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14 mai 2019 2 14 /05 /mai /2019 06:00
Suite à la demande de suspension de l'arrêté ordonnant la destruction du vin de Sébastien David devant le tribunal administratif d’Orléans petit cours de droit : LA DUALITÉ DES ORDRES DE JURIDICTION en France

« Le Tribunal administratif d'Orléans rejette la demande de suspension de l'arrêté ordonnant la destruction du vin de Sébastien David.

MAIS dans le même temps ce même Tribunal ordonne que le fond de l'affaire soit examiné à une très prochaine audience. Le combat continue! »

Signé Me Morain

 

Tribunal administratif d'Orléans : le viticulteur d'Indre-et-Loire saura lundi s'il doit détruire ses bouteilles

 

Sur les réseaux sociaux, à propos de cette affaire, beaucoup d’intervenants, comme la plupart des citoyens de notre beau pays, se sentaient un peu perdu face à la complexité de l’organisation de la justice en France.

 

Afin d’éclairer leur lanterne, je propose aux plus courageux de se reporter à l’intervention de Jean-Marc Sauvé à l'Ecole nationale de la magistrature le 21 juillet 2017

 

C’est un peu long mais ça fait le tour de la question.

 

La présidence du Conseil d'État est confiée au Vice-président. Cette appellation est le lointain souvenir de l'époque où le Conseil d'État était effectivement présidé par le chef de l'État ou par une autorité politique.

 

Traditionnellement, le Vice-président du Conseil d'État se trouve placé, dans l'ordre protocolaire, au premier rang des autorités civiles et militaires de l’État, après les membres du Gouvernement, les présidents des assemblées parlementaires et le président du Conseil constitutionnel.

 

Il préside l'Assemblée générale qui donne des avis au Gouvernement sur les projets de texte et sur les questions les plus importantes et qui adopte le rapport et les études du Conseil d’État. L’Assemblée générale examine également les propositions de loi émanant des membres du Parlement. En théorie, elle peut être présidée par le Premier ministre, et en son absence, par le garde des Sceaux, ministre de la justice. Mais cela ne se produit que de façon très exceptionnelle et pour une séance à caractère protocolaire.

 

Le Vice-président préside également l'Assemblée du contentieux, la formation contentieuse la plus solennelle du Conseil d'État, qui rend des arrêts sur les litiges les plus importants.

 

Par ailleurs, il est, de droit, président du conseil d'administration de l'E.N.A. et du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

 

Il donne son avis sur les nominations de maîtres des requêtes ou de conseillers d'État décidées par le Gouvernement ; le sens de cet avis est publié au Journal officiel.

 

Mercredi 16 mai 2018, Bruno Lasserre, actuel président de la section de l’intérieur, a été nommé vice-président du Conseil d'État. Il succède  à Jean-Marc Sauvé. ICI 

 

21 juillet 2017

 

Dialogue entre les deux ordres de juridiction

Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État

 

En France, la justice est rendue par deux ordres de juridiction distincts et aussi par un troisième ordre, le dernier né, mais le premier juridiquement et protocolairement : le Conseil constitutionnel. Les deux ordres juridictionnels historiques sont l’ordre judiciaire, dans lequel vous êtes entrés, à la tête duquel se trouve la Cour de cassation, et l’ordre administratif, composé des juridictions administratives de droit commun – les 42 tribunaux administratifs, dont 31 en métropole, et les 8 cours administratives d’appel –  et des juridictions spécialisées – en particulier la Cour des comptes, la Cour de discipline budgétaire et financière, la Cour nationale du droit d’asile ou les juridictions disciplinaires nationales des ordres professionnels. Cet ordre, qui est régulé par le Conseil d’Etat, juridiction administrative suprême selon les termes mêmes de l’article L. 111-1 du code de justice administrative, reçoit et juge environ 300 000 recours par an, soit 10 fois plus qu’il y a 40 ans. Le dualisme juridictionnel, qui est souvent questionné et parfois contesté, est un élément essentiel de l’organisation et de la compréhension du service public de la justice dans notre pays. Mais si notre histoire, nos missions et nos compétences nous séparent, il nous revient conjointement de répondre aux attentes croissantes, et parfois pressantes, des justiciables et de dispenser un service de la justice de qualité : tels sont les objectifs partagés, pour ne pas dire communs, des juridictions aussi bien judiciaires qu’administratives.

 

Dans cet esprit, je souhaite évoquer devant vous les origines et les compétences de la juridiction administrative (I) ainsi que l’intérêt et l’utilité du dualisme juridictionnel (II). Au-delà de ce qui nous sépare et de ce qui fait notre spécificité, j’insisterai aussi sur ce que nous avons en commun : le fait d’être des juges et de concourir ensemble à la résolution des conflits au service des justiciables et de notre pays (III).

 

I. Le dualisme juridictionnel est le fruit d’une longue histoire nationale, mais il garde aujourd’hui sa pertinence pour des raisons autres que celles qui l’ont vu naître.

 

A- Il résulte, en premier lieu, d’une certaine conception de la séparation des pouvoirs dans notre pays.

 

1. Pour bien comprendre la « conception française de la séparation des pouvoirs »[2], je crois utile de revenir rapidement sur les théories qui sont au fondement de notre développement institutionnel.

 

Notre pays a inscrit la séparation des pouvoirs au frontispice de sa Constitution à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 qui proclame que « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ». La séparation des pouvoirs est un principe fondateur et fondamental de l’organisation des pouvoirs publics de notre pays, comme de tout Etat de droit. Elle est à juste titre invoquée pour justifier l’indépendance et les pouvoirs propres des juges ; à l’inverse, dans les régimes autoritaires et les démocraties dites « illibérales », comme la Hongrie ou la Pologne, qui s’affranchissent des principes fondateurs inscrits à l’article 2 du Traité sur l’Union européenne, le pouvoir s’emploie de différentes manières, grossières ou subtiles, à « mettre au pas » la justice. Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de juger que l’article 16 de la Déclaration de 1789 « implique le respect du caractère spécifique des fonctions juridictionnelles, sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le Gouvernement »[3]. Il en résulte que les décisions de justice ont force exécutoire et que leur exécution forcée ne saurait être subordonnée à une diligence administrative[4]. De même, les principes d’impartialité et l’indépendance des juridictions sont le corollaire de la séparation des pouvoirs affirmée à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen[5].

 

En 1789, l’application par l’Assemblée constituante de ce principe de séparation des pouvoirs a résulté d’une lecture radicale et orientée de l’œuvre des auteurs qui ont inspiré la philosophie des Lumières et, en particulier, Locke et Montesquieu. John Locke, dans son Traité du gouvernement civil, s’intéresse principalement aux pouvoirs législatif et exécutif et à leur articulation. Dans L’esprit des lois, Montesquieu distingue, quant à lui, « trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice des choses qui dépendent du droit des gens, et la puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil »[6].Tous deux posent le principe d’une séparation ordonnée des pouvoirs comme fondement de la liberté civile et politique. Montesquieu affirmait notamment que  « lorsque dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté […] Il n’y a point encore de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice »[7]. Dans le droit-fil de ces théories, le constituant de 1789, soucieux de mettre fin à la confusion des pouvoirs qui caractérisait l’Ancien régime et de protéger les citoyens contre l’absolutisme et les risques de tyrannie que peut comporter toute forme de souveraineté, s’est attaché à promouvoir une organisation des pouvoirs publics dans laquelle chacun d’entre eux est entièrement séparé de l’autre[8]. C’est une conception rigide de la séparation des pouvoirs qui s’est ainsi exprimée, car la lecture de L’esprit des lois permettait d’y déceler une théorie de la balance et de l’équilibre des pouvoirs bien plus que celle de leur stricte séparation[9]. Pourtant, outre que le pouvoir législatif, en ce qu’il exprime la volonté souveraine du peuple, ne saurait être totalement ramené au même niveau que les deux autres pouvoirs, le constituant révolutionnaire était convaincu de la nécessité d’assurer une séparation étanche entre les différents pouvoirs[10]. Si certaines mesures ont alors été prises pour prévenir les empiètements du pouvoir exécutif sur le pouvoir judiciaire – je pense en particulier au décret des 15 et 20 octobre 1789 qui interdit les évocations, c’est-à-dire la possibilité pour le Conseil du Roi de dessaisir les juges d’une affaire pour trancher directement un litige[11], et à la création en 1790 d’un tribunal de cassation[12] –, ce sont surtout les empiètements du pouvoir judiciaire sur les autres pouvoirs que redoutaient les révolutionnaires. En effet, l’opposition récurrente des Parlements de l’Ancien régime aux initiatives réformatrices du pouvoir royal demeuraient présentes dans les esprits. La Révolution a, par conséquent, été très soucieuse de prévenir l’immixtion des juges dans la conduite des affaires publiques. Les Parlements s’étaient en particulier arrogé le droit de refuser d’enregistrer les ordonnances royales, notamment lorsqu’il s’agissait de créations d’impôts, et d’adresser des remontrances au Roi [13]. A plusieurs reprises, le Roi avait dû les rappeler à l’ordre. En janvier 1632, Louis XIII avait mis le Parlement de Paris en garde en l’avertissant ainsi : « Je veux que vous sachiez que vous êtes les seuls qui entrepreniez contre l’autorité royale. Vous n’êtes établis que pour juger entre maître Pierre et maître Jean et je vous réduirai aux tenues de votre devoir » [14]. En 1641, l’édit de Saint-Germain-en-Laye a rappelé les limites des pouvoirs des cours de parlements qui « n’ont été établies que pour rendre la justice à nos sujets » et leur a fait interdiction de « prendre connaissance d’aucunes affaires qui peuvent concerner l’Etat, administration et gouvernement d’icelui ». Ces avertissements n’ont cependant pas suffi à mettre fin aux dérives constatées. Le 2 septembre 1715, au lendemain de la mort du roi Louis XIV, le Parlement de Paris a ainsi cassé plusieurs dispositions de son testament afin de reconnaître comme seul régent le duc d’Orléans, contrairement à la volonté exprimée par le défunt. Le Parlement de Paris s’est aussi opposé vivement et, finalement, avec succès[15] aux réformes du chancelier Maupeou qui, à la fin du règne de Louis XV, entendait abolir la vénalité des charges afin, notamment, de soumettre les parlements au pouvoir royal. La Révolution s’est donc attachée à limiter le pouvoir des tribunaux. Ce projet pouvait également se recommander des philosophes des Lumières qui, dans leurs écrits, ont tous rappelé le rang inférieur du pouvoir judiciaire par rapport aux autres puissances. N’est-ce pas Montesquieu lui-même qui disait que la puissance judiciaire doit être limitée à n’être qu’une puissance « invisible et nulle »[16], les juges devant n’être que « la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés »[17] ? Dans ce contexte, la fonction judiciaire n’est envisagée par le constituant de 1789 que comme une fonction d’application mécanique de la loi[18].

 

La loi des 16 et 24 août 1790 contient l’essentiel des mesures prises aux fins de subordonner l’exercice du pouvoir judiciaire aux autres pouvoirs. Elle interdit aux tribunaux de « prendre directement ou indirectement aucune part à l’exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l’exécution des décrets du corps législatif, sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture »[19]. Les tribunaux doivent « transcrire purement et simplement » les lois qui leur seront envoyées[20]. Les arrêts de règlement leur sont interdits et les juges se voient même privés du pouvoir d’interpréter la loi avec l’institution de la procédure de référé législatif[21]. S’agissant des relations entre les juridictions et le pouvoir exécutif, l’article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 dispose que : « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. » En raison de sa méconnaissance persistante, cette interdiction a été rappelée quelques années plus tard par le décret du 16 fructidor an III selon lequel : « Défenses itératives sont faites aux tribunaux de connaître des actes d’administration de quelque espèce qu’ils soient, aux peines de droit ».

