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2 février 2022 3 02 /02 /février /2022 06:00

Hymne à la gloire de La Villageoise 1 L 5 ou 25 cl plastifiés un des  fleurons du groupe Castel… - Le blog de JACQUES BERTHOMEAU

En ce moment, je suis en pleine séquence Italie.

 

 

« Le grand brûlé de l’intérieur

 

Sous notre toit, il y a deux réponses possibles à la question : Qu’est-ce qui a besoin d’un carburant rouge pour entretenir une combustion constante ? À une nuance près : au printemps, le poêle est à l’arrêt.

 

Aucune des évolutions marketing du vin dit de « table » ne m’échappe, et pour cause : j’en assure l’acheminement. Je connais la bouteille en verre étoilée, consignée, puis la bouteille plastique, dont on pourrait croire qu’elle est moins lourde dans le cabas, ce qui  est faux puisqu’elle contient désormais 1,5 litre. Je les prends par deux, qui se font oublier entre un paquet de farine et un kilo de pommes, car trois attireraient l’oeil en coin de la caissière-taulière-commère. Elles ont pour moi l’aspect du mazout, sa couleur, peut-être son goût, à  coup sûr sa toxicité si  j’en juge par l’état  de corrosion de la peau de Cesare (ndlr le père de Tonino), sa carnation écarlate, l’odeur acide de ses tissus en décomposition. Rien d’étonnant à ce que tant d’aigreur absorbée soit immédiatement vomie sous forme de logorrhée bilieuse. Le plus pénible est de l’entendre dire « J’ai soif » comme un homme de peine réclame de l’eau, au lieu de de : « Laissez-moi vider cette putain de bouteille, porca miseria ! » La question n’étant pas de savoir s’il est soûl mais à quel point il l’est, je sais à sa démarche estimer le temps qu’il nous reste avant qu’il ne perde connaissance. Au stade 1, à son retour de d’usine, aussi vite qu’il quitte son bleu de travail il cherche à  se défaire d’une fébrilité due au manque. Bientôt, nous ne serons plus que des silhouettes floues sur son passage ; le voilà condamné à lui-même, mais après tout connaît-il de meilleure compagnie ? Au stade 2… »

Pages 75-76

 

Suis-je coupable d’avoir embouteillé, distribué ces flacons maudits ?

 

Je ne le pense pas…

 

 

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31 janvier 2022 1 31 /01 /janvier /2022 06:00

Les pistaches de Bronte | La pistacheraie

Suis ainsi fait je ne résiste pas aux beaux livres, ainsi avant la Noël je me suis offert A Nuostra Cucina Siciliana

 

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UN JOUR, UN LIVRE – ECHAPPÉE BELLE EN SICILE AVEC LE LIVRE DE CUISINE « A NUOSTRA CUCINA SICILIANA » DE GIUSEPPE MESSIMA –

 

11 janvier 2022

 

La Poule sur un  Mur ne pouvait pas ne pas se poser sur ce livre du soleil – « A Nuostra Cucina Siciliana » – La lecture du titre suffit pour nous embarquer vers cette ile, la photo de couverture se transforme en tapis volant pour nous inviter à nous envoler pour la Sicile, ile colorée et riche, gourmande et lumineuse, sur laquelle les fées et dieux de la création se sont penchés et ont donné des terres riches comme des jardins d’Eden de vignes, d’agrumes, d’oliviers; un jardin à ciel ouvert où la cuisine ne peut qu’être généreuse, ensoleillée, colorée, riche de goûts et de saveurs multiples multipliées par les nombreuses cultures qui se sont succédées sur l’île. Elles ont laissé en héritage des produits, des gestes, des coutumes qui n’ont fait qu’enrichir la cuisine identitaire de l’île. Une cuisine qui se présente  simple et traditionnelle sans chichis ni colifichets inutiles, qui joue avec le respect du goût, de la terre, de ses habitants, de ses traditions et de sa culture. une terre et des îliens qui pratiquent naturellement le partage et la transmission, l’hospitalité et la générosité, invitent à visiter sans tralala leurs maisons posées sur des villages haut perchés, leurs champs où les branches des arbres ploient sous les citrons, oranges, bergamotes, amandes. Ils invitent à partager sur leur terrasse où sèchent des tomates et des grappes de raisins, un verre de vin, un morceau de fromage, une vue extraordinaire sur l’Etna, la mer, le maquis et les ruines millénaires témoins d’un passé glorieux.

 

La suite ICI 

Le grand tour de la Sicile - Voyage Sicile - Atalante

 

 

 

Pistache de Bronte : à la découverte de l'or vert sicilien ICI

PARROBERTA SCHIRA,

07 Décembre, 2016

 

Pistache de Bronte : à la découverte de l'or vert sicilien

« La Pistacia vera » est une plante d’origine persane, de couleur émeraude intense, pouvant atteindre six mètres de haut. À Bronte sa production représente 1 % de la production mondiale, 80 % de cette production est vendue hors de l’Italie. En sortant du village, devant un champ de pistachiers, j’ai satisfait ma première curiosité : l’arbre à tronc court et massif ressemble au figuier, son développement est très lent et sa durée de vie peut atteindre 300 ans (il ne devient productif qu’au bout de dix ans). Cela, et le fait que les fruits doivent être recueillis à la main en secouant l’arbre et en les déposant dans une toile, justifie son prix.

.

 

Une partie des 3500 hectares de cultures de pistaches de la région de Bronte se trouve dans le Parc de l'Etna qui donne 80 % de la production régionale. La pistache de Bronte est douce, délicate, aromatique. Elle est surtout unique, pour sa taille et son vert éclatant, et par conséquent très appréciée et recherchée par les marchés européens et japonais. Sur le palais une pistache de qualité donne une sensation pâteuse, elle a un goût aromatique légèrement salé avec des notes de résine et un fond minéral dû au terrain lavique sur lequel l’arbre est cultivé.

 

Comment je la préfère ?

 

Sous forme de pistou pour assaisonner un plat de spaghetti faits main n°5, en mixant du basilic, de l’ail, des pignons grillés, des pistaches de Bronte, des amandes, du fromage Grana râpé mélangé à du Pecorino, du sel. De préférence avec un verre de Catarratto frais, assis sur une terrasse donnant sur la mer.

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L’AUTEUR – GIUSEPPE MESSINA –

 

Chef  et propriétaire des restaurants Non Solo Cucina, Non Solo Pizze et Pane e Olio (Paris 16 ème) – A Nuostra Cucina Siciliana est son deuxième livre. Il cuisine depuis qu’il est petit, naturellement. Il a tout appris en Sicile, dans sa ville natale, Cefalù, auprès de sa nonna  et de son père. C’était le temps béni où les enfants ne mangeaient pas à la cantine mais rentraient à la maison pour dévorer les arancini et la capunata. Puis il est arrivé à Paris, il avait 19 ans. Il a compris l’importance et la richesse de la cuisine sicilienne, que manger à Paris des aubergines frites étaient un billet pour la Sicile. Il est aujourd’hui ambassadeur de la cuisine sicilienne dans ses trois restaurants et rejoint souvent son ile pour retrouver l’ADN de cette cuisine, la famille, les marchés, flâner le nez au vent sur sa terre nourricière, entre la Sicile des champs et celle de l’Antiquité, entre églises baroques et palais majestueux, marchés et  petits ports. Et se poser en famille la question éternelle qui passionne tout bon Sicilien : que mangeons-nous ce soir et demain !

 

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27 janvier 2022 4 27 /01 /janvier /2022 06:00

 

Après Hitler, Mussolini, j’ai acheté les 2 premiers tomes, le troisième est à venir.

 

C’est du lourd :

 

  • « M. L’enfant du siècle » 787-788 pages (terminé)

 

 

  • «  M, l’homme de la providence » 672 pages (entamé)

 

C’est plus facile à lire car c’est l’oeuvre d’un romancier, ce qui n’est pas du goût des historiens mais plébiscité par un large public en Italie.

 

Portrait (1933) de Benito Mussolini, par Gerardo Dottori. Ce peintre appartenait au mouvement futuriste, dont une partie des membres a soutenu activement le fascisme.

Portrait (1933) de Benito Mussolini, par Gerardo Dottori. Ce peintre appartenait au mouvement futuriste, dont une partie des membres a soutenu activement le fascisme. 

 

- « M. L’enfant du siècle », d’Antonio Scurati : Mussolini, la tyrannie du vide

Couronné par le prix Strega, le formidable et imposant « M. L’enfant du siècle » ouvre une trilogie romanesque sur le « Duce », en se concentrant sur son ascension.

 

Par Nicolas Weill

Publié le 02 septembre 2020

 

 

 « M. l’enfant du siècle » (M. Il figlio del secolo), d’Antonio Scurati, traduit de l’italien par Nathalie Bauer, Les Arènes, 864 p., 24,90 €.

 

Monumental ! Le mot n’est pas trop fort pour qualifier le projet d’Antonio Scurati. L’écrivain italien, qui a reçu le prix Strega 2019 – l’équivalent du ­Goncourt – pour M. L’enfant du siècle, campe le portrait de Mussolini en un triptyque romanesque d’une ampleur inédite. La première partie, qui paraît aujourd’hui en français, traite de la période 1919-1924 et comprend déjà plus de 800 pages. Elle dresse, pour des générations exposées à tous les révisionnismes, le paysage de l’Italie au sortir de la première guerre mondiale, frustrée des fruits territoriaux d’une victoire qui a coûté plus d’un million de morts civils et militaires, déchirée par des affrontements confinant à la guerre civile entre les militants révolutionnaires et la poignée de fascistes lancés à la conquête de Rome. Le défi était ­immense. Il est magnifiquement relevé et offre ce qu’il y a de meilleur dans le genre du roman historique.

 

Gourdins et huile de ricin

 

Le ton et le style sont ceux de la chronique. Les événements se trouvent relatés presque au jour le jour, dans une présentation arrangée des faits, certes, mais où toutes les figures sont réelles. Le discours indirect et les subtils glissements d’un point de vue à l’autre ouvrent au romancier le cerveau et la psychologie des ­acteurs. M. L’enfant du siècle fournit une brillante illustration de la puissance propre à la littérature, capable, comme le pensait le philosophe Paul Ricœur, d’articuler temps historique et temps humain. Organisé en saynètes qui portent à chaque fois un nom de protagoniste, une date et un lieu, le livre raconte l’ascension du fascisme sur le mode d’un scénario de film ou de série dont la fin ne ­serait jamais écrite d’avance. L’« effet de réel » est assuré, à la fin de chaque chapitre, par des documents du temps qui, en leur langage, attestent la réalité de ­l’action qui vient d’être racontée. Le récit en reçoit son rythme haletant et, surtout, l’histoire retrouve toute sa contingence.

