Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 juin 2022 3 15 /06 /juin /2022 06:00

 

https://www.e-marketing.fr/Assets/Img/DIAPORAMA/2022/1/368515/Gorillas-Cajoo-Getir-epiceries-conquete-France-3-F.jpg

Le cycliste que je suis mesure les nouvelles tendances en croisant sur le pavé des gars qui affichent les nouvelles « raison sociale » du nouveau commerce : le quick commerce.

 

Au Deliveroo, Uber Eats et autres plateformes de livraison de repas, pédaleurs solitaires jour et nuit, qu’ils pleuvent, ventent ou neige, aux conditions de vie exécrable. Nouveau modèle économique, dit-on, des applications, de la malbouffe, viennent s’ajouter les Flink, Gorillas et autres livreurs de courses.

 

« Gorillas, l'application qui livre vos courses en moins de 10 minutes »

 

Nous en sommes arrivés là, à une course de vitesse pour se faire livrer ses carottes et  ses navets…

 

J'ai testé Flink : la livraison express de vos courses à Paris (et bientôt  partout en France) - CamilleG

Le quick commerce : décryptage d’un secteur en plein essor ICI 

 

Chez Flink, nous définissons le quick commerce comme la nouvelle version du commerce : celle qui permet de se faire livrer ses courses à la demande. Nous sommes semblables à une chaîne de supermarchés traditionnelle, à la différence que notre concept repose sur deux vecteurs qui sont propres à la vente en ligne : la rapidité et la flexibilité des livraisons. En cela, nous permettons à des milliers de personnes de gagner du temps dans leur journée, et par conséquent de réduire leur stress lié aux tâches quotidiennes

 

J'ai testé Flink : la livraison express de vos courses à Paris (et bientôt  partout en France) - CamilleG

La société allemande de livraison Flink rachète le français Cajoo ICI 

Cette acquisition est soutenue par Carrefour qui aurait investi entre 60 et 70 millions de dollars dans l'entreprise.

 

Flink va ainsi devenir le premier acteur du quick commerce en France en dépassant l'actuel leader Getir, qui était valorisé à 2,6 milliards de dollars en 2021. L’allemand solidifie aussi sa position à l’échelle européenne face à ses principaux concurrents comme Gorillas qui a racheté le français Frichti, Delivery Hero ou encore l’américain Gopuff qui s’est installé au Royaume-Uni en 2021.

Un cyclomoteur aux couleurs Getir

Getir, la start-up de livraison instantanée de 12 milliards de dollars, prévoit de supprimer 14 % de son personnel dans le monde et de réduire ses plans d'expansion agressifs ICI

Ingrid Lünden@ingridlunden

 

La semaine continue d'être très difficile pour les entreprises de commerce électronique en Europe. Dans le dernier développement, TechCrunch a appris et confirmé que Getir –  la start-up du commerce rapide de 12 milliards de dollars qui fournit des produits d'épicerie essentiels et divers et promet de les livrer en quelques minutes – supprime 14% de son personnel dans le monde. On estime que la société turque emploie quelque 32 000 personnes sur les neuf marchés où elle opère, ce qui représenterait 4 480 personnes touchées par la réduction des effectifs.

 

En plus des effectifs, la société prévoit de réduire une grande partie de son expansion à forte intensité de capital – qui comprendra des embauches, des investissements marketing et des promotions. (Les promotions dans ce contexte ne sont pas des promotions RH, mais les nombreuses remises et bons gratuits que les startups de commerce rapide utilisent pour attirer les utilisateurs vers leurs plateformes, à un coût énorme pour les startups elles-mêmes.)

 

Selon une note que nous avons vue – que nous publions ci-dessous – les réductions varieront selon les pays. (Une source à Berlin a estimé que les réductions dans cette seule ville seront d'environ 400, bien que ce ne soit pas un chiffre que Getir confirmerait.) La société a confirmé qu'elle ne se retirerait d'aucun pays spécifique dans ce cadre. Getir opère actuellement sur son marché domestique, la Turquie, ainsi qu'au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Italie, en Espagne, aux Pays-Bas, au Portugal et aux États-Unis.

 

Il s'agit d'un retour brutal du pendule pour une entreprise qui a levé 768 millions de dollars à une valorisation de 11,8 milliards de dollars il y a à peine deux mois.

 

Mais ce n'est pas une surprise dans le contexte de marché plus large dans lequel nous nous trouvons actuellement, les entreprises technologiques, grandes et petites, voyant toutes un ralentissement de leurs finances et de leurs valorisations face à un refroidissement plus large du marché.

 

Pas plus tard qu'hier, l'un des grands rivaux de Getir en Europe, Gorillas, a annoncé des licenciements de 300 personnes et prévoit d'explorer des options stratégiques, y compris des ventes ou des sorties, sur plusieurs marchés européens. Plus tôt dans la semaine, Klarna – la société suédoise achète maintenant, paie plus tard – a confirmé qu'elle supprimerait 10% de ses effectifs alors que des informations indiquaient qu'elle cherchait à lever des fonds à une valorisation réduite.

 

Le monde de la livraison instantanée d'épicerie en est un dont beaucoup diraient qu'il était mûr pour un bon dimensionnement depuis un certain temps maintenant. Fondée il y a sept ans, Getir a été l'un des premiers acteurs du marché de "l'épicerie instantanée", mais les deux dernières années ont vu une explosion de la catégorie.

 

 

Le COVID-19 a entraîné un changement dans les habitudes de consommation : dans de nombreux cas, les magasins ont été carrément fermés pendant un certain temps, et les gens étaient moins enclins à faire leurs achats en personne lorsqu'ils étaient ouverts, ce qui a entraîné une vague de personnes prêtes à essayer le shopping. Pour l'épicerie en ligne pour la première fois. De nombreuses entreprises ont surgi, soutenues par d'énormes investissements en capital-risque, pour servir ces consommateurs, et une proportion importante de ces startups étaient basées sur le principe de la livraison «instantanée», les articles arrivant à votre porte quelques minutes après la commande, imitant (ou même réduire) le temps qu'il faudrait pour se rendre rapidement dans un magasin physique.

 

 

Avant même que les marchés des capitaux ne s'effondrent plus tôt cette année, plusieurs petites startups ont fermé ou ont été acquises - Getir étant l'un des consolideurs, aux côtés d'autres grands acteurs comme Gopuff, Flink et Gorillas. C'est une tendance qui s'est poursuivie en 2022, et il y aura probablement encore plus à venir.

 

Des entreprises comme Klarna et Getir viennent peut-être de différents coins du monde du commerce, mais elles partagent quelque chose en commun : toutes deux sont soutenues par Sequoia. Le VC légendaire (qui a dirigé la série C de Getir en 2021) a organisé cette semaine une présentation de sonnette d'alarme pour les sociétés de portefeuille, passant en revue l'état du marché aujourd'hui et quelques conseils sur la façon d'aider à traverser la tempête. La présentation de 50 diapositives - qu'une source a partagée avec nous - a couvert des sujets tels que l'extension des pistes, la collecte de fonds dans des marchés difficiles, le leadership en période d'incertitude et les prévisions.

 

Incidemment pour une entreprise comme Getir - qui, comme ses rivaux, a levé des centaines de millions de dollars pour injecter dans des stratégies d'expansion agressives impliquant des campagnes publicitaires éclatantes, une infrastructure d'exploitation étendue dans les zones urbaines et de nombreuses promotions pour attirer plus de consommateurs - un la diapositive était intitulée "La croissance à tout prix n'est plus récompensée".

 

Le message de la présentation semble avoir définitivement touché Getir.

 

 

La note suit ci-dessous. Nous mettrons à jour ce message au fur et à mesure que nous en apprendrons davantage, et nous envoyons nos meilleurs vœux à ceux qui sont touchés par cette nouvelle.

 

Aujourd'hui est l'un des jours les plus difficiles depuis que nous avons fondé Getir, car nous devons prendre des décisions difficiles concernant notre organisation du personnel qui affecteront négativement certains membres de notre équipe.

 

La hausse de l'inflation et la détérioration des perspectives macroéconomiques dans le monde poussent toutes les entreprises, en particulier dans l'industrie technologique et y compris Getir, à s'adapter au nouveau climat.

 

Le cœur lourd, nous avons partagé aujourd'hui avec notre équipe la décision triste et difficile de réduire la taille de notre organisation mondiale. Au siège mondial, notre réduction sera d'environ 14 %. Les chiffres varient selon les pays.

 

Nous ne prenons pas ces décisions à la légère. Nous ferons ce qu'il faut pour chaque personne tout au long de ce processus, conformément aux valeurs de Getir d'être une entreprise bonne et équitable. Nous réduirons également les dépenses d'investissements marketing, de promotions et d'expansion.

 

Il n'y a aucun changement dans les projets de Getir de servir dans les neuf pays où il opère. En ces temps difficiles, nous nous engageons à diriger l'industrie de la livraison d'épicerie ultra-rapide que nous avons lancée il y a sept ans.

Une centaine de livreurs Deliveroo étaient parties civiles au procès

Une centaine de livreurs Deliveroo étaient parties civiles au procès © AFP / MARTIN NODA / HANS LUCAS

La société Deliveroo condamnée à 375.000 euros d'amende pour "travail dissimulé"

 

par la rédaction numérique de France InterAFP publié le 19 avril 2022

 

 

La justice a décidé de taper fort. Le tribunal correctionnel de Paris a condamné ce mardi Deliveroo à une amende de 375.000 euros - soit le maximum prévu par la loi - pour "travail dissimulé". La plateforme de livraison de repas est ainsi sanctionnée pour avoir employé des livreurs indépendants plutôt que de les avoir salariés, entre 2015 et 2017. Deux dirigeants de Deliveroo sont également condamnés, pour le même motif, à un an de prison avec sursis et 30.000 euros d'amende. Un troisième cadre, reconnu coupable de "complicité de travail dissimulé", s'est vu infliger une peine de quatre mois de prison avec sursis, et 10 000 euros d'amende.

 

"Habillage juridique fictif"

 

Le tribunal de Paris a prononcé ce mardi une amende record à l'encontre de la plateforme de livraison de repas. Deux dirigeants de Deliveroo sont condamnés à un an de prison avec sursis.

 

La suite ICI

 

Tous complices !

Quotidien des coursiers à vélo : « Tout était présent pour écrire un thriller » ICI 

  • 19 avril 2021
Partager cet article
Repost0
14 juin 2022 2 14 /06 /juin /2022 09:35

Peut être une image de texte qui dit ’Résultats au premier tour en % des inscrits 12,13 Nupes 12 Ensemble! ABSTENTION 52,49% 8,68 RN 5,25 LR-UDI 8,4 1,04 Autres Blancs et nuls’

J’suis le premier, j’suis l’premier, Darmanin a tripatouillé les chiffres, crient les partisans de l’ex-futur Premier Ministre, Le Monde approuve, les En même temps pataugent lamentablement face aux futurs duels Nupes/RN, balancent des outrances, mais vraiment cette bataille de chiffonniers pour un tout petit paquet de voix ou pour la pêche aux voix pour être élu, est misérable, lamentable, et est la démonstration que nous n’avons pas encore touché le fond.

 

Le seul parti qui a gagné est celui des abstentionnistes, ces Français qui ne vont plus à la pêche mais trainer leurs godasses dans la rue, avec ou non des Gilets Jaunes, le parti des contre tout et le contraire de tout, le peuple dans la bouche de Mélenchon, mais un peuple qui ne lui donne pas sa voix.

 

La montée non démentie de l’abstention constitue l’autre alerte de ce scrutin. 48,95 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes dimanche. Quelque 23 millions se sont déplacés, les autres ont boudé leur bureau de vote, par indifférence ou colère, persuadés que la politique telle qu’elle fonctionne ne peut rien pour eux. Le chiffre atteint par l’abstention52,48 %, selon le comptage du Monde – constitue un record pour des législatives. Depuis 1993, il est en constante augmentation, quelle que soit la couleur des majorités élues. Cela ne dédouane en rien les responsables politiques actuels, car si l’objectif proclamé par tous est de réconcilier les Français avec la politique, on est très loin du compte.

 

Du côté d’Emmanuel Macron, la promesse originelle consistait à jouer sur le renouvellement du personnel politique et à user auprès des Français d’un discours de vérité, ancré dans le réel pour tenter de dépasser les conflits. Or, la plupart des candidats présentés aux législatives souffrent d’apparaître éloignés de leurs électeurs. En outre, la campagne de premier tour a ressemblé à un parcours d’évitement où il s’agissait d’en dire le moins possible sur les réformes pour ne pas réveiller les opposants. Cette posture, éminemment défensive, en dit long sur les mécomptes de la recomposition politique que le président de la République entendait conduire à sa main.

 

Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, qui promettent une rupture avec l’ordre établi, butent quant à eux sur le même problème. C’est dans leur électorat respectif que le niveau de l’abstention est le plus fort : 50 % de ceux qui avaient voté pour Jean-Luc Mélenchon à la présidentielle se sont abstenus au premier tour des élections législatives, signe qu’ils ne croyaient pas beaucoup à son slogan d’être « élu » premier ministre. Le pourcentage d’abstentionnistes monte à 52 % chez ceux qui avaient choisi Marine Le Pen, selon une enquête Ipsos-Sopra Steria réalisée dimanche soir. La radicalité permet, certes, de se faire entendre, mais elle se révèle inopérante pour vaincre la chape de défiance qui grippe le pays. Le risque est donc grand de voir le nouveau théâtre politique se dérouler à guichets fermés, faute d’une masse critique de citoyens suffisamment impliqués par le spectacle.

 

ICI 

Aucune description de photo disponible.

LES MAL ÉLUS

Par JACQUES FAUVET.

Publié le 11 septembre 1946

 

Des élections partielles au conseil général ont eu lieu dimanche dans plusieurs départements. Le corps électoral s'en est parfaitement désintéressé. Dans les quatre circonscriptions, la moitié des électeurs a préféré s'abstenir. Et, par la grâce ajoutée d'un ballottage majoritaire, le conseil général de Rive-de-Gier ne représentera qu'un peu moins du quart des électeurs inscrits.

