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26 novembre 2020 4 26 /11 /novembre /2020 08:00

fatigue

 

Je suis atteint d’une étrange maladie compulsive qui n’a pas de nom officiel mais qui se traduit par l’excès, l’accumulation, une version humaine des réserves pour l’hiver de la fourmi, une boulimie d’achat de livres, les petits, les gros, les lourds, les sérieux, les joyeux, les qui parfois me tombent des mains, les polards, les étrangers, les nouveaux, les vieux, les qui ont des éditeurs qui n’ont pas pignon sur rue, les inconnus, les d’une ou d’un auteur qui m’a plu, les riens sur le vin, tout j’achète de tout, je suis une moissonneuse-batteuse insatiable qui fait la fortune des libraires…

 

Si vous souhaitez faire la nique à AMAZON appliquez la recommandation de COLUCHE :

 

 « Quand on pense... Qu'il suffirait que les gens ne les achètent plus pour que ça se vende pas ! »

Misère de Coluche

 

Sans doute sont-ils si fatigués, leur cul posé sur leur siège face à leur écran, pour ne pas pouvoir prendre le temps de se rendre dans une librairie.

 

Tout ce laïus pour dire que je viens d’acheter, entre autres, l’Histoire de la fatigue du Moyen Âge à nos jours, Éditions du Seuil, 480 p., 25 € de Georges Vigarello

 

  • Précisément, comment qualifieriez-vous la fatigue de notre époque ?

 

L’évolution de la lexicologie au fil des siècles est passionnante. On passe de l’accablement, au surmenage, au stress (dont la première occurrence date de 1936 !), puis enfin au burn out, une forme de fatigue majeure de nos contemporains. Je serais tenté de vous dire qu’Internet est le responsable. Nous sommes en position de veille permanente sur notre écran, et nous rognons sur notre quota de sommeil. Mais plus encore, c’est notre narcissisme qui nous fatigue. Notre ego s’est dilaté : on nous promet que «nous le valons bien», que nous pouvons devenir ce que nous voulons. Cet excès de liberté, cet hyperchoix nous épuisent littéralement, et nous éprouvons, pour reprendre un mot d’Alain Ehrenberg, la «fatigue d’être soi».

 

La suite ICI 

L’infatiguable Alexei Stakhanov, vers 1935.

L’infatiguable Alexei Stakhanov, vers 1935. Lebrecht/Leemage

« Histoire de la fatigue », de Georges Vigarello : du pélerin harassé au cadre en burn-out ICI 

A travers son nouvel essai, l’historien éveille dix siècles d’archives rares ou familières et secoue même, ce faisant, sa discipline. Enthousiasmant.

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24 novembre 2020 2 24 /11 /novembre /2020 08:00

La récolte du raisin en septembre. Dans cette miniature du XVe siècle, on remarque que la vigne ne forme pas de longs alignements comme aujourd’hui. Détail des Très Riches Heures du duc de Berry, Septembre (Musée Condé à Chantilly)Détail des Très Riches Heures du duc de Berry, Septembre (Musée Condé à Chantilly)

Voilà-t-y pas qu’un gus gominé, qui se la pète dans ses vignes, pour le Bojolo Nouvo, s’est permis d’écrire qu’un de ses copains, qui lui brosse ses poils huilés dans le bon sens, était le dernier blogueur de vin ; la moutarde m’est montée au nez et j’ai décidé de laver l’outrage en abordant un sujet rarement traité : le vin remède qui guéri toutes les écrouelles.

 

Hippocrate, fondateur de la médecine | Odysseum

 

Selon Hippocrate, « le vin est chose merveilleusement adaptée à l’homme. »

 

Un grand médecin humaniste de l'Antiquité, Galien de Pergame - Ép. 4/4 -  Les grandes figures de la médecine et de la science

 

Pour Galien au IIe siècle « s’il est bu avec mesure, le vin pour la digestion, la distribution des sucs, la production du sang et la nutrition, contribue grandement à  rendre notre âme plus douce et en même temps courageuse.