 

« M. L’enfant du siècle » raconte l’ascension du fascisme sur le mode d’un scénario de film ou de série dont la fin ne serait jamais écrite d’avance

 

Et si le roi Victor-Emmanuel III avait ­signé le décret instaurant l’état d’urgence lors de la « marche sur Rome » de 1922, au lieu de jeter le coup de pied de l’âne à l’Etat libéral et de désigner Mussolini comme premier ministre ? Et si, en dépit de son goût soi-disant nietzschéen pour la guerre, Mussolini avait échoué à maîtriser ses troupes, qui ravageaient le nord de l’Italie armées de gourdins, d’huile de ricin mais aussi de revolvers et de fusils ? Et si, face au scandale provoqué par le meurtre de l’opposant socialiste Giacomo Matteotti (1885-1924), qu’Antonio Scurati érige en contretype ­positif de Mussolini, ce dernier s’était laissé pousser à la démission ? Et si la gauche, pourtant triomphante dans les urnes, n’avait pas été aussi divisée ?

 

 

Mussolini a profité de nombreux hasards et de beaucoup de lâcheté, suggère l’auteur. Et ce portrait n’a rien d’un monument à la gloire du personnage. Au ­contraire, il en propose une démythification systématique, annoncée par un titre qui, d’emblée, réduit le tyran à une initiale. Scurati se livre à une destruction de la légende mussolinienne d’autant plus nécessaire que, en comparaison avec son disciple Adolf Hitler, Mussolini bénéficie d’une indulgence relative. Au-delà des hagiographies ­parfois délirantes de l’ère fasciste, dont celle de la célèbre maîtresse du « Duce », Margherita Sarfatti (Dux, 1926), on a pu, après 1945, le considérer comme un fils simplement dévoyé du Risorgimento (l’unité italienne), un rempart contre le déferlement du bolchevisme, un intellectuel austère et moderniste passionné de futurisme ou de Pirandello, entraîné malgré lui dans la guerre, élève du philosophe socialiste français Georges Sorel, théoricien de la grève générale et de ­l’action directe, etc.

 

Mise en scène de soi

 

Qu’il ne fut rien de tout cela est le ­message du livre de Scurati. Ce dernier montre un Mussolini opportuniste et jouisseur. Surtout, il détaille la cruauté sadique avec laquelle ses fascistes, aux alentours de la plaine du Pô (la célèbre chemise noire faisait partie du costume du paysan de Romagne) ou en Polésine (au sud de la Vénétie), traitaient leurs ­adversaires. Pour Antonio Scurati, le ­fascisme et son leader sont avant tout des « enfants d’un siècle » marqué au fer rouge par la « brutalisation » du premier conflit mondial. Les scènes de violence pure scandent la progression du texte. Saisissantes, insoutenables, parce qu’elles eurent bien lieu : « L’homme aux ­lunettes de motard fait tournoyer sa massue ferrée au-dessus de sa propre tête et l’abat sur le crâne du chef de la ligue [des paysans socialistes]. Le visage couvert de sang, ce dernier tente de rejoindre ses filles, il marmonne des mots incompréhensibles en rampant sur le ventre, entre les jambes des squadristes qui le frappent de leurs bâtons. »

 

 

Derrière les poses, la rhétorique ronflante et la mise en scène de soi en « star » de cinéma, la véritable dimension de Mussolini et du fascisme se dévoile à travers la chronique romancée de sa prise de pouvoir : par-delà le mirage de la grandeur, le règne du gangstérisme, du chaos et du sang.

 

EXTRAIT

 

« La figure de Giacomo Matteotti est élevée à la gloire du saint. Son habitation, via Giuseppe Pisanelli, est déjà devenue une destination de pèlerinage, et sur les lieux du rapt s’accumulent des centaines de couronnes de fleurs en une sorte de mausolée à ciel ouvert. La police intervient pour disperser la procession des fidèles sur le quai du Tibre, les carabiniers montés ­balaient les fleurs et rompent le rassemblement. (…) Le Duce paraît abattu, abasourdi, paralysé par la ­déception. Giovanni Marinelli vient d’avouer qu’il possède encore, cinq jours après l’enlèvement, les ­reçus dûment contresignés des paiements versés aux assassins avant et après le crime. (…) Hébété, Mussolini fixe un regard vitreux sur un fantôme à l’horizon : il a toujours prôné la nécessité historique de la ­violence chirurgicale, la férocité précise, exacte, ­inexorable, et voilà qu’il a entre ses mains souillées d’excréments et de sang, un crime bestial. »

 

« M. L’enfant du siècle », pages 787-788

 

Nicolas Weill

 

Benito Mussolini dans les années 1930 avec sa famille (de gauche à droite) : sa femme Rachele tenant dans ses bras Anna Maria, son fils Romano, sa fille aînée Edda, ainsi que Bruno et Vittorio.

Benito Mussolini dans les années 1930 avec sa famille (de gauche à droite) : sa femme Rachele tenant dans ses bras Anna Maria, son fils Romano, sa fille aînée Edda, ainsi que Bruno et Vittorio. | ARCHIVES / OUEST-FRANCE ARCHIVES

 

- M, l’homme de la providence, le monumental roman vrai sur Benito Mussolini ICI

 

L’Italien Antonio Scurati livre un deuxième tome de sa magistrale histoire du dictateur et du fascisme. Tout est vrai, insiste-t-il, seule la forme est littéraire.

 

L’Italie n’a jamais vraiment soldé les comptes avec ses Chemises noires. « Je fais partie de la dernière génération élevée dans les valeurs antifascistes, constate Antonio Scurati, 52 ans, joint au téléphone. Il y a aujourd’hui une nostalgie explicite du fascisme et de Mussolini, qui lamine la démocratie. »

 

Auteur reconnu, professeur de littérature à l’université de Milan et créateur d’un groupe de recherche sur le langage de la guerre et de la violence, Antonio Scurati s’est lancé dans une monumentale entreprise : raconter le fascisme pas à pas, par ses acteurs et par les faits, avec la rigueur de l’historien et la langue du romancier.

 

La suprématie du vide

 

Le premier tome M, l’enfant du siècle (2020) contait en plus de 800 pages la transformation du militant socialiste en leader autocrate, de l’après-guerre aux lois « fascitissimes » de 1925. « Benito Mussolini est le père des leaders populistes, sans idéologie, prêt à toutes les volte-face pour accéder au pouvoir. Son absence de principe est ce qui fait sa force. C’est la suprématie du vide. Il sent les peurs des gens et les alimente. Bien des mouvements populistes d’aujourd’hui usent des mêmes mécanismes », juge Antonio Scurati.

 

Ce premier tome en tous points remarquable a reçu le Goncourt italien (le prix Strega) en 2019, a été traduit dans trente-huit pays et s’est déjà vendu à 500 000 exemplaires. C’est dire si le second tome était attendu.

 

Celui-ci retrace les années 1925-1932, le culte de la personnalité grandissant

 

(« Mussolini a fait de son corps le cœur de sa communication »), les failles et les maux intimes de « l’homme de la Providence », selon les mots du pape Pie X, les petites et grandes bassesses du régime, le grotesque disputant parfois au terrible, comme dans la guerre coloniale totale de Libye.

 

Antonio Scurati l’assure. Tout est vrai. Un de ses procédés particulièrement efficace est de citer des documents officiels, secrets ou intimes, dans le corps du récit. Puis de retranscrire des extraits bruts de ces documents à la fin de chaque chapitre. « On me demande parfois comment je coordonne mes assistants. Au début, il n’y avait que moi. Depuis, je reçois un peu d’aide de la part d’archivistes, de l’Institut d’études du mouvement de libération, de réseaux de bibliothécaires. »

 

Tout le monde croit connaître l’histoire

 

Scurati multiplie les formes littéraires et les points de vue pour faire de ces ouvrages chronologiques une lecture haletante : dialogues, lettres, récit chirurgicalement précis, chronique baroque… Et là, reconnaît-il, sa subjectivité joue : « Pendant que Mussolini cherchait son chemin, je cherchais le mien. Comment raconter cette réalité vénéneuse en restant au plus proche de la réalité, mais en évitant de susciter de l’empathie pour le personnage ? »

 

Antonio Scurati sait désormais qu’il lui faudra (au moins ?) quatre tomes pour aller au bout de l’histoire. Jusqu’à ce que le corps du dictateur déchu et celui de sa dernière maîtresse soient exposés à la colère de la foule, le 25 avril 1945 à Milan.

 

« En Italie, ce qui a déterminé le succès du livre est qu’il raconte une histoire que tout le monde connaît sans la connaitre réellement, estime l’auteur. Dans les pays étrangers, c’est ce que cette histoire raconte du pouvoir et de la soif de pouvoir. »

 

Un succès qui lui a valu des critiques. Des erreurs mineures ont donné lieu à des articles vengeurs.

 

Et certains historiens avalent mal qu’un romancier attire toute la lumière sur cette sombre mémoire. Francesco Filippi, par exemple, auteur d’un récent Y a-t-il de bons dictateurs ? démentant point par point (et en moins de 200 pages) les fantasmes sur le régime mussolinien, a eu quelques mots grinçants.

 

Antonio Scurati n’en a cure et poursuit son travail de romain. À l’ouvrage sur le troisième tome, il supervise également le scénario de l’adaptation en série de son grand œuvre : « Une grosse production avec des acteurs internationaux, déjà très engagée », assure-t-il.

 

M, l’homme de la providence, Les Arènes, 672 p. 24,90 € (suite de M, l’enfant du siècle).

 

 

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26 janvier 2022 3 26 /01 /janvier /2022 06:00

 

Au tout début de juillet 1981, le second tour des législatives ayant eu lieu le 21 juin 1981, à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale par le président de la République François Mitterrand le 22 mai 1981, 333 députés de la Majorité Présidentielle (PS, PCF, MRG, Divers gauche) sur un total de 491 sièges, concédant 158 députés à la Droite (RPR, UDF et divers droite).

 

Un vrai raz de marée rose : 266 députés PS, la majorité absolue, le RPR de Chirac n’avait que 85 sièges. La première alternance de gauche sous la Ve République et le 2e gouvernement Mauroy accueillait 4 Ministres communistes. Un véritable séisme pour le pays même si les chars russes s’étaient abstenus d’envahir la Place de la Concorde.

 

Votre serviteur, juché sur son destrier hollandais Grand Batavus, se pointait dès le matin au guichet du porche qui dessert l’Hôtel de Lassay, le 128 rue de l’Université, pour prendre ses fonctions de conseiller technique du Président de l’Assemblée Nationale, fraîchement élu le 02/07/1981. ICI 

 

Le premier acte de Louis Mermaz Président de l’Assemblée Nationale fut d’abandonner la jaquette et l’habit le soir.