 

2. Ces dispositions ont été interprétées comme excluant la compétence des tribunaux judiciaires pour connaître des litiges nés de l’action de l’administration. Ce n’était peut-être pas leur sens profond ou leur développement inéluctable[22]. L’article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 exprime une stricte conception de la séparation des pouvoirs au sens où l’ensemble des théories politiques l’entendent, c'est-à-dire l’impossibilité pour un pouvoir, fût-il le pouvoir législatif, exécutif ou judiciaire, de se substituer à l’un des autres pouvoirs. En vertu de cet article 13, les juges ne peuvent pas faire acte d’administrateur, ni se substituer à l’administration dans l’exercice de ses prérogatives. En cela, ces dispositions sont bien conformes au principe de séparation des pouvoirs. Mais l’application qui a été faite de cet article et les conséquences qui en ont été tirées ne se déduisaient pas clairement de ce principe[23]. La séparation des pouvoirs impliquait sans nul doute que les juges ne puissent se substituer à l’administration. En revanche, elle ne supposait pas nécessairement que les juges ne puissent, en usant des outils qui sont propres et spécifiques à leurs fonctions, trancher les litiges nés de l’action administrative. C’est pourtant la tournure que prit la séparation des pouvoirs en France sous la Révolution. Dès l’origine, la « conception française de la séparation des pouvoirs »[24] et la défiance à l’égard des juges ont conduit à écarter la compétence des tribunaux judiciaires pour connaître du contentieux administratif[25]. Alors que la séparation des pouvoirs commandait qu’une puissance ne puisse à la fois être exécutive et juridictionnelle, la pensée révolutionnaire a soustrait au contrôle du juge toute l’action de l’administration. C’est de ce paradoxe qu’est née la juridiction administrative : de la rigidité d’un dogme poussé à l’extrême au point de se contredire. Ce cadre fixé, il fallait bien résoudre la question du traitement des litiges nés de l’action de l’administration. L’option consistant à les confier à des tribunaux judiciaires spécialisés a été envisagée[26], mais la spécificité de ce contentieux et la volonté d’éviter de créer à nouveau des juridictions particulières, qui avaient été décriées sous l’Ancien régime, ont conduit à l’écarter[27]. Il ne restait dès lors que deux options : priver les litiges administratifs de tout juge ou confier leur traitement à une autorité qui n’est pas un juge, mais qui ferait office de juge[28]. C’est cette dernière solution qui a été retenue avec la décision de confier à l’administration le soin de se juger elle-même ce qui, au regard des théories philosophiques des Lumières sur la séparation des pouvoirs, apparaît comme un contresens.

 

C’est donc d’un vide, d’une absence de juge, qu’est progressivement née la juridiction administrative. Sous la Révolution, le Gouvernement a instauré un mécanisme de recours hiérarchique, dit du « ministre-juge » : l’administration instruisait et jugeait elle-même les plaintes dirigées contre elle. Les ministres étaient alors « juges de droit commun » pour connaître en premier ressort des litiges s’élevant entre l’administration et les usagers. C’est sous le Consulat qu’a commencé à se produire la rupture qui, par étapes successives, a permis la construction d’une véritable juridiction administrative. L’article 52 de la Constitution de l’an VIII créa en effet un Conseil d’Etat « chargé de rédiger les projets de loi et les règlements d’administration publique et de résoudre les difficultés qui s’élèvent en matière administrative ». Là réside l’acte fondateur de la juridiction administrative. Quelques mois plus tard, la loi du 28 pluviôse an VIII créa les conseils de préfecture, présidés par le préfet, qui étaient chargés de trancher certains litiges en matière administrative : ces conseils départementaux[29], puis interdépartementaux[30] furent transformés, par le décret du 30 septembre 1953[31], en tribunaux administratifs devenus juges de droit commun du contentieux administratif. Initialement, la mission contentieuse du Conseil d’Etat et des conseils de préfecture était limitée. Elle s’est affirmée au long du XIXème siècle. Conformément à la théorie du « ministre-juge », le Conseil d’Etat ne disposait initialement que d’une compétence d’attribution dans les seules matières où les textes avaient prévu la possibilité de former un recours contre la décision du ministre devant le chef de l’Etat. Mais par un décret du 11 juin 1806, l’Empereur Napoléon Ier créa au sein du Conseil d’Etat une commission du contentieux, préfigurant l’actuelle section du contentieux. Une ordonnance du 12 mars 1831 institua la publicité des audiences, ainsi que les commissaires du Roi, devenus ensuite commissaires du gouvernement – et, depuis le décret du 7 janvier 2009[32], rapporteurs publics. A cette époque, la jurisprudence a aussi créé le recours pour excès de pouvoir[33]. En 1849[34], sous la Seconde République, fut institué un concours destiné à recruter sur la base du mérite les plus jeunes membres du Conseil d’Etat, les auditeurs dont le grade avait été créé en 1803. Si, les procédures se « juridictionnalisaient » petit à petit, elles se développaient néanmoins dans le cadre du système dit de la « justice retenue » : la décision préparée par le Conseil d’Etat incombait au final au chef de l’Etat. Celui-ci suivait certes presque toujours les avis du Conseil  : Napoléon Ier disait ainsi : « On me fait signer aveuglément des décisions délibérées dans le Conseil d’Etat sur des matières contentieuses ; je ne suis pour cela qu’une griffe »[35]. Mais le Conseil d’Etat ne tranchait pas à proprement parler les litiges. Ce n’est qu’après la chute du Second Empire que la loi du 24 mai 1872 a consacré l’abandon de ce système et le passage de la « justice retenue » à ce que l’on a nommé « la justice déléguée », rendue par le Conseil d’Etat « au nom du peuple français ». Cette mesure très symbolique a été suivie de l’abandon de la théorie du ministre-juge par l’arrêt Cadot du 13 décembre 1889[36]. Cet arrêt, qui a reconnu au Conseil d’Etat une compétence générale pour connaître du contentieux administratif, même sans intervention préalable d’un ministre, a parachevé l’affirmation du Conseil d’Etat comme juridiction souveraine. Il existe depuis lors, en France, un ordre juridictionnel judiciaire, chargé de régler les différends en matière civile et pénale, et un ordre juridictionnel administratif, juge de la légalité des actes administratifs et de la responsabilité de la puissance publique, qui est chargé d’assurer une « tutelle contentieuse »[37] sur les activités de l’ensemble des autorités administratives. L’existence de la juridiction administrative a été ultérieurement dotée d’une assise constitutionnelle par le Conseil constitutionnel par deux décisions majeures, celle du 22 juillet 1980, qui affirme l’indépendance du juge administratif[38], et celle du 23 janvier 1987[39], qui détermine l’existence d’un noyau dur de compétence au profit du juge administratif. Le dualisme juridictionnel est même désormais implicitement, mais très clairement, inscrit dans notre Constitution, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a créé l’article 61-1 relatif à la question prioritaire de constitutionnalité[40].

 

B - La justice dans notre pays s’appuie donc sur deux ordres de juridiction qui rendent la justice selon une répartition des compétences clarifiée au besoin par le Tribunal des conflits.

 

1. Le dualisme juridictionnel est construit sur deux blocs complémentaires de compétences exclusives et, pour partie, constitutionnellement protégées. Tel est l’objet, par exemple, de l’article 66 de la Constitution qui prohibe la détention arbitraire et qui, à cette fin, érige l’autorité judiciaire en gardienne de la liberté individuelle. La répartition des compétences entre ordres de juridiction est parfois présentée comme inutilement complexe. Elle est pourtant stable et elle suit en son cœur des lignes directrices simples et claires. S’appuyant sur la loi du 24 mai 1872, le Conseil constitutionnel a consacré l’indépendance de la juridiction administrative[41], au titre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, avant d’affirmer son existence constitutionnelle en reconnaissant le cœur de sa compétence : le contentieux de la légalité des actes administratifs. Ainsi, selon sa décision Conseil de la concurrence du 23 janvier 1987, « (…) relève en dernier ressort de la compétence de la juridiction administrative l'annulation ou la réformation des décisions prises, dans l'exercice des prérogatives de puissance publique, par les autorités exerçant le pouvoir exécutif, leurs agents, les collectivités territoriales de la République ou les organismes publics placés sous leur autorité ou leur contrôle (…) »[42]. Cette décision prévoit, dès ses premières lignes, l’hypothèse des « matières réservées par nature à l’autorité judiciaire » au nombre desquelles peuvent être rangés la liberté individuelle[43], la privation de la propriété immobilière, l’état et la capacité des personnes et le fonctionnement des juridictions judiciaires. Hors de ces cas, la compétence du juge administratif est garantie par la Constitution, dès lors que sont identifiés un critère matériel, l’exercice de prérogatives de puissance publique, et un critère organique, l’action d’une personne morale de droit public, agissant directement ou par le truchement d’un organisme placé sous son autorité ou son contrôle.

 

Une fois affirmé ce principe constitutionnel, la détermination de la compétence de la juridiction administrative se fait plus fine, sans être dépourvue de rationalité et de logique. Le Conseil constitutionnel a apporté une première nuance au principe précédemment énoncé en reconnaissant la possibilité pour le législateur de modifier les frontières de cette répartition dans « l’intérêt d’une bonne administration de la justice », lorsque « l’application d’une législation ou d’une réglementation spécifique pourrait engendrer des contestations contentieuses diverses qui se répartiraient, selon les règles habituelles de compétence, entre la juridiction administrative et la juridiction judiciaire »[44]. Cette exigence de bonne administration de la justice, qui est au nombre des objectifs de valeur constitutionnelle reconnus par le Conseil constitutionnel[45], vise notamment à « supprimer ou éviter des divergences de jurisprudence » entre les diverses juridictions susceptibles d’être saisies[46]. L’intérêt souvent avancé est aussi de réduire les délais de jugement autant que l’incertitude qui peut naître de procédures contentieuses multiples. Le législateur n’avait d’ailleurs pas attendu que le Conseil constitutionnel l’autorise à créer des blocs de compétence, puisque dès 1937, puis en 1957, il avait reconnu la compétence du juge judiciaire pour traiter, respectivement, de la responsabilité des enseignants[47] et des litiges résultant d’accidents causés par des véhicules, quels qu’ils soient et quelle que soit la qualité du conducteur et de la victime[48]. Par la loi du 9 janvier 1986, le législateur a aussi attribué au juge administratif la compétence pour connaître des actions tendant à la réparation des dommages causés par les attroupements et rassemblements[49]. Il a ultérieurement fait usage de la possibilité ouverte par la jurisprudence constitutionnelle de 1987 à plusieurs reprises : soit au profit du juge judiciaire, s’agissant, par exemple, des décisions d’homologation de la rupture conventionnelle du contrat de travail[50], des sanctions prononcées par la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (HADOPI) – dès lors que ces décisions punissent des atteintes à la propriété intellectuelle, ce qui risquait de multiplier les questions préjudicielles[51] –, ou des décisions d’hospitalisation d’office[52], dont la légalité externe relevait auparavant de la juridiction administrative, ce qui était générateur de complexité et allongeait de manière injustifiée les délais de jugement ; soit au profit du juge administratif, en ce qui concerne la passation et l’exécution des marchés passés en application du code des marchés publics[53] ou le contentieux des plans de sauvegarde de l’emploi[54].