 

La médecine et les remèdes du Moyen Âge

 

Ordonnances du Dr Berthomeau (je le suis  docteur…)

 

  • « Le vin dans lequel on aura cuit du gingembre et du cumin est bon contre les douleurs d’estomac dues à des ventosités et facilite la digestion. »

 

La médecine et les remèdes du Moyen Âge

 

  • « Qui a la voix rauque et mal à la gorge et dans la poitrine fera cuire du bouillon-blanc (ou molène) et du fenouil en poids égaux dans du bon vin et en boire et en boira souvent après l’avoir tamisé. (important pour éviter d’avoir l’impression d’avaler « du poil à gratter. »
  •  

Au Moyen Âge, les médecines alternatives concurrençaient déjà la médecine  scientifique | Slate.fr

 

  • « Qui fait bouillir de la lavande avec du vin et du miel et en boit souvent tiède soulagera les douleurs de son foie et de ses poumons aussi que l’oppression de sa poitrine, purifiera son savoir et clarifiera ses pensées. »

 

 

Quelle médecine pratiquait-on au Moyen Âge ?

 

  • Pour ceux qui souffre de la rate : « Le vin où l’on a plongé et refroidi des pièces d’or rougies au feu apporte soulagement ; ceux qui n’auraient point de pièces d’or peuvent utiliser des pièces d’acier » (Neuves de préférence !)

 

médecine médiévale: l'anestesia

 

  • « Si l’on doit couper ou cautériser quelque membre ou y porter le fer, que le patient boive une demi-once de mandragore dans du vin et il dormira jusqu’à ce que le membre soit coupé, sans éprouver de douleur. »

 

La médecine et les remèdes du Moyen Âge

  • Important aussi pour conserver les dents, il suffit « de les laver deux fois par mois avec du vin dans lequel aura bouilli une racine de thym »

 

Gueule de bois, les remèdes au fil des siècles | Raconte-moi l'Histoire

 

  • « si tu souffres de maux de tête, broie des baies dans un mortier en y versant un peu de vin et enduis ensuite avec ce vins le sommet de ton crâne, ton front et tes tempes ainsi que la tête entière ; ensuite, couvre ton chef pour qu’il soit chaud et mets-toi au lit. Les douleurs peuvent avoir été aussi fortes qu’elles le veulent, elles faibliront. »

Les Remèdes Au Moyen Age - Histoire, actualité, politique | Rakuten

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24 novembre 2020 2 24 /11 /novembre /2020 06:00

Le Crystal Palace, monument à la gloire de l'Angleterre

Joseph Paxton, Le Crystal Palace réalisé dans Hyde Park pour l’Exposition universelle de Londres, 1851. © Bridgeman.

Les nénuphars sur les mares de ma jeunesse qui donnaient l'impression de flotter sur l'eau avec leurs grandes feuilles ovales se divisant en deux lobes laissant pointer de très belles fleurs aux coloris variés, qui ont beaucoup de pétales avec des étamines au centre. Leurs fruits sont semblables à des baies, me fascinaient.

 

Les Nymphéas de Claude Monet, série de 250 tableaux commencées en 1895, ont certainement contribué à l'intérêt que l'on porte pour ces fleurs de bassin, de différentes couleurs, avec de larges feuilles ovales et arrondies, très esthétiques.

 

Les « Nymphéas » de Claude Monet, un don en hommage à la France

 

Miscellanées des fleurs Tout sur les fleurs et un peu plus encore - relié -  Anne-France Dautheville - Achat Livre | fnac

 

La Victoria regia, fut découverte en 1801 par un botaniste venu de Bohème, Thaddeüs Haenks qui en rédigea une description très détaillée. Il mourut sur le bateau du retour terrassé par une mauvaise fièvre tropicale. Ses confrères botanistes jetèrent son travail au panier « Allons soyons sérieux ! Une fleur géante ! Des feuilles sur lesquelles un enfant peut rester assis ! Ce pauvre Thaddeüs ne savait plus ce qu’il disait, c’est évident ! »

 

Victoria amazonica - Monaco Nature Encyclopedia

 

18 ans, c’est le temps qu’il fallut pour que sa découverte soit réhabilitée lorsqu’Aimé Bonplan, un botaniste français, corrobora ses écrits.