 

La horde rose, majoritairement issues du vivier de l’Éducation Nationale, ne brillait pas par son dress code vestimentaire, du prêt-à-porter de province, chemise tergal et écrases-merde avachies, sur le banc des Ministres l’état des lieux étaient plus reluisant : l’imposant Pierre Mauroy sanglé dans un costume croisé, Robert Badinter élégance 7e arrondissement, Lolo Fabius avec ses gros nœuds de cravates en tricot fluo très jeune-vieux, les 4 Ministres communistes stricts, le Che bien mis très Chevènement, seuls Delors arquebouté sur les déficits et Rocard en pénitence au Plan, se rapprochaient de la masse socialistes.

 

Bref, la Droite, réduite à une peau de chagrin, contemplait avec dédain ces intrus mal vêtus, pariant sur le rapide effondrement des socialo-communistes entraînant avec lui dans sa chute un Mitterrand première version à gauche toute.

 

Tout ce petit monde du chaudron du Palais Bourbon je le côtoyais journellement, jour et nuit, dans l’hémicycle, dans la salle des Pas Perdus, à la bibliothèque, à la buvette, pour les socialistes dans la salle Colbert et lors des réceptions du Président. Très instructif sur les mœurs parlementaires, j’aurais pu écrire un traité d’anthropologie des députés de toutes les sensibilités.  

 

Et puis, il y avait Jack Lang le trublion de la Place de Valois, pas le genre à faire dans la nuance, frivole, favori du maître du château, s’en donnait à cœur joie ralliant à lui le petit monde de la culture et les jeunes aussi. Je n’ai fait que le  croiser en mes années d’Assemblée Nationale, ce n’est que sous Tonton 2 que j’eus avec lui un lien privilégié, ayant à la demande d’Henri Nallet accompagné le trublion et sa cour en Loir-et-Cher  lors de sa campagne électorale pour se faire élire à Blois. Pour Jack j’étais « le meilleur connaisseur de la paysannerie », il l’avait écrit à mon Ministre sur un bristol pendant le Conseil, il me téléphonait en direct pour que je lui explique la jachère cynégétique et que je l’aide à transférer l’école du paysage à Blois.

 

En 1985, j’étais alors au cabinet de Rocard Ministre de l’agriculture, le 17 avril, ça siffle sévère lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale. Les raisons de la colère ?

 

La veste à col Mao que porte ce jour-là Jack Lang, ministre de la Culture. Elle est signée d'un jeune créateur nommé Thierry Mugler.

 

 

 

Quand le col Mao de Jack Lang signé Mugler faisait siffler l’Assemblée nationale ICI

Par Sabrina Pons

 Le 24 janvier 2022

 

 

Dans les années 1980, Thierry Mugler est le couturier de la mise en scène, le roi des défilés spectacles. Mais de façon plus inattendue, il se fait aussi remarquer dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. C’était le 17 avril 1985, Jack Lang, ministre de la Culture depuis quatre ans, se présente à la tribune pour répondre à une question sur les travaux du Grand Louvre. Il porte un costume au col Mao, qui change du complet traditionnel porté par les députés et occulte la cravate, et directement inspiré de la tenue des officiels indiens. Au retour d’un voyage en Inde avec François Mitterrand, Jack Lang avait passé commande auprès du couturier français afin d’avoir une veste sur le même modèle.

 

"On dirait Khadafi"

 

Il n’a pas encore pris la parole au micro que ça gronde dans les travées du Palais Bourbon. La veste noire en énerve certains : elle a beau faire la promotion de la création française, elle ne laisse pas apparaître de cravate. Pour l’opposition, ça va trop loin. Si aucune disposition du règlement intérieur ne précise un quelconque dress code à destination des hommes, les conventions veulent toutefois qu’ils se présentent cravatés. Pendant plusieurs minutes, Jack Lang est la cible de sifflements et de quolibets. «On dirait Khadafi», «le carnaval est fini»… Les attaques fusent.

 

Une bronca qui aura eu raison de l’habit. Même si Jack Lang s’amuse de l’effet produit par sa veste, il ne la reportera plus lors de ses apparitions à l’Assemblée. L’affaire a marqué les esprits – le costume est actuellement exposé au musée des Arts décoratifs à Paris dans le cadre de l’exposition «Couturissime» - mais elle n’a pas tant modifié les habitudes culturelles. Trente-sept ans après, la cravate est toujours «exigée» au sein de l'Hémicycle.

Le vêtement en politique. Représentation, ressemblance et faux pas ICI 

Frédérique Matonti

Dans Travail, genre et sociétés 2019/1 (n° 41), pages 87 à 104

 

La présence accrue des femmes dans la sphère politique et la diffusion des études de genre ont permis la publication de nombreux travaux portant sur les représentations médiatiques des femmes (et des hommes) politiques[1]

 

Ces recherches ont, entre autres, souligné l’intérêt des journalistes pour leurs vêtements, la manière dont cette focalisation ramène plus particulièrement les professionnelles de la politique à leur identité genrée, et par conséquent dont elle contribue à mettre en doute leurs compétences (voir, entre autres, Marlène Coulomb-Gully [2012] ; Delphine Dulong et Frédérique Matonti [2005] ; Frédérique Matonti [2017] ; Aurélie Olivesi [2012]).

 

Mais penser le vêtement comme un vêtement de travail, ainsi que ce dossier y invite, permet de recentrer le regard sur le métier politique lui-même. Ce recentrement s’inscrit dans ce qu’a permis, depuis une quinzaine d’années, l’introduction des études de genre en science politique : repenser des objets classiques de cette discipline comme les logiques de la carrière, du recrutement ou de la professionnalisation [Achin et al., 2008]. Il est, en effet, a priori déroutant de supposer que les professionnels de la politique portent des vêtements de travail, tant ce type d’habillement paraît le plus souvent réservé aux catégories populaires (très peu présentes dans les assemblées parlementaires et à la tête des ministères), et que l’on parlera plutôt de costume pour les juges ou les avocats. De plus, ces mêmes politiques, y compris lorsqu’ils n’ont pas connu d’autres activités professionnelles, s’empressent de dénier qu’ils exercent un « métier », pour insister au contraire, sur leur « vocation », comme l’ont rappelé encore des travaux récents [Boelaert, Michon et Ollion, 2017]. Comment imaginer donc qu’ils puissent porter des vêtements de travail puisqu’ils n’en exercent pas un ? Pourtant, leurs vêtements sont scrutés, on l’a dit, par les observateurs, journalistes et communicants, ce qui laisse à penser qu’il en existe qui seraient plus ou moins bien adaptés au métier politique et à ses diverses scènes et exercices (à l’Assemblée, interviews, reportages, campagne, meeting, visite officielle, etc.). Enfin, eux-mêmes jouent sur leur style vestimentaire pour être identifiés. Tailleurs aux couleurs acidulées de Roselyne Bachelot, écharpe et chapeau de François Mitterrand, parka rouge de Laurent Wauquiez, les exemples sont légion.

 

La suite ICI

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25 janvier 2022 2 25 /01 /janvier /2022 06:00

La villa Cavrois retrouve ses meubles Photo © Jean-Luc Paillé - CMN

Il n’est pas interdit de rêver.

 

La Villa Cavrois de Mallet-Stevens : une leçon d’architecture ICI 

 

Chef-d’œuvre de l’architecte moderniste Robert Mallet-Stevens, la Villa Cavrois ouvrait ses portes en 2015 après 15 années de travaux. Retour sur ce projet aussi complexe que sophistiqué, inscrit dans tous les manuels d’architecture.

 

Le 12 juin 2015 dernier s’achevait, avec l’inauguration de la Villa Cavrois, l’un des grands chantiers menés par le Centre des Monuments nationaux ces dernières années. Construite en 1932 pour l’industriel Paul Cavrois et sa famille, le bâtiment, chef-d’œuvre de l’architecte moderniste Robert Mallet-Stevens, avait connu bien des vicissitudes. Occupée par la famille jusqu’en 1985 (hormis la parenthèse de la Seconde Guerre mondiale où elle fut réquisitionnée par les Allemands), la villa, passée en 1988 entre les mains d’un promoteur peu scrupuleux, avait subi d’affligeantes dégradations malgré la mesure de classement de 1990, censée la protéger. Suite au décès de Madame Cavrois en 1986, l’ensemble du mobilier avait également été dispersé.

 

La suite ICI 

Du lac Léman au lac de Côme : les plus belles demeures au bord de l'eau ICI

De la villa Ottagonal à la Casa 26 en passant par la propriété Peduzzi, tour d'horizon les plus belles villas avec vue imprenable sur les lacs d’Europe. 

Par Camille Corolleur

Villa PeduzziVilla Peduzzi ©Luxury Retreats

janvier 2022

Villa Peduzzi

 

Construite en 1909 sur le site d'une ancienne tour de guet médiévale, la villa Peduzzi a été entièrement modernisée. Surplombant le lac de Côme, troisième plus grand lac d'Italie, la villa dévoile à l'intérieur de ses murs une décoration épurée associée à un mobilier de designers. Avec son toit-terrasse et sa piscine à débordement, elle offre toutes les commodités.

 

Où : Pigra, Lombardie, Italie

 

Capacité : 14 voyageurs, 8 chambres, 13 lits, 6 salles de bains

 

La villa luxueuseLa villa luxueuse © Courtesy of Airbnb

 

La villa luxueuse

 

Face au lac d’Annecy, cette somptueuse villa a été entièrement rénovée pour accueillir une  famille ou des amis.  À l’intérieur, l’inspiration et les détails japonais sont à l’honneur. Avec un spa, une piscine intérieure, un jacuzzi, la maison dispose d’une variété d’activités auxquelles s'adonner pendant votre séjour.

 

Où : Sévrier, Haute-Savoie, France

 

La suite ICI

 

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24 janvier 2022 1 24 /01 /janvier /2022 06:00

 

Qu’est-ce que l’angle mort ?

 

« Dans une voiture, le conducteur dispose de plusieurs champs de vision naturels, complétés par les rétroviseurs du véhicule. Or, certaines zones sont invisibles, c’est ce qu’on appelle les angles morts. Dans ces espaces de non visibilité, l’automobiliste ne voit pas les autres usagers de la route, ce qui a pour conséquence d’augmenter considérablement le risque et la gravité de l’accident. »

 

Dans l’angle mort des sondages ou ce que voter veut (encore) dire ? 3 politistes livrent un point de vue intéressant.

 

Les sondages quasi-journaliers ne sont pas ma tasse de thé, à force d’avoir le nez dans le guidon on risque la gamelle. Ce qui est intéressant dans les sondages ce sont les tendances et non les micro-variations qui ne signifient rien en raison de la marge d’erreur.