 

La détermination constitutionnelle et législative des règles de compétence ne fait pas obstacle à ce que d’autres critères, d’origine jurisprudentielle, précisent la répartition des matières entre les deux ordres de juridiction. Au juge administratif, il revient d’appliquer les règles du droit public aux litiges nés de l’action de l’administration, dont la finalité et la légitimité reposent sur la poursuite de l’intérêt général. La notion de service public ou l’exercice de prérogatives de puissance publique[55], qui traduisent la spécificité des objectifs et des moyens de l’administration, déterminent à la fois l’application d’un régime de droit public et la compétence du juge administratif. Mais, dès que l’administration agit dans les mêmes conditions qu’une personne privée et cesse donc de faire valoir la particularité de son action, elle doit se voir appliquer les règles du droit privé par le juge judiciaire[56]. Ainsi, les litiges susceptibles de naître de l’activité d’un service public relèvent de la compétence du juge administratif, si ce service est administratif, mais de la compétence du juge judiciaire, s’il est de nature industrielle ou commerciale[57]. Il en va de même des litiges relatifs aux agents employés dans ces services publics[58]. Relèvent aussi du juge administratif les actes de gestion du domaine public d’une personne publique, mais du juge judiciaire ceux qui concernent son domaine privé[59].

 

2. Cette répartition des compétences entre les ordres de juridiction repose sur l’expertise et les compétences développées par chacun d’eux dans les domaines qui leur sont propres. La spécialisation des ordres juridictionnels évite que le juge ne se trouve « démuni sur un terrain qui n’est pas le sien »[60]. L’évolution des lignes de partage procède ainsi de l’idée selon laquelle chaque domaine du droit, privé ou public, obéit à des règles spécifiques et des logiques différentes. A la puissance publique et aux services publics administratifs, qui assument la finalité d’intérêt général de l’action administrative, correspondent les règles du droit public et la compétence du juge administratif. Mais ce fondement, à la fois principiel et technique, justifie en miroir que le contentieux des atteintes au droit de la propriété intellectuelle et artistique ressortisse traditionnellement à la compétence du juge judiciaire[61], y compris lorsqu’est en cause un contrat public[62]. Les théories jurisprudentielles de la voie de fait[63] et de l’emprise[64] illustrent également les lignes de force du partage des compétences : le juge judiciaire, gardien de la liberté individuelle et de la privation de la propriété, est tout désigné, en cas d’empiètement manifeste et grave sur ces droits, pour faire cesser les effets de ces atteintes et en réparer les conséquences. A l’inverse, le contrôle de la légalité des actes administratifs est une compétence propre du juge administratif. Le contrôle, parmi ces actes, des mesures de police administrative prises pour prévenir les atteintes à l’ordre public ou les infractions et, le cas échéant, limiter les libertés relève également de la compétence du juge administratif. C’était le cas depuis les origines de la juridiction administrative ; c’est a fortiori le cas depuis que le Conseil constitutionnel a reconnu à la juridiction administrative une compétence exclusive pour connaître des décisions prises par l’autorité administrative dans l’exercice de prérogatives de puissance publique[65]. Dans ce cadre constitutionnel, la finalité d’une opération de police, selon qu’elle est préventive ou répressive, détermine le juge compétent. Les missions de la police judiciaire, qui visent à réprimer les infractions commises[66], relèvent naturellement du juge judiciaire. C’est cette clé de répartition, aussi ancienne que la République, qui justifie que le juge administratif soit compétent pour les mesures prises sur le fondement de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence – perquisitions administratives, assignations à résidence, fermetures de lieux de réunion… – qui n’ont pas vocation à réprimer des infractions déjà commises, mais à prévenir que de nouvelles soient perpétrées sur notre territoire. Ainsi, la loi sur l’état d’urgence n’a procédé à aucun transfert de compétence au profit du juge administratif ; la reconnaissance de la compétence du juge administratif pour connaître, notamment, des mesures d’assignation à résidence s’appuie sur une jurisprudence et des principes constitutionnels constants issus de la distinction entre les mesures « privatives » de liberté visées par l’article 66 de la Constitution et les mesures seulement « restrictives » de liberté[67], comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel[68]. Ce sont ces principes[69] qui ont aussi justifié que soit confié au Conseil d’Etat le contentieux né de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement[70] laquelle institue une procédure d’autorisation par le Premier ministre prise après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, avant que ne soient déclenchées des procédures de collecte d’informations en vue, notamment, de prévenir des actions terroristes ou portant atteinte à la sécurité nationale.

 

Le dualisme juridictionnel et la répartition des compétences qui en procède s’inscrivent par conséquent dans l’histoire de nos institutions, marquée par la Révolution française et une conception radicale de la séparation des pouvoirs. En dépit des conditions de sa naissance, ce dualisme s’est inscrit dans la durée.

 

II. La longévité du dualisme juridictionnel tient à sa pertinence et son efficacité au service de notre Etat de droit.

 

  1. Les remises en cause de cette dualité ne sont pas nouvelles, mais elles sont largement injustifiées.

La suite ICI 

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10 avril 2019 3 10 /04 /avril /2019 10:35
T’as raison José Bové, avec Lactalis le ver est dans le fruit du « Roi des fromages »  Roquefort Société

Souvenir de la vente chahuté de Roquefort Société à Besnier rebaptisé Lactalis.

ICI

 

J’étais aux manettes, ce fut une rude bataille perdue d’avance sur laquelle je ne reviendrai pas. Je ne citerai pas de noms car deux des protagonistes majeurs sont passés de vie à trépas.

 

Papa Besnier était à la manœuvre, furieux d’avoir vu lui échapper l’Union Laitière Normande, passé entre les mains de son ennemi héréditaire Jean-Noël Bongrain, il savait que le maillon faible était le Crédit Agricole actionnaire de la Société des Caves à hauteur de 10%. Sans écrire des mots qui fâchent il appliqua le tout s’achète à qui veut se vendre.

 

En dépit d’une offensive de dernière minute de l’Aveyronnais Raymond Lacombe, alors président de la FNSEA, l’ogre entra dans la maison en faisant patte douce. Juré il ne toucherait pas à un seul cheveu du roi des fromages.

 

L’appétit insatiable de l’inventeur de Président, avec un sommet le Président de campagne, pour les AOC fromagères était connu, il se fondait, si je puis dire, sur le constat que la notoriété des AOC était le meilleur socle pour vendre des fromages, comme le proclame José Bové, Canada Dry.

 

Le fils a retenu les leçons du père, en les amplifiant, alors il ne faut pas s’étonner qu’après le camembert il s’attaque avec sa grosse machine Société à un autre monument : le Roquefort.

 

« La commercialisation d’un bleu de brebis estampillé Société par le groupe Lactalis suscite les foudres de José Bové. Il dénonce un « Canada dry » du Roquefort et s’inquiète pour l’avenir de l’AOP du « Roi des fromages » dont la fête est programmée pour le mois de juin.

 

José Bové ne décolère pas. Un échantillon du fameux bleu de brebis entre les mains, il fulmine. La boîte en plastique reprend la forme du Roquefort vendu en grande surface par Société des caves. L’étiquette est verte… « Regardez cette étiquette, un bleu de brebis avec Société en logo. Depuis des années, en France mais aussi en Europe, ce logo veut dire Roquefort. Aujourd’hui, c’est un ersatz. Pour le consommateur ce sera du Roquefort mais qui n’est pas du Roquefort. C’est du Canada dry ». 

 

« Ce n'est plus du lait cru, c'est du lait pasteurisé », explique-t-il à l'occasion de la conférence de presse qu'il organisait, mardi 9 avril 2019. « On n'a aucune garantie sur la zone de ramassage du lait ».

 

José Bové en est sûr : ce fromage à bas prix va faire du tort à l'AOP (appellation d'origine protégée) Roquefort, la plus ancienne de France. « C'est un produit fait par le plus grand industriel de Roquefort. C'est un coup de poignard dans le dos. Jamais on n'aurait pu penser que ça arriverait ».

 

L'interprofession doit réagir, martèle le député européen. Qui se dit résolu si besoin à porter le dossier devant les plus hautes instances juridiques.

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10 avril 2019 3 10 /04 /avril /2019 06:00
Terrasse de l’appartement de la Giudecca. Photo © J. Brunerie.

Terrasse de l’appartement de la Giudecca. Photo © J. Brunerie.

Le petit chroniqueur indépendant que je suis est ravi.

 

Vendredi dernier, sortant de ma sieste, la mariennée de mon pépé Louis au flanc du pailler de Bourg-Pailler, ô surprise dans ma petite boîte électronique s’affiche un courrier de JPK.

 

Un lien : j’ouvre !

 

Avec Jean-Paul Kauffmann, découvrez Venise comme vous ne l’avez jamais vue : ses canaux et ses îlots, ses chemins de traverse et ses églises abandonnées, ses secrets et ses tableaux envoûtants.

 

Et ça commence bien : des portes !

 

« Rien n’est plus beau à Venise que le battant d’une porte d’église. Dans la richesse et la variété de ses nervures colorées et sinueuses, le bois lavé par l’écoulement du temps se présente dans toute sa nudité avec ses cernes et ses rayures gris argent, ses mouchetures pelées, ses dépôts minéraux de couleur blanche laissés par les pluies séculaires. Certaines parties plus exposées à l’air et aux rigueurs atmosphériques, généralement la région inférieure, noircissent, présentant des îlots écorcés avec des nuances cramoisies. »

 

Là où que j’aille traîner mes godillots, chez moi à Paris ou dans des lieux moins connus, je me gave l’œil de portes.

 

Les voici :

 

 

Un peu plus loin :  Porte principale de la Scuola Vecchia della Misericordia. Photo © J. Brunerie.

 

 

Encore : Porte de Sant’Anna. Photo © J.  Brunerie. 

 

Le double tour : Porte de Sant’Anna. Photo © J.  Brunerie.

 

« En revanche, Spirito Santo est un morceau de choix. Je l’aperçois depuis mes fenêtres. J’ai toujours l’impression qu’elle me nargue. Parmi toutes les églises aux portes fermées, elle se révèle la plus impénétrable, avec son tympan en plein cintre orné d’un motif végétal en éventail. »

 

Porte des Terese. Photo © J. Brunerie.

 

L’intégralité du reportage photos c’est ICI

 

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Santa Maria della Visitazione et les Gesuati vus du vaporetto menant à la Giudecca. Photo © J.  Brunerie. image image

Vue de la terrasse de l’appartement de la Giudecca. En face, la Visitazione et les Gesuati. Photo © J. Brunerie.

 

Avec Joëlle dans le jardin d’Eden. Photo © J.  Brunerie. image

 

Cadenas fermant la porte de Santa Maria del Pianto. Photo © J.  Brunerie. image

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4 février 2019 1 04 /02 /février /2019 06:00
Remember 2014 Denis Boireau à la Dive LA TRIBU DES CHEVEUX SALES ou « une segmentation naturelle du marché du vin »

Depuis des années les adorateurs du vin nu me disent « alors tu viens à la Dive ? »

 

Invariablement je leur réponds « je ne suis jamais allé à la Dive… »

 

Ça me mène tout droit à l’excommunication car à leur pourquoi je ne réponds pas.

 

Ce silence les trouble, aurais-je comme Dark Vador, mon côté obscur ?

 

La réponse est bien sûr oui, c’est pour cela que vous n’en saurez rien.

 

Mais, voilà t’y pas que Catherine Bernard, ma métayère, me dit « Faut que tu y ailles Jacques, rien que pour croiser la faune des vignerons gardiens du temple des premiers temps et tout ce que le monde recèle de hipsters… »

 

Pourquoi pas !

 

Je me déciderai au dernier moment, Saumur ce n’est pas le bout du monde avec ma petite auto.

