la décision Benoît lui passait une nouvelle couche : « Avec la pub que va te faire Aline tu vas pourvoir te constituer un harem sacré veinard ! » Sourire retrouvé, Gustave relevait sa grosse carcasse en lâchant un vent chuintant et odoriférant. « Ça dégage ! » commentait-il avec son intonation ch’timi qui chuintait elle aussi en « décache ! ». Au bras de benoît, la zélote d’Antoinette Fouque, réprimait un haut le corps. Plein de commisération hypocrite Benoît lui tapotait la main. « Les luttes de libération, Aline, passent souvent par des chemins de traverse un peu fangeux. On ne fait pas la Révolution sans se salir les mains… » Gustave dodelinait sa grosse tronche, l’air de dire, ce mec c’est vraiment qu’un phraseur mais sans pour autant se sentir visé par la réflexion de Benoît puisqu’il leur balançait : « Ce n’est pas mon cas, moi j’ai jamais eu les mains aussi propres que depuis que je me suis embarqué dans la Révolution… » Et de rire grassement en postillonnant sur le dos dénudé d’Aline.

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10 avril 2018 2 10 /04 /avril /2018 07:00
La résistible ascension de Benoît H Jean Edern vilipendait les petits maquignons du Bureau Politique qui allaient faire bronzer le gros cul de leur bobonne aux frais des cacochymes du Kremlin et qui en profitait pour se faire sucer le membre pendant la sieste par des jeunes beautés slaves.  (70)
  • Aide-moi beau légionnaire, je n’ai jamais su choisir…

 

Habiller une fille pour la sortir, l’exposer en public à son bras, relève d’une forme jouissance de la plus haute perversité. D’ordinaire, les femmes décident de ce qu’elles veulent montrer ou cacher et, en dépit des glapissements féministes sur le thème : nous portons des strings pour nous faire plaisir, ce que les femmes montrent c’est ce qu’elles exposent d’elle-même pour que ce soit vu et, ce qu’elles cachent à peine sous des robes moulantes, courtes ou fendues, c’est ce qu’elles offriront à celui ou à celle qui saura leur plaire ou sur lequel elles auront jeté leur dévolu. L’histoire des gorges pigeonnantes, des culottes fendues, des voiles et des bas est là pour en témoigner. Dans le jeu de la séduction la femme tient toutes les cartes maîtresses et surtout, presque toujours, c’est elle qui choisit.

 

Habiller Chloé comblait Benoît qui se sentait libre de ses choix puisqu’entre eux deux le seul lien existant était le n’importe quoi ou, plus exactement, comme il était allergique à l’utilisation de toutes les formes d’adjectifs de possession, elle, était elle, et lui était lui. Chloé avait optait pour la dérision. Le vêtement étant la seconde peau, celle qu’on choisit, Benoît n’eut aucune peine à assembler dans sa tête celle de Chloé. Pour le haut, une pure merveille de chic provoc : un petit débardeur noir tricoté à collier de chien clouté de billes d’acier, dont Vivienne Westwood ferait plus tard l’un de ses musts. Ainsi les regards se scotcheraient sur le si beau cou de Chloé, oubliant ses épaules étroites et sa poitrine plate. Pour le bas, un short bouffant en satin noir s’imposait : les compas de Chloé et sa taille de guêpe en étaient magnifiées. Restait le choix des chaussures. Complexe eu égard à la pointure de l’asperge : 40, tout lui semblait lourd et emprunté jusqu’à l’instant où, ayant vissé sur les cheveux courts de Chloé un bonnet de feutre noir, l’évidence des ballerines de danse s’imposa.

 

Anna, l’épouse d’Edern, les reçut avec beaucoup de gentillesse. Italienne comme Chloé, riche héritière, elle se mouvait dans cette étrange assemblée avec un détachement amusé. Elle complimentait Chloé pour sa tenue et s’attira cette répartie : «  Chère Anna, il me voit belle, il me veut belle, alors il me fait belle, il est exceptionnel mon beau légionnaire… »  Avec son Perfecto, son jeans Benoît  faisait un peu tache à côté d’Edern qui lui arborait ce soir-là une chemise blanche à jabot très Mick Jaeger sous une veste en soie jaune canari, mais ça excitait plutôt la concupiscence d’un cheptel féminin, tendance Simone de Beauvoir non révisée, bandeau et morgue incorporée. Le champagne coulait à flot et ce fut la première fois que Benoît mangea du caviar. Jean Edern proclamait à la cantonade qu’ils pouvaient se goinfrer sans remord puisque les fameux œufs d’esturgeon lui avaient été offert par un hiérarque du PC à son retour de vacances dans une datcha des bords de la Mer Noire. Avec son intonation si caractéristique et son rire nasillard le grand escogriffe vilipendait les petits maquignons du Bureau Politique qui allaient faire bronzer le gros cul de leur bobonne aux frais des cacochymes du Kremlin et qui en profitait pour se faire sucer le membre pendant la sieste par des jeunes beautés slaves. « Des porcs ! » La cour riait. La cour l’entourait. La cour se bâfrait. Benoît s’emmerdait. Tout ce champagne lui donnait envie de pisser, un larbin lui indiquait que c’était au premier, il s’égarait, poussait des portes, découvrait à quatre pattes sur un tapis de la Savonnerie une quadragénaire, cul à l’air, qui se faisait tringler par un gros type futal sur les chaussettes. La représentante du « deuxième sexe » approchait de l’extase et le proclamait d’une voix haletante. Le gros boutait ce qui donnait à ses fesses poilues des ressauts ignobles. « T’inquiète pas ma grosse vache quand ça va gicler t’en auras pour ton taf ! J’chui même capable d’en garder un litre pour t’en mettre aussi plein la rondelle… » La voix de l’ignoble Gustave, et surtout son putain d’accent, ne laissait aucun doute à  Benoît  sur l’identité de l’usineur de celle qui se révéla être par la suite une ardente militante du droit des femmes à disposer de leur corps.

