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7 mars 2022 1 07 /03 /mars /2022 06:00

Tout près du cap Gris-Nez quand j'ai fini d'pêcher on s'retrouv' chez Léonce on est onze on mesure les poissons en vidant des canons…

Je suis aux petits oignons pour mes fidèles commentateurs.

 

Oui, comme eux, je me souviens de Raoul De Godewarsvelde 

 

23 septembre 2015

Tout près du cap Gris-Nez quand j'ai fini d'pêcher on s'retrouv' chez Léonce on est onze on mesure les poissons en vidant des canons… ICI 

 

Jean-Claude Darnal et Raoul de Godewaersvelde en 1969. Photo archives La Voix du Nord

 

Pour parler de lui  rien ne vaut la plume de la Voix du Nord ICI 

 

Dans les années 1960, Jean-Claude Darnal, Douaisien de naissance, s’est installé à Paris où il écrit pour les plus grands de la variété française. L’été, il remonte dans le Nord et séjourne en famille à Wissant (Pas-de-Calais). À la même époque, Francis Albert Victor Delbarre alias Raoul de Godewarsvelde, installe, lui, ses quartiers d’été à deux pas, au Cap Gris-Nez.

 

Quand la mer monte, c’est l’histoire d’une promesse. Un engagement que Jean-Claude Darnal a pris envers son ami Raoul de Godewarsvelde. Mais c’est aussi, et avant tout, une histoire d’amitié, « le type de rencontre rare, différente, que l’on ne s’explique pas », raconte Uta Taeger, épouse du premier.

 

C’est donc la Côte d’Opale qui sera témoin, un jour d’été 1967, de la rencontre entre ces deux hommes. Eux qui partagent « l’amour de la mer et une même vision de la vie » deviennent vite potes. Et c’est tout naturellement, « avec sa grosse voix et son accent du Nord, que Raoul lance à Jean-Claude « J’veux que tu m’écrives une chanson !».

 

« C’était incroyable, ça a pris tout de suite ! »

 

Promesse est faite. Ce n’est qu’à la fin de l’été 1968 que Jean-Claude Darnal attrape sa guitare pour tenir parole. « Je m’en souviens encore. Ce matin-là, je me suis réveillée seule. En bas, Jean-Claude jouait. Je suis descendue et il m’a demandé mon avis. Ma toute première réaction a été de lui dire que faire rimer monte et honte, c’était vraiment nul ! », se remémore amusée Uta.

 

Sans modifier les paroles, le couple se présente le soir même dans la maison du gardien du phare, là où loge Raoul : « Il y avait un monde fou, comme toujours ! » Son mari a alors un trac énorme. « Quand il a commencé à jouer, c’était incroyable. Ça a pris tout de suite ! » « On était tous dithyrambiques, confirme Frédérique Delbarre, fille du chanteur. Il y avait dans les paroles tout ce que mon père avait fait découvrir à Jean-Claude dans les alentours. »

 

La pêche – « surtout le maquereau » – le bistro chez Léonce, les paysages de la côte, et la mer, surtout la mer. « Quand Jean-Claude eut terminé, il y a eu une ovation. Puis tout le monde s’est précipité en face, au bistro de Léonce, pour la lui faire écouter, finit de se rappeler l’épouse du parolier. Ce jour-là, on était à mille lieues de penser que cette chanson paillarde aurait un succès national ! »

 

Jean-Claude Darnal de Douai (France) - Annonce de décès sur enmemoire.be |  en mémoire

Biographie de Jean-Claude Darnal

 

Jean-Claude Darnal naît le 24 juin 1929 à Douai (Nord). Cet aventurier dans l'âme commence par faire la manche aux terrasses de Saint-Germain-des-Prés, guitare à la main. Il part en 1954 en auto-stop sur les routes, suivant les préceptes de Jack Kerouac et anticipant les futures transhumances hippies. Certaines de ses chansons rencontrent alors le succès, interprétées par Edith Piaf ou Eddie Constantine, et Jean-Claude Darnal interrompt son parcours bohème. De retour en France, il se produit en première partie de Georges Brassens et dans différents cabarets.

 

Le natif du Nord enchaîne alors les succès pour d'autres, comme Les Frères Jacques, Annie Cordy ou Les Compagnons de la Chanson. Certains de ses propres titres sont des succès mineurs, tels « Le tour du monde » ou « Toi qui disais ». Son titre « Le soudard » est interdit sur les ondes en raison de son caractère contestataire. C'est en 1968 que Jean-Claude Darnal compose son titre emblématique, « Quand la mer monte » véritable hymne au nord de la France,   interprétée par Raoul de Godewarsvelde. Ce titre donne son nom en 2004 à un film réalisé par Yolande Moreau et Gilles Porte.

 

Jean-Claude Darnal quitte ensuite le monde de la chanson et devient présentateur d'émissions pour enfants de 1966 à 1970. Il devient également auteur de romans, pièces de théâtre et de scénarios pour le cinéma et la télévision. Ce touche-a-tout discret et attachant écrit son autobiographie, On Va Tout Seul au Paradis. Il est le père de Thomas Darnal clavier de la Mano Negra et de Julie Darnal comédienne et chanteuse. Le 12 avril 2011, la mer reflue définitivement quand Jean-Claude Darnal clôt ses paupières pour toujours.

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6 mars 2022 7 06 /03 /mars /2022 08:00

 

Le 18 janvier Timothy Snyder écrivait How to think about war in Ukraine / Comment penser la guerre en Ukraine :

 

 

« On me demande sans cesse si la Russie envahira à nouveau l'Ukraine. Je ne sais pas. La dernière fois que la Russie a attaqué l'Ukraine, en 2014, j'ai fait la bonne prédiction contre la sagesse dominante. Cette fois, nous sommes tous conscients que la Russie pourrait envahir l'Ukraine : après tout, c'est déjà arrivé une fois, il n'y a pas si longtemps, et la Russie a plus de cent mille soldats à la frontière en plus de ceux stationnés dans les régions de l'Ukraine qui il occupe déjà. Mais je ne suis pas sûr de ce qui va se passer ensuite. Je ne suis pas sûr que le Kremlin sache ce qui va se passer ensuite. En effet, je ne suis pas sûr qu'il y ait un accord parmi les élites russes sur ce qui devrait se passer ensuite.

 

Une invasion de l'Ukraine serait une horreur pour les Ukrainiens , qui n'ont rien fait pour la provoquer. L'Ukraine compte environ quatorze mille morts à la guerre et environ deux millions de réfugiés internes de la dernière invasion russe, et les souffrances seraient cette fois bien pires. Les forces déployées par la Russie sont capables d'un niveau de destruction terrifiant. Mais envahir l'Ukraine serait aussi une décision incroyablement stupide de la part de la Russie, et plus de quelques Russes en sont conscients. Cela ressemblerait probablement beaucoup à l'invasion soviétique de l'Afghanistan en 1979 : apparemment réussie au début, puis destructrice du système après quelques années.

 

Mais de quoi s'agit-il ?

 

La suite ICI 

 

 

Le 25 février : Quelques façons d'aider les Ukrainiens

 

 

Une guerre d'agression insensée est en cours. Vous pouvez faire quelque chose.

 

J'utilise cet espace pour partager des idées. Ce soir je vais faire une exception. Je vais en profiter pour faire une suggestion.

 

L'Ukraine a été envahie par la Russie. Toute la journée, les gens m'ont demandé quoi faire. Vous pouvez faire preuve de solidarité. Vous pouvez donner une petite partie de votre argent à une organisation. Cela n'arrêtera pas une guerre. Mais cela aidera les Ukrainiens à s'aider eux-mêmes. Et cela pourrait sauver des vies.

 

L'Ukraine n'est pas un pays riche. Le ménage moyen gagne moins de 7 000 $ par année. Un peu d'argent, envoyé dans la bonne direction, peut faire une différence significative. Et cela pourrait vous donner l'impression que vous avez fait la bonne chose, au moins dans une moindre mesure, au bon moment.

 

La suite ICI 

Historian Timothy Snyder: Ukrainian crisis is not about Ukraine, it's about  Europe - the Lithuania Tribune

mercredi 2 mars 2022

INTERNATIONAL

Ukraine : un peu d’histoire (en lieu et place des mythes) ICI

Par Timothy Snyder

HISTORIEN

 

De l’intérieur comme à l’extérieur, on a souvent tendance à présenter l’histoire de l’Ukraine comme exceptionnelle. Elle ne l’est pourtant que dans la mesure où elle épouse les principales évolutions avec une intensité inhabituelle. C’est la thèse qu’a défendue le grand historien Timothy Snyder lors de la Petryshyn Lecture qu’il a donné il y a quelques jours au département d’études ukrainiennes d’Harvard.

 

Il y a plus de mille ans, des esclavagistes vikings trouvèrent le passage qu’ils cherchaient vers le sud. Celui-ci suivait le fleuve Dniepr, passait par un comptoir commercial appelé Kiev, puis menait à des rapides que même ces Vikings ne pouvaient franchir. Les bateaux étaient alors transportés par les esclaves et des inscriptions furent laissées sur les rives du fleuve qui honoraient les morts. Ces Vikings se faisaient appeler les Rus.