 

En attendant je vous offre une vieille chronique d’un ethnologue des populations rétives aux progrès œnologiques :

 

« Vous le savez tous, notre Taulier a pondu il y a une grosse douzaine d’années un rapport ministériel sur le vin ou il prônait, entre autre, une offre segmentée selon les types de marchés.

 

Un exemple amusant m’est apparu le week-end dernier alors que je prospectais au salon La Dive Bouteille – salon qui regroupe environ 200 vignerons bios, plus ou moins dans la mouvance des vins natures. On y trouve 90% d’excellents vins où même les plus intransigeants de nos œnologues ne pourraient pas trouver ce qu’ils nomment comiquement «des défauts».

 

Mais il reste un petit nombre d’irréductibles qui produisent des vins oxydés, goût moisi-terreux, et autres joyeusetés rédhibitoires à mon goût, mais qu’ils ont l’air d’aimer beaucoup. Et le plus drôle c’est qu’il y a une clientèle pour ça ! Dans ma petite tête je les surnomme « la tribu des cheveux sales».

 

La suite ICI 

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20 janvier 2019 7 20 /01 /janvier /2019 07:00
« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde », disait Albert Camus. Et si Emmanuel Macron vous avait écrit ça !

Après avoir été ouverte, relayée sur internet, la lettre aux Français sera également envoyée par courrier, pour un coût d'environ 10 millions d'euros ; encore un pognon de dingues vont éructer les gilets jaunes alors  que le jeune Emmanuel soutient la Poste en mal de papier timbré.

 

J’avoue ne pas l’avoir lu, trop longue, trop bon élève, bref, sur papier je pense que je vais m’y coller.

 

En attendant, non pas Godot, je vous propose de lire une contre-lettre, comme autrefois au bon temps de Mitterrand version IVe République, avec des gouvernements durant moins longtemps que durent les roses, il y avait un contre-gouvernement.

 

C’est l’œuvre de Pierre-Antoine Delhommais du Point.

 

Ce garçon, que je ne connais pas, a tout pour me déplaire, il est journaliste économique tendance libertarien, les économistes je n’aime déjà pas, alors les journalistes économiques c’est la catata, des perroquets, quant aux libertariens, les trop d’État, depuis que je me suis tapé Salin en mai 68, vu Reagan, avec ses boys de l’école de Chicago à l’œuvre, je suis sceptique. Mon modèle, comme mon pays Michel Albert, c’est le modèle rhénan.

 

Bref, comme mais je ne suis pas sectaire je confie à Philippe Labro le soin de vous le présenter :

 

Le Goncourt du journalisme a été décerné la semaine dernière à Paris, à l'Hôtel Lutetia.

 

Il s'agit du prix Louis-Hachette 2012 pour la presse écrite, qui récompense, depuis plus de vingt-cinq ans, quatre «papiers», qu'ils soient parus sous forme de chronique, de portrait, d'enquête, d'éditorial ou grand reportage. Deux critères dominent les jugements: il est préférable que ce soit bien écrit (on favorise le «style», le «ton», cette petite musique qui fait la différence et que l'on n'entend guère sur les sites et les blogs) et il est indispensable que l'histoire, le contenu, propose une information originale - que cela ait appris quelque chose aux lecteurs, les ait surpris. J'ai le plaisir de faire partie du jury. Il a été longtemps présidé par Françoise Giroud, à laquelle a succédé Claude Imbert. Demain, Laurent Joffrin prend le relais.

 

Pierre-Antoine Delhommais, 50 ans (donc 59 cette année), 1,85 m, éditorialiste au Point, a été, lui, choisi pour une chronique intitulée «Et si l'on saisissait La Joconde…». Voici un homme qui, pour parler chaque semaine d'économie, va chercher Balzac et Jean Ferrat, puise dans l'humour et la littérature, et parvient à cet exploit : faire comprendre à chacun cette «matière rebutante», la finance et les chiffres. Il vit en Touraine, élève son garçon tout seul, me dit qu'il pense toute la semaine à son édito, mais le rédige assez vite, avec la sensation de «passer le bac chaque semaine. Ça me stresse - ma vie en dépend - j'adore ça. « L'important, c'est comme dans la pêche à la mouche (ma passion): il faut se concentrer! Ne penser qu'à cela, comme quand on fait l'amour avec une femme que l'on aime, selon le mot de l'écrivain Jim Harrison».

 

Sa contre-lettre, est dans la bonne tradition des chroniqueurs qui ne trempent pas leur plume dans l’eau tiède – ça me rappelle Louis-Gabriel Robinet du Figaro, dit robinet d’eau tiède par ses confrères – j’avoue aimer ça car beaucoup de ses saillies pointent sur là où ça fait mal.

 

Et puis, que voulez-vous, en face, c’est morne plaine, les émules de PMF, du père Rocard sont portés disparus, ballotés pour ce qu’il reste du PS entre un Mélenchon chavezizé, un Hamon décrédibilisé, des Verts qui ne savent plus où ils habitent, un PC coulé.

 

Du côté droit, le fou du Puy gît dans l’ornière dans laquelle il s’est jeté la tête la première pour le plus grand bonheur de la niaise du borgne de Montretout. Les gilets jaunes offrent un boulevard à cette frange qui pue, remugle des temps que l’on croyait disparu.

 

Reste le jeune Macron avec son en même temps qui penche beaucoup à droite  avec par gros temps de gilets jaunes un ressaut qui se voudrait rocardien, confère son marathon de 6 heures devant les maires de l’Eure.

 

Il est pugnace le gamin mais au-delà du débat restera à trancher, choisir au risque de déplaire, de décevoir, comme le disait PMF : « gouverner c’est choisir… »

 

Bonne lecture :

 

 

Mes chers compatriotes,

 

Ma cote de popularité, au plus bas selon les sondages unanimes, comme le large soutien que vous apportez depuis le départ, malgré ses violences, au mouvement dit des « gilets jaunes », indiquent aujourd'hui assez clairement que non seulement ma politique, mais aussi ma personne, font l'objet d'un rejet que l'on peut qualifier, sans exagération je crois, de franc et massif. Alors le moment est venu pour moi de vous dire, en ce  début d'année 2019, que la réciproque est également vraie. Si dix-huit mois ont été nécessaires pour qu'éclate votre haine à mon égard, il m'a fallu nettement moins de temps pour ne plus pouvoir vous supporter.

 

 

Pour ne plus supporter vos jérémiades incessantes et vos plaintes continuelles, votre capacité inégalée dans le monde - les autres chefs d'Etat rencontrés lors des G20 me l'ont confirmé - à vous lamenter en permanence sur votre sort. A vouloir, aussi, tout et son contraire : à réclamer moins d'impôts mais plus de dépenses sociales, à militer pour le made in France mais à acheter toujours plus de produits importés, à hurler parce que l'Etat n'en fait pas assez dans la lutte contre le réchauffement climatique mais à vous révolter contre la hausse de la taxe carbone sur les carburants.

 

Déni. Vous m'aviez trouvé blessant quand j'avais évoqué un peuple de « Gaulois réfractaires ». Je le reconnais volontiers, le mot était mal choisi. Ce n'est pas réfractaires que vous êtes, c'est ingouvernables. Par ignorance, bêtise ou aveuglement, probablement un peu les trois, vous continuez de vivre dans un complet déni de la réalité économique qui est celle de la France, celle d'un pays qui vit depuis des décennies au-dessus de ses moyens, endetté jusqu'aux oreilles, où l'on travaille moins qu'ailleurs, où l'on crée moins de richesse et de croissance qu'ailleurs. Ce qui ne vous empêche pas d'exiger le même niveau de vie et les mêmes hausses de pouvoir d'achat que celles qu'obtiennent, grâce à leurs performances économiques collectives, les Allemands, les Suédois ou encore les Américains. Vous êtes convaincus, et je suis d'accord avec vous au moins sur ce point, que la France va mal, et pourtant vous voulez que surtout rien ne change, vous vous opposez par principe aux réformes qui ont réussi chez nos voisins. Vous avez même l'arrogance de prétendre imposer notre modèle de société au reste du monde qui nous regarde pourtant, de façon assez objective, comme un pays à l'agonie. Vous vous donnez des grands airs révolutionnaires pour mieux cacher votre ultra-conservatisme.

 

Cagnottes. Je dois dire que l'indifférence que vous manifestez à l'égard de la situation de nos finances publiques m'a régulièrement mis dans des colères noires, m'a fait pousser des « noms de nom » et même des « sacrebleu » tonitruants qui ont résonné dans tout le palais de l'Elysée. Je tiens tout de même à vous rappeler, mes chers compatriotes, vous qui aimez tant les cagnottes, qu'il faudrait en lancer une où chacun d'entre vous verserait 35 000 euros pour éponger notre dette publique. Votre obsession de justice fiscale s'arrête visiblement au fait de léguer aux générations futures le soin de la rembourser avec leurs impôts.

 

Je ne supporte plus enfin votre détestation factice de l'argent - en premier lieu celui des personnes qui en gagnent plus que vous -, votre haine envieuse des riches et des « élites » - sauf quand il s'agit des joueurs de l'équipe de France de football -, votre jalousie maladive que vous maquillez en amour de l'égalité. Je ne supporte plus ces contempteurs en chef du « système » qui ont passé leur existence, comme sénateur ou héritière, à en vivre grassement. Ni ces pseudo-intellectuels déclinistes faussement préoccupés, eux qui n'en connaissent pas, par les problèmes de fins de mois d'un peuple dont ils méprisent par ailleurs les aspirations « bassement » matérialistes. Au premier rang desquels ce philosophe pour midinettes qui fait l'éloge de la sagesse romaine mais écrit, sans que cela offusque grand monde, des textes à mon encontre d'une vulgarité homophobe à vomir.

 

Gloubi-boulga. Inutile de vous préciser que je n'attendais strictement rien de l'organisation de ce grand débat national qui n'avait d'autre objectif, je peux maintenant vous l'avouer, que de satisfaire votre goût immodéré pour les palabres et votre propension pathologique à la procrastination. Il ne pouvait guère en résulter qu'un gloubi-boulga informe de propositions plus irréalistes et stupides les unes que les autres, probablement aussi quelques poudres de perlimpinpin dont vous possédez le secret de fabrication.

 

Permettez-moi, mes chers compatriotes, de douter fortement de votre expertise et de votre sagesse en matière économique, vous qui avez constamment élu et même parfois réélu sans discontinuer depuis quarante ans, sur la foi de promesses électorales à dormir debout, des dirigeants parfaitement incompétents ayant conduit le pays au bord de la faillite.

 

Pour votre plus grand soulagement qui n'égale toutefois pas le mien, j'ai donc décidé de démissionner de la présidence de la République, annonce qui sera très certainement fêtée jusqu'au bout de la nuit, sur tous les ronds-points du pays, par des chenilles enflammées, dansées en chantant des « Macron Ciao » vous procurant des petits frissons de nostalgie révolutionnaire. Profitez-en bien. Je crains en effet que la mise en œuvre des résultats de vos référendums d'initiative citoyenne ne conduise très rapidement la France à se retrouver sous la tutelle du FMI, dont les « programmes d'ajustement structurel » vous feront paraître, en comparaison, comme incroyablement douce et protectrice la politique de réformes économiques que je menais. Alors, chers gilets jaunes et chers compatriotes, je vous souhaite bon vent et surtout, saperlipopette, bon courage ! 

 

 

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10 janvier 2019 4 10 /01 /janvier /2019 06:00
Discours de notre Présidente Catherine Bernard «je pense profondément que s’il ne se trouve pas une poignée à résister au rouleau compresseur du déni et du tout prêt, le vin perdra de son humanité, et nous la nôtre.»