 

Voilà qui éclaire d'un jour singulier les discussions qui retiennent l'attention des constituants depuis une semaine. C'est à ces " mal élus " que les uns veulent confier et les autres retirer le pouvoir d'élire les membres du Conseil de la République. Et ces derniers ne le leur refusent que pour le céder à de " grands électeurs ", éphémères sortis de la même chrysalide. C'est aussi, notons-le en passant, à ces " mal élus " que l'on voudrait parfois abandonner la pleine responsabilité administrative du département,

 

H est certes louable de vouloir que la seconde Assemblée représente les collectivités locales, mais encore faudrait-il qu'elles représentassent elles-mêmes quelque chose aux yeux du peuple souverain. Or la géographie humaine enseigne que si la commune demeure une réalité, le canton a cessé depuis longtemps d'en être une. Quel citoyen en connaît les limites et le chef-lieu même, s'il n'a une fois dans sa vie, affaire au juge de paix ou une fois l'an au comice agricole. Le conseiller général peut être l'élu des ruraux de sa circonscription. Il ne peut l'être de la plupart des citadins, pour qui les communautés naturelles, et plus encore administratives, ne comprennent que la ville et le département. La province aurait, à ce titre, plus de réalité humaine et politique. Et plus représentatif serait de l'ensemble des collectivités un conseil provincial de France qu'un conseil rural de la République.

 

On dira que l'électeur prêterait plus d'attention à son assemblée départementale si les membres en avaient plus de pouvoirs. Est-ce certain ? Ils avaient avant-guerre celui d'élire les membres du Sénat. Étaient-ils eux-mêmes mieux élus qu'ils ne le sont aujourd'hui ? Leur donnerait-on celui d'administrer pleinement le département qu'ils deviendraient rapidement tes représentants d'un parti et cesseraient d'être ceux du peuple.

 

C'est bien plutôt d'une réforme fondamentale du cadre administratif que dépend la survie des assemblées locales. Déjà les conseils d'arrondissement ont pratiquement disparu. Ils étaient devenus des assemblées fantômes, des salles d'attente où l'on respectait la succession d'un conseiller général. Le canton lui-même, n'est plus de ce temps. Il en est de " pourris " dont le représentant est élu par quelques centaines de votants alors que le conseiller voisin doit l'être par plusieurs milliers. La désaffection du corps électoral vient aussi de ce sentiment d'injustice et d'archaïsme. Déjà à l'étroit dans le département, la représentation proportionnelle le serait plus encore dans le canton ou l'arrondissement. Et l'on ne saurait voir en elle un remède à ces parodies du suffrage universel auxquelles donnent lieu les élections cantonales.

 

L'Assemblée nationale constituante devra en tout état de cause se contenter d'un pis-aller dont il devrait être entendu qu'il n'est que provisoire. Et l'on s'étonne qu'elle ait dépensé son précieux temps à vouloir ravaler un édifice dont le gros œuvre est vermoulu, à vouloir faire du définitif avec du provisoire. Le prochain Parlement devra bien plutôt et rapidement se consacrer à la remise en ordre, au remembrement des collectivités locales et surtout départementales pour en faire des cellules vivantes de la communauté française.

 

JACQUES FAUVET.

 

Voir les commentaires

Partager cet article
Repost0
14 juin 2022 2 14 /06 /juin /2022 06:00

 

J’en étais, oui nous avons politiquement échoués mais, pour autant, je ne vais pas me laisser taxer de social-traître, ni de macroniste masqué, par les « petits bourgeois révolutionnaires » de l’alliance de circonstance la NUPES.

 

Oui, la « deuxième gauche » n’aimait ni les programmes concoctés en chambre, ni les tendances durables qui incitent mécaniquement à la haine du plus proche. Oui elle repoussait une rhétorique prétendument révolutionnaire qui se dégonfle dès que l’on gouverne. Oui elle rejetait ceux qui prétendent, selon de mot de Michel Crozier, « changer la société par décret », c’est-à-dire à la fois par le haut et sans consultation de ceux que la décision concerne.

 

Je fier d’en avoir été mais je n’ai pas l’âme d’un ancien combattant accroché à ses souvenirs, à ses espoirs déçus, la page est tournée, définitivement tournée. L’abstention massive est le symptôme d’un pays qui en appelle qu’à la protestation, aux conflits, à l’affrontement. Le peuple n’est pas au rendez-vous de Mélenchon, l’attelage présidentiel est fourbu, sans perspectives claires, nous allons traverser des zones de turbulences intérieures dans un monde lui aussi dangereux et instable.  

 

Que faire ?

 

J’avoue que je n’en sais fichtre rien, suis orphelin, attendre et voir, vivre ma vie en essayant de toujours être en conformité avec ce qu’elle a été, ça ne changera ni le monde, ni notre vieux pays mais ça m’évitera d’être amer, de participer à la foire aux invectives sur les réseaux sociaux, de sombrer dans « la haine ordinaire »

 

Allez, bonne lecture, et bonne semaine.

Qu'est-ce que cette fameuse "Deuxième gauche" que nombre de journalistes, après le décès de Michel Rocard, travestissent en gauche molle, en gauche accommodante, en gauche "réformiste" (c'est quoi, la gauche "révolutionnaire", ceux qui hurlent "Révolution" ou qui entendent s'abstraire de la mondialisation?)?

 

Il y a deux ans, à la demande d'étudiants de l'Ecole Normale Supérieure qui avaient organisé un colloque à ce sujet, j'avais préparé une communication, m'efforçant de résumer le concept, de rappeler ce que signifiait le livre que Patrick Rotman et moi avions appelé ainsi.

 

Pour les courageux, voici ce texte, histoire de mettre les points sur les "i" :

 

Si l’on me demande d’évoquer la « deuxième gauche » trente ans après, je me retrouve dans une situation assez étrange. Patrick Rotman et moi sommes contraints d’assumer la paternité de la formule, puisqu’en 1982, nous avons ainsi intitulé notre livre consacré à l’histoire politique et intellectuelle de la CFDT, et que ce livre, à l’époque, a rencontré un écho auquel nous ne nous attendions pas.

 

Néanmoins, le succès de l’expression, par-delà le succès du livre, en a beaucoup dénaturé le sens. La majorité de l’appareil socialiste, qui n’a jamais compris grand-chose à la CFDT, et la plupart des journalistes politiques, ont par la suite parlé de « deuxième gauche » pour désigner un courant socialiste – en gros le courant Rocard-Delors auquel était adjoint Edmond Maire –, courant censé reconnaître la prééminence du marché, abhorrer le protectionnisme, assumer son hostilité au PC stalinien, se défier du tout-à-l’État, et revendiquer explicitement la voie de la réforme. Un courant classé à « droite », entre guillemets, selon la vulgate, tandis que la « gauche » du PS, toujours entre guillemets, continuait d’annoncer une « rupture avec le capitalisme » qui n’est jamais venue, et des moyens pour y parvenir ont qui démontré leur inanité. Un courant étiqueté « catho », étiquette confuse et passe-partout.

 

Ce n’est donc pas pour défendre le copyright que je vais ici tenter de résumer notre propos initial. C’est, à la fois, pour rappeler ce qu’était la deuxième gauche quand nous l’avons baptisée ainsi, et pour échapper aux acceptions polémiques et caricaturales (ou les deux) qui ont eu cours ensuite, si tant est que ce soit complètement terminé.

 

À l’origine, donc, la deuxième gauche, qu’est-ce que c’est ?

 

Rappelons le contexte. La gauche, fondée sur une alliance inégale PC-PS vient pour la première fois depuis la Guerre, de remporter les élections. Le PC, quoique déclinant, reste influent dans la mesure où la CGT est sa courroie de transmission. La guerre froide se poursuit et même s’intensifie – la pression soviétique vient de se resserrer sur la Pologne où le syndicat Solidarnosc est étouffé, ce que ne récusent ni le PC ni la CGT. La voix des dissidents russes ou tchèques, durement réprimée, n’en est pas moins audible dans la mesure où l’intelligentsia occidentale s’emploie à la relayer.

 

Nous entreprenons, Rotman et moi, de reparcourir l’histoire de la minorité de la CFTC devenue majoritaire au début des années soixante en imposant la déconfessionnalisation du syndicat. Et ce qui nous passionne, là-dedans, c’est la manière dont, très librement, des ouvriers et des intellectuels, chacun se nourrissant de l’autre, chacun reconnaissant à l’autre son champ de compétence et son expérience propre, s’unissent pour élaborer démocratiquement une pensée autonome et originale du socialisme. Ce que Pierre Rosanvallon, dans un article d’Esprit paru en 1977, nomme le « déploiement de la pensée hors des doctrines établies et des orthodoxies closes ». La pierre angulaire de cette démarche est l’obsession de la laïcité. Pas seulement de l’absence de toute référence confessionnelle ou de toute inféodation à l’Église. La laïcité, pour les fondateurs de la CFDT, et d’abord pour Paul Vignaux, longtemps dirigeant du SGEN et théoricien de la notion, est une laïcité de l’esprit, une laïcité de l’élaboration, et de l’action qui en résulte. Il est significatif qu’Edmond Maire et ses devanciers rejettent avec la dernière énergie le « progressisme » chrétien, la mythification de la classe ouvrière comme unique classe messianique, et la soumission des compagnons de route à l’autorité du Parti avec majuscule. Bref, la « laïcité », pour ces militants, est l’émancipation de la pensée, l’autonomie de l’action, l’indépendance envers quelque avant-garde éclairée ou auto-proclamée.

 

Ce qui les pousse, d’ailleurs, à passer des alliances, à chercher l’unité d’action. La CFDT naissante ne craint pas de s’allier à la CGT courroie de transmission. Mais à condition d’être forte. Une des phrases favorites de Vignaux et de ses successeurs est que, pour dîner avec le diable, il faut avoir une longue cuillère. Au fond, ce qu’ils veulent, c’est faire émerger en France, malgré l’héritage du guesdisme et le congrès de Tours, une confédération syndicale qui fasse le poids, qui tienne la route, qui élabore ses propres objectifs.

 

Là où ils restent « chrétiens », c’est sans doute dans l’attention à l’événement, à la manière dont l’histoire rebat les cartes, parfois à l’improviste. Nombre d’entre eux pourraient se réclamer du personnalisme dans la mesure où Emmanuel Mounier soutient que « l’événement est notre maître intérieur ». Cela se vérifie en maintes circonstances, dont je retiendrai trois exemples.

 

D’abord, la guerre d’Algérie. Les devanciers d’Edmond Maire n’hésitent pas à se rendre à Tunis, siège du gouvernement provisoire en exil de la future république algérienne, pour y rencontrer l’UGTA, et cela à une époque où la SFIO soutient l’effort de guerre même si le mot n’est pas prononcé, et où le PC réclame la paix mais dénonce toute collusion avec les représentants de l’insurrection.

 

Mon second exemple, c’est mai 1968. Alors que le Parti et la CGT ne cessent de mettre en garde contre les « provocations » et s’appliquent à déployer un cordon sanitaire entre les étudiants et les salariés, alors que la FGDS voit essentiellement dans ces péripéties un hasardeux contretemps du calendrier, la CFDT joue le mouvement à fond, notamment en étant partie prenante du meeting de CharlétyMichel Rocard et Pierre Mendès France sont les seuls hommes politiques de gauche à saluer la fronde.

 

Mon troisième exemple est décembre 1981, quand le coup de force des militaires écrase et paralyse Varsovie. Tandis que Claude Cheysson, ministre des affaires étrangères, déclare que « la France ne fera rien, naturellement », et que le PC et la CGT approuvent quoique du bout des lèvres, la CFDT mobilise aussitôt, rejoignant les intellectuels, tels Michel Foucault ou Cornelius Castoriadis.

 

L’autre originalité de cette gauche différente, c’est la conception même des rapports sociaux et du rôle du syndicat. Les cédétistes se réclament d’un syndicalisme de projet, c’est-à-dire d’un syndicalisme qui s’efforce de penser la société en mouvement, et d’y développer des thèmes qui ne soient pas seulement la défense plus ou moins frileuse d’intérêts corporatifs singuliers, mais qui, au travers de ces luttes, promeuvent l’intérêt général. Il n’est pas indifférent que, tandis que les bastions traditionnels de la classe ouvrière s’effondraient – les mines, la sidérurgie, etc. –, la CFDT a fait porter son effort sur les services, sur les femmes, sur les petites entreprises. Lorsqu’elle a commencé à grandement s’inquiéter de la désyndicalisation perceptible dès le milieu des années 70, c’est sur ces secteurs qu’elle a cherché à se développer – avec, d’ailleurs, un succès inégal. En 1995, c’est dans ce droit fil que Nicole Notat, contre vents et marées, a appuyé la démarche d’Alain Juppé en matière de retraites. Elle fut conspuée, et même physiquement agressée par certains collègues, notamment par les sectateurs d’un corporatisme étroit. Depuis, l’histoire a tranché, et les socialistes ont subi l’épreuve des faits en matière de saine répartition.

 

Pas étonnant que le monde que nous décrivions, Rotman et moi, ait offert mille occasions de convergences à toutes sortes d’acteurs. Militants socialistes proches du PSU ou en rupture avec la SFIO, militants SFIO questionnés par l’attitude de leur formation durant la guerre d’Algérie, militants ex-communistes en quête de recyclage, militants gauchistes ayant épuisé les fantasmes de l’après Mai, militants issus de la sphère associative en quête de cohérence plus globale. À l’époque où nous écrivions sur la deuxième gauche, la CFDT constituait une sorte de vivier, de plateforme, de forum, de club intellectuel où le souci de l’anticipation tenait toujours une place éminente – d’où de nombreuses confluences avec, par exemple, les experts du Plan.

 

Mais c’est évidemment la question du partenariat politique qui va devenir envahissante. La CFDT affirme une représentation de la démocratie qui lui est propre. Et franchit, sur ce chemin, plusieurs stades. Ce qu’on rejette est facile à énoncer. On rejette ceux qui prétendent, selon de mot de Michel Crozier, « changer la société par décret », c’est-à-dire à la fois par le haut et sans consultation de ceux que la décision concerne.

 

Cela s’exprimera de diverses manières dont la plus tenace sera l’idée d’autogestion. Et, bien sûr, au moment où nous publions notre livre, cela interpelle directement l’actualité. La gauche au pouvoir, longtemps unie par un « programme commun » dont le contenu économique paraît – et est – non viable aux yeux des responsables cédétistes, reste prisonnière d’une culture programmatique où un catalogue de réformes est débattu entre tendances puis plus ou moins appliqué, plutôt moins que plus, les citoyens demeurant extérieurs au processus.