 

L’ancien territoire de la Khazarie se désagrégeait alors. Les Khazars avaient stoppé l’avancée de l’Islam dans le Caucase au VIIIe siècle, à peu près à la même époque que la bataille de Poitiers. Une partie, voire la totalité de l’élite khazare s’était convertie au judaïsme. Les Vikings supplantèrent les Khazars en tant que percepteurs des impôts de Kiev, tandis que coutumes et vocabulaires fusionnèrent. Leurs chefs s’appelaient les « khagans ».

 

Les Vikings avaient compris que la conversion à une religion monothéiste facilitait le contrôle d’un territoire. Les Rus païens envisagèrent, semble-t-il, le judaïsme et l’islam avant de se convertir au christianisme. Leur chef qui, le premier, se serait converti, Valdemar (ou Volodymyr, que les Russes ont appelé Vladimir bien plus tard), avait d’abord régné sur Kiev en tant que païen. Selon des sources arabes, il avait auparavant gouverné une autre ville en tant que musulman.

 

C’est assez curieux, mais somme toute normal. Les Vikings ont contribué à la formation d’États dans toute l’Europe, au moment des conversions millénaires. La Rus de Kiev était conforme à la tradition en matière de politique matrimoniale, envoyant une princesse épouser le roi de France. Ses conflits de succession étaient typiques de la région, tout comme son incapacité à résister aux Mongols au début des années 1240.

 

Par la suite, la plupart des terres des Rus furent récupérées par le Grand-Duché de Lituanie. D’une certaine manière, c’était également normal : la Lituanie était le plus grand pays d’Europe. Kiev transmit ainsi un ensemble de traditions culturelles à Vilnius. Le christianisme avait introduit le Slavon d’église à Kiev. Créé à Byzance pour convertir les Slaves de Moravie, le Slavon d’église fut par la suite introduit en Bulgarie et dans la Rus de Kiev où il a fourni la base d’une langue officielle qui sera adoptée par la Lituanie.

 

La Lituanie fusionna avec la Pologne. Gouvernée depuis Vilnius puis Varsovie aux XIVe, XVe, XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Kiev demeura un foyer de rayonnement européen. Elle fut confrontée à la question linguistique de la Renaissance : ancien ou moderne ? En Europe occidentale, les langues vernaculaires triomphèrent du latin. À Kiev, les choses étaient, comme d’habitude, plus compliquées : le latin en vint à rivaliser avec le slavon liturgique en tant que langue ancienne, et la langue vernaculaire polonaise éclipsa son équivalent ukrainien parmi les élites. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, le polonais trancha la question linguistique. Il fut par la suite remplacé par le russe, en tant que langue des élites, aux XIXe et XXe siècles. Au XXIe siècle, le russe cède sa place à l’ukrainien dans la politique et la littérature. La question de la langue a été tranchée de manière assez logique.

 

Kiev et les territoires environnants furent affectées par la Réforme : l’Ukraine fut en ce sens représentative, mais de manière originale. Ailleurs, la Réforme opposait le protestantisme à un catholicisme romain renaissant. En Ukraine, la religion dominante était le christianisme oriental, ou l’orthodoxie. Mais les riches magnats ukrainiens invitèrent des protestants à construire des églises, et les nobles polonais qui affluaient étaient des catholiques romains. En 1596, il y eut une tentative de fusion de l’orthodoxie et du catholicisme, ce qui donna naissance à une nouvelle Église, appelée Uniate, ou Église gréco-catholique.

Les guerres de religion qui suivirent furent typiques, même si elles furent aggravées par une accumulation de facteurs. La paysannerie ukrainophone fut opprimée afin de générer un surplus agricole pour les propriétaires terriens polonophones. L’élite du pays parlait une autre langue et pratiquait une autre religion que la majeure partie de la population. Les Cosaques, des hommes libres qui avaient servi comme efficaces cavaliers dans l’extraordinaire armée polono-lituanienne de l’époque, se rebellèrent en 1648. Ils adoptèrent l’ensemble des causes ukrainiennes.

 

Une nouvelle entité, la Moscovie, affirma son indépendance à mesure que l’empire mongol occidental se fragmentait.

 

Certains territoires du nord-est de l’ancienne Rus suivirent une autre voie après l’invasion mongole. À partir d’une ville qui était nouvelle, Moscou (qui n’existait pas sous les Rus), des princes acquirent de l’autorité en percevant des impôts pour les Mongols. Une nouvelle entité, la Moscovie, affirma son indépendance à mesure que l’empire mongol occidental se fragmentait. Elle se déploya d’abord vers le sud, puis vers l’est, à travers une extraordinaire campagne de conquête. En 1648, un explorateur russe atteignit le Pacifique, alors que débutait la rébellion cosaque, à quelque sept mille kilomètres de là. La situation de blocage entre la Pologne-Lituanie et les Cosaques permit à la Moscovie de tourner sa puissance vers l’ouest et de conquérir des territoires.

 

Lorsque la Pologne-Lituanie et la Moscovie firent la paix, à la fin du XVIIe siècle, Kiev se trouvait du côté moscovite. Son académie était le seul établissement d’enseignement supérieur de Russie, et ses diplômés y étaient appréciés. Les ecclésiastiques kiéviens expliquèrent à leurs nouveaux souverains que l’Ukraine et la Russie partageaient une histoire commune, ce qui semblait leur donner le droit de la raconter. La Moscovie fut rebaptisée « Empire russe » en 1721 en référence à l’ancienne Rus, qui avait disparu depuis un demi-millénaire à cette époque. De 1772 à 1795, la Pologne-Lituanie fut découpée jusqu’à ne plus exister, et l’impératrice russe (elle-même allemande) proclama qu’elle avait restauré ce qui avait été perdu : là encore, le mythe d’une Rus restaurée. À la fin du XIXe siècle, les historiens russes proposèrent un récit similaire, qui minimisait le côté asiatique de l’histoire russe et les sept cents ans d’existence de Kiev hors de la Russie. C’est plus ou moins le récit raconté par Poutine aujourd’hui.

 

Dans l’histoire réelle, l’Ukraine n’a jamais cessé d’être une question. Un regain national commença dans l’Empire russe peu de temps après la dissolution des vestiges des institutions cosaques. Au XIXe siècle, son centre était Kiev. L’interdiction de l’utilisation de la langue ukrainienne dans l’Empire russe a poussé ce mouvement national vers la monarchie des Habsbourg, où il a bénéficié d’une presse et d’élections libres. La vie ukrainienne s’est poursuivie en Pologne après la dissolution de la monarchie des Habsbourg en 1918.

 

Après la Première Guerre mondiale, les Ukrainiens tentèrent de créer un État sur les ruines des deux empires. La tentative était typique de l’époque et du lieu, mais les difficultés étaient considérables. Les Ukrainiens se retrouvèrent sous le feu croisé peu enviable des Russes blancs, de l’Armée rouge et de l’armée polonaise. Une grande partie de la « guerre civile russe » se déroula en Ukraine ; à son difficile terme, les bolcheviks eurent besoin d’une réponse à la question ukrainienne. C’est pourquoi, en 1922, l’URSS prit la forme qui fut la sienne, une fédération théorique de républiques nationales. Lorsque Boris Eltsine retira la Russie de l’URSS en 1991, il signa un accord avec les dirigeants soviétiques ukrainiens et biélorusses, lesquels représentaient les entités fondatrices officielles de l’URSS.

 

Les histoires de l’Ukraine et de la Russie sont bien sûr liées, via l’Union soviétique et l’Empire russe, la religion orthodoxe et bien d’autres choses encore. (…) Mais la Russie est, dans son expansion initiale et sa géographie contemporaine, un pays profondément lié à l’Asie ; ce n’est pas le cas de l’Ukraine.

 

L’Ukraine était l’endroit le plus dangereux au monde à l’époque où Hitler et Staline étaient au pouvoir, entre 1933 et 1945. Elle était considérée comme le grenier à blé de Moscou comme de Berlin. La collectivisation de l’agriculture entraîna une famine politique qui provoqua la mort d’environ quatre millions de personnes en Ukraine soviétique en 1932-1933. Un désir similaire de réorienter les réserves alimentaires ukrainiennes anima les plans de guerre d’Hitler. La première grande exécution massive de Juifs par les Allemands, à Kamianats’ Podils’kyi, eut lieu en Ukraine. Le plus important épisode de la Shoah par balles, à Babyn Iar, fut le massacre des Juifs de Kiev.

 

Staline et Hitler débutèrent la Seconde Guerre mondiale en tant qu’alliés de facto contre la Pologne. En 1939, ils s’accordèrent pour que la Pologne soit divisée et que sa moitié orientale soit contrôlée par l’URSS. Pour finir, ces mêmes territoires anciennement polonais (ukrainiens de l’ouest) furent rattachés à l’Ukraine soviétique en 1945, tout comme certaines terres de la Tchécoslovaquie. La Crimée fut intégrée à l’Ukraine neuf ans plus tard. De cette manière, l’Union soviétique définit les frontières de l’Ukraine, tout comme elle définit celles de la Russie et de toutes les républiques qui la composent.