 

À ce jour la gauche multiple est dans les choux et elle y restera.

 

Du côté droit et extrême-droit c’est plus compliqué, Pécresse louvoie dans un En Même Temps entre Ciotti et les tradis, à l’extrême l’irruption de Zemmour est difficile à traduire par les sondeurs, surestimation ou sous-estimation, pour la Marine le socle est plus solide.

 

Du côté Macron, son socle de premier tour semble solide, sauf à ce qu’il  se plante au cours de sa campagne il a de fortes chances d’être au second tour.

 

Les 3 politistes ont raison de souligner que la Présidentielle est et reste l’élection qui mobilise le plus les électeurs et que le clivage droite/gauche ne s’est pas évaporé, il a simplement du mal à se traduire par un choix faute de candidat ad-hoc.

 

Bref, mon analyse est sans doute simpliste, depuis le couplage Présidentielle-législatives, si l’on veut affaiblir la toute-puissance du futur président, féminin ou masculin, c’est aux Législatives que tout se jouera. Une belle et bonne cohabitation ébranlera les piliers de la Ve république. Macron l’a bien compris en tentant de mettre un  frein aux ambitions d’Édouard Philippe et de son nouveau parti. LREM sa traduction partisane est du chamallow qui risque de s’émietter dans le terroir des circonscriptions.

 

Je vous offre cette lecture car AOC m’offre 3 lectures gratuites, dont j’use avec parcimonie.  

 

Voter par temps de crise Portraits d'électrices et d'électeurs ordinaires -  broché - Philippe Aldrin, Eric Agrikoliansky, Sandrine Levêque - Achat  Livre ou ebook | fnac

 

lundi 17 janvier 2022

 

POLITIQUE

Dans l’angle mort des sondages ou ce que voter veut (encore) dire

Par Éric AgrikolianskyPhilippe Aldrin et Sandrine Lévêque

POLITISTE, POLITISTE, POLITISTE

Quel sens les citoyens donnent-ils aujourd’hui à leur condition d’électeurs ? L’abstention massive aux derniers rendez-vous électoraux invite à se demander ce que voter veut encore dire. Derrière cette question, apparaît l’urgence d’arrêter de commencer par se demander « qui passera au second tour ? » et de rompre avec le journalisme de commentaire hippique, saturé par des sondages en profond décalage avec la réalité sociale.

 

Quel est le sens aujourd’hui d’une séquence électorale comme celle dans laquelle la France est plongée depuis la fin de l’été ?

 

La question n’est pas inopportune quand « l’opinion » paraît ne plus être qu’une substance sondagière mesurée au jour le jour et commentée ad libitum par les médias, et quand l’abstention domine la plupart des rendez-vous électoraux.

 

L’excitation médiatique autour du scrutin du printemps prochain ne devrait pas nous faire oublier que la présidentielle est la dernière élection à encore mobiliser les électeurs. Lors des derniers scrutins, entre un tiers seulement (régionales de 2021) et la moitié (législatives de 2017 et européennes de 2019) des inscrits se sont déplacés aux urnes. Ce rappel devrait nous inviter à réfléchir au profond décalage qui existe entre l’emballement médiatique et la réalité du rapport au vote des Français.

 

Au fond, il semble urgent de s’extirper de la question obsédante « Qui va gagner ? » pour s’interroger sur ce que voter veut (encore) dire en se donnant les moyens de comprendre le sens que les citoyens donnent aujourd’hui à leur propre vote et à leur condition d’électeurs.

 

Sortir du prêt-à-penser sondagier

 

Pour regarder le moment électoral à hauteur de(s) citoyen(s), il faut d’abord s’extraire d’un prêt-à-penser imposé par l’omniprésence des sondages qui saturent tout à la fois l’espace médiatique et les analyses électorales. Ensuite, il faut rompre avec ce journalisme de « course de chevaux » dont toute l’attention est monopolisée par le jeu politique, au détriment des enjeux de l’élection. Il y a trente ans déjà, l’étude des informations diffusées par les chaînes de télévision lors des primaires américaines de 1988 révélait qu’un tiers du temps d’antenne consacré à l’élection commentait des résultats de sondages [1]. Quel chiffre édifiant mettrait au jour une telle étude en 2021 ?

 

Par la commande massive d’enquêtes d’opinion et le recours systématique aux spécialistes du commentaire politique – sondeurs, chroniqueurs et autres « politologues » –, les entreprises médiatiques ont progressivement élaboré et imposé un standard d’événementialisation continue des grandes compétitions électorales. Un modèle éditorial accaparé par les spéculations du verdict électoral à venir et hypnotisé par la courbe fluctuante des intentions de vote.

 

La présidentielle de 2022 bat même tous les records de publication de sondages, alors que la liste définitive des candidats n’est même pas encore arrêtée ! Le phénomène Zemmour illustre à l’envi cette mécanique. Puissamment aidée par l’empire médiatique d’un grand patron français, l’hypothèse Zemmour a agité durant tout l’automne le petit monde politico-médiatique avant même qu’il ne se déclare candidat. Comme si la seule préoccupation des citoyens était de juger la candidature d’un polémiste dont la grande majorité ignorait même jusque-là l’existence…

 

La multiplication des « surprises » électorales et les travaux de la sociologie critique ont largement démontré les biais de fabrication et la fragilité des prédictions des sondages d’intention de vote [2]. Que valent ces projections fondées sur des réponses obtenues auprès de personnes qui ne connaissent pas encore l’offre politique définitive, ni les programmes en balance et qui, souvent, ne savent même pas s’ils iront voter ? Et ce d’autant plus que seuls les citoyens les plus intéressés par la politique acceptent de répondre aux sollicitations des sondeurs (au contraire des jeunes, des classes populaires et des moins bien insérés socialement qui refusent majoritairement).

 

Mais le problème, au fond, n’est plus tant la fiabilité ou la représentativité des opinions produites par sondages que le fait qu’ils faussent notre compréhension des électeurs et des significations qu’ils donnent à l’acte de voter (ou de s’abstenir). Que l’on songe, pour s’en convaincre, à la rusticité des indicateurs utilisés par les sondeurs pour mesurer les appartenances de classe (catégorie supérieure, profession intermédiaire ou catégorie populaire), pour enregistrer les préférences politiques (oui/non, pour/contre) ou l’appréciation des questions de société (numéroter les « problèmes les plus importants à vos yeux »).

 

Vues par les sondages, les raisons du vote restent impénétrables, permettant d’ailleurs aux commentateurs d’y projeter leurs propres fantasmes. Et ce d’autant plus que les sondeurs classent et rangent les répondants par « électorat », figeant les préférences politiques sur la base d’un vote passé ou d’une intention déclarée. Les citoyens seraient « macronistes », « mélenchonistes », « lepénistes »… sans que l’on soit en mesure ni de percevoir les raisons (pourtant toujours multiples et complexes) de ce ralliement à une proposition politique, ni de saisir l’infinité des nuances derrière l’étiquette. Au fond, pour voir l’élection avec les yeux des électeurs, il faudrait pouvoir tout à la fois s’affranchir de l’obsession de la prédiction, des questionnaires fermés et anonymes mais aussi du prisme classificatoire des électorats.

 

C’est précisément le pari méthodologique qu’a entrepris de relever un collectif de politistes et de sociologues [3]. Dès l’automne 2016, ils se sont engagés dans une enquête au long cours qui visait à interroger de façon approfondie et répétée un même panel d’électrices et des électeurs appartenant à toutes les catégories sociales et vivant des Hauts-de-France à la Région Sud. À travers de longs entretiens menés avec leurs enquêtés, les chercheurs se sont attachés à recueillir minutieusement les éléments de leur trajectoire sociale, à écouter et questionner leurs points de vue, leurs positions, leurs justifications, leurs certitudes comme leurs doutes sur la chose politique. Détachés des enjeux immédiats de la campagne ou des personnalités engagées dans la course présidentielle, ces entretiens livrent des portraits d’électrices et d’électeurs dans lesquels se révèlent la richesse et la complexité des rapports ordinaires à la politique.

 

Des électeurs entre goûts et dégoûts face aux possibles électoraux

 

Le vote Macron du printemps 2017 a abondamment été analysé comme un vote « disruptif » traduisant le ras-le-bol des Françaises et des Français à l’égard de la politique traditionnelle. Le second tour opposant Macron à Le Pen aurait exprimé le rejet massif du clivage gauche/droite qui structurait la vie politique depuis les débuts de la Ve République et le désir de sortir des sentiers battus de la vieille politique.

 

Pourtant, lorsqu’on les interroge plus longuement, les motivations des électeurs sont plus hétérogènes qu’il n’y paraît. Il faut d’abord noter que, loin de rejeter la politique, les électeurs que nous avons rencontrés ont au contraire été captivés par une campagne qui, pour certains, s’est même révélée particulièrement anxiogène. Les rebondissements de l’affaire Fillon, l’irruption d’un nouveau venu (Emmanuel Macron) et la menace que représente pour beaucoup l’extrême droite y ont sans doute contribué.

 

En entretien, les électeurs disent leur méfiance, voire leur défiance, avouent l’absence d’illusion, mais affirment néanmoins majoritairement se « laisser prendre au jeu » de la campagne électorale. Cet intérêt pour la politique demeure cependant socialement très clivé : ce sont les plus pauvres, les moins diplômés, les moins insérés dans la vie active qui suivent le moins la campagne et votent le moins.

 

Si la montée de l’abstention est indiscutable, force est de constater qu’elle touche surtout les classes populaires et ce particulièrement lors des élections « intermédiaires » (européennes, régionales par exemple) dont les enjeux sont moins clairement perçus que ceux de l’élection présidentielle [4]. Cette dernière est devenue la seule, et dernière, occasion de participation civique d’une partie de la population… On mesure ainsi sa centralité, mais aussi les risques d’une telle focalisation sur un seul scrutin !

 

Les propos recueillis en entretiens permettent ensuite de percevoir la variété des raisons conduisant à un même suffrage. Les « électorats » ne constituent pas des blocs solides et homogènes, cristallisés par la magie de l’acte de vote. Ils sont davantage des mosaïques hétérogènes composées d’une pluralité des significations, aspirations et anticipations.

 

La conjoncture électorale de 2017, avec son offre politique inédite, constitue une illustration idéal-typique de la fluidité conjoncturelle des votes qui expriment autant de l’adhésion ou de la loyauté que du rejet d’un candidat ou du système politique en général. Les « conversions » au vote Macron en sont un excellent exemple : la majeure partie de ses soutiens proviennent en 2017 d’électeurs de gauche qui y voient la moins mauvaise incarnation d’une social-démocratie décomposée et, surtout, un vote susceptible de leur éviter le pire : ne pas à avoir à choisir au second tour « entre la peste et le choléra » (Fillon et Le Pen).