 

La « deuxième gauche » n’aime ni les programmes concoctés en chambre, ni les tendances durables qui incitent mécaniquement à la haine du plus proche. Elle se veut « réaliste », non point pour signifier qu’il faut en rabattre sur l’audace ou l’espérance, mais pour signifier que les seules transformations importantes sont celles qui se font réellement. Peu lui chaut le débat sur les nationalisations à outrance ou les nationalisations des filiales (on a vu ce qu’il en est advenu), peu lui chaut une rhétorique prétendument révolutionnaire qui se dégonfle dès que l’on gouverne. Sa conviction, réaffirmée en permanence, est qu’une négociation est préférable à une grève, et que le réformisme est l’unique chemin pour transformer profondément et durablement la société. Edmond Maire aime à répéter en toutes circonstances que le temps est la dimension cardinale des changements. C’est évidemment, à l’époque où les socialistes prétendent initier une rupture en cent jours, une position irrecevable et provocatrice.

 

L’idée de la deuxième gauche est de s’émanciper une fois pour toutes de ce que Jacques Julliard a baptisé le réflexe de « culture dominée ». Face aux communistes, face aux gauchistes qui placent rituellement la barre trop haut puis s’effarent que l’on passe en-dessous, ils veulent une gauche, si j’ose dire, décomplexée, une gauche compétente, efficace, qui parle vrai, qui dit ce qu’elle pense quand elle le pense. Le modèle n’est pas loin, il s’appelle Pierre Mendès France.

 

Pourquoi ce dernier est-il si important aux yeux des militants cédétistes ? C’est un laïque, un républicain, un résistant (on ne dira jamais assez combien le refus de la CFTC d’accepter la politique de Vichy fut un refus fondateur, bien avant la question coloniale). Et puis c’est un homme qui, contrairement à François Mitterrand, juge que les fins sont dans les moyens. Position qui ne vaut pas seulement en matière d’éthique mais en matière d’efficacité. Mendès dit et répète que les régimes qui prennent des libertés avec la démocratie ne sont pas seulement des régimes qui se salissent, mais qui se condamnent eux-mêmes à terme. Il suffit de relire le discours de Blum au congrès de Tours, discours largement inspiré par Lucien Herr, pour percevoir combien ce débat est pertinent et actuel.

 

Cela éclaire le langage que tient la deuxième gauche sur la social-démocratie, sur la rigueur, et autres thèmes tabous dont l’orthodoxie socialiste – sans parler du reste – ne veut pas entendre parler. Pour agir sur l’économie de marché, il faut admettre qu’on ne sortira pas de l’économie de marché. Pour agir sur la mondialisation, il faut admettre (admettre comme un fait) la réalité de la mondialisation. Mendès a montré, en 1954, qu’un gouvernement de gauche, s’il prenait ses concitoyens au sérieux, devait leur parler de rigueur, et avec rigueur. Et que cela, loin d’entériner l’austérité, était l’indispensable point de départ pour agir avec justice, pour négocier et légiférer efficacement.

 

Nous étions loin du compte en 1982. Je crois que le succès de notre livre, et de son titre, tient largement à la diffusion de ce discours-là, un an avant le virage à 180° du gouvernement socialiste, virage dont Pierre Mauroy assuma courageusement la responsabilité, mais dont François Mitterrand nia ou esquiva qu’il fût si ample et si nécessaire.

 

Et pourtant, la deuxième gauche a politiquement échoué. Je parle ici de sa seconde acception.

 

Cela tient d’abord aux archaïsmes du Parti socialiste. Quand Pierre Mauroy et Michel Rocard se sont unis, en 1979, au congrès de Metz, pour défendre l’idée qu’il était temps d’appeler un chat un chat et un social-démocrate un social-démocrate, ils ont recueilli 40% des mandats mais ont bel et bien été battus. J’ai encore dans l’oreille l’incantation de Laurent Fabius, à laquelle ce dernier ne croyait pas une seconde : « Entre le plan et le marché, Rocard, il y a le socialisme. » No comment, comme disent les anglo-saxons. Nous sommes en train, trop tard, trop mal, de revenir sur terre. Mais cette terre a changé, et le socialisme s’est caricaturé lui-même. J’en veux pour preuve le débat, lors des dernières primaires, où il était encore question de contourner la mondialisation ou d’instaurer une dose de protectionnisme. J’en veux pour preuve l’idée de « démocratie participative » présentée comme une idée nouvelle. J’en veux pour autre preuve la manière dont les socialistes continuent de se classer en « gauche » ou « moins gauche » suivant des critères d’avant la chute du Mur de Berlin. Et l’on pourrait, à l’infini, dévider cette amère litanie. La stérilité idéologique du PS est évidemment le produit de phénomènes concrets : la chute de l’empire soviétique, la poussée néo-libérale qui en a violemment découlé, la perte du contact avec le monde du travail, avec les zones de relégation que sont devenues les banlieues. Mais je crois aussi que la professionnalisation croissante des carrières est un élément qu’il ne faut pas négliger. Jacques Julliard, haute figure de la deuxième gauche, publia naguère au Seuil un ouvrage intitulé « Contre la politique professionnelle ». C’était terriblement prophétique.

 

Mais, si je me tourne vers la CFDT, je constate que son articulation avec le politique a été bricolée et insatisfaisante. Les Assises du socialisme, où ceux qu’on nomme « les rocardiens » ont rejoint le PS avec la bénédiction très active de la confédération, n’ont pas vraiment donné le change. C’était sans doute nécessaire, mais la greffe n’a jamais pris de manière convaincante. Au fond, tandis que la désyndicalisation s’intensifiait et que le mouvement syndical lui-même apparaissait, pour persévérer dans l’être, de plus en plus dépendant de l’État ou de ses institutions directes, le rôle prophétique et fédérateur des cédétistes s’est amoindri. Edmond Maire avait coutume de dire que le clivage entre syndicat et politique est aussi structurant que le clivage entre les deux gauches. Clairement, aujourd’hui, c’est l’idée de l’autonomie qui prévaut. C’est aussi du côté de la société civile qu’est maintenant l’espérance, et la réalité du changement.

Partager cet article
Repost0
13 juin 2022 1 13 /06 /juin /2022 06:00

Le tableau “Des Glaneuses” détourné par Banksy

C’est signé André Heitz

 

Ingénieur agronome et fonctionnaire international du système des Nations Unies à la retraite. Il a servi l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Dans son dernier poste, il a été le directeur du Bureau de coordination de l’OMPI à Bruxelles.

 

C’est dans Contrepoints

 

Qui est un journal en ligne qui couvre l'actualité sous l'angle libéral.

 

Comme chacun sait, ou pas, notre monstrueuse Education Nationale est un repaire de NUPES, ce qui suit, le billet d’humeur, et les commentaires, est très représentatif des oppositions, trop souvent radicales, qui usent la trame du vivre ensemble de notre vieux pays.

 

Moi qui suis un ravaudeur, j’aime rabibocher, j’ai enseigné un an, à mi-temps, au CEG de Pouzauges, certes pas l’économie, mais le dessin et la musique, bouche-trou que j’étais, et en dépit de mon âge pré-canonique, je me verrais bien rempiler, pour le plaisir, afin d’expliquer aux ados les réalités de l’agriculture française et de mettre celle-ci  en perspective face au grand virage qu’elle va devoir effectuer.

 

« Papy ! Ma prof d’histoire-géo a dit que le glyphosate est cancérigène ». Mon petit-fils a osé contester… Résultat : une menace de punition (dit-il)… Petite plongée dans le formatage des jeunes cerveaux.

 

Mon petit-fils m’a montré son cahier avec, collé dedans comme c’est maintenant d’un usage répandu, une page intitulée « Fiche de révisions sur l’AGRICULTURE FRANÇAISE ».

 

J’imagine cette fiche utilisée à Paris, pour et par des élèves qui ne sont jamais sortis au-delà du périphérique…

 

Des « savoirs » à « mémoriser »

 

Tout d’abord, il faut mémoriser des savoirs :

 

  • le nombre et l’évolution des actifs dans l’agriculture ;

 

  • la place de l’agriculture française dans le monde et en Europe;

 

  • les aspects de la modernisation agricole et ses conséquences (+ ou -) – on imagine que ces signes appellent des aspects positifs et négatifs ;

 

  • les difficultés de l’agriculture aujourd’hui ;

 

  • les différents espaces agricoles en France et leurs caractéristiques.

 

 

Les fondamentaux de l’activité agricole, de la production alimentaire ? Passés à la trappe, semble-t-il.

 

 Du vocabulaire à acquérir

 

Les élèves doivent aussi mémoriser un vocabulaire : exploitation agricole, PAC, agriculture productiviste – intensive, mécanisation, irrigation, monoculture # polyculture, filière agroalimentaire (ex. : activités en amont et en aval), pesticides, engrais chimiques, OGM, élevage hors-sol # extensif, agriculture durable – biologique.

 

Les élèves sont bien sûr plongés dans un environnement qui les imprègne de préjugés et de partis pris. Mais cette « fiche de révisions » – sans nul doute concoctée par quelque officine fournissant du matériel « pédagogique » – amplifie le phénomène.

 

 

Non, ce n’est pas la ferme Play mobil…

 

Que doivent retenir les élèves ? Voici, résumé ou cité le texte qui leur est proposé (les mots en gras sont ceux que les élèves doivent entrer dans le texte).

 

La suite ICI 

Partager cet article
Repost0
11 juin 2022 6 11 /06 /juin /2022 06:00

Ne soyez pas des moutons - Mai 68 - Affiche entoilée. B.E. - salissures,  traces de [...] | lot 444 | Mai 68 en 500 Affiches at Artcurial |  Auction.fr | English

Si Jean-François n’était pas Vert sur les bords, et pacifiste, j’aurais titré qu’il avait sorti sa sulfateuse pour dézinguer le nouvel hochet de notre Emmanuel II, le C.N.R.

 

Mais comme j’ai tété le lait des curés toute ma jeunesse j’ai préféré la crucifixion sur le Golgotha des zinzins inutiles.

 

Et au 78 rue de Varenne nous en avions une belle collection puisque, depuis le PACS entre la FNSEA et les pouvoirs publics, pour cogérer la PAC, il y eut les Conseil des Offices par produits, où les professionnels venaient se goberger à Paris, réfugiés depuis Sarkozy, dans un grand bouzin, FranceAgrimer, relégué à Montreuil-sous-Bois. La liste est longue et, elle est rarement raccourcie.

 

Les politiques se plaignent hypocritement du mille-feuilles administratif, j’adore les mille-feuilles c’est un gâteau délicieux mais compliqué à manger, mais ils se gardent bien de le simplifier, faut pas fâcher ses obligés.

 

Mon rêve, qu’au lieu de ces zinzins inutiles, Emmanuel II, donne à l’Assemblée Nationale nouvellement élue, une feuille de route où les nouveaux élus aient pour mission d’élaguer les branches inutiles.

 

Mais, comme le dirait le PAX, pour ce que j’en dit…

 

https://www.ulyces.co/wp-content/uploads/2018/12/Mouton.jpeg

 

Un conseil de plus, un peu de démocratie en moins

 

Emmanuel Macron a annoncé le 3 juin, neuf jours avant le premier tour des élections législatives, la création à venir d’un « Conseil National de la Refondation ».

 

Chacun aura compris que l’essentiel dans cette annonce est d’utiliser une fois encore le souvenir de la Libération et du Conseil National de la Résistance, en réutilisant l’acronyme. L’utilisation de l’histoire est un sport international en plein développement. Il faudrait envisager l’organisation d’olympiades auxquelles participeraient les chefs d’État et les responsables politiques du monde entier. Cela permettrait de désigner le meilleur utilisateur de récits historiques à des fins politiques et d’essayer en même temps d’essayer de rétablir l’histoire dans sa complexité.

 

J’avoue mon effarement devant cette annonce.

 

Les Français vont voter dans quelques jours pour désigner leurs représentants à l’Assemblée nationale et le Président de la république dit aux Français que cette élection n’a aucune importance, que cette assemblée nationale n’aura qu’un rôle subalterne, puisque l’essentiel se jouera ailleurs, dans ce nouveau Conseil National de la Refondation.

 

Si cela n’est pas un appel à l’abstention, ça y ressemble beaucoup.

 

En faisant cela, le chef du parti « Renaissance » (nouveau nom de « la république en marche ») ne commet pas une erreur politique. Tous les analystes politiques considèrent que plus l’abstention sera élevée, plus les chances du parti du président seront fortes dans les élections législatives à venir.

 

On notera le changement de thématique par rapport à 2017. Il s’agissait alors de marcher sous la direction d’un président jupitérien qui indiquait la direction. Cinq ans après, la marche en avant a vécu, il n’est plus question que de re-commencer, en évitant de donner l’impression de se ré-péter. C’est pourquoi il faut re-naître, se ré-inventer. À défaut de changer le monde et la manière de gouverner, la sémantique se renouvelle.

 

La proposition d’Emmanuel Macron qui manifeste jusqu’à la caricature le peu de cas qu’il fait de l’Assemblée nationale et la place subordonnée qui est la sienne dans la Ve République, est surprenante d’un autre point de vue.

 

Nos institutions à défaut d’être démocratiques foisonnent de conseils en tout genre.

 

Puisque l’écologie et la lutte contre le changement climatique doivent être la priorité de l’action publique, mentionnons-en quelques-uns, sans aucune prétention à l’exhaustivité. Il existe déjà un conseil national de la transition écologique, un Haut conseil pour le climat, un Conseil économique, social et environnemental (CESE), d’ailleurs réformé par Emmanuel Macron au cours du quinquennat précédent pour en renforcer l’importance.

 

Ce ne sont là que les principaux, on peut mentionner la commission nationale du débat public chargée d’organiser, comme son nom l’indique, la consultation des citoyens sur tous les grands projets d’investissement.

 

Il existe des conseils nationaux spécialisés dans tous les domaines : comité national de l’eau, conseil supérieur des transports et de l’inter modalité, conseil supérieur de l’énergie, de la mer, la montagne etc. les curieux pourront trouver la liste sur le site du ministère chargé de l’écologie.

 

Emmanuel Macron qui se plaint régulièrement de la complexité du système administratif et de la difficulté à prendre des décisions au milieu de ce maquis d’organismes consultatifs dont l’avis a une portée juridique variable, n’ignore pas l’existence de tous ces dispositifs.

 

La multiplication des instances consultatives et délibératives est un des moyens d’étouffer la véritable démocratie. Elles sont appelées à participer à une décision sans y avoir aucune influence véritable, ce qui permet à l’exécutif de garder les mains libres.

 

Le conseil national de la Refondation s’il devait voir le jour ne serait qu’une instance de plus dans un système administratif qui en compte déjà beaucoup trop pour que les citoyens s’y retrouvent.

 

Nous élisons des députés non pour qu’ils fassent de la figuration dans une chambre sans pouvoir, mais pour qu’ils soient pleinement responsables du contrôle de l’action du gouvernement et qu’ils rendent des comptes devant les citoyens.