 

Les histoires de l’Ukraine et de la Russie sont bien sûr liées, via l’Union soviétique et l’Empire russe, la religion orthodoxe et bien d’autres choses encore. Les nations ukrainienne et russe modernes sont toutes deux toujours en cours de formation, et il faut s’attendre à ce qu’il y ait des enchevêtrements, aujourd’hui et à l’avenir. Mais la Russie est, dans son expansion initiale et sa géographie contemporaine, un pays profondément lié à l’Asie ; ce n’est pas le cas de l’Ukraine. L’histoire de Kiev et des territoires environnants embrasse certaines tendances européennes moins prononcées en Russie. La Pologne, la Lituanie et les Juifs sont des référents indispensables pour tout récit du passé ukrainien. L’Ukraine ne peut être comprise sans prendre en compte les facteurs européens suivants : les mouvements d’expansion de la Lituanie et de la Pologne, la Renaissance, la Réforme, le renouveau national, les tentatives d’établissement d’un État national. Les points de repères des deux guerres mondiales sont profondément ancrés dans les deux pays, mais surtout en Ukraine.

 

L’histoire de Kiev est, pour ainsi dire, extraordinairement normale. Elle s’inscrit parfaitement dans la périodisation européenne classique. La complexité et l’intensité accrues de ces expériences caractéristiques peuvent toutefois nous aider à mieux appréhender l’ensemble de l’histoire européenne. Certaines de ces références sont différentes, voire absentes, en Russie. Cela peut rendre difficile pour les Russes (même de bonne foi) l’interprétation de l’histoire ukrainienne, ou de l’histoire « partagée » : le « même » événement, par exemple la révolution bolchévique ou le stalinisme, peut sembler différent selon le point de vue.

 

Le mythe de la fraternité éternelle, proposé aujourd’hui de mauvaise foi par le président russe, doit être compris comme relevant de la politique et non de l’histoire. Mais un peu d’histoire peut nous aider à déceler la mauvaise foi, et à comprendre la politique.

 

traduit de l’anglais par Hélène Borraz

NDLR : Ce texte est la retranscription traduite de l’anglais de la Petryshyn Lecture donnée le 18 février à au département d’études ukrainiennes de l’université Harvard. Il n’a pas été relu par le prof. Snyder, et la version orginale en anglais est accessible ici.

Timothy Snyder

HISTORIEN, PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ DE YALE

 

La reconstruction des nations - Pologne, Ukraine,... de Timothy Snyder -  Grand Format - Livre - Decitre

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5 mars 2022 6 05 /03 /mars /2022 08:00

Le vent de l’Histoire souffle à nouveau, adieu Francis Fukuyama et « la fin de l’histoire », les Verts ont un coup dans l’aile, foin  des valeurs, place au réalisme, va-t-on assister à un nouveau grand virage où le « chacunisme » va triompher, le réalisme économique s’invite à la table des Grands de ce monde.

 

Deux pièces versées au  dossier :

 

L’une agricole : L'impact de la crise russe pour InVivo - 25/02 ICI 

 

Biographie des dirigeants | InVivo

Ce vendredi 25 février, Thierry Blandinières, directeur général d'InVivo, s'est penché sur l'impact de la crise russe pour sa société, dans l'émission Le Grand Journal de l'Éco du vendredi présentée par Thomas Sasportas

La fin de l'Histoire et le dernier homme : Fukuyama, Francis, Canal,  Denis-Armand: Amazon.fr: Livres

L’autre plus politique : LES VALEURS PROTÈGENT-ELLES DES MISSILES ? ICI

La grande illusion : l’Europe va-t-elle enfin se résoudre à sortir de « sa fin de l’histoire » ? ICI 

 

A trop privilégier les discours -qui plus est hypocrites- sur la défense de ses valeurs plutôt que celle de ses intérêts, l’Europe s’est enfermée dans une bulle d’irréalisme quant aux rapports de force géopolitiques du 21eme siècle.

 

 

Atlantico : Il y a plus de trente ans, l’URSS tombait en Europe entraînant une vague de changement de régime politique dans les pays de l’Est. Francis Fukuyama a alors théorisé « la fin de l’histoire » trop souvent simplifiée et résumée à l'idée que la démocratie libérale et l'économie de marché n'auront désormais plus d'entraves et que la guerre devient de plus en plus improbable. À trop considérer cette fin comme acquise et comme synonyme d’hégémonie occidentale, l’Union européenne s’est-elle enfermée dans une bulle d’irréalisme ?

 

Rodrigo Ballester : En simplifiant cette théorie qui est plus complexe qu’elle n’y paraît, plutôt oui, l’Occident (pas seulement l’Union Européenne) s’est endormi sur les lauriers de la prospérité et du confort et a oublié que l’Histoire avec un grand « H » existait encore et, de surcroît, qu’elle est surtout tragique ou du moins géopolitique. Ceci s’est traduit en Europe par une négligence de la puissance militaire et une naïveté diplomatique ahurissante qui d’une part ignorait certaines réalités ou tendances historiques et, d’autre part, a donné trop de place à la défense des valeurs au détriment des intérêts.

 

 

L’exemple de la Russie est paradigmatique. L’Occident en général a très mal géré la transition post-communiste de l’URSS, en sous-estimant dans les grandes largeurs le sentiment de déclassement du plus grand pays du monde et en assumant que « la démocratie et l’économie de marché » allaient tout régler. En oubliant, par ailleurs, la susceptibilité russe (surtout par rapport à sa zone d’influence qu’elle estime inviolable), l’agressivité qui en découle et le ressentiment envers cet Occident que la Russie perçoit comme un adversaire hostile. Des erreurs de calculs à répétition, une nonchalance géopolitique qui se payent aujourd’hui au prix fort.

 

Il ne s’agit aucunement de justifier l’invasion russe de l’Ukraine, une violation du droit international d’une énorme gravité et une agression aux conséquences incalculables. Je dis simplement qu’une approche plus ferme et réaliste sur le long terme aurait probablement refroidi les ardeurs guerrières de Putin.

 

  • Quelles sont les erreurs stratégiques que l’UE a commises depuis la fin des années 80 et qui ont – d’une certaine manière - amené à notre impuissance actuelle face à l’invasion de l’Ukraine par la Russie ?

 

Rodrigo Ballester : Erreurs stratégiques, faux pas, ou actes délibérés, la listes des gestes perçus comme arbitraires ou comme des provocations par la Russie est longue.

 

Il est évident que l’élargissement de l’OTAN jusqu’aux frontières mêmes de la Russie a été une mené avec une incroyable maladresse en assumant que Moscou avalerait ces couleuvres sans trop rechigner. Le sommet de Bucarest en 2008 au cours duquel l’OTAN ouvrit la porte à l’Ukraine et à la Géorgie reste une fracture majeure pour la Russie et la preuve, à leurs yeux, que l’Occident n’avait que faire des intérêts stratégiques russes. Pourtant, Putin avait été clair et cinglant un an auparavant dans son discours iconique de la Conférence sur la Sécurité de Munich. Il y avait vertement critiqué le monde unipolaire, il y fustigeait l’hypocrisie occidentale, évoquait l’érosion de confiance et se demandait même « contre qui » était mené l’élargissement de l’OTAN. Cinq mois plus tard, Moscou envahissait la Géorgie.

 

La reconnaissance du Kosovo a également été perçue par la Russie comme une violation unilatérale de la stabilité des frontières et l’exemple paradigmatique du « deux poids, deux mesures » occidental. Putin y faisant encore référence il y a quelques jours en annonçant la reconnaissance des républiques séparatistes d’Ukraine, c’est dire si c’est une plaie béante en Russie. Finalement, l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine, qui sur le papier n’avait pas l’air déterminant, déclencha les révoltes de Maïdan.

 

Plus généralement, en ce qui concerne la planification stratégique de l’Europe, il est évident que sa politique énergétique est n’une naïveté coupable. Comment concevoir que l’Europe reste largement dépendante des matières premières de ses adversaires, pourquoi donner cet avantage stratégique à Putin alors que les tensions vont bon train depuis une quinzaine d’années ? Comment enterrer le nucléaire alors qu’en plus d’être une énergie décarbonée, cette énergie réduit la dépendance de l’Europe ? Que penser du très contesté gazoduc Nordstream II, une aberration géopolitique, que l’Allemagne a imposé malgré les réticences de ses voisins européens et les remontrances de plusieurs présidents américains. Ils viennent d’en suspendre la certification, à la bonne heure… Tourner la page du nucléaire tout en construisant ce gazoduc est incompréhensible.

 

Finalement, il est évident que l’Europe dans son ensemble ne sera jamais prise au sérieux tant que son niveau de dépense militaire reste rachitique et qu’elle continue de déléguer sa sécurité totalement sur l’OTAN. L’UE est insignifiante sur tous les tableaux sauf sur le front commercial. C’est important, mais cela ne suffit pas à s’imposer.

 

  • L’Union européenne a-t-elle trop tendance à privilégier la défense de ses valeurs plutôt que celle de ses intérêts stratégiques ? Quitte à donner de grands discours sans les faire suivre d’actes ?