 

Mais l’histoire ne s’arrête pas là : « La première exposition universelle ouvrit ses portes le 1er mai 1851 à Londres, au sud de Hyde Park. Elle se tenait sous une gigantesque verrière, une serre de fer et d’acier, 560 m de long et une surface de 8 ha édifiée par 5000 ouvriers.

 

Tel était le Crystal Palace, conçu par un jardinier, Joseph PaxtonICI

 

La racine de ce projet grandiose  et un peu fou plonge dans les eaux c’une rivière sauvage ; en bref, la Crystal Palace n’aurait jamais existé sans le Victoria regia, le nénuphar géant de l’Amazonie.

 

Quatre ans plus tôt, un certain Thomas Bridges en rapporte quelques graines. Ses prédécesseurs en  ont fait autant, elles n’ont pas survécu au voyage. Lui, il a l’idée de les installer dans une boîte remplie d’argile humide. Le jardin botanique de Kew lui en achète 22, en vend quelques-unes à Joseph Paxton, le jardinier du château de Chatsworth, propriété du duc de Devonshire.

 

Joseph Paxton — Wikipédia

Créateur : National Portrait Gallery London Crédits : National Portrait Gallery London
Droits d'auteur : © National Portrait Gallery, London

 

Le 9 novembre 1849, le premier Victoria regia anglais s’épanouit sous la grande serre dessinée par Paxton pour ses plantes tropicales ; une dizaine d’autres vont suivre pendant tout le mois. Kew doit attendre le 21 pour l’imiter : sur toutes ses graines, deux seulement ont levé.

 

Les fleurs géantes sont escortées par des feuilles démesurées, capables de porter Annie, 7 ans, la fille de Joseph : l’expérience fut tentée par le duc lui-même, le jour où lady Newburg vint lui rendre visite, émit quelques doutes sur leur robustesse ; la petite fille se tint debout, les mains croisées, attendit bien sagement que les grandes personnes finissent de jouer avec elle afin qu’elle puisse revenir à ses poupées.

 

Crystal Palace, Paxton, 1851

 

Quand l’Angleterre décida d’organiser cette première exposition universelle, Paxton proposa les plans d’un pavillon orné d’une sorte de rosace au-dessus de l’entrée. Une rosace dont les  armatures métalliques copient à la perfection le dessin des nervures d’une feuille de Victoria regia. L’eau ne menaça jamais l’édifice ; c’est le feu qui le détruisit, en 1936.

 

 

À l’issue du concours lancé en 1850 par le prince Albert, époux de la reine Victoria, pour la construction d’un palais destiné à recevoir les plus récentes inventions technologiques, industrielles ou artistiques des nations invitées, aucun des 245 projets reçus ne convainc le jury. Joseph Paxton, horticulteur et jardinier, propose alors de soumettre un projet qu’il dessine en une semaine. Désigné comme l’architecte du palais de l’exposition, il s’inspire de la construction des serres et imagine un bâtiment en verre, en fer et en fonte, de 564 mètres de long, atteignant jusqu’à 34 mètres de hauteur et offrant une surface de 92 000 mètres carrés. L’édifice est construit en six mois seulement grâce à l’emploi de matériaux préfabriqués et montés sur place, introduisant une nouvelle façon de concevoir et de bâtir. Déplacé dans la périphérie de Londres en 1852 et agrandi, il est malheureusement détruit lors d’un incendie en 1936.

Les expositions universelles de Paris, de 1855 à 1937.

verso de la feuille de Victoria Regia | Planter des fleurs, Jardin d'eau,  Art des jardins

verso de la feuille de Victoria Regia

Victoria regia de son vrai nom Victoria cruziana, découverte en Amazonie en 1838 et baptisée en l'honneur de la reine Victoria, est une plante aquatique aux feuilles si grandes (jusqu'à 1,50 mètre de diamètre) qu'elles peuvent supporter le poids de deux enfants.