 

La fausse démocratie participative incarnée par la multiplication d’instances de bavardages, oubliées à peine ont-elles été créés, ne fait qu’accentuer la crise de la démocratie.

 

Le 8 juin 2022

Jean-François Collin

Partager cet article
Repost0
9 juin 2022 4 09 /06 /juin /2022 06:00

 

« Stalinien un jour, stalinien toujours… » scandions-nous en mai 68, face aux dirigeants du PCF et de la CGT, que nous trouvions bien conservateurs.

 

Le slogan s’applique de la même manière aux trotskystes lambertistes, avec en prime leur goût immodéré pour l’opacité, le comportement plus encore sectaire que celui des cocos.

 

Les choix de jeunesse sont des marqueurs qui ne s’effacent pas avec l’âge, la France Insoumise c’est pour Mélenchon sa boutique qu’il tient d’une main de fer, sans réelle démocratie interne, il est le chef, il décide et tout le monde suit.

 

Je verse au dossier 2 pièces vous en faites ce que vous voulez :

 

Savez-vous qui fut Pierre Lambert, le maître à penser de Mélenchon ? par  François Heilbronn - Tribune Juive

 

Comment être de gauche en France aujourd’hui ? ICI  

 

Résumé

 

Nupes, affaire Taha Bouhafs : assiste-t-on au retour d'une gauche autoritaire ? Comment expliquer cette tendance de la principale force de gauche aujourd’hui à renouer ainsi avec les pratiques opaques que l’on croyait dépassées ?

 

Avec :

Thomas Guénolé (Politologue), Stéphanie Roza (Chargée de recherches au CNRS, spécialiste des Lumières et de la Révolution française.), Maud Le Rest (Journaliste, spécialiste de l’histoire des féminismes), Fatima Benomar (Co-fondatrice du mouvement #NousToutes).

 

En savoir plus

 

Le 10 mai 1981, la gauche unie arrivait au pouvoir après que sa frange radicale ait accepté le leadership de la gauche modérée. Aujourd’hui, c’est le contraire. Au sein de la Nouvelle Union Populaire Economique et Sociale, ce qu’il reste de la gauche modérée s’est rangé sous la bannière radicale de Jean-Luc Mélenchon pour présenter un programme commun qui sera défendu par ses candidats à la députation le mois prochain.

 

Or, l’Union à peine constituée, le parti même de Jean-Luc Mélenchon La France insoumise s’est retrouvée sur la sellette la semaine dernière, avec le retrait de l’une de ses figures montantes, le jeune militant Taha Bouhafs pressenti pour être candidat dans la 14e circonscription et qui a dû se retirer en raison d’accusations non prouvées d’agressions sexuelles et même de viols. L’affaire déjà grave en soi a pris une ampleur politique aberrante quand les responsables de La France insoumise ont donné le sentiment de soutenir publiquement Bouhaf en attribuant son retrait au racisme ambiant, avant de reconnaitre le motif réel de son éviction une fois celui-ci révélé par les médias.

 

Or, l’histoire de La France insoumise de ces dernières années montre que ses dirigeants ont plusieurs fois invoqué contre des militants des accusations d’agressions sexuelles qui se sont dégonflées par la suite. Au-delà de ces péripéties inexplicables, donc, l’affaire pourrait bien se révéler plus complexe qu’il n’y parait. Les dysfonctionnements et pratiques qu’elle révèle obligent en tous cas à réfléchir. Comment expliquer cette tendance de la principale force de gauche aujourd’hui à renouer ainsi avec les pratiques opaques que l’on croyait dépassées ?

 

Assiste-t-on au retour d'une gauche autoritaire ?

 

Thomas Guénolé évoque les dérives sectaires du parti La France insoumise, il retrace son parcours : "Je suis arrivé à la maison Mélenchon par conviction, par enthousiasme, mettre la question sociale et la question de l'antiracisme au centre, ça me va très bien, mais une fois que vous êtes dedans, en tout cas, moi, c'est ce qui m'est arrivé, ce que j'ai découvert petit à petit, c'est une machine dictatoriale, orwellienne.(...) l'individu doit s'effacer devant la parole du parti (...) Thomas Guénolé esquisse une comparaison avec 1984 de George Orwell, il analyse "on affiche certaines valeurs et on pratique en interne très exactement le contraire". Maud Le Rest revient sur la sociologie des organisations et indique : "il y a une minorité de gens qui sont autour du leader charismatique qui décide de tout en fait, sans que les militants n'aient jamais leur mot à dire, c'est cela la théorie populiste".

 

Fatima Benomar évoque l'affaire Taha Bouhafs : "voilà pourquoi cela a abouti, les victimes se sont tournées vers cette militante qui leur a dit : saisissez la cellule mais écrivez en parallèle à Caroline de Haas, à Sandrine Rousseau et à Clémentine Autain -pour certaines récemment arrivées dans la galaxie NUPES- elles auront beaucoup moins le réflexe d'entraver vos témoignages ; c'est pour cela qu'il y a eu une prise au sérieux de leur parole".

 

Stéphanie Roza énonce "quand la réalité des pratiques n'est pas en adéquation avec les principes, ça produit un effet désastreux. Parce qu'à un moment ou un autre le double standard se voit et ça c'est démobilisateur. (...) cette idée d'affaiblir la cause, il faut se défaire de cette illusion".

Quand les lambertistes étaient trotskistes - AgoraVox le média citoyen

Avec la Nupes, les liens se resserrent entre les trotskistes lambertistes et Jean-Luc Mélenchon ICI 

 

Le Parti ouvrier indépendant, héritier de la formation trotskiste lambertiste OCI, a investi des candidats aux législatives pour la Nupes et héberge des réunions du « Parlement populaire » dans ses locaux historiques parisiens. Un moyen pour Jean-Luc Mélenchon de renouer avec sa jeunesse militante.

 

Par Abel Mestre et Julie Carriat

 

Jean-Luc Mélenchon aime les clins d’œil historiques. Alors, en ce 23 janvier, lors de son intervention pour clôturer la première audition du Parlement de l’Union populaire (PUP, structure réunissant les soutiens à sa candidature à l’Elysée, issus des mouvements politiques partenaires et de la société civile), il ne peut s’empêcher de faire une petite digression qui amuse les militants réunis. « Il y a pour moi une sorte d’humour de situation (…) J’étais, il y a un nombre d’années sur lequel il n’est pas besoin de revenir, assis au fond de cette salle, dans l’organisation à laquelle j’appartenais à l’époque, qui était l’ancêtre du POI [Parti ouvrier indépendant] qui nous accueille aujourd’hui. »

 

 

M. Mélenchon fait allusion à l’Organisation communiste internationaliste, l’OCI, formation historique du trotskisme lambertiste (du pseudonyme de son fondateur et dirigeant Pierre Lambert), aile orthodoxe de cette famille politique, pratiquant l’entrisme et aux multiples obédiences. Le Parti ouvrier indépendant (POI) en est aujourd’hui l’un des héritiers, avec le Parti ouvrier indépendant démocratique (POID), séparation issue d’une scission en 2015. Mais, surtout, le POI est un partenaire historique du mélenchonisme. Ses membres soutiennent La France insoumise (LFI) depuis le début de son histoire en 2017 et sont partie prenante de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) pour les législatives, contrairement aux autres trotskistes du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA).

 

Ce compagnonnage n’a rien d’étonnant : Jean-Luc Mélenchon (qui n’a pas donné suite à nos demandes) et Alexis Corbière, l’un de ses plus proches lieutenants, sont d’anciens lambertistes. Un héritage politique qu’ils n’ont jamais caché. Certains fondamentaux du mélenchonisme sont d’ailleurs partagés avec le lambertisme, comme le combat contre les institutions de la Ve République, un certain euroscepticisme et, plus largement, la mise en avant de l’identité républicaine et laïque du mouvement ouvrier français, ou encore la référence permanente à la « grande Révolution » de 1789.

 

Ce cheminement commun apparaît au grand jour pour les élections législatives des 12 et 19 juin. Toute petite organisation politique mais très implantée à Force ouvrière, le POI voit l’un de ses dirigeants, Jérôme Legavre (contacté, il n’a pas répondu à nos sollicitations), investi dans la 12e circonscription de Seine-Saint-Denis, au départ prévue pour Europe Ecologie-Les Verts (EELV). Officiellement, c’est le seul membre du POI investi à ce titre. Mais au moins trois autres militants sont aussi candidats, en tant que titulaires ou suppléants, aussi bien dans le Pays de Retz que dans le Var ou les Yvelines.

 

Trésor de guerre

 

Paul Vannier, le « monsieur élections » de LFI botte en touche : « Je ne les connais pas. Beaucoup de militants de LFI ou de l’Union populaire sont aussi membres d’un parti politique… Le POI est engagé dans l’Union populaire depuis sa fondation. Certains de ses membres ont été proposés comme candidats par les “insoumis” lors d’assemblées de circonscription dès décembre 2021. Jérôme Legavre a été investi dans le cadre d’un accord politique passé entre LFI et le POI au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle. »

 

Pour La France insoumise, le POI (qui n’a pas non plus donné suite à nos demandes d’entretien), en plus d’être un allié loyal, a un avantage : il a un patrimoine immobilier impressionnant qui s’avère bien utile. En effet, LFI n’a jamais eu de local à la mesure d’un mouvement voulant incarner le premier opposant de gauche à Emmanuel Macron. D’abord installé rue de Dunkerque, dans le 10e arrondissement de Paris, le siège était trop petit. Pour la présidentielle, les mélenchonistes ont emménagé dans le même arrondissement, passage Dubail, dans des locaux biscornus. Clairement insuffisants pour organiser de grandes réunions avec tous les soutiens.

 

Or, après la scission de 2015, le POI a conservé un trésor de guerre : le bâtiment historique des lambertistes. C’est là que se sont déroulées les sessions du Parlement populaire. « Les quatre ou cinq réunions que l’on a eues en physique étaient au POI, ça nous permettait d’avoir un espace suffisant : 300 personnes dans le même lieu, avec des ateliers en haut. Le POI fait partie du Parlement, c’est l’une de ses très nombreuses composantes. Le lieu, c’est simplement parce que c’était le plus pratique, il ne faut y voir aucune intention », minimise Aurélie Trouvé, présidente du Parlement de l’Union populaire. Trois des membres du PUP apparaissent en tant que représentants du POI, d’autres lambertistes, comme l’historien Jean-Marc Schiappa (qui n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien), sont présentés comme issus de la société civile.

 

Ambiance un rien paranoïaque

 

Le lieu n’a rien d’anodin et a une forte charge symbolique que Jean-Luc Mélenchon ne peut ignorer. Un peu comme si le leader de la Nupes bouclait son histoire militante. Situé au 87, rue du Faubourg-Saint-Denis, toujours dans le 10e, c’est presque aussi grand qu’un pâté de maisons. Plusieurs bâtiments sont distribués autour d’une cour intérieure. Le « 87 » abrite également une librairie, la Société d’édition et librairie d’informations ouvrières, où l’on peut trouver les classiques du marxisme, du léninisme et du trotskisme, mais qui propose également les ouvrages de Jean-Luc Mélenchon, d’Alexis Corbière et d’autres « insoumis » de premier plan, comme Eric Coquerel ou Adrien Quatennens.

 

L’entrée du « 87 » est dotée d’une discrète caméra de vidéosurveillance, et on y pénètre après avoir sonné à un interphone. Il arrive aussi que le visiteur soit gentiment éconduit, même lorsque l’on veut aller à la librairie pour acheter un exemplaire du Programme de transition de Léon Trotsky. « Pour entrer au 87, il ne faut pas y aller seul. Mais si l’on est identifié [comme militant ou sympathisant], pas de problème », explique aujourd’hui Philippe Campinchi, ancien lambertiste, ex-président du syndicat étudiant UNEF-ID dans les années 1990, contrôlé alors par ces trotskistes un peu particuliers. Il décrit une ambiance un rien paranoïaque. « L’immeuble était sécurisé sur les toits », se remémore-t-il encore.

 

A l’époque, l’activité du local atteint son acmé entre le mercredi et le samedi. Le premier jour du week-end, les militants passent prendre le journal et les tracts pour les marchés du dimanche, ainsi que les affiches ou les pétitions pour la campagne en cours. Le mercredi, leur efficacité est mesurée : les résultats sont centralisés et dépouillés. Les « phalanges » (cotisations) sont centralisées. Payées en liquide, évidemment, pour ne pas pouvoir tracer l’origine et dans un souci de garder tout clandestin.

 

« La ruche centrale »

 

Dans son livre Les Lambertistes, un courant trotskiste français (Balland, 2000), M. Campinchi décrit une intense activité militante, où les gens se croisent pour assister aux réunions qui se succèdent. Une équipe de militants franciliens, la « garde de nuit », est même quotidiennement mobilisée pour surveiller le local entre 19 heures et 7 heures. « Voici donc la ruche centrale, propriété foncière du mouvement, centre intellectuel, stratégique, tactique et militant. (…) Parler de “87” est devenu un signal de reconnaissance, un code entre militants. Se rendre au “87” signifie se rendre au local, au saint des saints. » C’est dire si la mise à disposition de la grande salle du « 87 » pour les sessions du Parlement populaire est un symbole politique fort.

 

Le « 87 » est connu de tous les militants de gauche. Les lambertistes y ont emménagé en 1969. Dans son livre retraçant ses années lambertistes, La Dernière Génération d’octobre (2003), l’historien Benjamin Stora écrit : « Pendant plusieurs mois, à partir de septembre 1969, je m’y suis rendu régulièrement pour y accomplir des tâches de maçonnerie, de nettoyage et de réfection. Je faisais partie des “brigades de bénévoles de jeunes” que l’organisation appelait de ses vœux. (…) Après toutes ces heures, ces journées, ces week-ends à suer et à verser tant d’argent pour bâtir ce local, je me suis parfois demandé, en plaisantant, si je n’étais pas, avec beaucoup d’autres, un peu “propriétaire” de cet immeuble de la rue du Faubourg-Saint-Denis… » Un sentiment de « copropriété » morale – notamment parce que le local a été acquis grâce aux dons et cotisations des militants – encore largement partagé dans ces milieux.