 

Rodrigo Ballester : Pire que cela, quitte à faire de grands discours qui compromettent ses intérêts ! Oui, clairement, l’UE semble obnubilée par le discours moralisant des valeurs et se rêve en autorité morale. Sa politique extérieure (autant celle des institutions européennes que celles de nombreux états) multiplie les positions dogmatiques sur le ton docte et péremptoire des détenteurs de la vérité au détriment de ses intérêts les plus primaires. Cette attitude braque certains états tiers, mais elle mine surtout sa crédibilité auprès de certains autres qui voient la dérive politiquement correcte comme une aubaine géopolitique.

 

Ce messianisme est d’autant plus néfaste qu’il mine également la cohésion interne de l’Union alors que cette dernière est indispensable pour relever les défis géopolitiques qui assaillent l’UE. Comment échafauder une coordination européenne en matière de défense si le Premier Ministre hollandais déclare qu’il veut « mettre la Hongrie à genoux » après l’adoption de la loi sur la protection des mineurs? Comment bâtir la confiance nécessaire et parler d’une seule voix sur la scène internationale alors que Bruxelles retient les fonds de relance à la Pologne ?

 

Il y a un narcissisme fatal dans cette dérive. Alors que le monde suit son cours géopolitique, l’Occident et l’Europe se pâment devant le miroir de leur vertu. Résultat : des déclarations tonitruantes et menaçantes qui débouchent sur des actions qui le sont beaucoup moins. Joe Biden, vient de déclarer sur un ton martial…qu’il n’était pas encore prêt à exclure la Russie du système bancaire Swift, alors que les blindés avancent sur Kiev.

 

Attendons de voir, nous ne sommes qu’au début de ce conflit et il est difficile d’anticiper l’ampleur et l’impact des sanctions, mais pour l’instant, ces mesures semblent timorées face à la détermination et l’agressivité de Moscou. Et si demain c’était Taiwan ?

 

Notons que ce messianisme stérile est bien plus l’apanage de l’Ouest de de l’est de l’Europe. Les anciens pays communistes ont une conscience historique plus réaliste et sont dès lors bien plus pragmatiques.

 

  • Le bouleversement géopolitique entraîné par le retrait Américain en Afghanistan aurait-il dû provoquer un électrochoc en Europe ? Pourquoi cela n’a-t-il pas été le cas ?

 

Rodrigo Ballester : L’électrochoc aurait dû se produire bien avant, à l’aune des avertissements dont Putin n’a jamais été avare, des rodomontades de Trump sur l’OTAN ou simplement en sortant la tête du guidon des valeurs et du commerce quelques instants pour constater que la géopolitique revenait par la grande porte après des années de prospérité et de calme. L’Afghanistan, c’était il y a quelques mois, autant dire quelques secondes à l’échelle de l’histoire, et ce fut plutôt le point culminant de décennies de négligence plutôt que le début d’une prise de conscience salvatrice. Nuançons, tout de même : les discussions sur la puissance européenne ou une politique de défense commune sont sur la table depuis des nombreuses années. Mais les résultats ne sont pas au rendez-vous. La tâche est titanesque, certes, ce n’est pas une mince affaire, mais que cette naïveté ambiante, cette obsession des valeurs et ce refus de voir la réalité en face nous handicapent !

 

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Ce que l’invasion de l’Ukraine fait voler en éclat dans le discours de la plupart des candidats à la présidentielle 2022

Au vu de la situation actuelle, l’Union européenne peut-elle encore rebondir, sortir de ses illusions, ou est-elle condamnée à couler ? Qu’est ce qui pourrait faire basculer les choses dans un sens plutôt que l’autre ?

 

Rodrigo Ballester : Elle doit rebondir, et elle va rebondir. Soyons clairs, en attaquant l’Ukraine de la sorte, Putin a fait voler en éclats l’ordre géopolitique post Guerre Froide. Devant cette nouvelle donne historique, l’Europe ne peut se réveiller de sa léthargie et de sa candeur, il n’y a pas d’autre choix que ce sursaut majeur, c’est une question existentielle!

 

Il y a des signes encourageants : pour l’instant, l’UE agit comme un seul homme, et attendons notamment de voir la liste finale des sanctions européennes (adoptée il y a quelques heures) pour en estimer l’impact et l’ampleur.

 

Sur le long terme, il me paraît urgent que chaque Etat membre augmente ses dépenses militaires dans le cadre de l’OTAN, diminue rapidement sa dépendance énergétique (notamment à travers le nucléaire). Finalement, il est indispensable que l’UE redécouvre l’une de ses qualités originales : le pragmatisme. La meilleure façon d’unir les européens pour qu’ils relèvent les défis géopolitiques c’est de ne pas les opposer en interne à coups de débats dogmatiques et idéologiques. Franchement, quel est l’intérêt de s’affronter sur des sujets sociétaux alors que la guerre, la vraie, gronde aux frontières de l’Europe ?

 

L’heure est à l’union sacrée face à cette agression sans précédents et pour l’instant, l’UE réussit à parler d’une seule voix. Restons confiants.

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5 mars 2022 6 05 /03 /mars /2022 06:00

 

Aujourd’hui, on connaît surtout Frédéric Pajak pour ses livres. Mais son amour pour les journaux ne date pas d'hier, voilà cinquante ans qu’il en fait. Sa dernière création est une revue, «L’Amour», dont le premier numéro vient de paraître. «J’aime les journaux qui ne ressemblent pas à des journaux, qui ont des airs d’expérimentations, de préférence éphémères», explique-t-il dans son éditorial.

 

 

D'amour et d'encre ICI

 

Ça tombe bien, comme Patrick Morier-Genoud j’ai particulièrement aimé les textes de Michel Thévoz et de Julie Bouvard

 

Édition du 12 novembre 2021

 

Il n’est pas de sauveur suprême, et après le bobo, voilà le mimi

 

 

 

Vous ferez comme vous voulez, moi j’ai particulièrement aimé les textes de Michel Thévoz et de Julie Bouvard. Celui de Thévoz, A bas le chef, vivre l’orchestre !, est un encouragement à se passer de chef, en tout, partout, pour tout. C’est un texte subversif: «J’aime l’idée qu’un jour, le premier violon d’un ensemble symphonique, au moment le plus intense du concert, et à la stupéfaction du chef d’orchestre, s’arrête de jouer, qu’il quitte la scène, qu’il quitte l’orchestre, qu’il quitte sa carrière, sa femme, son avoir, la société, l’Occident…» Non, il n’est pas de sauveur suprême.

 

 

 

Dans Après le bobo ou Petite généalogie de l’insensibilité, Julie Bouvard dissèque en entomologiste si parfaitement cruelle «cette vaste ménagerie humaine qu’est Paris». Son étude dépasse bien sûr la ceinture périphérique de la capitale française et s’applique à toutes les grandes villes occidentales – aux petites aussi, il y a des exemples. A côté du bourgeois-bohème, Julie Bouvard a découvert une nouvelle espèce: le mimi, le mignon-misère. «Contrairement au bobo, le mimi n’a pas beaucoup d’argent, si ce n’est pas du tout. (…) Et contrairement au bobo sadique, le mimi est un ravi.» Julie Bouvard ne se moque pas, elle n’est ni humoriste ni chroniqueuse sur France Inter. Elle observe et décrit: «À ce petit monde, ce n’est pas même leur propre personne qui sert de pivot, mais l’image qu’ils se veulent avoir d’elle. (…) Le monde intérieur du nouvel homme, c’est un gigantesque miroir circulaire fermé sur lui-mêmeUn monde insensible «fossilisé dans l’indifférence.» Il faut le voir mieux pour ne plus y croire.

Né à : Suresnes, le 10/12/1955

Biographie :

 

Frédéric Pajak - Babelio

Frédéric Pajak est un dessinateur, écrivain et éditeur franco-suisse.

 

Rédacteur en chef de plusieurs journaux culturels et satiriques, notamment le mensuel culturel Voir, il publie également des dessins dans ses journaux, gagne un prix du scénario à Locarno pour un film en préparation.

 

En 1987, il publie un roman "Le bon larron" publié chez Bernard Campiche éditeur. "L'Immense solitude", paru en 1999, est l'ouvrage qui le fait connaître. Pour ce livre, il reçoit le Prix Michel-Dentan 2000.

 

Au printemps 2006, il publie un roman chez Gallimard, "La Guerre sexuelle".

 

Il a également lancé de nombreuses revues dont "L'Imbécile" et il édite chez Buchet Chastel la collection "Les Cahiers dessinés", dans laquelle il rassemble des peintres, des dessinateurs et des auteurs de bande dessinée.

 

Il remporte le prix Médicis essai 2014 pour le troisième tome du "Manifeste incertain". En 2015, il obtient le Prix suisse de littérature. Frédéric Pajak remporte le Goncourt de la biographie 2019 pour le 7e tome de sa série "Manifeste incertain" paru aux éditions Noir sur blanc en 2018.

 

Il est le fils de l'artiste peintre Jacques Pajak (1930-1965). Marié à la dessinatrice romande Lea Lund, il passe son temps entre Lausanne et Paris.

 

Michel Thévoz, né en 1936, professeur honoraire à l'Université de Lausanne, a été conservateur au Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne de 1960 à 1975, puis conservateur de la Collection de l’Art Brut depuis sa fondation en 1976. Il a consacré une vingtaine d’ouvrages à des phénomènes borderline tels que l’académisme, l’art des fous, le spiritisme, le reflet des miroirs, le syndrome vaudois, l’infamie, le suicide. ICI 

Julie Bouvard - Dessinateur projeteur architecture - MAISONS EDEN | LinkedIn

Née à : Moscou, 1979

Biographie :

 

Née à Moscou en 1979, Julie Bouvard a grandi à Paris dans une famille biculturelle.