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9 avril 2018 1 09 /04 /avril /2018 07:00
David Hockney, "Hollywood Hills House", 1980, Collection Walker Art Center, Minneapolis. Gift of Penny and Mike Winton, 1983 © David Hockney

David Hockney, "Hollywood Hills House", 1980, Collection Walker Art Center, Minneapolis. Gift of Penny and Mike Winton, 1983 © David Hockney

L’appartement d’Ossie, au dernier étage d’un superbe immeuble, immense, lumineux, adossé à une terrasse-jardin embrouillamini de plantes et d’arbres exubérants, donnait le sentiment, avec ses canapés en tous sens, d’être une suite de vastes salles d’attente d’un aéroport futuriste. Peu ou pas de meubles, pas de tables ni de chaises, mais des toiles aux murs, des toiles des plus grands : de Kooning, David Hockney, Jackson Pollock, Roy Lichtenstein, Andy Warhol, Jasper Johns… Ossie trimballait sa grande carcasse, très pulpeuse pour une anglaise, dans un sari immaculé. Ses cheveux longs, très noirs, ramenés en une longue tresse qui lui battait le bas du dos, un maquillage très élaboré, lui donnait un air de danseuse d’un temple dédié à la déesse Jivah. Des bougies et des lampes à huile posées à même le plancher ou sur les plateaux des cheminées, ainsi que des brûleurs d’huiles essentielles, et la musique Rabi Shankar en boucle, achevaient de les dépayser.

 

Chloé, après la tension de la conduite de la Norton, se laissait aller en s’avachissant sur un canapé demi-circulaire pour s’offrir quelques lignes. Ossie, elle, affichait une sérénité souriante qui la rendait disponible, elle conduisit Benoît dans la salle de bain, une vaste pièce circulaire dont le centre était occupé par une grande vasque de marbre emplit d’une eau qui exhalait des vapeurs parfumées au bois de santal, et le défit de bas en haut avec beaucoup de délicatesse ce qui lui évita d’afficher une érection. Avec toujours la même grâce elle libérait son corps du sari. La vue de sa nudité charnue précipitait cette fois-ci Benoît dans une vive bandaison. Bêtement il posait ses mains jointes sur son sexe dressé. Ossie les écartait doucement et, d’une main douce et ferme, elle apaisait ses élancements sans pour autant l’amener à la libération. Ils n’avaient échangé aucune parole, étrangement, une fois qu’ils furent plongés dans la vasque émolliente, alors que leurs corps étaient quasi enchâssés, Benoît ne ressentait plus l’envie d’aller plus avant. Son corps relâché se laissait aller aux caresses d’Ossie et, la seule envie qui l’envahissait était celle de dormir.

 

Benoît appelait Armand, il voulait lui apprendre que son contrat avec la maison poulaga avait subi une évolution favorable. Le téléphone sonnait dans le vide, Armand devait avoir regagné sa chaîne chez Citroën. Il ne pouvait s’empêcher de penser aux jeunes crétins qui ce soir allaient faire leur premier séjour  dans les geôles de Marcellin, alors que lui, lové dans un peignoir de bain floqué aux armes du Savoy de Londres, pomponné, huilé, suivait pas à pas Chloé dans sa quête de fringues pour leur sortie du soir ; une réception dans un hôtel particulier du VIIe, soit le comble, la quintessence de la vanité et de la vacuité de cette haute-bourgeoisie friquée et honnie qu’ils étaient censé combattre. Ils avaient une belle excuse, qu’ils ne revendiquaient même pas d’ailleurs, leur hôte, le totalement foutraque, Jean Edern Hallier, était estampillé compagnon de route de la GP. 