 

Crime de lèse-trotskisme

 

Le fait que l’Union populaire se réunisse dans la salle historique qui a vu les interventions de Pierre Boussel (le vrai nom de Pierre Lambert), Stéphane Just ou Pierre Broué, en a ainsi ulcéré quelques-uns. Daniel Gluckstein, dirigeant des rivaux du POID, s’est fendu d’un long texte s’offusquant de voir le drapeau français mis en avant par le Parlement populaire. De même, voir les « insoumis » entonner le chant des « gilets jaunes » dans la cour du « 87 » relève quasiment du crime de lèse-trotskisme pour le POID. « Pierre Lambert se retournerait dans sa tombe en voyant comment sont trahis les extraordinaires efforts militants qui avaient permis d’acquérir ce local. (…) Cette grande salle du 87, rue du Faubourg-Saint-Denis, hier pavoisée de drapeaux rouges, de portraits de Marx, Lénine, Trotsky, aujourd’hui pavoisée de tricolore et d’affiches à la gloire du nouveau Front populaire. »

 

Pour M. Gluckstein, le drapeau tricolore est celui « des Versaillais » (lors de la répression de la Commune de Paris en 1871) et le dirigeant rappelle que Léon Trotsky a vertement critiqué la stratégie de Front populaire dans plusieurs textes réunis notamment dans le recueil Où va la France ? (1938).

 

Certains militants trotskistes lambertistes craignent que cet usage du « 87 » ne cache un autre dessein : celui du rachat, partiel ou total, du siège du POI par l’Union populaire, en pleine dynamique politique et qui est devenue le premier parti de la gauche française. Un soupçon démenti, début mai, par des cadres mélenchonistes.

 

Abel Mestre et Julie Carriat

 

Partager cet article
Repost0
5 juin 2022 7 05 /06 /juin /2022 06:00

Fr. Gabriel Marie - Archive

Ha ! Le frou-frou de la soutane des frères de Saint-Gabriel (officiellement dénommé les Montfortains congrégation de saint Louis Grignon de Montfort), lorsqu’ils jouaient au foot avec nous dans la cour de récréation, certains, pour plus d’aise, la retroussaient.   

 

Toute ma jeunesse fut bordée par les soutanes : à la maternelle, celles des petites sœurs de Mormaison, à l’école des garçons, celles des rabats bleus, les Montfortains, celle du curé-doyen Bailly, ex-curé de l’Ile d’Yeu, donc du banni Pétain, celles des enfants de chœur, dont j’étais, rouge en temps ordinaire, noire pour les enterrements, celles enfin des frères de l’école d’Agriculture ND de la forêt.

 

Anecdote, à côté de l’école d’Agriculture, côte à  côte, il y avait un juvénat des Montfortains, des jeunes gens s’apprêtant à devenir frères. Le jour des épreuves du baccalauréat ils troquaient leur soutane pour des vêtements civils et, comme ceux-ci dataient de Mathusalem, les pauvres avaient l’air de figurants pour un film d’avant 14/18. Pour les besoins de la cause, pour ma première partie de bac, je fus inscrit avec eux qui, dans le car nous conduisant aux épreuves aux Sables d’Olonne, s’en donnaient à cœur joie, libérés pour un jour de leur foutue soutane.

 

Bref, pour ne pas surcharger Pax, le jour du  seigneur, je vais me contenter pourquoi je sors la soutane de sa naphtaline ?

 

Le nouveau visage des séminaristes

Les séminaristes peuvent-ils porter une soutane ?

 

Jeudi 2 juin, le nouvel archevêque de Toulouse, Mgr de Kérimel, a envoyé une lettre à ses séminaristes pour leur demander de ne plus porter la soutane.

 

Explications ICI 

 

Remarques sur le port de la soutane - Le Salon Beige

À Toulouse, les séminaristes privés de soutane ICI

 

Quand à ma référence à Mélenchon, notre futur autoproclamé Premier Ministre, elle est justifiée par son adulation pour les sans-culottes de la Révolution.

 

 En 1962, le cardinal Maurice Feltin, archevêque de Paris, a rendu facultatif le port de la soutane dans la capitale.

En 1962, le cardinal Maurice Feltin, archevêque de Paris, a rendu facultatif le port de la soutane dans la capitale. Agip/Leemage

 

PETITE HISTOIRE DE LA SOUTANE

 

La soutane s'est imposée au XVIe siècle, dans la foulée du Concile de Trente exigeant du clergé qu'il porte « un habit bienséant » le différenciant du commun des mortels. À partir du XVIIe siècle, elle devient, dans de nombreux diocèses, obligatoire sur « le lieu de résidence » du prêtre. Mais pendant la Révolution française, cet habit porté comme « vêtement ordinaire de dessus » est interdit en dehors des cérémonies religieuses.

 

Il ressuscite au XIXe siècle, même si certaines communes prennent, dans un climat anticlérical d'avant 1905, des arrêtés municipaux bannissant son port sur la voie publique. Il demeure obligatoire dans la plupart des diocèses jusqu'en 1962. Cette année-là, le cardinal Maurice Feltin, archevêque de Paris, décide, à quelques mois du début du concile Vatican II (qui marque l'ouverture de l'Église au monde moderne) de le rendre facultatif dans la capitale.

 

Un vêtement « différent des laïcs »

 

Il autorise la tenue du « clergyman », le costume sombre avec col romain. La très grande majorité des diocèses de l'Hexagone adoptent presque instantanément les mêmes règles. Il faut dire que la longue robe noire austère boutonnée sur le devant était de plus en plus contestée par les curés eux-mêmes appelant à plus de discrétion.

 

 

Aujourd'hui, le Vatican exige, à travers le Directoire pour le ministère et la vie des prêtres datant de 2013, que ceux-ci portent « la soutane ou un habit ecclésiastique digne ». « Lorsque l'habit n'est pas la soutane, il doit être différent de la manière de se vêtir des laïcs, et conforme à la dignité et à la sacralité du ministère », rappelle ce document de la Congrégation pour le clergé.

Partager cet article
Repost0
4 juin 2022 6 04 /06 /juin /2022 06:00

Passation de pouvoirs à l'hôtel Matignon entre Laurent Fabius et Jacques Chirac, le 20 mars 1986 à Paris. (GAMMA RAPHO)

Défendue par Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, la représentation proportionnelle est la règle dans la plupart des pays européens. Malgré la ferveur des mouvements en sa faveur aux XIXe et XXe siècles, la France, depuis 1870, ne l’a pourtant appliquée que lors de brèves parenthèses. Comment expliquer cette réticence ?

 

La représentation proportionnelle – ou « RP » – a son histoire, ses héros et ses néologismes. Au début de la IIIe République, alors que le combat pour la RP bat son plein, les disciples de ce mode de scrutin sont baptisés les « erpéistes ». Et lorsque le politiste Bernard Owen raconte les batailles du XIXe siècle, il évoque la pensée « proportionnaliste ». Ces termes surannés ont aujourd’hui disparu mais l’idée, elle, demeure bien vivante : de Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen en passant par Emmanuel Macron, nombre de responsables politiques veulent aujourd’hui abandonner le scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour les élections législatives.

 

La suite plus bas ICI 

 

Roger Holleindre, Jean-Marie Le Pen et Jean-Pierre Stirbois après les élections législatives qui ont permis à 35 membres du FN d'accéder à l'Assemblée nationale, le 16 mars 1986. (Keystone/Gamma-Rapho)

 

Proportionnelle en 1986 : «C’était un coup politique de Mitterrand» ICI 

 

Le 16 mars 1986, 35 députés FN sont élus à l’Assemblée nationale. Une première, résultat de l’instauration de la proportionnelle voulue par François Mitterrand. Alors que le débat sur ce mode de scrutin revient, des députés de l’époque racontent cette élection particulière.

 

«J’étais à la buvette de l’Assemblée nationale quand j’ai appris la nouvelle. Je me suis dit : ”Je suis mort.”» Membre du PS de 1974 à 2017 jusqu’à son passage chez Emmanuel Macron, élu député avec la vague rose en 1981, François Patriat raconte l’anecdote de cette journée où il a cru perdre son siège de député. Avril 1985 : le gouvernement Fabius, qui vient d’essuyer une déroute aux cantonales, annonce l’instauration de la proportionnelle aux prochaines élections législatives. « [Pierre] Joxe [alors ministre de l’Intérieur, ndlr] me dit : “Chez toi, on peut faire un siège. Peut-être deux, et ce sera toi”», raconte Patriat, aujourd’hui patron des sénateurs En marche. Il raconte la campagne : «La proportionnelle, ce sont des campagnes pépères pour les têtes de listes. Pour les autres, c’est l’enfer.» Le conseiller général de la Côte-d’Or parcourra en quelques semaines les centaines de communes de sa circonscription, «par moins 15 degrés, en février». Et décrochera de nouveau un strapontin au Palais Bourbon.

 

Le Président socialiste sait que la défaite est annoncée pour les législatives à venir. «La défaite prévisible de la gauche […] Mitterrand ne la vivra pas comme un vieux politicien assiégé […] Il la prépare posément et minutieusement, note le journaliste Franz-Olivier Giesbert, dans sa biographie du chef de l’Etat. Il l’attend même comme une rédemption.»

Un Mitterrand adepte de Machiavel ?

 «C’était l’homme des coups», dit simplement le centriste Pierre Méhaignerie, ancien maire de Vitré (Ille-et-Vilaine), qui sera nommé ministre en 1986. Reste que l’annonce provoque des remous. «On considérait que la proportionnelle n’était pas la tradition de la Ve République, relate Dominique Bussereau, ancien député UDF, le parti fondé par Valéry Giscard d’Estaing. Aucune formation politique n’en voulait, hormis les socialistes.» A gauche, la mesure divise. Rocard appelle Mitterrand dans la nuit de l’annonce, et claque la porte du gouvernement. «Une démission spectacle», se souvient le journaliste Alain Duhamel.

 

Le 16 mars 1986, la majorité RPR-UDF remporte les élections. Chirac entre à Matignon, et inaugure la cohabitation, une première sous la Ve. La gauche, elle, sauve la face. Le Front national envoie, lui, 35 députés à l’Assemblée. Du jamais vu. Le groupe prend le nom de «Rassemblement national». Dans ses rangs, on retrouve les grognards du parti, la vieille garde de l’extrême droite française. L’ancien para Roger Holeindre, l’un des fondateurs du Front national en 1972. Le résistant Pierre Sergent, engagé en Indochine puis dans la sinistre OAS. Ou encore Dominique Chaboche, compagnon de route de toujours de Jean-Marie Le Pen.

 

L’expérience aura duré deux ans, le temps de la cohabitation. Devenu Premier ministre, Chirac s’empressera de faire repasser le scrutin majoritaire, aidé de l’article 49.3 de la Constitution, qui permet au gouvernement de faire passer un texte sans vote. Réélu en 1988, Mitterrand dissout l’Assemblée nationale dans la foulée de son élection. Et jamais la proportionnelle ne sera réinstaurée.

Lachapelle, Georges - La Représentation proportionnelle des partis poli ...

La proportionnelle ou le rêve d’un Parlement « miroir de la nation »

Par Anne Chemin

Cette réforme marquerait une rupture dans l’histoire politique de l’Hexagone. Depuis l’instauration du suffrage universel masculin, en 1848, le « bon vieux » scrutin majoritaire, selon le mot de l’historien Gilles Le Béguec (1943-2022), s’est imposé comme le régime électoral habituel de l’Assemblée nationale. Si l’on met de côté les rares – et courtes – parenthèses proportionnelles qui ont rythmé la IIIe, la IVe et la Ve République (1870-1875, 1885-1889, 1919-1927, 1946-1951 et 1986-1988), les députés sont désignés depuis plus d’un siècle au scrutin uninominal majoritaire : le mandat est attribué au candidat qui arrive en tête.

 

Mille et une versions

 

La représentation proportionnelle instaure une tout autre logique. Au lieu de désigner un vainqueur – et un seul –, elle partage les sièges entre les candidats : les mandats de la circonscription sont répartis entre les partis en fonction du nombre de suffrages. Il existe mille et une versions de la proportionnelle – avec ou sans prime majoritaire, au plus fort reste ou à la plus forte moyenne, avec ou sans panachage –, mais toutes ont en commun d’instituer, selon le mot du juriste J.M.A. Paroutaud (1912-1978), une relation « plus ou moins élastique » entre les voix recueillies et les sièges remportés.

 

L’idée est ancienne, aussi ancienne, sans doute, que les controverses sur le suffrage. « Le plus ancien des “modernes” à réfléchir mathématiquement aux questions électorales est Jean-Charles de Borda, un mathématicien géographe qui présente un mémoire devant l’Académie royale des sciences en 1770 », souligne en 1985 Bernard Owen dans la revue Pouvoirs. Reprise, au milieu du XIXe siècle, par le juriste anglais Thomas Hare (1806-1891), cette première formulation de la proportionnelle recueille un retentissement considérable, au point qu’elle est défendue devant la Chambre des communes par le philosophe John Stuart Mill (1806-1873).

 

Dans un XIXe siècle marqué par le positivisme, les scientifiques apportent leur pierre à cette réflexion sur le mode de scrutin. « Le mot “proportionnelle” est emprunté au vocabulaire arithmétique, observe Olivier Ihl, professeur à Sciences Po Grenoble. Au lendemain de l’adoption du suffrage universel masculin, de nombreux mathématiciens tentent de soumettre à la rationalité scientifique les principes politiques et moraux de la République. Parmi eux, Augustin Louis Cauchy, puis Henri Poincaré, imaginent ainsi des systèmes complexes de transposition des voix en sièges : ils veulent introduire la rigueur mathématique dans les techniques de sommation des suffrages. »

 

Immenses disparités de représentation

 

Pour illustrer cette aspiration à cette justice arithmétique, les « proportionnalistes » du XIXe siècle recourent volontiers à la métaphore du miroir, de la photo ou de la carte. L’idéal du gouvernement représentatif doit se situer dans un Parlement « miroir de la nation », affirme l’essayiste Lucien-Anatole Prévost-Paradol en 1868 : il faut, renchérit l’historien Paul Lacombe, que la Chambre reproduise avec fidélité le pays politique, « de même que l’image exacte d’une personne sort d’un bon appareil photographique ». L’assemblée législative, conclut le linguiste Raoul de La Grasserie en 1896, doit être « le calque du pays » à « une échelle réduite ».

 

Si le scrutin uninominal majoritaire est critiqué en cette fin de XIXe siècle, c’est parce qu’il est loin de respecter ces préceptes, comme le démontre implacablement la statistique électorale au début de la IIIe République. Cette discipline qui est en train de naître mesure avec précision, et pour la première fois, les immenses disparités de représentation engendrées par le scrutin majoritaire. Dans Comment vote la France, un opuscule nourri de graphiques, de tableaux et de cartes, Henri Avenel affirme ainsi en 1894 que près des trois cinquièmes du corps électoral sont privés de représentants à la Chambre des députés.