Chaque année, le  GFA de LA CARBONELLE, tient son assemblée générale ordinaire et extraordinaire au pied du chai de Catherine Bernard, en pleine campagne. 

 

 

Cette année j’ai pris le TGV jusqu’à Nîmes puis un TER jusqu’à Lunel, où l’on vint me chercher, pour assister à l’AG du 6 octobre 2018, c’était un samedi.

 

Au menu, les 8 résolutions, mais surtout le petit discours de Catherine, que j’ai baptisée pour l’occasion présidente, car ça fait sérieux dans le Languedoc qui recèle le plus de présidents à l’are de vignes.

 

 

Ensuite nous avons bien mangés et bien bus et à la fin, à 23 heures, comme prévu par la météo un orage monstrueux nous est tombé dessus. La pluie, tant attendue par tous, les vignes y compris, tomba comme vache qui pisse.

 

 

J’ai attrapé un rhume dans le mobil-home jouxtant le chai où j’ai dormi malgré les illuminations du ciel et ses fureurs.

 

 

Mais revenons au plat de résistance, le petit discours de Catherine, c’est elle qui le qualifie ainsi, pourtant il n’a rien à voir avec ceux que j’ai, dans ma vie antérieure, si souvent entendus dans les AG de caves coopé (une pensée pour le président Verdier), car il donne à réfléchir.

 

C’est si rare dans le monde du vin de réfléchir, de donner à réfléchir, et j’ose écrire, en parodiant l’ouvrage de Laure Adler « les femmes qui lisent sont dangereuses », que « les femmes qui donnent à penser sont dangereuses », Catherine est de cette espèce.

 

 

Bien évidemment, j’ai bu ses paroles comme du petit lait – Catherine est née dans un pays de vaches à lait – et je me suis dit, dans ma petite Ford d’intérieur, sitôt qu’elle eut terminé : en voilà une belle chronique !

 

Mais, comme nous n’étions point dans une AG de coopé, le petit discours de Catherine n’était pas dactylographié pour être distribué aux membres du GFA. Elle avait bien un petit papier, notre présidente d’un jour, mais comme disait mon père, elle a brodé.

 

J’ai donc dû attendre ce début d’année où avec les papiers officiels, que je ne lis jamais, Catherine a eu l’obligeance de nous transcrire son petit discours comme je le lui avais demandé.

 

Merci à notre présidente d’un jour et bonne lecture à vous mes chers lecteurs.

 

 

Chers tous,

 

Je vous avais promis de coucher par écrit les quelques réflexions ébauchées lors de l’assemblée générale le 6 octobre dernier. Le temps a passé, mes réflexions sont toujours à l’état d’ébauche, et sont, en fait, avec le recul, plutôt des interrogations.

 

Comme vous le savez tous maintenant, la grêle et le mildiou ont mangé 85% de la vendange 2018. C’est fort dommageable, mais cela n’engage pas l’avenir. Tout vigneron, où qu’il soit, connaît au moins une fois dans sa vie une telle perte. Cela fait partie du métier.

 

Mes interrogations se situent ailleurs sur l’échelle du temps. Je pense que nous sommes à l’aube d’une grave crise du vignoble, et plus généralement agricole. Le paradoxe est le suivant : après presque un demi-siècle de désamour, les Français, et avec eux le monde occidental ou en voie d’occidentalisation, ont (re)trouvé le goût du vin. Jamais le vin n’a été aussi bon, jamais il n’a été aussi populaire, de la Chine aux pays nordiques. Il n’a pourtant jamais été autant menacé. Sauf et comme en 1863, année de l’apparition du phylloxera à Pujaud, dans le Gard. Il n’y a pas de cause unique, mais un enchaînement de causes qui forment un écheveau difficile à démêler, au rang desquels :

 

Le changement climatique

 

Cela fait maintenant trois millésimes, 2018 compris, que les vignes souffrent d’un stress hydrique que je qualifierais au minimum d’inquiétant. Je pourrais même en ajouter un 4ème, 2015. Ce stress  (pour la seule année 2018, conjugaison de températures extrêmes, jusqu’à 48°, et 16 semaines de sécheresse) n’ampute pas seulement les rendements en jus, il modifie profondément les équilibres et le métabolisme du raisin, rendant les fermentations compliquées, et plus grave, porte atteinte à la pérennité des vignes.

 

Ces conditions climatiques répétées rendent très difficiles l’enracinement des jeunes vignes. Sur les 900 jeunes vignes plantées en janvier à La Carbonelle pour remplacer les mourvèdres morts de ce que l’on qualifie banalement de «dépérissement précoce», la moitié n’a pas survécu d’abord à l’asphyxie racinaire engendrée par les 300mm de pluie du printemps, puis par la sécheresse de l’été. Enfin, chaque année supplémentaire de stress hydrique  fragilise davantage encore les plus âgées, comme nous-mêmes vieillissons. Nous prenons chaque année une année supplémentaire, mais la prise de conscience de l’âge se fait par palier. Boum.

 

La dégénérescence du vignoble

 

Depuis le phylloxera, les vignes (vitis vinifera, à peu près 6 000 variétés connues dans le monde) sont greffées sur 4 autres familles de vigne (vitis berlandieri, labrusca, riparia et rupestris). 

 

En soi, déjà, cela interroge. C’est comme si on arrivait au monde avec une jambe de bois. Et en soi, cela réduit singulièrement la diversité. On passe, dans la terre, de potentiellement 6 000 à 4.

 

Cette diminution (le mot est faible) a été elle-même multipliée de manière exponentielle par les pratiques viticoles et la généralisation des pépiniéristes. Au fil des ans, de manière tout à fait insidieuse, les vignerons ont délégué aux pépiniéristes l’acte de planter. Depuis plus d’un demi-siècle, ces derniers sélectionnent par clonage les porte-greffes ainsi que les greffons. Cela a eu pour première conséquence l’abandon de cépages dits «autochtones»,  par exemple en Languedoc, le terret, le ribeyrenc, l’aramon, et d’autres qui ne me viennent pas sous mon clavier.

 

Le nombre de cépages réellement cultivés en France a fondu comme neige au soleil, tant et si bien, que maintenant, n’importe quel amateur peut demander à  propos d’un vin : «qu’y a-t-il comme cépage dedans ?» 

 

Cette question a priori tout à fait banale et ordinaire a le don de me mettre dans une colère noire.

 

Car la connaissance que l’on a aujourd’hui des cépages est précisément rendue possible par l’immensité de la perte. Je referme la parenthèse, et reviens à mes interrogations.

 

La deuxième conséquence de ce rétrécissement de la diversité engendre aujourd’hui la dégénérescence, ainsi de la consanguinité. Apparaissent donc des maladies qui amputent l’espérance de vie de la vigne et son équilibre présent.

 

Je passe sous silence les autres pratiques, encore plus innommables, qui répondent à un marché et ne nous concernent pas : les machines à vendanger, les pesticides dans le sol et foliaires, les plantations forcées

 

Je ne suis pas sûre (encore un euphémisme) que les instituts de recherche divers et variés cherchent dans le bon sens, ni d’ailleurs la profession dans son cri majoritaire.

 

Nous abordons les choses de manière saucissonnée, en faisant aveuglément confiance au positivisme scientifique.

 

Après analyse des bois auprès de l’Institut Français de la Vigne, il s’avère que «le dépérissement précoce» des mourvèdre de La Carbonelle est lié au porte-greffe, lequel s’avère pas du tout adapté au Languedoc, pourtant à l’époque conseillé et vendu par le pépiniériste…

 

Comme celle de la démocratie, la crise est encore à ce jour trop complexe à cerner pour qu’il y ait un vrai sursaut conduisant à un changement de paradigme, soit, non plus regarder les choses avec les yeux de la volonté rivés sur l’objectif, mais à travers le prisme de leur environnement.

                                                                                                      

Il n’y a pas de solution miracle, ni unique, mais peut-être une multitude de solutions, propres à chaque région viticole, à chaque manière de conduire la vigne. Et peut-être, faudra-t-il se résigner à pas de solutions du tout dans certains cas.

 

En 2009, je suis allée pour Vitisphère à Nuits Saint Georges au festival international de la vigne et du vin. J’ai retrouvé depuis le titre de l’un des films que j’ai vu et dont les images continuent de me hanter, bien qu’improbables, «Les temps changent». Le film, au demeurant assez moyen, se déroule en 2099. Le réchauffement climatique n’est plus un scénario. L’héritière d’un Château de l’appellation de Bordeaux se bat pour maintenir en vie le domaine dont les vignes ont été remplacées par des orangers. Les orangers sont eux-mêmes menacés par des nuées de criquets poussés par les vents du Maghreb, lui-même devenu inhabitable...

 

Si en Languedoc, à La Carbonelle, à Saint-Drézéry, « La » solution au stress hydrique doit être l’irrigation, cela n’en est pas une.

 

Cela signifie qu’il faut cultiver autre chose à La Carbonelle, et cultiver des vignes ailleurs, là où c’est possible sans avoir à puiser dans les ressources de l’eau.

 

Avant d’en arriver là, je vais explorer d’autres voies, cette année la permaculture, pour limiter l’évapotranspiration qui stérilise les sols.

 

Néanmoins, en viticulture, à cause ou grâce (selon le point de vue où l’on se place), le temps se compte en années et il n’y a qu’un millésime par an.

 

Avant de planter les 27 ares qui restent à planter à La Carbonelle et de replanter les 30 ares des Travers et les 30 ares des Combes, je vais réfléchir à comment planter : d’abord le porte-greffe pour qu’il s’enracine, puis au bout de deux à trois ans greffer. Entre temps, il faut trouver des porte-greffes, apprendre à greffer ou trouver un greffeur …

Et si la vigne n’a pas sa place, planter autre chose. Bref, chercher, retourner aux origines pour comprendre, expérimenter, se tromper.

 

Si j’ai dix millésimes devant moi, Nicolas, ou tout enfant de ma génération, en a 40 devant lui. C’est en cela où la vigne, le vin et le GFA prennent tout leur sens.

 

Pour conclure, je pense profondément que s’il ne se trouve pas une poignée à résister au rouleau compresseur du déni et du tout prêt, le vin perdra de son humanité, et nous la nôtre.

 

Mon intention n’était pas de vous affoler, mais de partager avec vous mieux qu’avec quiconque, ces quelques interrogations majeures.

 

 

Les photos illustrant cette chronique sont tirées du très beau reportage qu'a réalisé le photographe François Flohic, venue avec Catherine Flohic, deux jours pendant les vendanges 2016, pour le livre « Les semences en questions de la terre à l'assiette », que je vous invite aussi à lire.

 

 

 

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9 janvier 2019 3 09 /01 /janvier /2019 06:00
La Vendée est-elle 1 « terroir de haricots » ? Le petit traité du haricot de Marie-France Bertaud vous dit tout sur les  mojhètes…

En pension nous chantions «Patate, fayot, patate, fayot/C'est le régime, c’est le régime/ Patate, fayot, patate, fayot/C'est le régime pour être beau… »

 

Tout comme le Carrouf triomphant d’autrefois votre serviteur se gausse d’avoir toujours un ¼ d’heure d’avance sur la concurrence.

 

Ainsi le 13 juillet 2015 je pondis :

 

Des mojhètes froides couchées sur une tranche de pain de 4 embeurrée, un délice d’été et ne me dites pas que vous n’en avez rien à péter ! ICI

 

Revenons à nos mojhètes, souvenir des semis aux premiers jours de mai, le labour en planches ou billons, en refendant ou en adossant, avec notre vieille jument Nénette «pour y enfouir, pas trop profond, répétons-le, sinon ils pourrissent, ses lingots »

 

« Le haricot « veut voir partir son semeur », il aime « entendre sonner midi »

 

« Il ne doit être ni profondément enterré, ni recouvert d’une terre trop froide. »

 

Souvenir encore des cosses de mojhètes étendues sur des grandes bernes de jute au soleil, ça craquaient, puis ont les battaient au sens propre du mot avec une fourche à 8 dents. On les laisserait encore sécher avant de les ensacher puis, pendant les veillées d’hiver, sur la table de la cuisine, on trierait les mojhètes.