 

Victoria Nilüferi, Victoria Regia, Victoria Amazonica

Delphine Gres
 
Delphine Gres l'a enregistrée dans plants
Victoria Nilüferi, Victoria Regia, Victoria Amazonic

 

Victoria amazonica, ICI le nénuphar géant ou la victoria d’Amazonie est l’une des plus fascinantes plantes aquatiques flottantes appartenant à la famille des Nymphéacées. Ce géant est originaire des zones inondées résiduelles après la crue de l’Amazonie, dans ce milieu la victoria d’Amazonie devient rapidement une espèce dominante. Elle est présente en Guyane, Brésil et Bolivie. Ramenée en Europe en 1800, les divers jardins botaniques d’Europe n’ont eu de cesse de réussir sa culture : magnifique, elle représente l’exotisme dans toute sa démesure. Il fallut néanmoins près de 50 ans pour maîtriser sa culture loin de sa latitude.

 

Rare en France car difficile à cultiver, il est toutefois possible d'en voir dans la serre de Chaumont-sur-Loire ou celles de la Tête d'Or à Lyon, au jardin botanique de Nancy ou encore à l'arboretum du Canet-en-Roussillon.

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23 novembre 2020 1 23 /11 /novembre /2020 08:00

 

Paul Morand chez lui en 1964. (André Bonin/archives Gallimard)

Je suis le fil de mon intérêt de l’heure et je suis favorisé par l’actualité :

 

« Il faut lire ce dernier opus du journal de guerre de Paul Morand. Cet antisémitisme de classe, cet antisémitisme politique et littéraire, cet antisémitisme ordinaire de témoins conscients et privilégiés des réalités de la collaboration qui ont conduit au désastre et au déshonneur… »

 

Me Éric Morain  le 22 novembre.

 

Paul Morand à Berne, où il est quelques mois ambassadeur en 1944, avant que la Suisse ne devienne son pays d’exil.

 

Disons-le d’emblée, la publication de ce Journal de guerre accablera les fans de Paul Morand, et donnera du grain à moudre à ses adversaires, par ce qu’elle révèle de la corruption morale de la collaboration. Quarante-quatre ans après sa mort, quatre-vingts ans après les faits, le célèbre romancier (1888-1976) nous offre l’un des plus édifiants témoignages jamais parus sur le régime de Vichy et Pierre Laval, son chef à la fois tout-puissant et aboulique entre 1942 et 1944.

 

[...]

 

« A cette aune, la lecture des événements de juin 1940 par l’écrivain est sans surprise : le général de Gaulle, qu’il méprise, incarne une dissidence truffée d’aventuriers et de juifs ratatinés ; la communauté française à Londres est déchirée en deux blocs antagonistes, déterminés, selon Morand, par la race et l’esprit de parti (les juifs et la gauche du côté de De Gaulle, les bons Français soutenant Pétain). Le 1er août 1940, c’est donc en triomphateur que le romancier, naturellement rallié au nouveau régime, prend l’initiative de se rendre à Vichy. Dénonçant, dans son dernier rapport, ses collègues anglophiles de l’ambassade, il s’attend à des félicitations et à une belle promotion. Mais, dans l’entourage du Maréchal et au sein du ministère des affaires étrangères, on déplore la bassesse du procédé et la désinvolture de son auteur. Son poste lui est retiré ! Mortifié, le diplomate en disgrâce rejoint Paris, délaisse la politique pour la littérature et attend son heure. »

[…]

A 54 ans, l’écrivain arrivé se sent rajeuni par l’atmosphère de Vichy. Plein d’enthousiasme, tout heureux de se trouver au cœur du pouvoir, il tient son Journal avec assiduité et renoue avec ses ambitions de grand mémorialiste des temps nouveaux. Près de 600 des quelque 730 pages du Journal proprement dit se rapportent à son expérience auprès de Laval.