 

En 2004, elle traduit deux recueils de nouvelles de Natalia Jouravliova (Ed. L’Inventaire).

 

Elle achève une thèse sur la littérature russe du XIXe siècle tout en poursuivant son activité de traductrice. Elle est lauréate du Prix Russophonie 2011 pour sa traduction du "Syndrome de Fritz" de Dmitri Bortnikov.

 

Elle traduit actuellement l’ouvrage d’Edouard Kotcherguine "Le baptême des barreaux" (Ed. Noir sur Blanc).

Responsable éditoriale

Les Cahiers dessinés

nov. 2016 - aujourd’hui · 5 ans 4 mois nov. 2016 ICI 

 

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4 mars 2022 5 04 /03 /mars /2022 08:00

 

« Le contexte géopolitique mondial n'a pas été aussi instable et imprévisible depuis des décennies. Aux portes même de l'Europe, chez notre voisin ukrainien, la guerre fait rage depuis que le président russe, Vladimir Poutine, a pris la terrible décision d'envahir le pays, le 24 février dernier, avant de «mettre en alerte» la force de dissuasion nucléaire trois jours plus tard, visant ainsi l'Occident. Une folie conquérante qui planait depuis plusieurs semaines, et qui nous rappelle brusquement que nous ne sommes pas à l'abri d'une guerre d'ampleur. Jamais. »

La «Tsar Bomba», plus puissante bombe nucléaire jamais conçue, exposée à  Moscou | La Presse

Que se passerait-il si une bombe nucléaire tombait sur Paris? ICI 

Robin Tutenges — Édité par Yann Guillou — 28 février 2022

 

Tsar Bomba ICI

 

Ne vous laissez pas avoir par sa sonorité presque enfantine: la Tsar Bomba est la plus puissante bombe de l'Histoire. Développée par l'industrie nucléaire de l'Union soviétique, elle a explosé dans l'atmosphère le 30 octobre 1961 au-dessus du site de Novaya Zemlya, en Russie. Un monstre 3.000 fois plus puissant que les bombes américaines lancées sur les villes d'Hiroshima et Nagasaki.

 

Longue de 8 mètres de long et avec un diamètre de 2 mètres, la Tsar Bomba dégage une puissance supérieure à 50.000 kilotonnes. Si elle venait à tomber sur l'Hôtel de Ville de Paris, les dégâts seraient inimaginables.

 

La boule de feu nucléaire serait alors de 113 kilomètres carrés, tandis qu'un souffle lourd balayerait une surface de 200 kilomètres carrés, détruisant les bâtiments en béton et faisant presque 100% de décès. Au total, plus de 8.000 kilomètres carrés seraient impactés par une telle explosion –quasiment jusqu'à Chartres.

 

Le bilan humain serait à peine croyable: plus de 6 millions de personnes périraient dans la catastrophe, qui ferait également plus de 2,5 millions de blessés. Sans oublier les conséquences des radiations sur une surface bien plus large, ce qui viendrait gonfler ces chiffres morbides sur des années. Le scénario-catastrophe a de quoi faire peur et nous rappelle toute l'inhumanité des guerres et de leurs armes.

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4 mars 2022 5 04 /03 /mars /2022 06:00

El Mago de Rene Magritte (1898-1967, Belgium) | Grabados De Calidad Del  Museo Rene Magritte

En lisant les 5 métiers tendances dans la food dans un « PQ » dénommé Demotivateur j’en suis tombé le cul par terre, et ce n’est pas la faute à Voltaire mais à l’insignifiance de notre temps. Cerise sur le gâteau y’a même « une école de commerce dédiée à la Food Business et propose un large panel de cursus afin de permettre à quiconque de s’élever dans l’univers professionnel de la food.

 

Les diplômés de l’école FMS pourront ainsi travailler dans de multiples services tels que le marketing, la vente, la communication, le digital, l’événementiel, les médias, la finance, et tant d’autres. Grâce au double diplôme de l’école, ils accéderont à des postes à responsabilité comme manager, responsable, directeur ou entrepreneur ainsi qu’à des métiers tendances plus spécifiques au domaine de la food, dont nous vous présentons 5 exemples :

Digital Food Manager

Designer culinaire

Manager d’émission de TV culinaire

Spécialiste de tourisme œnogatronomique

Food blogger / Influenceur

 

ICI 

 

Dis-moi d’où vient ton pognon pour tes prestations et je te situerai sur l’échelle de Richter de la crédibilité ?

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3 mars 2022 4 03 /03 /mars /2022 08:00

La caricature a été publiée sur le compte Twitter officiel de lUkraineLa caricature a été publiée sur le compte Twitter officiel de l'Ukraine. [© Capture d'écran/ Twitter]

Paul Auster: «En envahissant l'Ukraine, Poutine se comporte comme Hitler»

 

New York

 

Au début, Paul Auster s'est montré quelque peu réticent, et ça se comprend. Car sa famille est originaire des régions aujourd'hui menacées par Poutine. Au-delà de son impact géopolitique, l'invasion de l'Ukraine a donc également un impact émotionnel sur lui. Mais c'est précisément pour cette même raison qu'il se laisse finalement aller à un commentaire glaçant : «J'ai l'impression de revivre l'atmosphère du 1er septembre 1939», à savoir l'invasion de la Pologne par les nazis, événement qui a déclenché la Seconde Guerre mondiale.

 

Poutine-Hitler, même combat ?

 

Hitler a annexé l’Autriche et les Sudètes (Tchécoslovaquie) avant d’envahir la Pologne en 1939. Ses méthodes rappellent la posture belliqueuse de Poutine…

http://www.slate.fr/sites/default/files/styles/1060x523/public/000_323u4pp.jpg

Peut-on raisonnablement comparer la stratégie de Poutine à celle d'Hitler?

Alain Bergounioux et Telos — 25 février 2022 à 7h00

Manœuvres militaires et diplomatiques, combats idéologiques... La posture méthodique et l'offensive militaire du président russe peuvent rappeler celles du leader du Troisième Reich. Jusqu'à quel point?

 

Tout le monde convient que Vladimir Poutine n'est pas Adolf Hitler, le premier entend rétablir l'empire russe, territorialement avec les territoires russophones, internationalement, avec ses zones d'influence, le second voulait imposer une domination totale sur l'Europe et dans le monde, avec un empire fondé sur la race, conquérant et destructeur.

Une mise en perspective peut cependant être utile. Car les points communs ne sont pas négligeables.

 

Le premier tient au fait que ce sont deux dictateurs. Les types d'État ne sont, évidemment, pas les mêmes, mais leur pouvoir personnel est une réalité. Les intellectuels et les politiques français qui évoquent les élections, dans la Russie d'aujourd'hui, ne manquent pas d'audace! Quand les opposants sont en prison ou empêchés de concourir, quand les médias sont étroitement contrôlés, quand les associations de la société civile sont dissoutes, quand elles contestent les affirmations du pouvoir et son histoire officielle, comme récemment l'association Mémorial, il devrait être difficile de parler de démocratie. Ou alors les mots n'ont plus de sens.

 

 


Dans le texte commun, publié par la Chine et la Russie, lors de la rencontre entre Vladimir Poutine et Xi Jingping, lors de l'inauguration des Jeux olympiques à Pékin, la revendication de la «vraie» démocratie pour leurs régimes, opposée à la fausse démocratie occidentale décadente, devrait rappeler toute la propagande sur les «démocraties populaires» dont l'histoire a montré toute la vanité.

Une politique de puissance extrêmement méthodique La suite ICI

 

Partout dans le monde, la solidarité avec l'Ukraine se manifeste dans la  rue | Guerre en Ukraine | Radio-Canada.ca

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3 mars 2022 4 03 /03 /mars /2022 06:00

Membre fondateur des 5 du Vin, où je ne me suis jamais senti à ma place au beau milieu des doctes critiques du marigot vineux,  vilain petit canard je l’étais déjà et depuis mon départ rapide de ce blog il s’est « enrichi » de pourfendeurs des vins nus. Comme nous sommes en période de salon de l’agriculture « cela m’en touche une sans faire bouger l’autre » et je laisse le soin à Pax de dépiauter leurs exécrations.

 

Pour autant, dans cet océan convenu, Marie–Louise Banyols, ICI dont le métier fut d’acheter du vin pour le faire vendre, ce qui pas le cas de ses confrères, ouvre les portes et les fenêtres de ce blog sur un univers pas toujours facile à cerner j’en conviens.