 

Au Bourg-Pailler les mojhètes étaient autoconsommées.

 

Rajout : nous jouions aussi aux fayots, je n’ai plus aucun souvenir des règles mais ça consistait à faire péter son voisin en lui refilant ses haricots. Gagnait celui qui avait épuisé son tas initial.

 

Mais à côté de celle de Françoise Bertaud ma science du haricot est du niveau cours élémentaire.

 

Son petit Traité’est complet, bien documenté, bien illustré et vous connaissez mon amour pour les petits livres.

 

Je lui laisse la parole :

 

« C'est une formidable aventure qui a démarré pour moi l'année dernière quand j'ai intégré les Editions le Sureau avec ce projet de Petit traité. J'apprécie depuis longtemps cette maison d'édition située à Gap, grâce aux nombreux ouvrages d'un de leurs auteurs, Pierre-Brice Lebrun : Petit traité de la boulette, Petit traité du pois chiche, Petit traité de la pomme de terre et des frites, Petit traité des pâtes, Petit traité du camembert.

 

Mon Petit traité du haricot s'inscrit donc dans une ligne éditoriale très fournie et m'a obligée à des recherches passionnantes sur une légumineuse - le haricot sec - présente dans le monde entier.

 

Ce que j'aime particulièrement dans cette collection, c'est le mélange des deux genres : travail d'écriture avec recherches sur l'histoire du produit, et élaboration de recettes. Ce sont de beaux livres, toujours passionnants à lire, mêlant histoire, humour et recettes.

 

Je me suis efforcée de respecter ces critères en explorant l'histoire du haricot de par le monde et dans toutes les régions de France : lingots de Paimpol, haricot de Soissons, haricot tarbais, lingot du Nord, mogette de Vendée... et bien d'autres, et en traitant aussi du haricot dans la littérature, le cinéma et dans son utilisation argotique.

 

LES ILLUSTRATIONS

 

Je suis particulièrement fière d'avoir collaboré avec Agnès Doney, illustratrice très talentueuse qui a réalisé des dessins vraiment extraordinaires, au fur et à mesure que j'avançais dans le texte et les recettes. Vous pouvez déjà en consulter quelques-uns sur son portfolio ICI.

 

Je laisse à Bérurier, le gros de San-Antonio (un des maraîchers de Terroirs d’avenir se nomme Bérurier *) le mot de la fin (c’est extrait du livre de Blandine Vié San-Antonio se met à table)

 

13 mars 2016

Des nourritures spirituelles aux nourritures terrestres, d’Alexandre Benoît Bérurier à Laurent Berrurier… une histoire de légumes oubliés. 

ICI

« Un pet, j’peux plus m’permette’, commissaire. C’est esclu ! Mais comme madame Bérurier avait confectionné un cassoulet pour suivre les asperges, il faut savoir prend’ ses responsabilités : éclater ou y aller à la surfateurse… »

 

[…]

 

« Tandis qu’y jactait, un rappel des flageolets s’opère dans ma boîte. Moi, caparé par la causance du miniss, j’oublille les précautions dont j’dois prendre, et v’zoum, je veux balancer un’louise. Ma douleur ! Désastre du parvis ! Dieu d’Dieu, c’déboulé ! D’autant qu’ j’y allais franco d’port... »

 

Extraits de Remouille-moi la compresse.

20 mai 2011

 

« Moi, j’estime que, religion pour religion, autant s’en farcir une qui t’incite au godet. »

 

Cette déclaration date de 1971, presqu’un demi-siècle, une éternité pour notre pas de temps médiatique. Elle émane d’un personnage très aimé et très populaire auprès de la France qui se lève tôt. Pour lui c’est le vin qui fait l’homme. La suite de ses propos que je vais vous rapporter, sans en changer un iota, sont « politiquement incorrects ». À l’époque, nul ne s’en était ému car la langue verte ne charriait pas des relents exploités par les xénophobes qui se planquaient encore eu égard à leur faits d’armes peu glorieux sous l’Occupation. Alexandre-Benoît Bérurier, dit le Gros, marié à Berthe Bérurier (dite B.B.), inspecteur de police sous les ordres du commissaire San-Antonio, collègue de l’inspecteur Pinaud dit Pinuche, n’est pas à proprement parlé un être raffiné, il adore entonner l’hymne des matelassiers, il se bâfre, lichetronne sec, il n’est pas très finaud mais il n’a pas mauvais fond et il est assez représentatif du populo de l’époque.

ICI

 

 

Un document calameo permet de pré-visualiser et découvrir quelques pages. Je vous laisse y jeter un œil ICI

https://fr.calameo.com/read/000219963cbc71d97ff1e

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6 janvier 2019 7 06 /01 /janvier /2019 07:00
Eric Drouet, Jean-Luc Mélenchon et Jean-Baptiste Drouet (Montage - AFP / Wiki Commons )

Eric Drouet, Jean-Luc Mélenchon et Jean-Baptiste Drouet (Montage - AFP / Wiki Commons )

En incipit de ma chronique j’ai traficoté une présentation sur la Toile du Camion bulgare * un roman du Roumain Dumitru Tsepeneag :

 

 

Un sénateur obsédé par l'amère question de la candidature de trop et de la cessation définitive d'activité en vient à s'éprendre d'un jeune gilet jaune camionneur de son état, dans le contexte d'une Europe dégonflée, toujours moins capable de répondre aux intenses défis de sa marge orientale.

 

Entre Marguerite Duras et les calendriers érotiques des routiers

 

* ironie de ma référence 

Un camion bulgare caillassé puis poursuivi pendant 12 kilomètres par des "gilets jaunes" à Rouen ICI

 

MARGUERITE DURAS UNE FIDÈLE DU RÉSEAU MITTERRAND.

Par Claire Devarrieux

4 mars 1996

 

De la Résistance à sa mort, elle lui a voué une amitié indéfectible.

 

En 1985, un an avant la publication des entretiens avec François Mitterrand dans l'Autre Journal, où ils échangent leurs souvenirs sur la guerre, Marguerite Duras publie la Douleur. Elle y raconte le retour de déportation de son mari, Robert Antelme, que François Mitterrand a sauvé in extremis, à Dachau, lorsqu'il a accompagné les Américains à l'ouverture des camps de concentration. Duras raconte aussi comment, auparavant, elle est entrée en relation avec un agent de la Gestapo, dans l'espoir de faire libérer son mari. Puis, sous le nom de Thérèse («Thérèse c'est moi»), elle se met en scène en train de mener l'interrogatoire d'un «donneur»: c'est-à-dire qu'elle dirige la séance de torture.

 

C'est en 1943 que Marguerite Duras fait la connaissance de Mitterrand (alias Morland) et de son Mouvement national des prisonniers de guerre, et c'est par lui qu'elle entre dans la Résistance. Jusque-là, Duras survivait comme beaucoup d'intellectuels parisiens pendant la guerre, ni résistante ni collaboratrice ­ elle était cependant secrétaire de la Commission de contrôle chargée de répartir le contingent de papier pour l'édition.

Antelme et les siens (il y a aussi Dionys Mascolo) forment le groupe de la rue Dupin, où la famille a un appartement. Y loge Marie-Louise Antelme, sa soeur, s'y cachent Dominique Arban et des membres du réseau, de passage. C'est là qu'ont lieu les réunions, jusqu'au 1er juin 1944. La Gestapo arrête Robert Antelme, sa soeur, Paul Philippe et Minette de Rocca-Serra (ces trois derniers meurent en déportation). Il s'en faut de peu que Mitterrand-Morland soit pris dans la nasse. C'est dans le livre de Pierre Péan sur François Mitterrand, Une jeunesse française, qu'on trouve le plus de détails sur la suite de l'histoire. »

 

[…]

 

« Duras traverse mai 1968 avec exaltation, passe les années 70 à dire: «Que le monde aille à sa perte, c'est la seule politique.» Quand Mitterrand est élu, en 1981, elle devient, non pas socialiste, mais «mitterrandienne»: «Parce que c'est une personne à part entière. Il n'a rien derrière. Il n'a pas d'argent. C'est une sorte de seigneur. De sa personne il est seigneurial, je trouve.» C'est une amitié à laquelle elle aura été indéfectiblement fidèle (elle était aussi fidèlement anticommuniste et contre la droite, «la droite la mort»), retrouvant un peu de forces, en janvier dernier, pour réagir ainsi à la mort du Président: «J'embrasse François Mitterrand, encore et toujours.»…

Claire Devarrieux

 

L’intégrale ICI 

 

 

Revenons à notre sénateur Mélenchon grand admirateur de Tonton :

 

« Ce n'est plus un plaidoyer, c'est quasiment une déclaration d'amour. Pendant que la France fêtait le réveillon du nouvel an, le leader de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, publiait sur sa page Facebook un long texte à l'honneur, ou plutôt à la gloire, d'Éric Drouet, qu'il compare à longueur de lignes à un héros de la Révolution française.

 

« La révolution citoyenne des gilets jaunes est une des meilleurs choses qui nous soit arrivée depuis si longtemps. L'histoire de France a pris un tournant qui a déjà ses répliques dans nombre de pays. Quel bonheur c'est là. Je m'amuse des ironies de l'histoire. Il y en a tant ! La plus suave c'est de voir l'action de monsieur Éric Drouet », écrit le député de Marseille qui estime que le chauffeur routier a su, avec d'autres, « se tenir à distance des pièges grossiers qui leur sont tendus à intervalles réguliers par les terribles adversaires qu'ils affrontent à mains nues ».

 

« La France est pleine de ces personnages qui marquent son histoire comme autant de cailloux blancs. C'est pourquoi je regarde Éric Drouet avec tant de fascination », poursuit l'élu des Bouches-du-Rhône, qui dresse un parallèle entre ce porte-parole des gilets jaunes et Jean-Baptiste Drouet, un révolutionnaire français qui a participé à l'interception de Louis XVI à Varennes en 1791. « Il a reconnu le passager. C'était le roi Louis XVI fuyant Paris, le peuple et la révolution. Son sang n'a fait qu'un tour ! Il alerte un copain et les voilà qui chevauchent à travers bois pour atteindre Varennes avant le fuyard », narre Jean-Luc Mélenchon.

 

Filant la comparaison entre la Révolution et le mouvement des gilets jaunes, l'ex-candidat à la présidentielle poursuit: ‘Sur le seul tableau à l'Assemblée nationale montrant un épisode de cette Révolution française, on le voit, lui Drouet, un pistolet à la main, menaçant le président de séance un jour où les sans-culottes parisiens avaient envahi l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Les sans-culottes exigeaient l'arrestation des députés qui servaient la soupe à un gouvernement protecteur des riches, fermé aux demandes populaires, inerte devant l'envahisseur après avoir provoqué la guerre ».

 

Et Jean-Luc Mélenchon d'insister dans son parallèle: « Ce n'est pas légal', hurlaient les réactionnaires de l'époque. 'Et alors? », demande Robespierre. La chute de la Bastille non plus, réplique-t-il, la proclamation de la fin de la royauté pas davantage ! De nos jours nous pourrions argumenter à l'inverse : « l'esclavage c'était légal, le droit de vote réservé aux hommes c'était légal, la monarchie présidentielle c'est légal, les privilèges fiscaux c'est légal, la suppression de l'ISF c'est légal, l'usage du glyphosate c'est légal ».

