Les plus beaux titres sont les plus courts, alors les cosignataires avec Magalie Dubois, Claude Chapuis et Olivier Jacquet, de L’œnologie, une discipline en constante évolution, pardonneront le mien.
Il a du peps, il claque, il plaira à Hubert* maître en matière de Hot Chili Pepper, il embrasera les réseaux sociaux, séduira les bobos…
Les Universitaires ne se laissent pas aller à ce genre de frivolités, de légèreté textuelle, ce sont des gens sérieux, peu leur chaut de voir les hordes de bobos qui, si nos 3 têtes du vin, avaient baptisé leur article : « Comment Louis Pasteur a inventé l’œnologie », auraient cru à une fake new. Pour eux Pasteur c’est une histoire de chien qui a la rage, pas un gars qui a inventé les bars à vin à Paris.*
*il s’agit, bien sûr d’Hubert de Boüard de Laforest qui n’est pas œnologue mais qui est un concurrent sérieux de Michel Rolland, qui l’est, et de Stéphane Derenoncourt, qui ne l’est pas, en tant que Winemaker volant !
*il est de pratique courante dans les peuplades buveuses de se vivre œnologue dans les bars à vin parisien, découvrir le cépage ou les cépages du vin nu qui pue est le test majeur, alors qu’ils sont au mieux œnophiles, au pire buveur d’étiquettes zinzins.
Là, je sens que les coéquipiers de Magalie vont vraiment penser que c’est moi qui suis zinzin, se demander d’où elle me sort.
Pour ne rien vous cacher, ils n’ont pas tout à fait tort.
Est-ce l’effet du vin nu sur mes neurones usés ?
Je ne sais, mais ce que je sais c’est que je leur laisse la plume et, ça, c’est très agréable.
Bonne lecture !
Cet article aurait aussi bien pu s’intituler : « Comment Louis Pasteur a inventé l’œnologie ». Mais si dès 1856 Louis Pasteur a révélé que des micro-organismes sont à l’origine de la fermentation alcoolique, il n’a en réalité pas inventé l’œnologie. Avant le début du XIXe siècle, la production du vin était encore empirique et basée sur l’observation et ce n’est qu’avec l’essor des sciences que naîtra l’ambition de « gouverner le vin ».
Le terme « œnologie » est utilisé pour la première fois en 1636, mais il ne prend un caractère scientifique qu’en 1807. Dans L’art de faire le vin, Chaptal décrit l’œnologie comme la « science qui s’occupe de la fabrication et la conservation du vin ». L’œnologie quitte le champ de l’agronomie pour celui de la chimie.
Le vin médecin
Le vin est l’objet d’étude de nombreux hommes de sciences, comme le montre très bien l’historienne Sénia Fedoul. L’œnologie se construit comme science en devenir grâce à des pharmaciens (qui procèdent à l’analyse des vins et au dosage des produits œnologiques), des chimistes et des médecins. Jusqu’au début du XXe siècle, le corps médical dans sa grande majorité attribue au vin des vertus sanitaires. Chez certains spécialistes, selon sa quantité, son origine ou sa typologie, un vin guérira tel ou tel symptôme. Le Projet de codex oenothérapique du Dr Eylaud publié en 1935 illustre très clairement le mouvement. Au XIXe siècle quoi qu’il en soit, à cause du développement incontrôlé des bactéries, la consommation d’eau reste souvent plus dangereuse que celle du vin. Ce qui explique que Pasteur déclarait encore en 1866 : « le vin est la plus saine et la plus hygiénique des boissons ».
Les travaux de Pasteur, commandés par Napoléon III, étaient liés à des enjeux économiques nationaux. En trouvant une solution à la conservation des vins, l’Empire serait à même de satisfaire les exigences du négoce en termes de qualité. Assurer la stabilité des vins durant leur voyage constituerait un avantage décisif sur les concurrents à l’export dans le cadre des accords de libre-échange signés dans les années 1860.
Le vin peut fermenter deux fois sans se transformer en vinaigre
Revenons à la fermentation et à l’importante découverte de Pasteur : en plaçant les vignes sous des serres, il observe que la fermentation alcoolique ne démarre pas. Il en déduit l’importance des levures naturellement présentes sur la peau des baies dans le processus de fermentation alcoolique. La fermentation alcoolique est la transformation des sucres en alcool, elle démarre dès que la pulpe du raisin est en contact avec la partie externe de la peau des grains.
Pasteur découvre également dès le milieu du XIXe siècle l’existence de ferments lactiques auxquels il attribue la responsabilité de maladies dans le vin. Pour lui, les levures font le vin et les bactéries l’endommagent.
Cette idée que les micro-organismes qui transforment l’acide malique naturellement présent dans le vin en acide lactique sont préjudiciables au vin va donc perdurer. Elle perpétuera une perception négative du phénomène jusqu’au milieu de XXe siècle en dépit de nombreux travaux constatant la fermentation malolactique.
Selon l’œnologue Michèle Guilloux-Benatier, un changement de perspective s’opère pour la première fois avec Louis Ferré en 1928. Le directeur de la Station œnologique de Beaune estime que la fermentation malolactique « conduit le plus souvent à une amélioration de la qualité des vins rouges ». Mais les idées de Pasteur ont la vie dure et il faudra attendre les travaux des Bordelais Ribereau-Gayon et Peynaud en 1937 et 1944 pour que s’opère un changement de paradigme. L’existence générale et normale d’une diminution de l’acidité des vins par les bactéries est ainsi mise en évidence et prend un caractère définitivement positif. Pour eux « Sans fermentation malolactique, il n’y aurait pas de grand vin rouge de Bordeaux ». Cette désacidification biologique du vin sous l’action de bactéries est aujourd’hui utilisée très largement pour conférer aux vins souplesse, rondeur et stabilité microbiologique.
Du décryptage de l’activité fermentaire des levures à l’œnologie contemporaine
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Le 7 novembre 2012 sur ce fichu blog j’ai écrit ça :
À la différence du plat, cuisiné dans l’instant, par un chef ou toute autre personne, le vin est un produit fini : on se contente d’ouvrir la bouteille et de verser le liquide dans le verre. Faire le vin pour le commun des mortels est un acte mystérieux, méconnu, l’acte fermentaire, le rôle des levures décrit par Pasteur dès 1886, relèvent d’une mystérieuse alchimie. Même si ça choque certains la vinification c’est de la chimie et l’apparition de l’œnologie marque le début du pilotage de la chimie de la vinification. « L’œnologie moderne est née et les premiers œnologues sont formés après 1875 dans la génération des disciples de Pasteur. Ulysse Gayon, qui fut son assistant à l’École Nationale Supérieure, fonde en 1880 à Bordeaux la Station agronomique et œnologique. Un siècle plus tard, Jean Ribereau-Gayon, la double en 1963, d’un institut d’œnologie. » (Garrier)
« Il apparaît cependant que le recours de plus en plus canonisé et professionnalisé à la dégustation ait été une impulsion française. C’est Émile Peynaud – œnologue et ancien étudiant de Jean Ribereau-Gayon – qui commença à réellement approfondir et mettre à profit la dégustation. C’est précisément la transformation de la dégustation en « art rationnel », rigoureux et reproductible qui l’a fait avancer au statut d’ »outil de diagnostic » indispensable à l’œnologie actuelle et perpétrant l’union indissoluble entre œnologie et dégustation si caractéristique des pratiques discursives à partir de la seconde moitié du XXe siècle. » Rachel Reckinger