 

« Le scrutin [majoritaire] fait, selon les proportionnalistes, comme si l’électeur ne s’était pas déplacé pour voter » - Olivier Ihl, politiste

 

Cette multitude de « voix perdues » nourrit, dès le début de la IIIe République, le procès en illégitimité du scrutin majoritaire. Ce système de vote est accusé, expliquent les politistes Yves Déloye et Olivier Ihl dans L’Acte de vote (Presses de Sciences Po, 2008), de faire des minorités « l’équivalent des sujets d’Ancien Régime » – ce qui, dans une jeune République, n’est évidemment pas un compliment. « En faisant disparaître de la comptabilité électorale les voix qui se sont portées sur le candidat vaincu, ce scrutin fait, selon les proportionnalistes, comme si l’électeur ne s’était pas déplacé pour voter, analyse Olivier Ihl. La proportionnelle, au contraire, consolide le principe moral de l’égalité des voix. »

 

Portée par cette aspiration égalitaire, la RP, dans la seconde moitié du XIXe siècle, compte bientôt des disciples dans toute l’Europe. Des centaines d’ouvrages sont publiés et des mouvements apparaissent à Genève, Londres ou Rome. Ce « véritable élan proportionnaliste » – selon le mot de l’historien et sociologue Pierre Rosanvallon dans son ouvrage Le Peuple introuvable (Gallimard, 1998) – conquiert peu à peu le continent : le premier pays à adopter ce nouveau mode de scrutin – le Danemark, en 1855 – est suivi en 1891 par la Suisse, patrie de la figure intellectuelle du proportionnalisme européen Ernest Naville, puis en 1899 par la Belgique, qui adopte le système du quotient électoral du mathématicien et juriste Victor D’Hondt. La Suède leur emboîte le pas en 1906.

 

Une puissante mobilisation

 

La France n’est pas épargnée par cette fièvre « erpéiste ». Après un premier débat sous le Second Empire – Louis Blanc publie en 1864 un court pamphlet sur l’égalité de représentation –, une puissante mobilisation voit le jour dans les années 1880. Dirigée par deux professeurs de l’Ecole libre des sciences politiques, Emile Boutmy et Anatole Leroy-Beaulieu, la Société pour l’étude de la représentation proportionnelle est fondée en 1883 par l’historien Georges Picot. « Les défenseurs de la RP constituent dès lors une force organisée, analyse Pierre Rosanvallon dans Le Peuple introuvable. Ils ont leurs comités, leurs congrès, leurs publications pour orchestrer un effort systématique de propagande. »

 

Ce combat « erpéiste » se déploie, à la fin du XIXe siècle, dans une République fragilisée. « La France, qui est en pleine industrialisation, traverse une grave crise économique et sociale, souligne le politiste Frédéric Sawicki. La montée en puissance de la contestation sociale conduit les hommes politiques à se demander comment ajuster les institutions représentatives, majoritairement dominées par les élites anciennes – notables et grands propriétaires fonciers – et la nouvelle classe moyenne “capacitaire” – notaires, avocats et médecins – à une société en pleine évolution. Malgré le suffrage universel, certaines classes sociales – les ouvriers, les artisans, la paysannerie, mais aussi les industriels – ne sont pas représentées à la Chambre. »

 

Représenter les intérêts collectifs

 

Pour les proportionnalistes, la réforme du mode de scrutin permettrait de surmonter ce déficit de représentativité. « Une Chambre élue à la proportionnelle pourrait, à leurs yeux, porter, non plus seulement la parole des électeurs individuels ou même des territoires, comme le fait le scrutin majoritaire uninominal, mais aussi la parole des classes sociales et, plus largement, des intérêts économiques et sociaux, poursuit le professeur de science politique à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne. Si ces intérêts collectifs étaient représentés à la Chambre, ils pourraient, selon eux, s’affronter et dialoguer de manière pacifique. »

 

Malgré la mobilisation des « erpéistes », la proportionnelle peine, dans la seconde moitié du XIXe siècle, à s’installer dans l’Hexagone. « Une première expérience a lieu en 1870, mais la Chambre des députés vote le retour au scrutin majoritaire dès 1875, explique Thomas Ehrhard, maître de conférences en science politique à l’université Paris-II-Panthéon-Assas. Le débat ne porte d’ailleurs pas sur la représentativité des élus : ce qui est en jeu, à l’époque, c’est la consolidation de la jeune IIIe République. Le scrutin uninominal est perçu comme un rempart contre la restauration de la monarchie : il constitue, selon un ministre, un “élément de conservation” du régime républicain. »

 

En 1889, la proportionnelle s’invite une nouvelle fois à l’agenda parlementaire. « Introduite en 1885, la deuxième expérience de scrutin de liste proportionnel est, elle aussi, interrompue au bout de quelques années, poursuit le politiste. Comme en 1875, le débat parlementaire porte essentiellement sur l’avenir des institutions. En janvier, le général Boulanger a été élu triomphalement dans le département de la Seine, et les Républicains souhaitent faire barrage à ce courant de pensée qui constitue, à leurs yeux, un grave danger pour la République. Le scrutin uninominal est rétabli pour l’empêcher d’accéder au pouvoir. »

 

A la faveur de ces deux crises, le scrutin majoritaire s’impose, malgré son affiliation symbolique au Second Empire, comme le mode de scrutin républicain par excellence – celui qui a permis d’installer, puis de consolider le régime. Les « erpéistes » ne se découragent pas pour autant : dans les années 1906-1913, ils se mobilisent lors d’une « formidable empoignade », selon le mot de Gilles Le Béguec. Cette « querelle mère », estime l’historien, constitue « une sorte de drame où se mêlent le genre noble – le choc des doctrines sur la nature même du régime représentatif – et le genre plus familier – les manœuvres des partis et les querelles de procédure parlementaire ».

 

Querelle « à la française »

 

En 1906, l’affaire des « 15 000 francs » – une augmentation de l’indemnité parlementaire – donne le coup d’envoi de cette grande querelle « à la française », selon Gilles Le Béguec, une « vaste mêlée, à la fois idéologique et politique, avec mobilisation de la presse et de l’opinion, intervention des hautes figures de l’intelligence nationale, ébranlement des partis, gonflement des polémiques et glissement des enjeux ». D’Anatole France à Ernest Lavisse en passant par Henri Bergson, nombre d’intellectuels défendent alors les idées de la Ligue pour la représentation proportionnelle, fondée en 1901 par l’ancien ministre radical Yves Guyot.

 

Si la RP suscite, avant la première guerre mondiale, un tel engouement, c’est parce que le climat politique a changé. « Le début du XXe siècle voit se mettre en place une banalisation des rendez-vous électoraux, qui deviennent un temps démocratique ordinaire – au moins pour les citoyens de sexe masculin, observe Olivier Ihl. C’est l’époque du débat sur la “RP”, mais aussi sur le vote des femmes et sur la révocabilité des mandats. La proportionnelle est intégrée dans le cadre plus large d’une vie politique qui atteint l’âge de sa majorité morale. Elle cesse d’être une question technique réservée aux mathématiciens et aux philosophes : elle devient l’aspiration de nombreux citoyens. »

 

Dans Les Beaux Quartiers (1936), Louis Aragon raconte ce moment d’enthousiasme autour de la RP. « Peu à peu, écrit-il, même ceux d’abord qui avaient toutes sortes de raisons contre, tout le monde à force de discuter, s’étaient mis à avoir un espoir vague, mais fort, dans ce remède social, la Proportionnelle, qui semblait devoir en finir avec les abus, la malhonnêteté humaine, les mares stagnantes, la concurrence déloyale, toutes les vilenies à quoi on était tout de même mal accoutumé. » La ferveur « erpéiste » est telle qu’elle finit par engendrer une réforme électorale : en 1919, le Parlement adopte – prudemment – un scrutin de liste à dominante majoritaire.

 

Si la proportionnelle, en ce début de XXe siècle, suscite l’adhésion, c’est parce qu’elle rencontre une mutation majeure des démocraties européennes : la naissance des partis. Avec la loi de 1901 sur les associations, les formations politiques des débuts de la IIIe République se dotent de structures solides – le Parti radical apparaît en 1901, la SFIO en 1905. Le débat public est désormais structuré par ces « enfants de la démocratie et du suffrage universel », selon le mot du sociologue allemand Max Weber (1864-1920) : ils façonnent les imaginaires, élaborent des offres cohérentes, représentent des intérêts sociaux, préparent les rendez-vous électoraux, hiérarchisent les enjeux politiques.

 

Cette transformation du paysage démocratique donne un nouvel élan à la revendication proportionnelle. « Parce que le scrutin uninominal majoritaire propose aux électeurs de se prononcer sur des candidatures individuelles, il peut se passer de partis : ce qui compte, c’est avant tout l’attachement à un homme ou à un terroir, analyse Frédéric Sawicki. Parce qu’elle soumet au citoyen des listes de candidats regroupés par étiquette partisane, la proportionnelle change la donne. Les partis ne peuvent plus se résumer à une collection hétéroclite d’élus locaux : ils doivent définir des orientations politiques nationales et faire respecter une discipline de groupe. »

 

Confortée par le pluralisme partisan qui émerge au début du XXe siècle, la proportionnelle apparaît comme une manière de privilégier les idées à la réputation, les programmes à la notabilité, les projets aux terroirs. Elle encourage les élus, affirme ainsi en 1921 Félix Combe, dans une thèse sur la loi de 1919, à voir « plus haut et plus loin que les clochers de leur département ». Dans un scrutin proportionnel de liste, résument Yves Déloye et Olivier Ihl dans leur ouvrage, l’acte de vote exprime des « convictions idéologiques fondées en conscience » plutôt « qu’un attachement affectif ou matériel à la personne du mandataire ».

 

Si la proportionnelle – partielle – est finalement instaurée en 1919, elle est cependant abandonnée au bout de quelques années. « Dès 1927, la Chambre rétablit le scrutin majoritaire uninominal, souligne le politiste Thomas Ehrhard. Les députés affirment une nouvelle fois vouloir protéger la République de ses ennemis : après les monarchistes en 1875 et les boulangistes en 1889, ce sont les communistes que l’on souhaite éloigner du pouvoir. Cette crainte est explicite lors des débats parlementaires – y compris chez les socialistes, qui sont doctrinalement favorables à la “RP”, mais qui ont beaucoup d’élus locaux et qui ont signé des accords électoraux avec le parti radical. »

 

Ce nouvel échec fait passer les débats sur la proportionnelle au second plan pendant des décennies. « Dans l’entre-deux-guerres, cette question perd de sa saillance, constate le politiste Olivier Ihl. Le climat est extrêmement difficile : on est au lendemain de la boucherie de 1914-1918 et l’époque est marquée par les difficultés de ravitaillement, la reconstruction du pays et la baisse de la natalité. Le pragmatisme s’impose : les tensions internationales engendrent une aspiration de plus en plus forte à l’ordre et à la verticalité. Le débat sur le scrutin de liste semble renvoyer à une époque révolue – celle du progrès démocratique. »

 

1945 et le système tripartite

 

Il faut attendre la fin de la seconde guerre mondiale pour que cette éclipse prenne fin. En août 1945, une ordonnance du gouvernement provisoire présidé par Charles de Gaulle instaure la proportionnelle dans le cadre départemental. Ce choix est le fruit de considérations tactiques – le général craint que le scrutin majoritaire, qui offre une prime aux candidats arrivés en tête, ne permette au Parti communiste (PCF), fraîchement auréolé de son rôle dans la Résistance, d’obtenir une large majorité à l’Assemblée nationale –, mais il renvoie aussi, comme au début du XXe siècle, aux grands équilibres de la démocratie partisane française.

 

La Libération marque en effet l’avènement du système tripartite qui s’apprête à dominer la vie politique d’après-guerre. « La SFIO, le PCF et le MRP [Mouvement républicain populaire] sont des partis puissants dont les membres ont participé au Conseil national de la Résistance, explique Frédéric Sawicki. Ils se sont débarrassés des vieilles élites qui se sont parfois compromises avec Vichy, ils sont de farouches défenseurs de la proportionnelle et ils affichent une tonalité idéologique très forte. Emerge donc, à la Libération, l’idée que la politique doit devenir l’affaire de grands partis, et non plus celle de notables qui gèrent la France à la petite semaine. »

 

« Le scrutin proportionnel dépersonnalise le débat politique. (…) [il] modifierait en profondeur une démocratie aussi personnalisée que la nôtre » -Etienne Ollion, politiste

 

La proportionnelle de 1946 se résume pourtant – une nouvelle fois – à une courte parenthèse. Dès 1951, une loi destinée à marginaliser les partis « antisystème » que sont le PCF et le RPF – le Rassemblement du peuple français, fondé en 1947 par De Gaulle – introduit un puissant correctif majoritaire au scrutin de liste. Sept ans plus tard, la Ve République va plus loin en revenant au scrutin majoritaire uninominal à deux tours. Si l’on met de côté la courte expérience proportionnelle menée lors des législatives de 1986 par le président François Mitterrand, la France de la fin du XXe et du début du XXIe siècle fait cavalier seul – l’immense majorité des pays européens élisent en effet leur Parlement à la proportionnelle.

 

Le retour en grâce de la « RP »

 

Depuis une quinzaine d’années, la RP semble pourtant redevenir une tentation française. Présente, même à faible dose, dans les programmes de Nicolas Sarkozy en 2007, de François Hollande en 2012 et d’Emmanuel Macron en 2017, prônée en 2015 par le groupe de travail sur l’avenir des institutions présidé par le socialiste Claude Bartolone et l’historien Michel Winock, la proportionnelle a été inscrite dans plusieurs projets de loi – avortés – du gouvernement d’Edouard Philippe. Elle est en outre défendue, pour les législatives, par les trois candidats arrivés en tête à l’élection présidentielle – Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon.

 

Comment expliquer ce retour en grâce de la RP ? Pourquoi cette idée, avec laquelle la France n’a cessé de jouer depuis la naissance de la IIIe République, ressurgit-elle aujourd’hui ? Certains y voient le signe d’une crise de l’hyperindividualisation de la vie politique liée à l’élection du président au suffrage universel direct. « Le scrutin proportionnel dépersonnalise le débat politique, observe Etienne Ollion, auteur de Les Candidats, novices et professionnels en politique (PUF, 2021). L’électeur connaît uniquement le ou les premiers noms de la liste mais ils s’effacent vite derrière le programme. La proportionnelle modifierait en profondeur une démocratie aussi personnalisée que la nôtre. »

 

Les impasses du vote utile, voire tactique, semblent nourrir, elles aussi, une demande de proportionnelle. Avec ce mode de scrutin, comme l’ont en effet démontré dans une étude réalisée en 2006-2008 (Revue internationale de politique comparée, 2010/1, vol. 17), Bernard Dolez, professeur de droit ­public à l’université Paris-XIII, et Annie Laurent directrice de recherche au CNRS, les électeurs votent au plus près de leurs convictions : parce qu’ils savent que tous les votes, même minoritaires, seront pris en compte, 83 % des électeurs se prononcent pour le candidat le plus proche de leurs valeurs, contre 63 % avec le scrutin uninominal majoritaire à deux tours. « L’intensité du vote stratégique est minimale avec la représentation proportionnelle », concluent les chercheurs.