 

Qu’en dire ? Abasourdi, le lecteur se demande s’il lit les notes d’un esprit faux enclin à l’inversion permanente des valeurs (Mauriac et Duhamel, qui supportent mal l’Occupation, sont d’amers hystériques, les adversaires de la collaboration sont des destructeurs, l’agitateur antisémite Darquier de Pellepoix est un homme « intelligent, courageux, de bon sens », ceux qui s’indignent du traitement infligé aux juifs à l’été 1942 font preuve d’une « violence inouïe »…) ou d’un romancier égaré et candide qui croit tous les ragots qu’on lui rapporte et les consigne scrupuleusement dans ses carnets.

 

Paul Morand - Actualités - Site Gallimard

 

« Journal de guerre. Tome I. Londres, Paris, Vichy (1939-1943) » : Paul Morand, pétainiste pressé

 

Le Journal des années de guerre de l’écrivain est enfin publié. Un premier tome (1939-1943) le découvre défaitiste à Londres, vichyste à Paris puis à l’Hôtel du Parc, antisémite partout et toujours.

 

Par Laurent Joly Publié le 05 novembre 2020 ICI

 

Journal de guerre - Les Cahiers de la NRF - GALLIMARD - Site Gallimard

Journal de guerre. Londres - Paris - Vichy (1939-1943)

Édition de Bénédicte Vergez-Chaignon

 

Collection Les Cahiers de la NRF, Gallimard

 

Parution : 05-11-2020

 

Le Journal de guerre de Paul Morand était un objet mythique dont l'existence même était sujette à caution. Au vrai, l'écrivain avait bien conservé ses notes prises durant la guerre et avait même commencé à en préparer la publication. Il en avait déposé le manuscrit à la Bibliothèque nationale, parmi un vaste ensemble de papiers personnels.

 

Ce journal paraît pour la première fois, sans retouches ni coupes, et même complété des ajouts et des annexes prévus par Paul Morand lui-même et de quelques textes contemporains de sa rédaction.

 

On se rappelle peut-être que Paul Morand, diplomate, était en mission à Londres le 18 juin 1940 et qu'il fut nommé ambassadeur en Roumanie en 1943. On découvre au fil des pages que, à défaut de s'être rallié en Angleterre au général de Gaulle, il choisit de se présenter à Vichy à l'été 1940, où il est mis d'office en retraite. Il décide alors de s'installer dans Paris occupé avant de rejoindre au printemps 1942 Vichy et le Cabinet de Pierre Laval, chef du gouvernement, en qualité de chargé de mission, poste qu'il occupera seize mois durant.

 

À Londres, à Paris et à Vichy, de la déclaration de guerre de septembre 1939 à août 1943, Paul Morand a tenu son journal sans filtre ni censure, prenant note de ce qu'il voyait, de ce qu'on lui disait et de ce qu'il comprenait. C’est l'œuvre d'un témoin conscient d'être placé aux premières loges de l'Histoire, observateur privilégié des réalités de la collaboration d'État et de la participation française à la mise en œuvre de la Solution finale.

Ce Journal de guerre est un document exceptionnel pour l'Histoire.

1040 pages, 152 x 240 mm

« 20 novembre 1942. Vendredi.


Monté à cheval sur les bords de l’Allier. Rentré avec fièvre. Me suis couché et ne suis redescendu que pour déjeuner à la popote : Laval, Achenbach, Scapini, Villar, Chambrun, Brinon et Abel Bonnard, après le déjeuner sont venus tour à tour s’asseoir à la table Guérard, Bonnafous, Rochat, Bousquet, Ménétrel, le ministre Krug, l’amiral Platon.


– Si vous ne défendez pas l’Afrique du Nord, ce seront l’Italie et l’Espagne qui l’auront, dit Achenbach.


– Il y a une chose dont les Français ne veulent pas entendre parler, c’est la mobilisation », répond Laval.


(Ces propos sont la suite d’une conversation à deux dans le bureau du Président et qui se continue à table.)


– Ne me faites pas de blagues avec Paul Reynaud et les autres, dit Laval à Achenbach. Je préfère les garder moi-même.