 

Pour les électeurs « de droite » qui s’y rallient dès le premier tour ou le rejoignent au second, Macron incarne un libéralisme économique plus light que celui proposé par François Fillon, mais auquel ils consentent faute de mieux… De même, le vote pour Marine Le Pen en 2017 est loin d’exprimer une seule voix. À défaut de signifier un soutien indéfectible à l’héritière du Front national ou l’irrésistible « extrême-droitisation » des électeurs français, le vote Le Pen recouvre en réalité une nébuleuse hétéroclite de motifs et de raisons. Dans les entretiens, ce vote exprime l’acte protestataire et antisystème de classes populaires se sentant abandonnées par l’État, mais aussi la méfiance à l’égard d’un Macron vu comme l’incarnation d’une élite économique et culturelle parisienne et comme méprisant à l’égard des petites classes moyennes de province. Pour d’autres enfin, il est la manifestation d’un sentiment ouvertement islamophobe qui émane autant des catégories intermédiaires se sentant menacées par des classes populaires racisées que d’une bourgeoisie réactionnaire et de longue date xénophobe.

 

La persistance des clivages sociaux et politiques comme boussole des choix électoraux

 

Surtout, les rencontres régulières avec les électeurs invitent à ne pas lire la volatilité du vote ou l’hétérogénéité de ses raisons comme une perte totale des repères politiques. Les citoyens, au vrai, n’ont pas perdu leur boussole politique. Contrairement à ce que les commentateurs ont trop rapidement conclu, le clivage droite/gauche est loin de s’être dissout – chez les électeurs tout au moins ! Héritée de la socialisation, entretenue dans des milieux sociaux homogames où les identifications possèdent encore une dimension politique, l’identification à la « droite » ou à la « gauche » est bien réelle et structure encore dans les entretiens le rapport au politique – même pour celles et ceux qui soutiennent des candidats rejetant ce clivage.

 

En ce sens, le désordre électoral qui semble caractériser la dernière présidentielle n’est qu’apparent : si désordre il y a, c’est surtout dans le champ politique et chez les candidats qui tentent de brouiller les frontières du jeu politique, alors que les loyautés électorales résistent chez les votants. Ces derniers sont cependant, et la nuance est de taille, contraints de bricoler avec une offre politique de plus en plus irréaliste, hyper-personnalisée et focalisée sur la volonté de se démarquer des autres. Ce constat suggère peut-être surtout que la démocratie telle que l’organise la Ve République ne peut durablement se réduire à une compétition électorale simpliste entre quelques candidats à une seule élection surexposée tous les cinq ans : la présidentielle.

 

La séquence électorale de 2017 a-t-elle pour autant rebattu les cartes des logiques sociales qui structurent encore le vote ? Loin d’être irrationnels, les choix électoraux s’inscrivent dans des trajectoires de vie. On ne vote jamais au hasard, ni simplement en fonction de facteurs de court-terme (campagne, enjeux du moment, candidat.es). Le vote est, au contraire, le produit d’une socialisation politique ancienne qui limite le champ des choix possibles en définissant des sortes d’habitus électoraux qui organisent les perceptions du politique et guident les choix.

 

Parmi les électeurs de gauche, ceux qui ont renoncé à voter Hamon ou Mélenchon et dont les voix se sont portées sur Macron dès le premier tour, sont aussi ceux qui se sont les plus embourgeoisés et qui étaient les plus satisfaits du tournant libéral du Parti socialiste. Au contraire, les fidèles au candidat socialiste ou à Mélenchon se recrutent plutôt parmi les petites classes moyennes attachées aux services publics (infirmières, assistantes sociales, enseignants) ou parmi celles et ceux – et en particulier celles – qui subissent de fortes discriminations (les femmes, les populations racisées).

 

En outre, voter Macron au premier tour est parfois le produit d’un habitus clivé, dans lequel attraction pour la droite et la gauche sont en tension, comme c’est le cas pour un avocat d’affaires interrogé, tiraillé entre ses origines bourgeoises, ses intérêts économiques de patron d’un grand cabinet et son mode de vie plus bohème qu’il a adopté en se mariant avec une avocate de gauche.

 

Pour d’autres enfin – et on pense aux électeurs de droite qui ont voté Macron –  ce sont bien des formes de socialisation inversée qui leur font abandonner cette droite « un peu moisie et tradi… et corrompue » que représente en 2017 Fillon, sous l’influence de leurs enfants qui se reconnaissent dans la « modernité » libérale qu’incarne Macron à leurs yeux.

 

Les électeurs, même pour les plus distants, ne manquent pas enfin d’exprimer très clairement des préoccupations concernant leurs conditions sociales d’existence. Les entretiens approfondis avec les électrices et les électeurs indiquent que la fin du vote de classe, annoncée depuis les années 1990, est sans doute une illusion d’optique. Notre enquête permet au contraire de saisir l’intensité des clivages qui structurent aujourd’hui encore la société française. Le politique ne se limite d’ailleurs pas au vote, mais renvoie aussi aux manières de percevoir le monde social, les groupes qui le composent et les frontières qui le divisent.

 

Parmi nos enquêtés, une partie appartient aux classes supérieures et moyennes supérieures (cadres, chefs d’entreprise, professions intellectuelles et libérales). Or, il est frappant de constater qu’ils convergent vers une vision très clivée et hiérarchisée de l’ordre social et des mondes qui le composent. Ils se pensent, par exemple, à part et différents de leurs subalternes. Certains manifestent une crainte, voire une franche hostilité, à l’égard des étrangers et des musulmans. La volonté de se distinguer des classes populaires apparaît par ailleurs structurante. Elle est particulièrement troublante dans les professions intellectuelles supérieures qui votaient à gauche, mais qui manifestent leur aversion pour le « populisme » et plus généralement pour un peuple qu’ils ne comprennent plus.

 

Une autre partie des portraits illustre les incertitudes et les situations de crise auxquels sont confrontés les électeurs des classes populaires. Marqués par l’instabilité et par la dureté des métiers subalternes avec de très faibles progressions de salaire, ils demeurent pourtant attachés au travail qui donne un statut, qui constitue une fierté et offre l’espoir de sortir de sa condition. Les conditions sociales d’existence de celles et ceux qui vivent en logement social sont marquées par le délabrement de leur environnement qui leur donne l’impression d’être abandonnés de tous et en premier lieu des pouvoirs publics.

 

L’État et les fonctionnaires n’apparaissent d’ailleurs plus comme des recours possibles, mais comme des privilégiés, dont l’aide se révèle intrusive et inutile. On retrouve dans leurs visions du monde l’empreinte d’une « conscience sociale triangulaire » qui construit celui-ci non comme un affrontement entre le peuple et les « riches » (patrons, capitalistes), mais comme une tripartition entre les élites, les « gens comme nous » et ceux qui sont tout en bas. Ces derniers constituent alors une figure d’identification négative, parce qu’ils sont vus comme une menace objective et subjective. Ce ressentiment à l’égard des plus faibles culmine lorsque ces derniers sont racisés.

 

On observe, ce faisant, une reconfiguration de la conflictualité sociale qui fait des plus faibles le point focal des craintes des classes supérieures ET des classes populaires ou des petites classes moyennes. Le clivage entre les puissants et les dominés sur lequel reposait le discours des partis de gauche semble en ce sens avoir perdu de son efficacité. S’y substitue un clivage de race qui distingue « les étrangers », les « non-blancs », les « musulmans » et ceux qui seraient de « vrais » Français et posséderaient davantage de droits. On le retrouve dans tous les groupes sociaux, y compris dans les beaux quartiers parisiens ou chez de gros agriculteurs pourtant peu exposés à la concurrence des migrants…

 

Symétriquement, les personnes interrogées issues de l’immigration disent très clairement le sentiment de se confronter à des discriminations, voire à un racisme systémique, qui obèrent leur parcours scolaire, leur carrière professionnelle : ils ressentent continûment dans leur vie quotidienne le stigmate de l’altérité.

 

L’élection de Macron a pu être interprétée comme le signe d’un consensus autour d’un candidat incarnant « en même temps » les aspirations des électeurs de droite et de gauche et qui aurait pu constituer le ferment d’une union nationale contre l’extrême-droite, le racisme et la xénophobie. Au terme de notre enquête, et au moment où il s’agit de revoter, ce consensus semble bien fragile, voire illusoire. Il masque de profonds clivages entre ceux « d’en haut » et les différentes fractions des classes populaires qui continuent de structurer la société française contemporaine.

 

Ces résultats nous renseignent sur les tiraillements et les tensions qui sont aux principes des choix électoraux que les sondages et les analyses agrégés ont tendance à écraser en leur donnant une signification univoque, qui est d’ailleurs souvent le produit des propres fantasmes des commentateurs de la vie politique. Réécouter les électeurs, plutôt que les sondages, ne pas céder à ses propres illusions et sortir d’un traitement de la campagne limité au seul commentaire de la course à la présidence permettraient sans aucun doute de mieux restituer à la fois la force des ancrages sociaux et les moments d’indétermination lorsque l’offre politique se recompose. Et ainsi de mieux comprendre ce que voter veut dire…

 

NDLR : Éric Agrikoliansky, Philippe Aldrin et Sandrine Lévêque viennent de publier aux Presses universitaires de France Voter par temps de crise. Portraits d’électrices et d’électeurs ordinaires.

Éric Agrikoliansky

POLITISTE, PROFESSEUR DES UNIVERSITÉS À PARIS DAUPHINE-PSL ET MEMBRE DE L'IRISSO

Philippe Aldrin

POLITISTE, PROFESSEUR À SCIENCES PO AIX ET MEMBRE DE MESOPOLHIS (CNRS)

Sandrine Lévêque

POLITISTE, PROFESSEURE À SCIENCES PO LILLE ET CHERCHEUSE AU CERAPS

 

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23 janvier 2022 7 23 /01 /janvier /2022 06:00

Ouragan Katrina : le bilan, dix ans après le chaos - Le Point

J’aime les fenêtres du hasard : pour digérer la biographie d’Hitler, je l’ai lu en alternant avec un polar espagnol de Dolorès Redondo 674 pages tout de même, qui a pour toile de fond l’ouragan Katrina ICI  qui a ravagé la Nouvelle-Orléans en août 2005.

 

Dolores Redondo : « J'appartiens à une génération influencée par le film  noir américain »

 

Et puis, l’autre soir, par hasard je suis tombé sur le d’un film Dans la brume électrique de Bertrand Tavernier avec  Tommy Lee Jones et John Goodman, qui a pour cadre La Nouvelle-Orléans.

 

 

J’aime bien Tavernier.