 

Combattre la « mal représentation »

 

L’engouement pour la proportionnelle est en outre lié, comme au XIXe siècle, à sa promesse de combattre les redoutables inégalités de représentation politique engendrées, à l’Assemblée nationale, par la « prime » majoritaire du scrutin uninominal. Les grands partis, qu’ils s’agissent du PS en 2012, ou de La République en marche en 2017, obtiennent, proportionnellement, beaucoup plus de députés que les formations minoritaires comme le Rassemblement national, La France insoumise ou les écologistes. « A la fin du XIXe siècle, la “mal représentation” concernait les classes sociales, constate Frédéric Sawicki. Aujourd’hui, elle touche plutôt les forces politiques. »

 

Si beaucoup jugent ces disparités de représentation inquiétantes, c’est parce qu’ils redoutent des violences sociales. « En mettant hors-jeu des formations qui disposent d’une assise électorale, le scrutin majoritaire encourage la radicalité et le conflit, poursuit le politiste. En accordant une juste place aux minorités, la proportionnelle favorise en revanche le compromis. Les pays qui l’ont adoptée au XIXe et au XXe siècles – la Belgique, les Pays-Bas ou l’Allemagne – étaient d’ailleurs très divisés : la proportionnelle visait à éviter que le pouvoir tombe entièrement aux mains de la majorité, que les droits des minorités soient bafoués et que les passions l’emportent. »

 

A la fin du XXe siècle, dans des pays aussi divisés ethniquement, linguistiquement ou religieusement que la Belgique, les cantons suisses ou l’Italie, la proportionnelle avait d’ailleurs permis, constate Pierre Rosanvallon dans Le Peuple introuvable, de « pacifier la société en complexifiant la représentation ». « Ce mode de scrutin ne conduit pas seulement à repousser ce que [l’homme politique du XIXe siècle] Cantagrel appelait de façon imagée le “vote à l’écrasement”, analyse l’historien et sociologue. Elle permet aussi de sortir du face-à-face trop brutal d’une majorité et d’une opposition, et d’éviter ainsi les inconvénients du bipartisme. »

 

Nul ne sait encore si la France réformera un jour son mode de scrutin mais une chose est sûre : en optant pour la proportionnelle, elle modifierait le processus de formation du gouvernement. Dans des pays comme l’Allemagne, le nom du premier ministre ne sort pas un beau matin du chapeau présidentiel : il est le fruit d’une longue négociation collective engagée, au lendemain du vote, par les partis qui ont réuni le plus de suffrages. Parce que l’élaboration de ce contrat de gouvernement exige un patient travail de coopération, il ouvre la voie, aux yeux des défenseurs de la proportionnelle, à une démocratie pacifiée, et à un Parlement de travail.

 

Pour le politiste Etienne Ollion, la proportionnelle permettrait en effet de sortir du « Parlement de posture » de la Ve République. « L’opposition, réduite à la portion congrue par le scrutin majoritaire, est aujourd’hui cantonnée à une fonction tribunicienne, regrette-t-il. Dans une assemblée élue à la proportionnelle, les déséquilibres entre la majorité et les minorités sont moins marqués, et le travail parlementaire s’en ressent. Au sein d’une coalition, les députés deviennent des partenaires de travail. Ils sont donc tenus au dialogue et au respect. » Cette culture du compromis serait un progrès – même si elle ne suffirait évidemment pas à transformer la Ve République.

 

Anne Chemin

Partager cet article
Repost0
3 juin 2022 5 03 /06 /juin /2022 06:00

 

J’avoue que je n’ai lu aucun des auteurs de l’école de Brive, sans doute parce que ma lecture , en mes jeunes années vendéennes, de La Terre qui meurt de René Bazin (9 octobre 2006 La Vigne arrachée ICI ), m’a vacciné à tout jamais de la littérature de terroir.

 

Mais, comme il ne faut dire jamais, il se peut que je me plonge un de ces jours, dans l’œuvre de Claude Michelet, qui vient de décéder dans le hameau de Marcillac (Corrèze), à quelques kilomètres de Brive, à l'âge de 83 ans, à quelques jours de son 84e anniversaire.

 

Mort du romancier Claude Michelet, pilier de l'école de Brive (Corrèze)

claude Michelet © Frédéric LHERPINIERE

 

Le mot de passe ?

 

«Il est de chez nous», ce qui signifie corrézien.

 

N'entre pas qui veut dans le cercle de l'Ecole de Brive. La «bande à Peuch» (entendez Jacques Peuchmaurd, éditeur chez Laffont) s'enracine en Limousin, province longtemps demeurée autonome. «Si la vicomté de Turenne n'avait pas a été vendue à Louis XV, nous serions toujours indépendants», soupire-t-il, une nuance de regret dans la voix.

 

« Sur le seuil de sa maison de Chauffour, l'éditeur attend ceux qui sont ses amis avant d'être ses auteurs. «Tout s'est fait par une succession de rencontres, commente-t-il sobrement. On a commencé en 1973, sous la grande halle du marché de Brive-la-Gaillarde. Les gens signaient au cul des vaches.» Désormais, la rituelle Foire du livre est investie, chaque année, par 100 000 visiteurs, dont le «train des Parisiens», écrivains, journalistes abondamment régalés durant la descente sur Brive. »

 

Des Grives Aux Loups T.1 - Livre - France Loisirs

 

Claude Michelet publie à la fin des années 70, Des grives aux loups, le premier opus d’une série d’ouvrages se situant dans la campagne autour de Brive. Quelques années plus tard, à la suite de la publication d'une trilogie romanesque, Les Gens de Saint Libéral, il participe à la création de ce qu'on appelle l'école de Brive, avec Michel Peyramaure, Christian Signol, Gilbert Bordes... « Une invention de journaliste récupérée par Robert Laffont », avait-il commenté en 2015.

 

Claude Michelet agriculteur était devenu écrivain à temps plein après le succès du roman Des grives aux loups à la fin des années 1970. Il s’est éteint, chez lui, dans le hameau de Marcillac (Corrèze), à quelques kilomètres de Brive, à l'âge de 83 ans, à quelques jours de son 84e anniversaire.

 

 

C'est là qu'il est né en 1938. Fils du résistant et ministre du général de Gaulle Edmond Michelet, Claude Michelet avait arrêté ses études à Paris pour se consacrer à l'agriculture.

 

Livre: Mon Pere, Edmond Michelet D'Apres Ses Notes Intimes., Claude Michelet,  Presses De La Cite, 2000053633918 - Leslibraires.fr

 

Une source d'inspiration qui ne l'a jamais quittée : son premier roman, en 1965 (La Terre qui demeure), frappe par son caractère visionnaire. Seul contre tous, un paysan refuse de vendre ses terres pour des projets de lotissements ou d'extraction d'uranium.

 

Paysan le jour, écrivain la nuit la suite ICI 

"Inventaire avant fermeture" de Michel Peyramaure (DR / Calmann Lévy)

Pilier de l’École de Brive, l’écrivain corrézien Michel Peyramaure se confie à l’aube de ses 100 ans

Considéré par beaucoup comme l’un des plus grands romanciers historiques, Michel Peyramaure a fêté le 30 janvier ses 100 ans. Devant la caméra de France 3 Limousin, le cofondateur de la Foire du livre a accepté d’évoquer quelques souvenirs de cette longue vie dédiée à l’écriture.

 

« L’écriture conserve, c’est absolument indéniable. L’écrivain qui s’astreint tous les jours à cet exercice, sur son ordinateur, pour écrire un livre, une nouvelle, ou n’importe quoi, survit. »

 

Michel Peyramaure

 

Écrivain du terroir

 

Michel Peyramaure est considéré depuis longtemps comme l’un des plus grands auteurs de romans historiques. Il se consacre à l'histoire de France, en particulier à travers l'histoire de ses provinces, ce qui inscrit son œuvre dans le courant régionaliste, ou littérature de terroir. Des romans donc, mais aussi de nombreuses biographies de personnages historiques tels que Jeanne d'Arc, Henri IV, Louis XVI ou Napoléon. Mais aussi d'artistes comme Suzanne Valadon ou Sarah Bernhardt.

 

Élève médiocre, c’est pourtant sur les bancs de l’école qu’il s’est découvert une passion pour l’écriture : « J’étais toujours dernier de la classe. C’est ma gloire, mon espérance et mon soutien. J’étais dernier de la classe et l’instituteur vient et me demande ce que j’écris. Je lui dis : j’écris un poème monsieur. Montre-moi ça ! Oh, c’est pas mal. Il revient vers son bureau et dit aux autres enfants : 'Nous avons dans la classe un crétin de génie' », rigole Michel Peyramaure. 

 

Cofondateur de l’École de Brive la suite ICI 

Denis Tillinac sur la mort de Jacques Chirac : "Je suis triste mais les  souvenirs restent"

« Ils étaient tous deux profondément corréziens. Si Denis Tillinac avait été une femme, il aurait épousé Chirac. »

Michel Peyramaure

 

« En Corrèze, il y a autant d’écrivains que de veaux sous la mère. »

Denis Tillinac

 

La suite ICI 

 

 

Partager cet article
Repost0
31 mai 2022 2 31 /05 /mai /2022 06:00

Francis Bacon image libre de droit par georgios © #5597590

Francis Bacon (1561-1626), scientifique, philosophe et homme d’État.

Dans le petit monde des vins nu, le vocabulaire utilisé pour les désigner glisse de vin nature à vin vivant, « La notion est plus inclusive que « nature » et « environnement », moins usée que « sauvage » et moins savante que « biodiversité » ou « non-humains ».

 

Vin vivant de Pierre Jancou - Livre - Decitre

 

Le point sur le sujet : La nature est morte, vive le vivant ?

 

Plus l’horizon s’étrécit et plus la notion de vivant impose sa puissance, promesse de réenchantement des regards posés sur les milieux naturels, gage d’une pensée soucieuse de ce qui nous relie à tout ce qui croît et respire. Un vrai printemps pour l’esprit, dont le sacre apparent appelle cependant quelques pas de côté. Pour comprendre mot à mot, avec la philosophe Catherine Larrère, pourquoi le vivant semble avoir chassé la nature. Pour dévoiler, grâce à la sociologue Céline Lafontaine, les impensés d’une foule d’entités vivantes cloîtrées à l’ombre des labos. Pour inspirer, avec le biologiste Olivier Hamant, un nouveau modèle apte à nous faire traverser les turbulences à venir.

 

Par Sylvie Berthier et Valérie Péan

 

Un entretien avec Catherine Larrère, philosophe, professeure émérite à l’université Paris 1-Panthéon-Sorbonne

 

  • Nombre de livres qui paraissent ces derniers temps dans le champ de l’écologie titrent sur le « vivant » et ont ainsi évacué le mot « nature ». Quelles sont les raisons de cette éviction ?

 

En France, il y a une tradition de méfiance à l’égard de la nature. Le mot est flou, polysémique ; surtout, il est à la fois descriptif (« ce qui est ») et normatif : il dirait « ce qui doit être », au nom d’un « ordre naturel ». On le soupçonne d’être porteur de représentations religieuses ou de conceptions romantiques, irrationnelles et sentimentales. Ce qui a servi en partie à attaquer les préoccupations écologiques lorsqu’elles ont commencé à prendre de l’importance. Puis, à partir des années 1990, c’est dans le champ même des mobilisations écologiques que la référence à la nature a été mise en question. Tout particulièrement par Bruno Latour et Philippe Descola.

 

  • Que reprochent-ils à l’idée de nature ?

 

La nature que critiquent Latour et Descola, c’est la nature des Modernes, de Descartes et de son contemporain anglais F. Bacon1 : une nature mécanique qu’il convient de dominer, grâce à la science et à la technique mais, surtout, une nature posée comme extérieure à l’homme, dans une vision dualiste qui sépare nature et société, ou nature et culture, sauvage et domestique, l’objet et le sujet. Or, explique Latour dans « Nous n’avons jamais été modernes » (1991), ce « grand partage » ne partage rien : les distinctions entre les régions du savoir (sciences de la nature/sciences de la société ou de l’esprit) ne tiennent pas et, lorsqu’on croit pouvoir classer les êtres entre ce qui est naturel et ce qui est artificiel ou social, les hybrides prolifèrent : le changement climatique, ensemble de phénomènes naturels qui sont les conséquences d’actions humaines, en est un exemple frappant. Il n’y aucun « donné » que l’on puisse dire naturel. La « nature », c’est en fait ce qui autorise les scientifiques à parler avec autorité, à imposer leurs vues.

 

La nature, vue comme une unité relevant d’une même explication, existant par elle-même et se distinguant des humains est, de plus, une idée typiquement occidentale, comme l’a montré P. Descola. Il nomme « naturalisme » cette façon de considérer, du côté physique, que le corps humain est organisé de la même façon que les autres êtres – ce qu’il appelle la continuité physique des extériorités – mais que l’homme se singularise de tous les autres organismes vivants par son intériorité (l’esprit). C’est l’exact inverse de l’animisme, selon lequel une plante, un animal, un humain diffèrent par leur apparence mais sont les mêmes du point de vue de leur intériorité. Car, dans le reste du monde, effectivement, d’autres façons existent de regrouper les existants, d’autres « ontologies » conduisent à d’autres « écologies », d’autres regroupements d’« humains et de non-humains » . 2

 

  • Par quel mot Descola et Latour remplacent-ils alors celui de nature ?

 

La suite ICI

 

Être un chêne

Le « vivant », un concept qui gagne en popularité dans la philosophie et les combats écologiques ICI

 

La notion est plus inclusive que « nature » et « environnement », moins usée que « sauvage » et moins savante que « biodiversité » ou « non-humains ».