 

En conclusion de sa démonstration historique, le chef de file de la France insoumise joue encore de l'homonymie des deux personnages.

 

« Monsieur Drouet, on vous retrouve avec plaisir. Puisse cette année être la vôtre, et celle du peuple redevenu souverain. Puisse-t-elle être celle de la fin de la monarchie présidentielle, et du début de la nouvelle république. Sur le seuil de ce début d'année prometteur, pour saluer tous les gilets jaunes et l'histoire dont ils sont les dignes héritiers, je vous dis « merci, monsieur Drouet ».

 

Mélenchon exprime sa "fascination" pour Éric Drouet par Romain Herreros Journaliste politique au HuffPost. ICI

 

Pour qui, comme moi, a suivi pas à pas la trajectoire politique, quasiment sénateur à vie, du Mélenchon je suis fasciné par son art de s’écouter et de se foutre de notre gueule… Il y a du Marguerite Duras chez cet homme-là.

Jean-François Kahn : « “Gilets jaunes” : une autocritique des médias s’impose »

 

L’essayiste et ex-journaliste Jean-François Kahn estime, dans une tribune au « Monde », que le temps est venu pour chaque grand média de « mettre ses erreurs sur la table » à propos du traitement d’un mouvement qui « charriait le pire à côté du meilleur ».

 

Par Jean-François Kahn Publié le 03 janvier 2019 

 

 

Tribune. Pas de faux procès : non, Le Monde, au-delà des ambiguïtés esthétiques, n’a jamais voulu comparer Macron à Hitler. Pas de faux-semblant non plus : non, concernant le phénomène « gilets jaunes », il n’y a pas eu dérive de dernière minute.

Depuis le début, pour qui l’a observé de près de rond-point en rond-point, le mouvement des « gilets jaunes », en partie, mais en partie seulement, spontané, non pas apolitique (ce qui ne veut rien dire), mais expression des colères et aspirations ambivalentes du pays profond, amplifié d’abord par les extrêmes droites puis, rapidement, grossi par l’extrême gauche, portait à la fois le pire et le meilleur, le rouge et le noir, une générosité ouverte et des rancœurs fermées, un lumineux besoin de communion et la haine assassine du hors-communion, le « sublime et l’abject » comme l’a fort bien exprimé Christiane Taubira, ou plutôt le poignant et le poisseux, le vécu et le fantasmé. (Macron, rageusement exécré, étant trop fréquemment rhabillé, non seulement en agent des riches, mais aussi en homosexuel, en juif et en franc-maçon !)

Depuis le début… Simplement il y eut, pendant quatre semaines, une obligation, que certains médias, de tous bords, se firent à eux-mêmes, d’occulter la part du réel qui les dérangeait. Le Monde ne nous offrit-il pas une description idyllique de la belle « fusion », sur certains ronds-points, de militants lepénistes et mélenchonistes ?

Un mouvement effectivement et réellement populiste émerge

 

 

La suite ICI 

 
 
 
 
 
Jean-Baptiste DROUET a-t-il été toujours sincère ? ICI
 

dimanche, 24 février 2008 / François Duboisy

 

 

Drouet, le révolutionnaire, avait respecté la loi

Mélenchon admire dans Drouet numéro 2 – celui qui appelait à "marcher sur l’Elysée"- le héros à poigne, le surmâle qui, pour faire triompher son combat, n’est pas homme à s’embarrasser du "légal". Dans l’affaire de Varennes, c’est le roi, qui, en fuyant son trône pour s’allier à des ennemis de la France, s’était mis hors la loi.

Drouet numéro 1 n’avait fait au contraire que s’y conformer en la faisant respecter. Par la suite, il est vrai, le bouillonnant maître des postes fut plus conforme aux fantasmes turbulents de notre néo-montagnard marseillais. Elu député à la Convention en septembre 1792, il devint un des ultra assoiffés de sang et de violence qui ont fait la triste réputation de la vingtaine de mois qui ont suivi.

Il vote bien sûr pour la mort du roi sans sursis, sans appel au peuple, sans recours. 
Il est bien sûr parmi les défenseurs acharnés de Marat quand la justice, à raison, demande au publiciste haineux de cesser ses appels au meurtre.
Il est derrière les sans-culottes, ces justiciers auto-proclamés qui prétendent représenter le peuple et ne représentent en fait que des factions outrancières qui font le coup de main pour chasser de l’assemblée ceux qui ne pensent pas comme eux.
Il va avec tout ce qui fait 1793, le robespierrisme, la justice d’exception, le règne de la force, la terreur, la guillotine.
Il épouse la période sinistre qui, prétendant parachever la révolution française, a failli noyer dans le sang les nobles principes qui la gouvernent, la liberté, l’égalité, la fraternité.

A part les nostalgiques des aimables tyrans soviétoïdes susmentionnés, on ne croyait pas qu’elle eût encore des fans. Rappelons donc au passage que c’est pour ne jamais la voir renaître que notre pays a peu à peu établi la démocratie telle qu’elle existe aujourd’hui. Elle repose sur les vertus de la délibération, elle suppose le rejet absolu de la violence, elle donne à chacun le droit de manifester pour faire entendre ses idées, à condition que cela soit dans le respect de l’ordre public et dans la paix. Elle repose sur l’Etat de droit, ce bien commun admirable et fragile, sur lequel M Mélenchon vient de cracher, avec une désinvolture qui laisse pantois.

François Reynaert

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4 janvier 2019 5 04 /01 /janvier /2019 06:00
Académicien Sakharov. Crédit : Iouriy Zaritovskiy / RIA Novosti

Académicien Sakharov. Crédit : Iouriy Zaritovskiy / RIA Novosti

Avec l’irruption des gilets jaunes dans les médias, du moins de ceux qui se présentent comme leur porte-paroles, nous sommes entrés de plain-pied dans un grand n’importe quoi, n’importe quel crétin peut débiter des énormités, utiliser un vocabulaire puisé dans une Histoire dont il ignore tout, se présenter comme victime, en voici un bel exemple :

 

@LeMediaTV

#GILETSJAUNES : LA DERIVE AUTORITAIRE DE #MACRON.

 

« On est dans une dérive autoritaire quasi fasciste. La question mérite sérieusement d'être posée : avons-nous encore le droit de manifester? Est-ce que la liberté d'expression existe encore ? »

François Boulo, avocat et GJ #ActeVII

 

Je partage l’indignation de Gilles DAUXERRE ex de l’Yonne Républicaine

 

‏@GillesDauxerre

 

Petit con ! Te rends tu comptes que dans un État totalitaire tu aurais déjà disparu? N’as-tu pas honte de cracher ainsi à la figure de ceux qui sont morts pour ta liberté? N’as-tu pas honte d’insulter les dissidents emprisonnés par les dictatures?

 

Petit rappel historique pour ces ignares :

 

Qui étaient les dissidents soviétiques? ICI

 

 

Les non-conformistes en URSS: ce qu’ils faisaient et ce qu’ils ont changé.

 

Quand et comment sont-ils apparus et avec quoi étaient-ils en désaccord ?

 

Sous Staline, presque personne n’osait critiquer ouvertement le pouvoir. Khrouchtchev dénonce le culte de la personnalité au XXe congrès du PCUS et libère les détenus politiques. La société tente d’instaurer un dialogue avec le pouvoir et voit apparaître des films et des livres dont l’existence aurait été impossible sous Staline. La génération qui grandit croit fermement qu’il est possible de rectifier les activités de l’État et se permet une liberté toujours plus grande.

 

Deux écrivains, Andreï Siniavski et Iouli Daniel, font publier leurs ouvrages en Occident sous des pseudonymes. En 1965, ils sont arrêtés et jugés « pour propagande antisoviétique ». Au grand mécontentement des autorités, la répression qui s’abat sur les deux hommes est vivement critiquée par des personnalités célèbres de la culture, un meeting est organisé en faveur de la transparence, tandis que les documents concernant le procès sont diffusés par le biais du samizdat, système clandestin de circulation d’écrits interdits.

 

C’est à peu près à cette époque que l’Union soviétique signe le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la nouvelle étant annoncée dans les journaux. Les Soviétiques apprennent avec étonnement que leurs droits sont protégés par la Commission des droits de l’homme des Nations unies et qu’il est possible de porter plainte en cas du non-respect de ceux-ci. Ceux qui estiment indispensable d’indiquer au pouvoir l’existence de violations de leurs droits rassemblent des témoignages.

 

Des procès se tiennent également dans d’autres pays socialistes. Au point que des réformes libérales sont entamées en Tchécoslovaquie. Craignant de perdre le contrôle du monde socialiste, le gouvernement soviétique fait entrer des chars à Prague en 1968.

 

En signe de protestation, huit personnes viennent sur la place Rouge en brandissant des pancartes : « Pour votre liberté et la nôtre » et « Honte aux occupants ». Elles sont immédiatement arrêtées, jugées et internées dans des camps ou des hôpitaux psychiatriques (car seul un fou peut être contre l’URSS, a fait remarquer un jour Nikita Khrouchtchev).

 

Comment a été formé le mouvement dissident ?

 

Les non-conformistes centrent leurs activités sur deux grands axes : l’écriture de lettres collectives aux instances soviétiques et la diffusion d’informations sur la violation des droits

 

Au début ils se qualifient de « défenseurs des droits de l’homme » ou de « Mouvement Démocratique » (les deux mots s’écrivant avec une majuscule), puis d’« hétérodoxes ». Un jour, les journalistes étrangers qui avaient du mal à trouver un seul mot pour décrire le phénomène n’ayant pas de rapport direct ni avec la gauche, ni avec la droite, ni avec l’opposition ont employé le terme qui avait été appliqué aux XVIe et XVIIe siècles aux protestants anglais : dissidents (dont la racine latine renvoie à « celui qui est séparé, éloigné »).

 

Toutefois, il n’existe aucune structure organisée : chaque dissident définit lui-même la mesure de sa participation à l’œuvre commune. Les dissidents n’ont pas de leader, mais des figures de proue influentes : ainsi, les lettres écrites par l’académicien Sakharov ou les déclarations de l’écrivain Soljenitsyne valaient plus que les propos de quelqu’un d’autre.

 

Que voulaient les dissidents ?

 

Ils n’ont pas l’intention de s’emparer du pouvoir dans le pays et ne possèdent même pas de programme concret de réformes. Ils veulent que le pays respecte les droits fondamentaux de l’homme. Ils se posent pour objectif de faire connaître à un nombre maximum de personnes, tant en URSS qu’à l’étranger, les violations et le fait que le pouvoir ment en affirmant que le pays respecte les droits de l’homme et que tout le monde est heureux. Ils le font par le biais du samizdat et en transmettant les informations en Occident par différents moyens, allant de conférences de presse données dans le pays à la remise de textes à des ressortissants étrangers.

 

Pourquoi était-il important de s’adresser à l’Occident ?

 

Au début, les défenseurs des droits de l’homme ont l’intention de « laver leur linge sale en famille ». Ils s’adressent à la direction soviétique ou, dans le pire des cas, aux chefs communistes des pays d’Europe orientale. Mais en janvier 1968, quatre participants au samizdat sont jugés pour avoir publié des documents sur un procès à retentissement, celui d’Andreï Siniavski et Iouli Daniel en 1965. Deux autres dissidents rédigent alors un Appel à la communauté internationale. Cet Appel est lu à la BBC en anglais et en russe et est suivi d’une campagne contre les persécutions politiques, bien plus large que celle de 1965.