 

Tommy Lee Jones et John Goodman, sont de grands acteurs, le premier est aussi un grand réalisateur. 2005 : Trois Enterrements (The Three Burials of Melquiades Estrada), 2014 : The Homesman (également scénariste). Je reviendrai sur ce dernier film que je viens aussi de visionner.

 

Comme je n’ai aucune vocation de critique aussi bien littéraire que cinématographique, je délègue.

La face nord du coeur

“La Face nord du cœur”, de Dolores Redondo : la nouvelle reine du polar ne vient pas du froid, mais du Pays basque

Michel Abescat

Publié le 05/02/21

 

Une vallée sombre des Pyrénées navarraises. Des habitants taiseux, tourmentés par une mythologie effrayante. Et une enquêtrice, enfant du pays à l’intuition hors normes. Révélée par sa trilogie du Baztán, l’autrice basque espagnole Dolores Redondo remonte dans le temps pour ce nouvel opus, remarquable.

 

Son nouveau roman, La Face nord du cœur, qui vient de paraître dans la Série noire, est un événement à la mesure du succès de la fameuse trilogie du Baztán qui l’a précédé. Qui aurait pu parier, pourtant, que cette petite vallée d’une quinzaine de villages, enclavée dans les Pyrénées navarraises, serait un jour connue des amateurs de polar du monde entier ? La raison en est simple : comme l’écrivain islandais Arnaldur Indridason l’a fait pour son pays, Dolores Redondo a su installer un nouveau territoire du polar, le Pays basque espagnol, dont elle est originaire.

 

Un pays qu’elle peint à la manière des fjords de l’Est chers à Indridason. Fascinants, mais aussi inquiétants. Sous le regard de Dolores Redondo, la vallée du Baztán apparaît sauvage, isolée, battue par des pluies incessantes, recouverte de sombres forêts, vastes à s’y perdre. La vie y est rude et ses habitants, plutôt taiseux, enfermés dans leur carapace. Avec un sens aigu des atmosphères, elle fait ainsi du paysage un personnage étrange, déprimant et angoissant.

 

Et peut-être a-t-elle déjà fait école. À la fin de l’année dernière en effet paraissait le premier roman d’un auteur basque, Ibon Martin, qui empruntait le même chemin. La Valse des tulipes se situait dans l’estuaire d’Urdabai, entre Guernica et les falaises de la mer cantabrique, et l’auteur en faisait ressortir la splendeur, mais aussi la rudesse et la mélancolie des jours de pluie. Racontant une série de meurtres de femmes, le roman accordait une large place à l’histoire et à la mythologie basques, qui devenaient ainsi le sujet principal du livre.

 

Anthropologue méticuleuse, Dolores Redondo se plaît également à extirper la mémoire de son pays, en particulier celle de ses plus vieilles croyances. La trilogie du Baztán est ainsi hantée par les figures de la mythologie basco-navarraise. Le tarttalo par exemple, cyclope gigantesque qui « se nourrit de brebis, de jeunes filles et de bergers », est au centre du deuxième volume, De chair et d’os. Le basajaun, étrange créature mi-ours, mi-homme, seigneur de la forêt, inspire le titre du premier épisode, Le Gardien invisible. Quant à Inguma, il ne faut guère de temps pour que ce démon de la nuit qui « boit l’âme des enfants pendant qu’ils dorment », soit soupçonné d’être à l’origine des morts subites de nourrissons qui endeuillent la vallée dans le troisième volet, Une offrande à la tempête.

 

Charme maléfique des traditions de sorcellerie

 

Dolores Redondo s’appuie sur ce monde mythologique qui a bercé son enfance et qui, dit-elle, « subsiste à Baztán comme dans peu d’endroits au monde ». Elle en fait sa pâte romanesque, et ravive de livre en livre le charme maléfique des traditions de sorcellerie qui ont marqué la vallée en imaginant des intrigues autour de meurtres rituels et de sectes sataniques façon Rosemary’s Baby.

 

Restait ensuite à créer un personnage profondément ancré dans ce territoire, éminemment sensible à sa culture et à ses traditions. De la même façon qu’Arnaldur Indridason a imaginé la figure d’Erlendur Sveinsson comme une incarnation de l’âme islandaise, homme de brume et de silences, hanté par la disparition de son petit frère dans une tempête quand ils étaient enfants, Dolores Redondo a façonné son personnage de femme enquêtrice, Amaia Salazar. Et c’est une magnifique réussite, sans doute l’atout maître de ses romans.

 

Inspectrice à la police forale de Navarre, Amaia Salazar est une guerrière, le genre de flic qui ne lâche jamais sa piste, remarquable analyste, douée d’un grand sens de la déduction. Mais elle est aussi une fille du pays, qu’elle a fui pendant des années pour se mettre à distance d’une enfance traumatisée par la haine que sa mère lui vouait jusqu’à tenter de la tuer. De cet enfer, Amaia est sortie armée d’une sorte de sixième sens, une intuition hors du commun, une sensibilité acérée au comportement criminel, un don singulier pour « discerner la trace du mal », dira un de ses collègues. Amaia avance ainsi, « l’ombre de sa mère penchée sur elle », et incarne une sorte de pont entre le monde réel et l’invisible si présent dans la tradition de son pays, où les morts et les démons ne sont jamais très loin.

 

Décor apocalyptique post-ouragan Katrina

 

À la différence des trois premiers, le nouveau volume de la série, La Face nord du cœur, se situe pour l’essentiel hors du Pays basque, et en amont de la trilogie. En août 2005, la jeune sous-inspectrice Salazar est venue en stage à Quantico, en Virginie, pour étudier le profilage des criminels à l’académie du FBI. Un de ses professeurs remarque ses dons exceptionnels et l’entraîne avec lui en Louisiane sur les traces d’un tueur en série qui s’attaque à des familles, toutes sur le même modèle, et selon un schéma fortement ritualisé. L’intrigue est haletante, remarquablement tenue, et très vite reviennent les souvenirs et les hantises d’Amaia confrontée à un être maléfique qui la renvoie à sa mère. Le passé, la vallée du Baztán envahissent ainsi le présent américain, dans une série d’allers et retours temporels, et ce quatrième volume est à nouveau au cœur des obsessions de l’autrice. D’autant plus que l’action se déroule au moment du passage de l’ouragan Katrina, dont Dolores Redondo utilise la puissance dramatique pour installer un décor d’apocalypse en phase avec son propos.

 

La mort et le mal dominent ainsi ce nouvel épisode, qui se révèle tout aussi troublant que les précédents. Les défunts semblent aussi présents que les vivants, ils se manifestent, réclament justice. Quant aux figures du mal, la mère d’Amaia par exemple ou le tueur en série, ils sont certes des psychopathes, mais ils incarnent aussi, à l’évidence pour l’autrice, l’existence d’une force obscure, maléfique, à l’œuvre parmi les humains. Comme le dit Amaia à propos du tueur en série qu’elle poursuit, « sa satisfaction et son pouvoir proviennent du fait que nous ne croyons pas à son existence. Comme le diable ».

 

Dolores Redondo joue ainsi, une nouvelle fois, avec une belle efficacité romanesque, de l’ambivalence entre légende et réalité, sciences criminelles et croyances millénaires, pour installer définitivement son pays comme territoire singulier du polar. Un pays on l’on pense comme la tante d’Amaia, qui aime à répéter : « il ne faut pas croire aux sorcières, mais il ne faut pas dire non plus qu’elles n’existent pas ».

 

La Face nord du cœur, de Dolores Redondo, traduit de l’espagnol par Anne Plantagenet, éd. Gallimard, coll. Série Noire, 688 p., 20 €.

 

Les volumes de la trilogie du Baztán sont disponibles en poche dans la collection Folio-Policier.

 

La Valse des tulipes, d’Ibon Martin, traduit de l’espagnol par Claude Bleton, éd. Actes Sud, coll. Actes Noirs, 480 p., 23 €.

 

 

Dans la brume électrique en Blu Ray : Dans la brume électrique - AlloCiné

Dans la brume électrique : les relations tendues entre Tavernier et Tommy Lee Jones... 4 autres anecdotes à découvrir ICI

De quoi ça parle ? New Iberia, Louisiane. Le détective Dave Robicheaux est sur les traces d'un tueur en série qui s'attaque à de très jeunes femmes. De retour chez lui après une investigation sur la scène d'un nouveau crime infâme, Dave fait la rencontre d'Elrod Sykes. La grande star hollywoodienne est venue en Louisiane tourner un film, produit avec le soutien de la fine fleur du crime local, Baby Feet Balboni. Elrod raconte à Dave qu'il a vu, gisant dans un marais, le corps décomposé d'un homme noir enchaîné. Cette découverte fait rapidement resurgir des souvenirs du passé de Dave. Mais à mesure que Dave se rapproche du meurtrier, le meurtrier se rapproche de la famille de Dave...

 

1. LES RELATIONS TENDUES ENTRE BERTRAND TAVERNIER ET TOMMY LEE

 

Dans la brume électrique sur OCS Choc : les relations tendues entre  Tavernier et Tommy Lee Jones... 4 autres anecdotes à découvrir - Actus Ciné  - AlloCiné

 

Interviewé au Festival de Berlin par AlloCiné, Bertrand Tavernier a confié que Tommy Lee Jones s'était montré très interventionniste pendant le tournage : "J'ai du faire 30 sessions de travail avec lui dans différents États. Je l'ai suivi au Nouveau-Mexique quand il tournait le film de Paul Haggis, en Floride quand il faisait des matchs de polo... Il coupait, il réécrivait... Un jour, il est venu avec une idée qui ne me plaisait pas. Je lui ai dit : " Je ne veux pas de ça, et si vous insistez je quitte le film." -"Bertrand, on n'en reparlera plus", m'a-t-il répondu." Ces relations tendues n'ont pas empêché le cinéaste de redire son admiration pour le comédien, ni de sourire avec tendresse en évoquant la raison pour laquelle celui-ci dit s'être senti proche de Robicheaux : "Le père du personnage meurt sur un puits de pétrole, or le père de Jones travaillait aussi sur un puits de pétrole. Il m'a confié : "J'ai passé toute mon enfance à attendre que mon père rentre du travail, dans la peur d'un accident." Au final, Tommy Lee Jones a apporté sa propre contribution en écrivant totalement certaines scènes, comme par exemple celle de la pêche.

 

La suite ICI

 
"Dans la brume électrique" : un conflit, deux films de Tavernier ICI

 

Les spectateurs français découvriront, mercredi 15 avril, la version voulue par le réalisateur. Les Américains en verront une autre, sur DVD.