 

 

Je cite une partie de sa conclusion : «   Les vins produits de cette manière se ressemblent quel que soit le terroir. Elaborer du vin sans soufre demande des connaissances et une pratique que chaque vigneron doit dominer. Pour autant, ils évoluent dans un contexte où les consommateurs ne semblent pas exigeants, bien au contraire, ils paraissaient très souvent satisfaits si j’en crois les commentaires éloquents que j’entendais autour de moi : des dégustateurs qui ne tarissaient pas d’éloges pour un vin que j’aurais jeté à l’évier. J’avoue que j’ai eu beaucoup de mal à comprendre certaines réactions face à des vins que je jugeais personnellement pas commercialisables. Il est aujourd’hui de plus en plus difficile de ne pas tenir compte des goûts et des tendances actuelles, et, beaucoup de domaines offrent maintenant des vins nature propres et uniques, comme ceux dont j’ai parlé. L’élaboration du vin Nature réussi, aboutissement d’une viticulture propre, ne peut que renforcer la qualité du vin, j’en conviens, mais, je me refuse à participer à cette euphorie générale sans limites, sans culture, qui trouve tout « génial » sous prétexte que c’est nature. »

 

Pour ma part, je sais que l’on va me taxer de suffisance, je ne vois pas au nom, de quoi et de qui, je devrais justifier mes goûts, je ne les impose à personne, je les assume sans prosélytisme, libre à chacun de boire ce qu’il souhaite, de suivre les commentaires des auto-proclamés sachants, de licher des vins formatés, mais de grâce que les soi-disant sachants arrêtent de conchier des vins qu’ils n’ont jamais goûté.

 

Portrait de Marie-Louise Banyols par Fabien Nègre

Merci Marie–Louise pour cette chronique :

 

Ça y est, les salons professionnels refleurissent, et les vignerons abandonnent leurs vignes quelques jours pour y participer, histoire de rattraper  le temps perdu. Ainsi, après deux ans d’interruption pandémique, le Salon du Vin Naturel organisé par l’Association des Producteurs de Vin Naturel (PVN : défense du Vin Naturel pur issu d’une agriculture biologique, respectueuse et équilibrée et élaboré sans aucun additif à la main par de petits vignerons) est revenu à Barcelone les 6 et 7 février derniers, à la « Nau Bostik », dans le quartier de La Sagrera. En Espagne, le mouvement du vin naturel connaît une période de croissance très importante.

 

 

 

Si vous débarquez pour la première fois à la Nau Bostik, vous risquez d’être surpris, tenir un salon de vins dans un tel lieu, peut paraître irréel. Jusqu’en 2006, l’Entrepôt Bostik était l’une des cinquante usines que possédait une multinationale américaine -The Boston Blacking Co. spécialisée dans la colle à chaussures. Il existe une tradition à Barcelone d’occuper des espaces d’usine abandonnés à des fins sociales: le groupe d’entrepôts de l’usine Bostik renaît en 2015 en tant que projet culturel et artistique. Tant l’extérieur comme l’intérieur sont inattendus, et en même temps ça cadre parfaitement avec l’image en général dans le style baba-cool des exposants. Mais il n’y a pas que  l’endroit qui interpelle, la jeunesse des visiteurs, leur look, l’est tout autant…en outre, il n’y manquait ni chiens, ni poussettes, ni enfants!

 

La suite ICI 

 

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2 mars 2022 3 02 /03 /mars /2022 08:00

Livrenpoche : Acheter d'occasion le livre La fin d'une agriculture -  François-Henri De Virieu - livre d'occasion

Le bon peuple va assister au grand défilé des candidats à l’Elysée dans les travées du salon de l’Agriculture, tâter le cul des vaches, licher quelques nectars, engloutir des bouts de fromage, serrer des pognes, essuyer des horions, brosser dans le sens du poil les dirigeant (e)s, prononcer quelques phrases définitives, faire des images pour les réseaux sociaux, vont tenir lieu de politique agricole.

 

Faut-il le regretter ou s’en féliciter ?

 

Au XXI siècle c’est quoi l’agriculture dans notre vieux pays ?

 

Une arme stratégique dans un monde mondialisée, une simple productrice de minerai pour l’agro-alimentaire, un maillon faible, un pilier essentiel de notre indépendance alimentaire ?

 

Faut-il faire des choix entre une agriculture productive et une agriculture plus verte ?

 

Le tout dans le cadre d’une nouvelle PAC que certains qualifient de déclinistes.  «Pour une PAC créatrice de valeur dans l’ensemble des filières et des territoires». La tribune de 164 parlementaires ICI 

 

Pourquoi les candidats à la Présidentielle auraient-ils besoin de nous exposer leur programme agricole alors que le vrai problème pour les citoyens est de définir une politique de l'économie alimentaire ?

 

Bref, moi qui suis un vieux cheval de retour, je rêve du temps où l’on débattait dans les colonnes du Monde avec René Dumont et François-Henri de Virieu sur « LA FIN D'UNE AGRICULTURE »

Campagne de René Dumont : l'écologie entre en politiqueFrançois-Henri de Virieu (1931-1997) | Guns, Cannon

René Dumont, F.H de Virieu, les agronomes et juristes de la rue de Varenne sont « à peu près totalement ignorants des mécanismes élémentaires de l'économie moderne ».  
Qui se souvient de F.H de Virieu

« LA FIN D'UNE AGRICULTURE » de F.-H. de Virieu 
Par RENÉ DUMONT
Publié le 04 février 1967

 

En 1946, avec le Problème agricole français, je proposais un premier schéma général de modernisation, qui fit hurler certains, horrifiés par la seule perspective de la disparition progressive d'un million d'exploitations agricoles.

 

En 1948, voyant toute notre civilisation agricole esquisser déjà le plus rapide des tournants de son histoire, je me hâtais d'en prendre une série d'instantanés (1), tout en suggérant quelques possibilités locales d'évolution. Les événements ont été plus rapidement encore que les plus hardis d'entre nous ne le prévoyaient. Aussi, Serge Mallet a-t-il pu écrire les Paysans contre le passé (2) ; tandis que Gervais, Servolin et Weill ont annoncé Une France sans paysans (3). Situation que confirme bien le titre du livre de François-Henri de Virieu : la Fin d'une agriculture (4). Après Tibor Mende, Robert Guillain et quelques autres, il nous révèle qu'un journaliste, attaché par métier aux réalités quotidiennes, peut arriver à dominer son sujet en nous traçant une fort brillante esquisse.
Voici enfin le terrain déblayé ; et l'opinion paysanne comprend mieux chaque jour que, les ventes alimentaires étant moins extensibles que celles de produits industriels, mieux vaudrait être moins nombreux à partager un gâteau. Un juste hommage est rendu par Virieu au courage d'Edgard Pisani, qui sut se dresser contre les préjugés d'une droite et d'une gauche rivalisant souvent dans la défense des traditions, en s'appuyant sur les forces neuves du jeune syndicalisme agricole, et plus particulièrement du Centre national des jeunes agriculteurs. Mais, note-t-il, " Pisani a deux défauts graves : il ne sait pas s'entourer et parle pour parler, sans toujours se préoccuper de ce qu'il advient des idées qu'il lance. Ses analyses enchantent ceux qui cherchent à comprendre et qui aiment voir élever le débat. Elles déroutent ceux qui ont besoin d'agir ".
La Ve République a presque triplé les aides financières de la collectivité à l'agriculture en huit ans, mais la IVe République - fait généralement ignoré - avait fait mieux entre 1954 et 1958. Dans ces allocations, " la part du lion est allée aux dépenses de soutien des marchés agricoles ", ce qui, note l'auteur, " n'est pas précisément fait pour préparer l'agriculture française à la concurrence de pays qui... emploient toutes leurs ressources à moderniser leur équipement ".
Si les prix agricoles de 1966 procurent aux agriculteurs un pouvoir d'achat supérieur de 26 % à celui de 1958, l'auteur souligne avec raison que les revenus des autres groupes sociaux ont progressé plus vite. Cependant, quand il écrit qu' " un tel résultat n'avait jamais été obtenu dans le passé ", il s'avance trop, car cela signifierait que jamais le niveau de vie paysan ne s'est élevé, ce qui n'est pas exact. J'hésiterais un peu aussi à dire avec lui que les agronomes et juristes de la rue de Varenne sont " à peu près totalement ignorants des mécanismes élémentaires de l'économie moderne ". L'ignorance n'est pas universelle : il existe au moins le service d'études et de synthèse. Il était cependant bon de souligner cette ignorance, car elle est bien répandue.
" Il faudra longtemps pour améliorer la situation de l'Ouest surpeuplé ", nous dit fort justement l'auteur. Que dirait-il alors des deltas asiatiques surpeuplés où le travail des derniers arrivants a une productivité à peu près nulle ? C'est là un des problèmes les plus angoissants pour l'avenir de l'agriculture mondiale. L'auteur souligne que dans un monde " où les deux tiers des habitants ne mangent pas à leur faim " le jour n'est peut - être pas si éloigné où " l'intendance aura son mot à dire dans la grande politique ". Jusqu'à présent, chez nous, " les préoccupations alimentaires ne côtoyaient que rarement celles de la grandeur ", mais on peut imaginer qu'il sera " dans l'avenir aussi utile pour la France - et aussi prestigieux - d'être membre du club des cinq grands exportateurs de denrées alimentaires que du club nucléaire ". Et l'auteur rappelle que selon que la France choisira de nourrir la clientèle exigeante de l'Europe ou bien le " tiers monde " " elle ne devra pas pratiquer la même politique agricole ".
La thèse de fond de l'ouvrage est que " l'agriculture n'est qu'un simple maillon de la chaîne de fabrication de la nourriture des hommes ". Pour ne pas l'avoir compris, les équipes dirigeantes de la Ve République se sont bornées à avoir " une politique agricole alors que le vrai problème était de définir une politique de l'économie alimentaire ". Disciple des jeunes économistes de l'I.N.R.A. (Institut national de la recherche agronomique), Virieu annonce que " l'exploitation agricole - ou plutôt ce qui en restera - sera satellisée et dirigée de l'extérieur ".
Ce livre se lit comme un roman, au moins pour ceux qui s'intéressent à nos problèmes agricoles. Et il représente un gros effort d'objectivité. Il souligne les mérites des tentatives de modernisation, qui ont appris aux cultivateurs à " découvrir l'univers économique, admettre la nécessité de l'exode, s'insérer dans la nation et compter sur eux-mêmes " (tout comme les Chinois), au lieu de se faire offrir, selon l'expression de F. Bloch-Lainé, des " béquilles spéciales pour boiter à l'écart ". Mais il ajoute : " Ni les milliards ni l'avalanche des textes législatifs et réglementaires publiés en huit ans n'ont sérieusement infléchi le cours des choses... Faute d'une vision claire de l'avenir et d'une stratégie globale, le gouvernement s'est contenté d'accompagner les évolutions qu'il lui semblait déceler dans le monde paysan. Il ne les a ni hâtées ni freinées. "
Certaines propositions de Virieu vont au cœur des problèmes : " Qu'il s'agisse de loger ou de nourrir la population, le problème ne se pose pas différemment : il faut trouver le moyen de mettre les surfaces nécessaires hors marché. " Et certaines formules frappent très juste : " Prise isolément, l'entreprise agricole n'a pas plus d'importance qu'une fraiseuse dans un atelier de mécanique. " L'auteur nous rappelle opportunément que " chaque agriculteur des Pays-Bas exporte autant que dix agriculteurs français ".
Il nous propose pour terminer une esquisse de ce que pourrait être la structure de l'agriculture de demain et une série de choix qui s'imposent à la paysannerie. Mais nous n'allons pas les résumer ici, car nous conseillons plutôt à ceux qui s'intéressent à ces problèmes de lire cet excellent petit livre, peut-être un peu vite écrit, mais le temps presse.
(1) Voyages en France d'un agronome, 1951 et 1956.
(2) Le Seuil, 1962.
(3) Le Seuil, 1965.
(4) Bilan de la V République : la fin d'une agriculture (Calmann-Lévy, 1967, 286 p., 11,40 F). Deux autres bilans sont publiés simultanément dans la même collection : les Politiques, par Pierre Viansson-Ponté, et l'Économie au service du pouvoir, par Philippe Bauchard.
RENÉ DUMONT