 

C’est la première manifestation officielle de dissidents contre le pouvoir. Par la suite, ils chercheront toujours à informer l’Occident des violations qu’ils remarquent. L’information détenue par les pays occidentaux devient rapidement un instrument de pression économique, une sorte de sanctions. Par exemple, les États-Unis ont adopté en 1974 l’amendement Jackson-Vanik qui limitait le commerce avec les pays entravant la liberté d’émigration. Ce document compliquait notamment pour l’URSS l’achat d’ordinateurs et le pays devait agir par le biais de sociétés écrans.

 

En 1975, l’Union soviétique signe l’Acte final d’Helsinki où elle s’engage à accorder à ses citoyens la liberté de circulation, de contact et d’information, le droit au travail, à l’éducation et aux soins médicaux ; l’égalité et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, à déterminer leur statut politique intérieur et extérieur. Ce document publié par les journaux soviétiques devient l’atout des dissidents. L’année suivante, ils forment des Groupes Helsinki (d’abord à Moscou, puis en Ukraine, en Lituanie, en Géorgie et en Arménie) pour enregistrer les violations de ces droits et libertés.

 

Combien étaient les dissidents ?

 

Personne ne connaît leur nombre exact, car il dépend avant tout de ceux que l’on considère comme dissidents.

 

En comptant ceux qui ont attiré l’attention du KGB (services de sécurité) et qui y ont été invités pour un « entretien préventif », il s’agit de près d’un demi-million de personnes des années 1960 aux années 1980. Avec ceux qui ont signé différentes lettres (par exemple des demandes d’émigrer ou d’ouvrir une église ou bien un appel à libérer les détenus politiques), ils se comptent en dizaines de milliers. En réduisant le mouvement dissident aux défenseurs des droits actifs, aux avocats ou aux auteurs d’appels, ils ne sont que quelques centaines.

 

Il ne faut pas oublier non plus les nombreux Soviétiques qui n’ont jamais rien signé, mais qui gardaient chez eux des documents « dangereux » ou qui recopiaient à la machine à écrire des textes interdits.

 

 

Était-il dangereux d’être dissident ?

 

Officiellement, le pouvoir n’a jamais reconnu la présence de non-conformistes dans ce pays « heureux » : seuls les criminels ou les fous pouvaient se livrer à une activité dirigée contre l’État sous le masque de défenseurs des droits de l’homme. Cette activité, ainsi que toute « propagande » du genre risquait de mener n’importe qui en prison.

 

Mais outre la privation de liberté, de nombreuses autres mesures étaient appliquées aux dissidents : ils pouvaient être limogés ou renvoyés d’un établissement d’études, ils pouvaient être pris en filature  ou internés de force dans un hôpital psychiatrique. Des milliers de personnes ont subi ce genre de mesures.

 

Le pouvoir craignait-il les dissidents ?

 

Etant donné que les dissidents ne se sont jamais posé pour objectif de renverser le pouvoir, ils ne présentaient pas de menace directe. Toutefois, leurs actions causaient des ennuis à la direction du pays.

 

Premièrement, il était désagréable de devoir s’expliquer avec les partis communistes occidentaux, il y avait des problèmes pour acheter des équipements hautement technologiques – il était indispensable de créer des sociétés écrans –, et il était pénible d’être victime de sanctions.

 

Deuxièmement, les dissidents donnaient un mauvais exemple et semaient le doute parmi les « fidèles » en diffusant des informations nuisibles. En outre, on ignorait comment lutter contre ce qui n’a pas de structure organisée : qui devait être envoyé en prison ?

 

Toutefois, le KGB avait besoin d’un ennemi intérieur en rapport direct avec l’ennemi extérieur, les États-Unis, afin de générer en permanence un sentiment de danger, ce qui permettait d’influer sur les décisions politiques et de toucher un financement supplémentaire de la part des autorités soviétiques.

 

Alexeï Makarov, Ioulia Bogatko, Oleg Koronny

Le texte est publié en version abrégée. Le texte intégral en russe est disponible sur le site d’Arzamas ICI

Alexandre Soljenitsyne. Crédit : Unknown Author

Alexandre Soljenitsyne. Crédit : Unknown Author

En prise avec les faits: la vérité sur l’horreur des purges staliniennes

ICI

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3 janvier 2019 4 03 /01 /janvier /2019 06:00
Contribution d’un vigneron bourguignon en réponse à ma demande de définition du terroir…

Passionnant. Voilà une petite contribution à ta réflexion.

 

Utiliser des concepts non définis dans la communication est une pratique courante. D'ailleurs en principe, celle-ci s'appuie toujours cette lacune : l'absence d'une définition précise laisse la place à l'imagination. Le terroir est avant tout une approche commerciale, vieille comme le monde romain, au minimum. Le revendiquer permet de s'abstraire de la concurrence. La création d'un Océan bleu marketing, en quelque sorte, bien avant sa théorisation par Mauborgnes et Chan Kim. Ce vin est unique, donc sans concurrence, car il provient d'une zone bien précise. En plus, ça tombe bien, c'est chez moi ! Là-dessus nous n'avons rien inventé : les propriétaires de la région de Naples avaient déjà utilisé la ficelle pour lutter contre l'arrivée des vins gaulois sur leurs marchés. Mais à leur décharge, les Grecs avaient fait pareil pour assurer leur pérennité eux aussi face au développement des vins romains...

 

Une des définitions que tu fournis est celle du Larousse, calquée sur celle utilisée par l'INAO. A noter  que celle-ci n'est pas constante, et subit des modifications notables au gré de ce que l'Institut entend défendre. Si l'humain est bien présent au départ, avec la rationalisation du concept, on donne la primauté à l'agronomie, donc aux facteurs dits naturels. Cela ouvre des angles de réflexion variables et dans ses travaux, Morlat (INRA d'Angers, 1990), exclut l'homme du terroir : plus de technique, plus de cépage, même pas la tradition.

 

Malgré sa définition très scientiste, il ne se réduit plus qu'à quelque chose béni des Dieux, pour reprendre un slogan qui a eu son heure de gloire. Dans la dernière définition, dont j'ai connaissance (début des années 2000), le terroir devient une "zone délimitée", ce qui replie la notion sur elle-même, et la rend à la limite tautologique : l'appellation existe parce qu'elle protège un terroir, et le terroir existe parce qu’il est délimité, acte juridique possible seulement grâce à l'appellation.

 

Une grosse partie de l'ambiguïté du mot provient justement de la racine terre et ce qu'elle devient en français. Terre = substrat, sol (sol lui-même est ambigu, suivant si l'on parle de sol d'un bâtiment (surface) ou du sol à l'extérieur (épaisseur,) et terre=surface, territoire. En Anglais, il y a "land" et "soil", deux racines pour recouvrir deux concepts. Nous n'avons chez nous qu'une racine pour deux concepts, et les glissements d'un sens à l'autre sont faciles.

 

Dans le mot "terroir", il faut bien prendre la racine "terre" dans le sens de "territoire" (land) et non dans le sens de sol (soil), à quoi pourtant on le réduit de plus en plus en viticulture. En géographie humaine, les chercheurs parlent par exemple du "terroir d'une ethnie". Il représente une étendue géographique, non forcément précise ou avec des caractéristiques particulières – et entre nous on se fout un peu savoir si le substrat est granitique ou calcaire : ce n'est qu'un constat, une description, non une cause –, sur laquelle se développe une communauté humaine, avec ses activités. 

 

La viticulture, via l'INAO a fini par en donné un sens extrêmement réducteur, très noble, très positif, à partir du produit vin, qui ancre ses racine dans la "terre", sol. Le virage n'est pas si vieux et peut être daté : la terre, elle ne ment pas. Le folklorisme des années 20 qui aboutit aux appellations. Mais le mot part de loin : au XIX, un vin de terroir s'oppose aux vins de Maisons (peut-être y a-t-il quelques allusions dans le livre de Louis Latour ?), plus raffinés, moins paysans. D'ailleurs, un vin qui "terroite" (terme non relevé par Littré) est un vin à défauts, rustiques. L'expression était d'ailleurs encore très utilisée il y a 25-30 ans pour parler des dernières cuvées issues d'hybrides, avec un nez très foxé. J'ai entendu aussi un producteur bordelais défendre ses vins phénolés avec cet argument de terroir, fin des années 90. C'est fini dans cette région-là depuis longtemps, mais il persiste ailleurs, pour justifier les mêmes – disons – particularités : "c'est le terroir".

 

En sortant de la notion de territoire, on passe dans le descriptif et dans les faits à  une tentative de "scientifisation" du milieu de production.  Mais ici encore, le virage n'est pas si vieux : en 1967, Rolande Gadille publie sa thèse sur le vignoble de la Côte d'Or, Fondements naturels et humains d'une viticulture de qualité. Elle consacre de nombreuses pages à décrire les pratiques des producteurs, puis posant le postulat « ceci ne peut pas avoir eu lieu par hasard », en opposition aux idées de Roger Dion qui lui écarte de facto toutes causes naturelles comme facteurs qualitatifs des vins, elle consacre de toutes aussi nombreuses pages à décrire le milieu naturel, dont une hypothétique ceinture chaude, à mi-versant devenu un peu le Graal des climatologues locaux. Une espèce de cause mystérieuse et unique qui permet d'expliquer la position morphologique des grands crus, situés pourtant plus bas sur le versant.

 

D’une démarche de géographe qui décrit le milieu on  passe à une explication de l'existant puis, via quelques approximations et contorsion, à sa justification : les vins sont uniques parce qu'il y a des conditions naturelles uniques. Un calcaire ou une marne, un sol brun ou caillouteux, une pente, une exposition, un environnement... Tout est prétexte. Après on peut broder à l'infini, peaufiner le mythe et blablater sur des vins qui n'existent pas ou les moines gouteurs de terre : rien n'est là par hasard, tel est le postulat. Mais on aboutit en fait aux "unités naturelles de terroir" de René Morlat, désincarnée, hors de l'humain.

 

Deux erreurs conceptuelles se superposent et à mon avis aboutissent  intellectuellement à une impasse.

 

La première erreur est que toute parcelle est unique par ses conditions et donc a priori est "terroir" au sens de l'INAO car délimitable sur des paramètres très divers : sol, exposition... ou cadastre. Mais terroir de quoi ?

 

La deuxième, qui s'appuie sur les mêmes mécanismes, est que la Nature nous offre des terroirs idéaux, grâce à leurs facteurs naturels, pour produire  un vin ou n'importe quoi d'autre. Mais personne par  exemple n'a conçu le bourgogne, le sauternes ou le champagne, tels que ceux que l'on boit actuellement ou ceux du passé, ex nihilo et est parti en quête des lieux de production idéaux, à partir de son idée préétablie. Des terroirs idéaux, il n'y en a pas, il n'y en a jamais eu. J'irai même jusqu’à dire le milieu  naturel, dans une production agricole, est  la contrainte essentielle et reste LE problème auquel on se frotte : on ne fait pas grâce à, on fait en dépit de. La rencontre n'est jamais le fruit du hasard, et le terroir n'a été découvert mais inventé : il a été construit, imaginé, adapté, modifié, transformé, ajusté tout comme les techniques de culture, tout comme les cépages, tout comme le vin qui en provient.

 

D'ailleurs la meilleure preuve que le concept terroir arrive à ses limites de  définition est que la région qui l'a porté haut et fort dans le sens actuel, la Bourgogne, l'évacue peu à peu de ses arguments de promotion, au profit d'un terme bien plus noble : celui de "Climat". Il permet de redonner aux milieux de production une dimension historique et humaine que n'autorise pas, n'autorise plus le terroir.

 

On ouvre un Océan bleu, à nouveau.

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