Par Jean-Luc Douin et Thomas Sotinel

Publié le 11 avril 2009 

Interprété par Tommy Lee Jones, l'inspecteur Dave Robicheaux est assis dans un bar et se présente d'emblée comme un alcoolique. "Parfois, j'ai envie de boire un verre. Mais je résiste toujours à la tentation." Tel est le début de Dans la brume électrique, de Bertrand Tavernier... dans sa version américaine.

La version qui sort dans les salles françaises, mercredi 15 avril, commence autrement : par un long travelling sur les bayous de Louisiane couverts de brume, au son de la voix off de l'enquêteur : "Dans les temps anciens, les gens mettaient des pierres sur la tête des mourants..." Ce monologue, qui se poursuit lors de la découverte d'un cadavre, évoque encore le rêve d'"une louve au sommet d'un arbre qui mangeait ses petits", et plus tard la disparition des chauves-souris de la région, "bouffées par les moustiques". Autre exemple de cette différence de perception artistique, une scène où l'on découvre un camp de confédérés : son direct, avec bruits de crapauds-buffles et musique dans la version française ; soldats bruités, avec cris et scie dans celle américaine.

Ce film a donc une double personnalité. Après le tournage, au printemps 2007, un long face-à-face a opposé le cinéaste et son producteur américain, Michael Fitzgerald. Fin 2008, ils se sont mis d'accord : il existera deux versions du film. L'américaine n'existe pas en salles (hormis en Louisiane), elle est diffusée en DVD sous le titre In the Electric Mist. Le montage a été effectué par Roberto Silvi sous contrôle de Michael Fitzgerald. L'autre version, montrée dans le monde entier, hors Etats-Unis, est celle qu'a voulue Tavernier ; elle a été projetée pour la première fois en février, au Festival de Berlin.

UN AMOUREUX DES ETATS-UNIS

"Ensemble, nous sommes parvenus à la conclusion que ce que Bertrand envisageait convenait moins bien au public américain, qui a besoin d'un rythme plus rapide", explique Michael Fitzgerald. Ce dernier, dont la société s'appelle Ithaca Pictures, s'est fait connaître en écrivant le scénario du Malin, de John Huston, un film qu'il a coproduit. Il a aussi produit The Pledge et a accompagné les débuts de Tommy Lee Jones comme réalisateur avec Trois enterrements. Ces films, qui ont été plus des succès critiques que publics, placent Fitzgerald davantage dans le camp des auteurs que des financiers.

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20 janvier 2022 4 20 /01 /janvier /2022 06:00

Aucune description de photo disponible.

Au temps de mes débuts de blogueur j’ai côtoyé le petit peloton des critiques de vin français, ce fut édifiant. C’était très franchouillard, des petits arrangements, des invitations, un peu de pub, des salons, le ruissellement du flouze restait contenu entre les berges des moyens limités du négoce français du vin. Mon « modèle économique », je gagnais bien ma vie par ailleurs, me permettait de me tenir loin de ces pratiques, je n’avais donc nul mérite à être indépendant, de plus vu, le faible niveau d’influence de la critique française auprès de la grande majorité des consommateurs français et plus encore mondiaux, ça n’avait guère d’importance.  

 

Seul, Robert Parker régnait dans une position, quasi-monopolistique, sur la critique mondiale du vin, il imposait ses codes, ses pratiques, flanqué de son compère Michel Rolland, il allait faire la fortune d’une poignée de GCC, et la sienne aussi par la même occasion. Le pauvre Michel B enrageait mais rien n’y faisait, on continuait de l’inviter dans les châteaux, je n’ose l’écrire par pitié.

 

Les temps ont changé avec l’irruption des réseaux sociaux, Bob a pris sa retraite, il est maintenant possible de toucher les amateurs, les consommateurs sans l’entremise des critiques du vin. C’est le déclin, le papier des guides ne rapporte plus rien, les clics sur les publications internet pas grand-chose, un peu de pub, alors reste plus qu’à se faire vendeur de vin En Même Temps.

 

Stéphane Montez, Saint-Joseph rouge 2020

« Ce saint-joseph 2020 témoigne avec une précision et une gourmandise magnifique le génie des grandes syrahs cultivées sur ces terroirs abrupts de granit. » Thierry Desseauve

De sa belle cave qui domine la vallée du Rhône, Stéphane Montez a réussi en une décennie à s’imposer comme l’une des références du nord de la vallée du Rhône.

Note Bettane+Desseauve : 92/100
 
Saisissez les dernières bouteilles disponibles

L’interview qui suit, est typiquement étasunienne, avec moi la critique du vin va laver plus blanc que blanc en revenant  aux valeurs fondamentales du Robert Parker Wine Advocate avec le Wine Independent ?

 

Elle ne me convainc guère, à vous de juger !

 

 

 

Les

Lisa Perrotti-Brown MW est basée dans la vallée de la Napa, en Californie. - crédit photo : DR

Les "conflits d'intérêts érodent la confiance des consommateurs dans les critiques de vin"

 

Ayant quitté fin 2021 le "Robert Parker's Wine Advocate", qu'elle dirigeait depuis 2013, la critique américaine Lisa Perrotti-Brown annonce créer une plateforme indépendante avec le photojournaliste suédois Johan Berglund : The Wine Independent. La Master of Wine fait le point en interview sur sa vision de son métier et de ses défis actuels.

 

Par Alexandre Abellan Le 17 janvier 2022

 

  • Votre projet éditorial évoque le besoin de critiques impartiaux en matière de vin : y a-t-il un vide dans la filière vin en ce moment ?

 

Lisa Perrotti-Brown : Je ne dirais pas qu'il y a un vide. Mais je pense qu'il y a aujourd'hui beaucoup d'ambiguïté sur ce qui constitue un business model "impartial" concernant la façon dont les revenus sont créés.

 

  • Parmi les exemples de conflits d'intérêts que vous avez vus dans votre carrière, diriez-vous qu'ils augmentent en quantité ou deviennent plus subtils en qualité ?

 

Ils deviennent plus subtils, c'est sûr. Il fut un temps où vous saviez exactement qui acceptait de l'argent des établissements vinicoles et des entreprises liées au vin, car c'était sous la forme d'une simple publicité. Par exemple, vous pouviez voir la publicité d'une winery dans un magazine sur le vin, qui comportait également des critiques de ce domaine. Vous pourriez décider vous-même si cela était acceptable. Aujourd'hui, de nombreux consommateurs ne savent tout simplement pas quel type d'offres se déroulent dans les coulisses de nombreuses critiques de vins.

 

Je ne veux pas pointer du doigt qui que ce soit ou juger les décisions commerciales d'autres publications, mais je sais qu'il y en a qui facturent leur dégustation des vins. D'autres prennent d'énormes sommes d'argent auprès de wineries pour qu’elles participent à leurs événements. Certains proposent même aux distributeurs un aperçu en avant-première des notes s'ils souscrivent à un abonnement secret et ultra cher. Tous ces conflits d'intérêts érodent la confiance que les consommateurs avaient l’habitude d’accorder aux critiques de vin.

 

La suite ICI

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18 janvier 2022 2 18 /01 /janvier /2022 09:20

Lettre d'un «émigré» de la «patrie du vin» au POINT qui l'a poussé à une  telle extrémité - Le blog de JACQUES BERTHOMEAU

C’était au temps où je battais les estrades même à Bordeaux, l’oiseau de mauvais augure que j’étais n’était plus blacklisté, cette vidéo est intéressante à voir car en ce temps-là le classement décennal des vins de Saint-Émilion faisait partie du paysage mais celui de 2006 va donner lieu à un long imbroglio judiciaire qui ouvrira la porte à une nouvelle procédure où notre Hubert sera à la manœuvre avec le succès que l’on sait.

 

Celui de 2012 verra l’Angelus atteindre le graal : classé A et l’ami Jean-Luc et son château Valandraud accède au B.

 

Les historiques A : Ausone et Cheval Blanc ne concourent pas pour 2022, Hubert vu ses ennuis judiciaires vient de se retirer. Pour Jean-Luc, pourquoi pas le A ?

 

En 2005-2006 c’est la CRISE

La crise viticole n'est pas une fatalité !

 

 Éditorial de Mgr Ricard

 

Mgr Ricard nommé parmi 15 nouveaux cardinaux

 

Très présente dans la presse à certains jours, plus discrète à d’autres, la crise viticole est bien toujours là. Contrairement à une série de crises rencontrées par la viticulture depuis plus d’un siècle, la crise actuelle n’est pas conjoncturelle mais structurelle. Il serait vain d’attendre que « ça passe » en rêvant au retour des années fastes pour les vins de Bordeaux.

 

La sortie de cette crise est un vrai problème régional pour ne pas dire national. Certaines régions sont peut-être encore plus touchées que la nôtre. Le 4 février dernier, les évêques du Languedoc-Roussillon ont fait part de leurs préoccupations devant l’inquiétude et la souffrance de beaucoup de viticulteurs. Mais notre région, longtemps épargnée, est touchée elle aussi.

 

Certes, la crise viticole ne touche pas toutes les propriétés de la même façon. Certains châteaux, des crus renommés, s’en sortent plutôt bien et n’ont pas de mal à commercialiser leur vin. D’autres sont frappés de plein fouet et on peut dire que c’est toute une partie de la profession qui ressent les contrecoups de la crise. Au cours de mes visites pastorales et des rencontres que j’ai pu avoir, j’ai été témoin du drame vécu par un certain nombre de viticulteurs qui se sont endettés au moment des années fastes et qui, aujourd’hui, devant la difficulté à vendre leur vin, se sentent étranglés par les remboursements auxquels ils doivent faire face. Cette réelle angoisse du lendemain a chez eux des conséquences sur leur moral, parfois sur leur vie conjugale et familiale. Certains enfants ne voient pas comment prendre en charge après leurs parents la propriété familiale. Cette crise a fatalement aussi des répercussions sur la situation des ouvriers agricoles, des saisonniers et des artisans. Ces viticulteurs sont guettés par le désespoir et la désespérance n’est jamais bonne conseillère. On peut redouter qu’elle provoque parfois des réactions de violence ou pousse à des extrémités.

 

Devant cette crise, certains sont tentés de baisser les bras et de se laisser gagner par un sentiment de fatalisme. D’autres cherchent un bouc émissaire qu’ils chargent alors de tous les maux (les organisations professionnelles, le négoce, les pouvoirs publics, les campagnes antialcooliques, la mondialisation…) L’heure n’est pourtant pas au découragement. D’ailleurs, au cours des deux siècles précédents, les viticulteurs ont toujours fait preuve de courage et d’ingéniosité pour surmonter les crises rencontrées. Une telle ténacité continue. Il nous faut saluer ici les efforts de ceux qui courageusement veulent relever le défi d’aujourd’hui. Ils savent qu’il leur faut compter avec des facteurs nouveaux qui ne disparaîtront pas dans les années qui viennent : la baisse en France de la consommation du vin, la concurrence des vins européens et des vins du nouveau monde et la politique commerciale des grandes surfaces. Ils sont convaincus également qu’il faut veiller à la qualité du vin produit, à sa commercialisation et donc à des campagnes de promotion de leur vin en France, en Europe et dans d’autres pays du monde. En effet, produire, malgré tout le savoir-faire que cela met en jeu, aujourd’hui ne suffit pas. Il faut commercialiser, tenir compte de la demande, et gagner de nouveaux marchés.