Ça avait de la gueule alors que maintenant il nous faut nous contenter de Jean-Marie Séronie

Le brouillard agricole des candidats à l'Elysée

 

Présidentielles : Par quelle fenêtre les candidats regardent-ils l’agriculture ?


 


 

Les candidats à l’Élysée proposent-ils une vision claire pour l’avenir de l’agriculture, secteur stratégique pour notre sécurité alimentaire, notre santé et le changement climatique. Dans cette campagne très vaporeuse, qui n’imprime pas, qui ne débat pas encore, l’agriculture est elle aussi enfouie dans la brume ! À la veille du salon de l’agriculture, tentons de dissiper un peu ce brouillard.


 

La lecture des quelques lignes de programme agricole des candidats, l’écoute des premiers interviews et du seul grand oral ayant déjà eu lieu, révèlent surtout beaucoup de flou, voir une improvisation à quelques exceptions près et surtout un conformisme inquiétant.


 

Chaque candidat aborde la question agricole par une fenêtre, un angle global qui lui est propre.


 

Fabien Roussel nous parle vin, viande, fromage, un bon repas pour « La France des jours heureux ». L’alimentation est son cheval de bataille agricole, les cantines un fer de lance pour former nos enfants. Il promet dix milliards (plus que le budget de la Politique Agricole Commune) pour accompagner les collectivités à préparer des bons repas, pas chers, pour nos bambins. Le reste se résume à une loi de programmation et des réglementations sur les prix, la nationalisation d’une banque pour financer l’agriculture, l’arrêt de l’intervention du secteur privé dans l’assurance récolte …


 

Jean-Luc Mélenchon, raconte une nouvelle histoire, propose une « révolution agricole et alimentaire ». A ce jour, il a le programme le plus précis, le plus travaillé, chiffré dans une cohérence de rupture assez grande. On pourrait résumer en planification écologique, réglementation (« réforme agraire », prix plancher aux agriculteurs et plafond dans la distribution, zones tampons de 200 m …), et participation citoyenne (conférence annuelle par grand bassin pour fixer les prix …). Il souhaite aussi former 300 000 nouveaux paysans pendant le mandat. Il propose également de créer un organe de défaisance pour reprendre la dette des exploitations passant en bio.


 

Yannick Jadot propose lui, quelques mesures classiques écologiques mais n’exprime pas véritablement de vision forte : passer la PAC des aides à l’hectare vers des aides à l’actif, interdiction immédiate des produits phytosanitaires les plus médiatiquement controversés, sortie progressive de l’élevage industriel, taxer les engrais azotés, cantines publiques proposant uniquement du bio à la fin du mandat…


 

Anne Hidalgo défend l’agroécologie, n’exprimant pas non plus véritablement de vision à moyen terme (30% de bio en 2030, interdiction glyphosate et néonicotinoides dans les 100 jours). Elle affirme un soutien aux petites et moyennes exploitations ayant beaucoup de main d’œuvre. Elle propose de renforcer les régulations foncières, de rendre obligatoires les plans territoriaux alimentaires. Au plan institutionnel, elle propose de voter tous les ans un budget climat, biodiversité, décarbonation en même temps que la loi de finance.


 

Valérie Pécresse est la seule à porter des mesures économiques en proposant un alignement de mesures libérales assez classiques d’allégements fiscaux et sociaux. Elle exprime une grande méfiance sur les lois de régulation économique et commerciale. Elle affirme aussi vouloir simplifier et alléger les normes et les contraintes. Tout cela sans véritablement proposer d’ambition pour l’agriculture. Elle est la seule à s’exprimer clairement pour développer l’innovation, la recherche et en particulier la génétique.


 

Marine Le Pen et Eric Zemmour semblent réserver l’annonce d’un programme pour le salon. La candidate du Rassemblement Nationale revendique une politique « localiste et protectionniste », celui de Reconquête n’affiche pour l’instant pas grande idée agricole si ce n’est soutenir l’innovation et les robots pour limiter l’usage des produits phytosanitaires et l’emploi de saisonniers étrangers.


 

Certaines mesures font un quasiment consensus comme l’adoption des clauses miroir pour ne pas importer de denrées agricoles produites selon des techniques interdites chez nous. La sortie des produits phytosanitaire est un objectif quasi général, selon un timing et des modalités différentes. La non sur-transposition des normes est aussi plébiscitée de même que l’intérêt de la consommation de produits locaux. Le levier d’action que représentent les cantines est utilisé par presque tous les candidats avec une intensité variable.


 

L’importance de la régulation législative sur les relations commerciales, la protection du revenu des agriculteurs divisent fortement les candidats.


 

Quelques absences font aussi l’objet d’une remarquable unanimité : la notion d’entreprise agricole, la fonction de chef d’entreprise de l’agriculteur sont complètement absentes. La question du rôle de l’exportation est également soigneusement éludée.


 

Tous, finalement, traitent l’agriculture de la même manière depuis des décennies. Figés dans une sorte de statu quo immuable, ils semblent ne pas percevoir les dynamiques actuelles, l’importance des transitions en cours. Finalement seuls un ou deux candidats expriment une vision. On reste dans une typologie très classique et hautement prévisible de mesures proposées en fonction de leur passé politique.


 

Le salon de l’agriculture sera, espérons-le, l’occasion pour les candidats de donner plus de chair à leurs propositions. Le futur candidat Macron fera certainement quelques « propositions chocs», sous la commode ombrelle de la souveraineté alimentaire tout en essayant de surprendre par rapport à ses deux propositions phares de 2017 : la séparation vente-conseil des produits phytos et la loi égalim sur les prix agricoles dont les bilans sont jusqu’à présent assez mitigés.


 

Jean-Marie Séronie

Agroéconomiste indépendant

Secrétaire de la section économie et politique

de l’Académie d’Agriculture

 

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2 mars 2022 3 02 /03 /mars /2022 06:00

SIA 2022

Alors que l’affiche du SIA 2022, qui s’ouvre le 26 février, met en avant une belle Abondance, une superbe savoyarde nommée Neige, pour séduire les urbains en mal de pâturages « labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est alimentée… » comme le déclarait Sully surintendant des Finances, le Club Déméter a présenté, le 10 février la 28e édition de son ouvrage annuel. Sous l’intitulé «Alimentation : les nouvelles frontières», ce laboratoire d’idées agricoles associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) entend faire passer le message que l’alimentation (re)devient une arme stratégique.  

 

Le Club Déméter c’est 73 entreprises et structures ICI professionnelles représentant l’agriculture agro-industrielle.