Par Nicolas Truong

 

Histoire d’une notion. Les mots font ou défont les choses. Et les concepts, écrit le philosophe Baptiste Morizot dans le sillage de Gilles Deleuze, permettent même de « résister au chaos ». Lorsqu’ils se répandent dans l’espace public, ils deviennent les balises du basculement du monde et les marqueurs du changement des temps. Ainsi en va-t-il de la notion de « vivant », qui s’est largement imposée dans la pensée de l’écologie, et plus largement auprès de ceux qui cherchent à lutter contre la dévastation planétaire, attestée par les rapports scientifiques de plus en plus alarmants. En effet, « la crise écologique actuelle est une crise de nos relations au vivant », assure Baptiste Morizot, qui a donné à cette notion son actuelle dimension. « C’est un concept qui met l’accent sur nos interdépendances, et qui permet de travailler pour le bénéfice de nos relations avec les écosystèmes, sans opposer a priori et toujours les intérêts des humains et ceux de la “nature” », poursuit-il dans un entretien au Monde.

 

« Vivant » s’oppose tout d’abord à la mort, à la disparition d’une partie de la biodiversité qui prend la forme d’une « sixième extinction ». Dans l’insistance sur le vivant, « il y a une impulsion, sinon une pulsion de vie opposée à la pulsion de mort qui abîme les psychismes (écopsychologique), épuise les ressources humaines (burn-out) et naturelles (extractivisme), dans le mouvement morbide du nécrocapitalisme », analyse le philosophe Jean-Philippe Pierron.

 

« C’est la catastrophe en cours qui nous fait vraiment entrer dans le moment du vivant », explique le philosophe Frédéric Worms, directeur adjoint de l’Ecole normale supérieure. Mais qu’est-ce que le vivant ? « C’est l’ensemble des forces qui résistent à la mort », dit-il, en paraphrasant la célèbre formule du médecin anatomiste Marie François-Xavier Bichat (1771-1802) à propos de la vie. Sans compter qu’il y a quelque chose de performatif dans le vivant, une invitation à la résistance, voire une incitation à la métamorphose et à la renaissance.

 

« Vivant » permet de sortir du dualisme entre la nature et la culture. Pour les lecteurs de l’anthropologue Philippe Descola et du philosophe Bruno Latour, c’est désormais un acquis : nous sommes sortis du grand partage entre l’homme et le monde. La nature n’est plus un décor, un réservoir de richesses, une aire de repos ou un terrain de jeu. Avec ces nouvelles ontologies qui ne séparent plus la nature de la culture, les « non-humains » (plantes, animaux, fleuves, etc.) ne sont plus des choses ou des objets, mais des êtres qui importent, et doivent être mieux pris en compte par le politique, comme par le droit.

 

Le terme de « vivant » est plus inclusif et englobant. Il permet de rompre avec « l’environnement », « le sauvage » ou « la nature » dont l’usage suppose une extériorité de l’homme par rapport à son écosystème. Pour beaucoup, il serait également moins anthropocentrique que le terme de « non-humains » – qui suppose à nouveau une séparation entre deux entités. C’est pourquoi il est en train de prendre de l’ampleur dans le monde des idées.

 

« Nouveau regard sur le monde »

 

L’emploi de ce concept nous offre « un nouveau regard sur le monde, auquel nous appartenons aussi », témoigne Laurent Tillon, biologiste et ingénieur forestier à l’Office national des forêts qui, dans Etre un chêne (Actes Sud, 230 pages, 22 euros), raconte comment les arbres ont une histoire, à travers celle de « Quercus », un chêne sessile âgé de 240 ans qu’il connaît depuis l’adolescence : « Avec le terme vivant, on se sent appartenir à une même communauté. Quand je visite Quercus, je suis autant présent que n’importe quel autre vivant que je côtoie : mon arbre Quercus, le hêtre voisin, le pic dans l’arbre d’à côté, la mésange qui vient par curiosité, et le chevreuil qui s’interroge depuis quelque temps de ma présence si tôt en forêt en ce moment ».

 

Ce changement de paradigme conduit ainsi à une éthique, mais également à une politique du vivant. « Construire une cosmopolitique du vivant est le défi de notre époque », lance l’économiste Felwine Sarr. « La crise actuelle nous rappelle l’importance d’une “vital-démocratie” », assure Frédéric Worms. Après avoir théorisé les différentes « manières d’être vivant », Baptiste Morizot esquisse aujourd’hui les contours d’une « éthopolitique », afin de « restituer aux vivants les puissances d’agir qui sont les leurs, pour faire face avec nous aux métamorphoses environnementales contemporaines induites par le changement climatique ». L’éthopolitique donc, contre la « nécropolitique », cette soumission du vivant au pouvoir de la mort analysée par l’historien Achille Mbembe.

 

Raviver les braises du vivant

« Le “vivant” n’est pas un slogan, c’est une carte pour s’orienter » ICI 

 

Le philosophe Baptiste Morizot précise la signification et la portée d’un concept « qui déplace la focale de notre attention collective vers nos interdépendances » avec les autres vivants, au moment où celui-ci est largement repris, mais parfois aussi critiqué.

Propos recueillis par Nicolas Truong

Publié le 22 septembre 2021

 

Maître de conférences en philosophie à l’université d’Aix-Marseille, Baptiste Morizot a notamment déployé le concept de « vivant » dans Manières d’être vivant : enquêtes sur la vie à travers nous (Actes Sud, 2020) et Raviver les braises du vivant. Un front commun (Actes Sud et Wildproject), et élaboré son « éthopolitque » dans Le Cri de Gaïa. Penser la Terre avec Bruno Latour (sous la direction de Frédéric Aït-Touati et Emanuele Coccia, La Découverte, 2020).

 

  • Le concept de « vivant » que vous avez forgé est largement utilisé par des activistes, des associations ou même des institutions qui veulent lutter contre le réchauffement climatique et l’érosion de la biodiversité. En quoi est-il philosophiquement et politiquement important de changer de terme ?

 

Baptiste Morizot.- D’abord, il est important de rappeler que ce n’est pas un mot d’ordre ni un slogan : c’est un concept, donc une carte pour s’orienter, utile dans certains cas, inutile dans d’autres. Il n’a jamais visé selon moi à récuser les autres termes, mais à enrichir et pluraliser le paysage conceptuel et l’arsenal des idées.

 

Il faut se souvenir que porter ce concept n’a pas pour but d’interdire le mot « nature », mais de critiquer et conscientiser ses usages inquestionnés. Il sert à multiplier les approches, pour lutter contre l’hégémonie culturelle de l’idée de « nature » avec ses impasses – idée qui est toujours dominante dans notre héritage. Il n’a donc pas pour vocation de recréer un nouveau monopole à la place, mais de nous donner de l’air, et des outils pour mieux penser et agir.

 

Penser avec cette idée de « vivant » n’oppose plus nature et culture, puisque la culture est une manifestation du vivant dans l’humain, une faculté façonnée par l’évolution du vivant

 

Sa première force, en situation de crise écologique, c’est qu’il met la focale sur ces entités du monde qui sont concernées par leur existence, l’ensemble des vivants de la biosphère. Il n’y a pas à « sauver » le climat, il ne craint rien : ce sont les vivants qui doivent être protégés des dérèglements du climat, humains compris, puisque nous sommes interdépendants.

 

Sa seconde force, c’est que par l’usage du singulier, en parlant du vivant et pas seulement « des » vivants, il englobe non seulement les organismes et les espèces dans leur multiplicité, mais aussi les forces évolutionnaires anciennes qui les façonnent, et les dynamiques écologiques qui les tissent ensemble dans le présent.

 

Par là il se rend capable de saisir le « tissu » du vivant dans ses interdépendances, et le « fleuve » du vivant dans sa continuité depuis l’apparition de la vie sur Terre. Or ce sont ce tissage et ces dynamiques qui rendent la Terre habitable pour nous et pour les autres, et on comprend par là que ce sont elles qu’il faut défendre, et dont il faut prendre soin, et pas seulement de chaque espèce séparée comme si elle était posée là sur un décor.

 

Sa troisième force, la plus évidente, c’est qu’il échappe spontanément aux dualismes hiérarchiques de la modernité, qui opposent nature et société, environnement et humain. Ce concept permet, par la force de la langue elle-même, de ne plus opposer humain et nature, puisque par définition, nous en sommes, des « vivants », nous sommes embarqués avec tout le vivant pensé comme aventure biotique, nous sommes tramés aux vivants d’un point de vue écologique.

 

Nous partageons avec eux une ascendance commune, qui se manifeste dans la totalité de notre être. En un mot, c’est un concept qui déplace la focale de notre attention collective vers nos interdépendances – et qui permet par là de travailler pour le bien de nos relations avec les écosystèmes, sans opposer toujours a priori les intérêts des humains et ceux de la « nature ». Politiquement, sur le terrain, cela permet d’imaginer des fronts communs parfois libérateurs.

 

Voilà : c’est un mot qui respire spontanément en dehors du dualisme. Par exemple, penser avec cette idée de « vivant » n’oppose plus nature et culture, puisque la culture est une manifestation du vivant dans l’humain, une faculté façonnée par l’évolution du vivant. Ils ne sont pas intrinsèquement opposés : on peut imaginer favoriser une culture du vivant, de la même manière que la modernité s’est construite sur une culture qui l’a minorisé ou méprisé.

 

  • De quelle manière cette notion peut-elle échapper à l’antimodernisme et l’antihumanisme ?

 

Ce concept ne sert pas à écarter ou rabaisser l’humain, au contraire, il sert à le penser de manière plus juste, et donc à le défendre mieux. Les mots « biodiversité » ou « environnement » ne nous incluent pas : ce sont des concepts qui réactivent l’extériorité fondatrice de l’humain envers son propre tissage.

 

Ce mot devient vide de sens lorsqu’il sert seulement à remplacer artificiellement le mot « nature » sans changer la philosophie du propos (c’est-à-dire la manière dualiste de penser, ou l’idée d’une mère nature harmonieuse et bienveillante)

 

Le concept de vivant sert à ça au fond : il permet de localiser ce dont on parle hors de nous et en nous, et d’opérer ce faisant le geste philosophique le plus décisif à mon sens dans cette affaire - nous recomprendre, nous humains, comme des vivants. C’est ce que j’appelle la manière humaine d’être vivant. Elle n’a pas la rigidité d’une « nature humaine », mais elle ouvre néanmoins le champ de nos possibles. Et ces derniers sont tissés.

 

Nous sommes une forme de vie unique mais interdépendante (comme les abeilles sont une espèce unique et interdépendante). Le vivant, ce n’est pas une catégorie scientifique (l’ensemble des organismes), c’est un concept philosophique qui nomme notre relation à l’aventure de la vie sur Terre : c’est la communauté du monde à laquelle on appartient, c’est une vulnérabilité mutuelle, c’est une dimension de l’expérience humaine, et c’est une condition partagée, la condition vivante.

 

Avec ce concept, l’enjeu n’est donc pas de faire une classification biologique comme on en trouve dans les manuels de sciences naturelles, mais d’imaginer collectivement des transformations métaphysiques et anthropologiques, en tant que notre image du monde est toujours une image de nous.

 

Sur ce chemin, du point de vue pratique, on active un meilleur humanisme, on prend mieux soin des humains, parce qu’on comprend qu’il faut prendre soin de leurs interdépendances avec les autres vivants – ce sont elles qui rendent nos vies possibles et nos sociétés durables.

 

  • Mais ce concept vivant est-il bien compris ? N’a-t-il pas tendance à être dilué ou instrumentalisé tant son usage se répand aujourd’hui ?

 

Il génère quelques dérives, comme tous les mots qui circulent vite. Selon moi, il doit être utilisé rigoureusement et avec justesse sous peine de perdre son sens et sa force. On voit aujourd’hui fleurir une profusion d’usages hyperboliques ou abusifs, qui créent une certaine lassitude autour de ce mot, et comme une irritation. C’est un effet de mode qui passera.

 

Par exemple, il devient vide de sens lorsqu’il sert seulement à remplacer artificiellement le mot « nature » sans changer la philosophie du propos (c’est-à-dire la manière dualiste de penser, ou l’idée d’une mère nature harmonieuse et bienveillante), parce qu’il est rabattu sur des notions et des imaginaires qu’il a pour vocation de dépasser.

 

Je suis aussi en désaccord avec ceux qui lui ajoutent des consonances mystiques, religieuses, ou New Age. On voit ce malentendu dans les usages qui mettent spontanément une majuscule à « vivant » : à mon sens, c’est une catastrophe philosophique, parce que c’est contradictoire avec le sens même du concept.

 

En effet, la majuscule sert dans la langue française à sacraliser quelque chose sous une forme qui met à distance, qui impose une éminence. Elle instaure une nouvelle transcendance, alors que justement le concept de « vivant » permet de parler de la biosphère dans sa pluralité diffuse, omniprésente, profane, mais d’en parler avec les égards ajustés : c’est-à-dire sans la désanimer, mais sans la suranimer non plus. Et sans sacraliser non plus chaque organisme, puisque le vivant vit chaque jour de s’entremanger, c’est la base des écosystèmes, et c’est ce qui rend possible leur épanouissement.

 

Le malentendu avec la majuscule, c’est qu’elle confère une aura de religiosité, avec toutes ses inerties, à la chose la plus immanente et quotidienne du monde – à la vie.

 

Enfin il y a ceux qui s’en emparent pour « greenwasher » leurs pratiques et continuer le « business as usual », l’exploitation aveugle et destructrice des écosystèmes : quant à eux, ils n’ont aucun scrupule à récupérer et dénaturer tout discours qui s’oppose à leurs intérêts.

 

C’est en partie pour faire barrage à ce kidnapping que j’ai écrit le livre Raviver les braises du vivant, et publié le texte accessible en ligne librement : « Nouer culture des luttes et culture du vivant. »

 

Concernant les limites et les points aveugles de ce concept, ils sont partout : il ne sert pas à tout, sinon il ne servirait à rien. Par exemple, concernant les problèmes de philosophie de la technique ou les questions d’énergie pour faire face à la crise écologique, ce concept n’est pas le plus opérationnel aujourd’hui, et tant mieux (trop embrasser, c’est mal étreindre). Et pour faire de l’astrophysique – n’en parlons pas. Ce n’est pas grave, c’est bien ainsi, les concepts servent aussi à ça : à ne pas servir, à reposer, comme dans la trousse à outils d’un cambrioleur, jusqu’au jour où ils ouvriront d’autres portes qui nous enfermaient.

 

Nicolas Truong

 

 

Partager cet article
Repost0

  • : Le blog de JACQUES BERTHOMEAU
  • : Espace d'échanges sur le monde de la vigne et du vin
  • Contact

www.berthomeau.com

 

Vin & Co ...  en bonne compagnie et en toute Liberté pour l'extension du domaine du vin ... 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



 

 

 

 

Articles Récents