 

Cette crise ne peut être surmontée qu’ensemble, solidairement, qu’en s’appuyant les uns sur les autres, qu’en s’entraidant les uns les autres. Or, la viticulture a été une profession qui a favorisé jusque-là l’investissement individuel et la recherche personnelle du profit. L’argent gagné était le secret de chacun et on se méfiait de l’autre qui pouvait toujours devenir un concurrent possible. D’où la difficulté qu’ont eu beaucoup de viticulteurs, même voisins, à se parler quand la crise a commencé. Or, la solidarité et l’entraide sont aujourd’hui des conditions sine qua non pour surmonter la crise.

 

Devant cette crise qui marque profondément notre région, les communautés chrétiennes ne peuvent pas ne pas se sentir concernées. Il est important qu’elles partagent les préoccupations des viticulteurs, soutiennent ceux qui sont dans une passe difficile, encouragent ceux qui se battent pour relever le défi. Je les invite à lire le document de réflexion ci-joint sur « La crise viticole » et à manifester à tous les viticulteurs leur solidarité.

 

Dans ce temps pascal, le Christ vient à nous, vainqueur du fatalisme et de la résignation. Sa résurrection ouvre une brèche, déploie un avenir nouveau. Elle crée du neuf. Que cette espérance soutienne tous ceux qui se battent aujourd’hui pour ouvrir des voies d’avenir à la viticulture dans notre région.

 

Bordeaux, le 5 mai 2006

 

+ Cardinal Jean-Pierre RICARD

 

Archevêque de Bordeaux

 

Evêque de Bazas

Essai géographique sur la crise du Bordeaux - Chapitre 6. Une image  incertaine - Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine

Le vin de Bordeaux voit la fin de la crise

Par Marie-Josée Cougard

Publié le 14 mars 2008

 

Les Bordelais se gardent de toute fanfaronnade. Néanmoins, ils veulent croire à la fin de la crise. « Les améliorations sont incontestables, même si beaucoup reste à faire », résumait hier à Paris, Alain Vironeau, président du CIVB (Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux).

 

Après avoir souffert d'une surproduction chronique, les producteurs sont enfin parvenus à rétablir un équilibre entre l'offre et la demande et à faire remonter les prix. Si bien que la région a commercialisé 5,7 millions d'hectolitres de vin en 2007 (+1,3 %) pour un chiffre d'affaires de 3,4 milliards d'euros (+4 %).

 

Plan d'arrachage


« L'excédent de stock a été résorbé », selon le CIVB, les ventes ont repris et les prix du tonneau ont bondi de 26 % entre 2005 et 2007. Les volumes qui encombraient le marché ont été distillés à hauteur de 160.000 hectolitres en 2005 et un peu plus en 2006. Le plan d'arrachage de 10.000 hectares sur trois ans, annoncé en 2005, a été exécuté grâce à une aide substantielle de 12.000 à 13.000 euros l'hectare, mais pour moitié seulement. Une démarche contre nature dans la région. En fait, moins de 1 % des vignerons ont été contraints de cesser leur activité pour des raisons économiques. Alain Vironeau souligne d'ailleurs que, depuis quarante ans, le Bordelais perd en moyenne 500 producteurs par an, dans le cadre de la restructuration des propriétés.

 

Restaurer la confiance


Tous les producteurs ont fait un effort pour réduire les rendements, uniformément ramenés à 50 quintaux par hectare. L'interprofession a réalisé un gros travail de pédagogie pour convaincre les viticulteurs qu'ils devaient désormais produire ce qui se vend. Les méthodes de marketing ont été profondément revues, complétant l'aggiornamento du vignoble le plus célèbre dans le monde.

Mais les Bordelais savent qu'il leur reste un long chemin à parcourir pour regagner la confiance des consommateurs, notamment étrangers. Ils comptent beaucoup sur le renforcement des contrôles de qualité et des droits à produire sous AOC pour y parvenir. « L'exportation ne concerne qu'un tiers des volumes produits. Si on restaure l'image de nos vins, on en exportera 70 % », explique Alain Sichel, vice-président du CIVB et directeur du syndicat des négociants. D'autant que la consommation mondiale de vin augmente et que la concurrence du Nouveau Monde s'est allégée. La production australienne est tombée de 14 à 11 millions d'hectolitres entre 2006 et 2007 en raison de la sécheresse.

 

MARIE-JOSÉE COUGARD

 

 

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16 janvier 2022 7 16 /01 /janvier /2022 06:00

Raymond Roussel à Carlsbad.

Raymond Roussel à Carlsbad.

Suis chez Gallimard, je moissonne, et puis je tombe sur Jean-Bernard Pouy, « l’écrivain libertaire adepte de l’Oulipo, qui refuse l’esprit de sérieux et remue joyeusement le shaker du polar. »

 

Toujours border line, parfois il verse dans la facilité mais on lui pardonne « son humour potache ses pastiches et ses jeux littéraires façon Queneau ou Raymond Roussel parce que, sans contraintes, y a pas de plaisir. »

 

En attendant Dogo

 

Et puis, son nouvel opus En attendant Dogo, estampillé Gallimard nrf , Dogo ça sonne comme le Drogo du Désert des Tartares de Dino Buzzati, ce jeune ambitieux pour qui « tous ces jours qui lui avaient parus odieux, étaient désormais finis pour toujours et formaient des mois et des années qui jamais plus ne reviendraient... »

 

J’achète !

 

Je le lis d’un trait.

 

C’est une réussite.

 

Ça ferait un super bon scénar de film…

 

Et puis Pouy aime licher du vin, même du vin nu...

 

Page 196 « Le plat du jour : panais aux champignons. Parfait. Solidaire. J’ai même commandé un bon vin naturel du coin. »

 

Pour une fois je suis 100% d’accord avec la critique de Télérama de Christine Ferniot publiée le 07/01/22 ICI 

 

« Littérature : on a lu « En attendant Dogo », le nouveau roman de Jean-Bernard Pouy

 

Depuis le début des années 1980, Jean-Bernard Pouy remue joyeusement le shaker du polar, préférant y glisser de l’humour potache, des pastiches et des jeux littéraires façon Queneau ou Raymond Roussel * parce que, sans contraintes, y a pas de plaisir. Son nouvel opus, En attendant Dogo, est bien de cette veine-là, clin d’œil espiègle à la littérature, truffé d’exercices de style, de références plus ou moins exactes, de critique sociale, mais également de grand bazar comique pour ne pas prendre le lecteur de haut.

 

Le roman s’ouvre sur une absence. Celle d’Étienne, un homme sans histoire mais plutôt cachottier, parti depuis six mois dans sa vieille Dacia pourrie, en laissant sa famille dans l’inquiétude et le désarroi. « Un coup de poignard dans le cœur et dans le bide », confirment-ils.

 

[…]

 

À retenir en particulier, dans En attendant Dogo, l’extrait de polar nordique intitulé Le Permafrost de l’angoisse, qui vaut son pesant de mauvais esprit. Et Jean-Bernard Pouy de confirmer aussitôt, en précisant : « Ah ! la Suède, le seul pays où même les pierres tombales sont hypocondriaques. »

 

Souvenirs de jeunesse

 

L’écrivain se nourrit de tout ce qu’il rencontre. Il nous emmène à Lübeck manger des pâtes d’amande, dans le sud de l’Italie, du côté de Trani, boire un vin qui mérite le détour, tout comme à Castillon, dans le sud de la France, pour évoquer ses propres souvenirs de jeunesse et jouer les touristes nostalgiques. Et tandis qu’il promène son héroïne dans tous les coins de l’Europe, l’Hexagone n’est pas au mieux, et l’écrivain libertaire s’en donne à cœur joie sur les politiques, les actions « proto-individuelles », dans un théâtre d’opération « inattendu, angoissant et passablement mortifère, une vraie pièce de Shakespeare interprétée par des punks no future »

 

[…]

 

Mais revenons à ce cher Dogo qu’on attendra – tel Beckett revu par un anarchiste, tout au long de ce nouveau roman. Particulièrement réussi, parfois mélancolique avant la pirouette salvatrice, En attendant Dogo n’est pas seulement un « feelgood polar », comme Pouy rigole à le définir, il réunit toutes les passions de cet écrivain prolixe. Un peu de poésie, de la musique punk, du cinéma expérimental, des pastiches à tire-larigot, quelques marionnettes, de vraies citations, un brin de nostalgie et un talent pour l’improvisation qui l’empêche de se prendre au sérieux, lorsqu’il s’agit de faire rimer amour avec topinambour, gros lourd ou Rocamadour.

Trois raisons de (re)lire Raymond Roussel, hurluberlu aux mots vagabonds ICI

 

Hubert Prolongeau

Publié le 20/10/19 mis à jour le 07/12/20

 

Excentrique célébré par les surréalistes, l’écrivain Raymond Roussel, mort en 1933, a laissé une œuvre unique, sans personnages ni intrigue, basée uniquement sur le jeu avec les mots. Il est réédité chez Robert Laffont, et bientôt chez Pauvert.

 

Raymond Roussel : De l'alchimie des mots à l'art hermétique - Toutelaculture

1. Parce que sa vie est aussi mystérieuse que son œuvre

Raymond Roussel (1877-1933) est de ces écrivains qu’on appelle excentriques. Né dans un milieu cultivé, mais loin des cénacles littéraires, extrêmement riche, il multiplie toute sa vie durant les extravagances, voyageant en roulotte de luxe, regroupant tous ses repas quotidiens en un seul qui lui prend plusieurs heures et se termine par une soupe au chocolat…

Il souffre aussi d’une homosexualité encore clandestine, passe des heures chez son psychiatre après l’échec de son premier roman – échec relatif, car la presse s’y intéressa : il n’est même pas (hélas, estime-t-il) un artiste maudit… –, adapte ses délirants essais au theâtre, y provoque le scandale en déroutant le public, goûte à l’opium, devient champion d’échecs et meurt d’une overdose médicamenteuse dans un riche hôtel de Palerme.

ROUSSEL (Raymond). - Ensemble de 6 ouvrages de Raymond Roussel. Ens. 7 vol.  - [...] | lot 252 | Arts Moderne et Contemporain, Affiches, Photographies,  Militaria… at LHOMME | Auction.fr | English

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