 

Trois quarts des adhérents de DEMETER ont des activités internationales. Ensemble et dans le monde, ils représentent un chiffre d’affaires consolidé de 300 milliards d’euros et emploient 600 000 salariés.

 

L'IRIS a été créé en 1991 par Pascal Boniface sous le statut association loi de 1901.

 

L'IRIS est un think tank français travaillant sur les thématiques géopolitiques et stratégiques. L'IRIS est organisé autour de 4 pôles d'activité : la recherche, la publication, la formation et l'organisation d'évènements. Il a été reconnu d'utilité publique en 2009. ICI 

 

Nous sommes dans « la cour des Grands », une approche géostratégique de l’agriculture, certes discutable, mais qui ne peut être repoussée d’un simple revers de mains comme le font les écologistes et les insoumis, cependant elle ne me semble pas exclusive d’une autre forme agriculture, viticulture créatrice de la valeur, qu’il ne faut pas réduire à un retour au passé vaches, cochons, couvées…

Le Déméter 2022 - Sébastien Abis, Matthieu Brun | Cairn.info

Quand l’alimentation redevient stratégique

 

Le Club Déméter a présenté, le 10 février la 28e édition de son ouvrage annuel. Sous l’intitulé «Alimentation : les nouvelles frontières», ce laboratoire d’idées agricoles associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) entend faire passer le message que l’alimentation (re)devient une arme stratégique.

 

Sans doute la crise du Covid-19 a-t-elle remis en perspective les risques d’approvisionnement, de sécurisation et in fine de souveraineté alimentaire. Cette question agrège, à elle seule, de nombreuses facettes, de l’amont de l’agriculture au consommateur final en passant par la chaîne logistique, la question de normes, celle des cultures alimentaires et de l’environnement, ou encore les influenceurs des réseaux sociaux. Une chose est certaine : «On constate un réarment des politiques alimentaires à travers le monde», a soutenu Matthieu Brun, responsable des études et des partenariats académiques au Club Déméter. Car l’alimentation est devenue «un marqueur de la puissance d’un pays», a-t-il ajouté. Il en est ainsi de la Chine sur le marché du porc ou de la Russie sur le marché du blé. D’autres pays, à l’image de la cité-Etat de Singapour (719 km2, 6 millions d’habitants) qui ne possède quasiment aucune terre agricole, s’interroge sur la manière dont il pourrait assurer sa souveraineté alimentaire. Par l’innovation ? Si oui à quel prix ? D’autres frontières, nettement moins visibles, se révèlent tout aussi primordiales pour l’agriculture et l’alimentation. L’éducation est l’une d’entre elle, notamment dans les pays d’Amérique (Nord, Latine et Sud) qui sont confrontés à une explosion du taux d’obésité. La mise en place de régimes alimentaires pourrait impacter les productions locales ainsi que les importations agroalimentaires. «Un vrai défi sociopolitique», concède Matthieu Brun. Il rejoint en cela Samuel Rébulard, professeur agrégé à l’Université de Paris-Saclay pour qui «ces régimes ont un impact sur la production, la santé et l’environnement». Il pré-vient cependant que la réduction de consommation de viande ne doit pas être l’alpha et l’oméga des futurs régimes alimentaires «notamment dans les pays où les carences en fer sont chroniques».

 

Guerre des étoiles ?

Tout aussi primordiales sont les chaînes logistiques qui participent à la sécurité des approvisionnements. Après avoir été longtemps boudé par les autorités publiques, et là encore à la faveur de la crise Covid, le rail redevient un élément clé de l’alimentation. Delphine Acloque, enseignante-chercheuse en géographie rappelle ainsi la réouverture de la ligne Perpignan-Rungis (Train de primeurs) et le recours au rail, en pleine pandémie, pour satisfaire les Japonais qui importent, bon an mal an, près de sept millions de bouteilles de Beaujolais nouveau. Ce retour en grâce du rail poursuite deux objectifs : la conquête de nouveaux marchés et la diminution de l’empreinte carbone. L’avenir du fret ferroviaire «va d’ailleurs plus reposer sur son adaptation aux chaînes logistiques complexes que sur une concurrence avec d’autres modes de transports», a-t-elle expliqué. Comme dans l’édition 2021 où elle avait interrogé le spationaute Thomas Pesquet, la cuvée 2022 Déméter prend de la hauteur en se penchant sur l’alimentation, champ d’action possible d’une «nouvelle guerre des étoiles». En effet, pour Quentin Mathieu, responsable économie à La Coopération agricole, «la problématique alimentaire reste essentielle dans la réussite de la conquête spatiale. Manger et produire de quoi manger dans des conditions d’impesanteur sont donc nécessairement deux axes majeurs de recherche et de développement pour les agences spatiales à la fois pour prolonger les missions en orbite mais aussi pour envisager des projets de colonisation sur des corps célestes».

 

Une montée en puissance des PAT

Créés en 2014, avec la loi d’avenir pour l’agriculture, les PAT ont pour mission de créer une dynamique entre agriculture locale et alimentation, d’encourager des pratiques agroécologiques tout en consolidant des filières agricoles et de rapprocher différents acteurs économiques ou associatifs. L’objectif initial de 500 PAT a été revu à la baisse et remplacé par un PAT par département. Lors d’une rencontre du réseau national des PAT, début février, consacrée aux effets du plan de relance, François Beaupère, vice-président de Chambres d’Agriculture France (APCA), a souligné l’importance de ces PAT pour maintenir «une ruralité vivante, renforcer le lien entre agriculture et alimentation, développer le dialogue avec la société civile afin de créer des partenariats et rendre des services à la collectivité». Les stratégies sont différentes selon les régions mais 60 % des projets concernent la constitution de filières pour atteindre le consommateur local ou servir la restauration collective. Si les porteurs de projets sont majoritairement des communautés de communes ou des métropoles, les chambres d’agriculture sont toujours impliquées, ne serait-ce que pour fournir un diagnostic agricole. Cette manne de 80 millions d’euros a donné un nouveau souffle à ces PAT qui se veulent avant tout une démarche, un nouvel état d’esprit. Nicolas Orgelet, élu vert de la Communauté d’agglomération de Blois et référent du PAT «Pays des Châteaux» expliquait ainsi que ces projets «mobilisent d’autres politiques publiques, celles relevant de l’économie sociale et solidaire, du ministère du travail ou de la santé, des fonds européens Leader …etc. L’élu doit faciliter les liens entre ces différents partenaires.» Pour une vue d’ensemble des PAT : rnpat.fr

Point de vue de Sébastien ABIS - Directeur Club DEMETER

Le Déméter 2022 pose les nouvelles frontières de l’alimentation ICI 

Rouen, premier port céréalier d’Europe de l’Ouest. Le blé part principalement vers l’Afrique du nord.

Rouen, premier port céréalier d’Europe de l’Ouest. Le blé part principalement vers l’Afrique du nord. | DR

L’agriculture devient la « valeur refuge » des placements financiers ICI

 

Le 28e rapport du Club Déméter rappelle que la crise du Covid-19 a accéléré, depuis deux ans, la recherche de souveraineté alimentaire.

Ouest-FranceGuillaume LE DU.

Publié le 22/02/2022 à 17h30

 

La crise du Covid a accéléré la recherche de souveraineté alimentaire, désormais un enjeu de puissance étatique. Et de placements financiers. « L’alimentation est une valeur refuge » , expliquent Sébastien Abis et Matthieu Brun, codirecteurs de la 28e édition du rapport Déméter (sous-titré « Alimentation : les nouvelles frontières »), ouvrage de référence sur les enjeux stratégiques de l’agriculture et de l’alimentation.

 

« BlackRock, le plus important gestionnaire d’actifs au monde, mais aussi de nombreux fonds dédiés et des fonds souverains, investissent dans la plus vieille histoire du monde : se nourrir. » À titre d’exemple, la Fondation Bill-et-Mélinda Gates place aujourd’hui, dans l’alimentation, des sommes plus importantes que l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). « Le fonds souverain de Singapour, Temasek, consacre 10 % de ses actifs à l’agroalimentaire […]. Singapour dont l’autosuffisance alimentaire est de 10 %, ambitionne de passer à 30 %. »

 

Rachat de milliers de terres

 

Après la crise financière de 2007-2008, la question alimentaire était déjà un sujet stratégique dans les relations internationales. La population mondiale s’accroît, mais pas les terres cultivables. Un exemple : les Émirats arabes unis (EAU) sécurisent leur approvisionnement en rachetant des milliers d’hectares de terres en Afrique. « ADQ, le fonds souverain d’Abou Dhabi (la capitale des EAU), a racheté 45 % de Louis Dreyfus Company », une multinationale de négoce de matières premières agricoles et un transporteur maritime. L’accord, signé fin 2020, s’est doublé d’un contrat à long terme pour la vente de matières premières agricoles. « Les fonds essaient de plus en plus de verticaliser leur investissement, en maîtrisant toutes les étapes, depuis la production jusqu’à la consommation. »

 

Coédité par l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et le Club Déméter, le « Déméter » paraît chaque année en février : 400 pages d’analyses, des infographies, cartographies et statistiques mondiales, dix-huit chapitres prospectifs, sur lesquels ont travaillé cinquante auteurs et dix-huit collaborateurs.

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