La pièce où ils se trouvaient, sans fenêtre, éclairée par des néons pendus à des filins d’acier, tenait de la caverne d’Ali Baba, au centre, des enfilades de vêtements pendus à des cintres, sur tout un pan de mur des boites à chaussures empilées, en vis-à-vis sur des guéridons, en des corbeilles d’osier, des colliers, des boucles d’oreilles, des ceintures, des bas, des porte-jarretelles, des slips et des soutien-gorge, des guêpières, des chapeaux, des foulards, des boas et tout un attirail sado-maso, enfin sur une longue planche posée sur deux tréteaux un déluge de fards, crèmes, parfums et autres ingrédients de maquillage dont raffolent les filles. Chloé voletait, oisillon paumé en mal de protection, ses grands yeux quêtaient ceux de Benoît, ses mains parfois tremblaient, hésitaient, son grand corps, comme s’il était face à un obstacle imprévu, se cabrait. 

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8 avril 2018 7 08 /04 /avril /2018 07:00
La résistible ascension de Benoît H Telles des fourmis tout ce petit monde des bureaux, en paquets serrés, front bas, regards fermés, se jetait dans les bouches de métro pour gagner les gares de triage. (68)

Assise à même le sol Chloé tirait sur sa petite bouiffe, ses yeux pailletés d’or souriaient l’air de dire : toi aussi mon beau légionnaire tu bouffes à beaucoup de râteliers. Pourquoi la détromper : « La mayonnaise prend ma grande, on va se payer une tranche de bordel intense qui va plaire au père Pompe. Foutre la trouille au bon peuple c’est niquer les cocos et les socialos. Mais pour cela il faut tenir les deux bouts des cordelettes des marionnettes. Bon, on y retourne ou on rentre à Paris ? »

 

-         On peut se mettre des brassards de la Croix Rouge pendant que tu y es mon légionnaire. Laisse-les se démerder ces cons, ils n’ont que ce qu’ils aiment : jouer aux martyrs. Franchement, envahir une usine pour hisser le drapeau rouge, barbouiller le monument de Lefaucheux d’un truc du genre : « vengeons Gilles Tautin », donner des coups de pieds dans les couilles de la maîtrise, casser des dents, manier le manche de pioche sur le dos des permanents CGT, ça ressemble à quoi ? À que dalle ! Ça les fait bander ces cons. Un petit séjour dans les geôles du pouvoir leur fera du bien et, crois-moi, beaucoup d’entre eux commencent déjà à faire sous eux. Viens on va s’offrir du bon temps…

 

-         T’es sûre ?

 

-         Ne fais pas l’enfant chœur mon salaud. T’en as rien à cirer de ces branleurs.

 

Collée à elle sur le biplace de la Norton Benoît se laissait aller à être heureux en se grisant de la morsure de l’air tiède de ce 17 juin 1969.

 

Chloé, après avoir traversé à vive allure la forêt de St Germain, effacé des contrées idylliques telles que Houilles, Bezons, Colombes, sans jamais enfreindre le code de la route, les fit entrer dans Paris par la Porte d’Asnières. Benoît qui l’avait pris, de prime abord, pour une évaporée déjantée, constatait qu’elle se révélait organisée, pleine de sang-froid et surtout très consciente des limites du combat révolutionnaire des zozos de la GP. Armand allait être ravi de sa liberté retrouvée, concédée par Marcellin, qui leur ouvrait de nouvelles perspectives ; l’important était d’être disponible pour saisir les meilleures opportunités qui ne manqueraient pas de s’offrir. Pour l’heure Benoît se  retrouvait dans sa position favorite : pris en main par une fille border line. Paris, en cette fin d’après-midi, commençait à déglutir ses banlieusards. Telles des fourmis tout ce petit monde des bureaux, en paquets serrés, front bas, regards fermés, se jetait dans les bouches de métro pour gagner les gares de triage. Sans vouloir jouer les sociologues de bazar, Benoît ne pouvait s’empêcher de penser que c’était eux qui comptaient, que c’était eux qui pesaient, que c’était sur eux que reposaient les contours flous d’une France qui n’avait plus rien à voir ni avec celle des paysans, ni avec celle des ouvriers. Le combat de Flins était aussi imbécile qu’inutile. Les frelons de la GP étaient inaudibles, à côté de la plaque, les derniers rejetons dévoyés des grandes croyances du XXe siècle. Tous les angles, les aspérités, le dur se floutaient, les frontières s’effaçaient, le plus grand nombre n’aspirait plus qu’à la bagnole, au week-end, au confort d’un pavillon de banlieue.

 

Les beaux quartiers résidentiels semblent toujours hors la vie, lisses, indemnes du grouillement, de la promiscuité, vides de tout. Ils enfilaient les rues paisibles et cossues du Triangle d’or, La Norton, à bas régime, crachotait des sons étouffés. Chloé les conduisaient chez l’une de ses copines anglaises, Ossie, qui l’approvisionnait en denrées diverses : fringues et pompes de Carnaby Street, de King’s Road, fragrances exotiques, vinyles des Stones, substances illicites en provenance d’Amsterdam.  Place du Maréchal Juin, ils virent passer une colonne de camions de la gendarmerie mobile qui devait sans doute filer sur le théâtre des opérations.

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