Comme promis Fleur revient ce lundi avec, dans son grand panier d’osier, une très belle bouteille bien sûr, mais surtout un de mes premiers souvenirs d’enfant celui de l’amande que je croquais après avoir sucé la fine couche de sucre qui l’enveloppait pour en faire une dragée. Elles étaient roses ou bleues, fille ou garçon, pour les baptêmes, blanches pour les mariages. Aujourd’hui Fleur a mis le cap plein Sud pour nous conduire aux portes des Cévennes.
« C’est beau, les amandiers sont en fleurs ! », m’a répondu Jean ce matin au marché, alors que je venais aux nouvelles.
Jean Hager, c’est un spécimen rare, aussi passionné que têtu, bien décidé à ne pas laisser l’invasion californienne effacer de la carte les amandes du Mont Bouquet link La France importe 90% des amandes consommées, et Charlemagne, qui déclarait que chaque maison devrait avoir son amandier, doit se retourner dans sa tombe. ..
Mais la bataille, loin d’être gagnée, continue chez ces irréductibles au pied du Mont Bouquet dans le Gard, qui cultivent en famille amandes et olives, et les transforment en merveilles de finesse et de gourmandise.
Notamment, une petite bouteille que l’on dirait d’or liquide, qui en effet loge un trésor : une huile d’amandes grillées, pressée à l’ancienne, non raffinée.
A la fois douce, puissante, délicate complexité aromatique et longueur en bouche interminable, c’est une petite potion magique, comme une dimension nouvelle pour toutes les crudités, les poissons et viandes blanches, mais aussi et surtout pour les desserts.
Alain Passard, qui est venu avec moi rencontrer Jean, en a fait l’essai sur sa fameuse tarte aux pommes« bouton de rose » : un grand moment !
Vous l’aurez compris, je suis vraiment dingue d’amandes, aussi – une fois n’est pas coutume –, je me suis laissée gouverner par ma gourmandise : j’ai glissé dans mon panier, avec ma bouteille dorée, une galette de pâte d’amandes « complète » : amandes entières (non émondées) et sucre de canne. Un autre petit bijou !
Avec ces douceurs d’amandes, une résonance bourguignonne : l’ami Jacques m’avait convié il y a peu à une dégustation (la contre étiquette) où nous avions rencontré et dégusté les jolis vins de Fanny Sabre.
Un meursault sous-la-Velle, qui murmure au nez une poésie printanière de lilas, jasmin, acacias, agrumes…et amandes bien sûr ! La bouche est à la hauteur de la première promesse ; distinction et sensualité.
Fleur Godart