(Il est question ici de leur mise en lieu sûr par les Allemands.)


– Je vais faire une légion de combattants français et mettre Darnand à sa tête, dit Laval, pour aller reconquérir l’Afrique du Nord. Je l’annoncerai dès demain. Ceci dit, Achenbach, laissez-moi faire, n’excitez pas la presse parisienne contre moi.


(…)


On parle des pâturages en montagne. Je dis à Laval que je viens d’en acheter un.


– Combien ?


– Soixante-quatorze hectares.


– Non, combien l’avez-vous payé ?


– Trois cent soixante mille.


– Vous avez fait une affaire d’or, c’est moi qui vous le dis.


Le Président est à la fois content de voir que j’aime son pays et furieux de voir que j’ai payé le domaine si bon marché.


– C’est un prix de 1938, me dit-il. Ce n’est pas possible. Vous êtes un vicieux. Il doit y avoir quelque chose là-dessous.


– Je vous assure que ce n’est pas un bien juif.


– Il n’y en a pas en Auvergne, me répond-il fièrement. »


Journal de guerre, pages 605-606

Le « Journal de guerre » de Paul Morand, un témoignage capital sur le rôle de Vichy dans l’extermination des juifs ICI

Des notations de première main qui révèlent l’état d’esprit du gouvernement de Vichy, accablant, mêlant cynisme hâbleur, mauvaise conscience agressive et humour poisseux.

Par Laurent Joly Publié le 05 novembre 2020 

Le « chef de l’Etat français », Philippe Pétain, Pierre Laval (à sa droite) et le premier gouvernement du régime de Vichy, juillet 1940.

A qui douterait de l’inanité historique de la théorie du « moindre mal » (en vertu de laquelle le gouvernement de Vichy n’aurait livré les juifs apatrides aux nazis à l’été 1942 que pour sauver les juifs français exigés par l’occupant et en ignorant le sort fatal qui attendait les déportés), on ne pourrait que conseiller de se reporter aux pages du Journal de guerre de Paul Morand (Tome I. Londres, Paris, Vichy.1939-1943, Gallimard, « Les cahiers de la NRF », 1028 p., 27 €) consacrées au « problème juif ». D’une authenticité incontestable, ces notations de première main révèlent un état d’esprit accablant, mêlant cynisme hâbleur, mauvaise conscience agressive et humour poisseux. Le vase clos de Vichy dans ce qu’il avait de pire.

Antisémite chevronné

C’est Laval défendant froidement sa politique en petit comité le 15 août 1942 : « L’alignement du problème juif français sur le problème juif allemand (…) ne nous coûte rien et n’a pour nous que des avantages. Le sol seul compte. »

C’est Bousquet, le chef de la police de Vichy, pérorant à la « popote » de l’Hôtel du Parc, le 31 août 1942 : « Je ne les poursuis [les juifs] que comme antigouvernementaux. Je les sonne dur pour qu’ils comprennent. J’en ai liquidé treize mille et continuerai jusqu’à ce qu’ils se calment. » Puis, réagissant à la remarque d’un collaborateur de Laval au sujet des exemptions pour certains juifs, de s’exclamer : « Dès qu’on fait une exception, tous y passent. »

Lire aussi, sur « L’Etat contre les juifs », de Laurent Joly (2018) : Vichy, coupable

Morand, antisémite chevronné (son roman de 1934, France la Doulce, a eu l’honneur d’une traduction dans l’Allemagne d’Hitler dès 1936), suggère alors qu’il faudrait empêcher toute exemption en faveur des soldats juifs de la guerre 1939-1940, car, dans ces combats contre l’Allemagne nazie, « leur intérêt s’est conjugué avec l’intérêt national » (son tour d’esprit pervers considère qu’ils n’ont aucun mérite à avoir porté les armes face à Hitler). Et la conversation de rouler sur la protestation des évêques (une demi-douzaine de prélats ont condamné publiquement les rafles de juifs) : Bousquet et Morand, indignés, égrènent les mesures de rétorsion envisageables contre l’Eglise.

Avec hargne

La popote encore, le 30 octobre 1942. Entouré de collaborateurs et de quelques ministres, Laval résume les propos qu’il a tenus au cardinal Gerlier, primat des Gaules, qu’il vient de recevoir en audience : « Vous faites votre métier en défendant les juifs et le point de vue humain ? C’est tout. Moi, je fais le mien en les chassant. 

 

Tel était, véritablement, l’état d’esprit à Vichy, en 1942. Il n’est alors nullement question d’une pression allemande insoutenable à laquelle il faudrait parer en désignant certaines victimes pour en sauver d’autres. Seuls sont invoqués des motifs sécuritaires, antisémites et xénophobes, avec une hargne qu’on ne soupçonnait guère, mais qui, tout compte fait, est terriblement logique. Dans le fond, Laval et Bousquet savent qu’ils prennent part à un crime : « Quant aux juifs il n’en reste presque plus. On dit à Vichy couramment qu’ils ont été gazés dans leurs baraquements », note Paul Morand, le 23 octobre 1942. Pour que leur conscience ne leur reproche rien, tout doit être de la faute des victimes, qu’il faut donc « sonner dur », « chasser »… L’antisémitisme le plus débridé était la conséquence fatale du choix de la collaboration d’Etat.

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23 novembre 2020 1 23 /11 /novembre /2020 06:00

 

Sans être comme mes voisins de la Santé, privé totalement de liberté, je dois tout de même occuper mes journées : je lis, entre autres, Français, on ne vous a rien caché: La Résistance, Vichy, notre mémoire de François Azouvi, je regarde des vieux films, des documentaires, Melville, le dernier samouraï de Cyril Leuthy.

 

Melville, c’est d'abord une voix. Posée, grave, littéraire. Sans un mot d’argot. Une voix qui enveloppe, réchauffe, rassure. Qui semble dire : « Entrez, je vais vous faire un café. » Une voix dont on ne se lasse pas, qu’on écouterait des heures lire Proust. Ou l'annuaire. Autant ses héros sont taiseux, autant Melville est volubile et ne rechigne pas à se mettre en scène face à la caméra. N’oublions pas qu'il a d’abord été acteur. Il est l’un des deux journalistes perdus dans New York et la voix off veloutée de Deux Hommes dans Manhattan (1959). Sur les images d'archives réunies dans le merveilleux portrait diffusé sur Arte, Melville prend un plaisir communicatif à expliquer ses manies, comme le système de volets mis au point pour faire le noir dans son bureau et perdre la notion de jour et de nuit quand il entre en écriture. »

 

La suite ICI 

 

Arte rend hommage à Melville, ce misanthrope qui préférait le cinéma à la vie Jérémie Couston

 

 

« Si Melville est considéré comme le roi du polar français, traversé par l’ombre de la tragédie grecque, ce fut avant tout un autodidacte inclassable, qui se forma lui-même et tourna ses premiers films intuitivement, hors des studios, sans suivre aucune des règles de la profession, pas même celles du thriller. Son premier film découle de ses expériences de guerre, de sa participation à la Résistance : l’adaptation du Silence de la mer, roman de Vercors. Une réflexion poétique sur la guerre et la culpabilité, autoproduite et tournée avec de la pellicule achetée au marché noir, hors des systèmes de production. Les libertés esthétiques et techniques que Melville se permit étaient inouïes à l’époque, où le cinéma était hyper corporatiste. »

 

Le Silence de la mer (1949) | Un film, un jour

 

Me revoilà dans replongé dans le temps incertain de l’Occupation, je repense à L’Armée des ombres tournée en plein Mai 68, une ode à la patrie, L’Armée des ombres, sans doute son plus beau film, le plus sombre aussi. Difficile de faire moins en phase avec l'air du temps.

 

Achat L'Armée des Ombres en DVD - AlloCiné

 

« Après la liberté un peu sauvage de ses premiers films, Melville se rêve patron de major hollywoodienne et fonde son propre studio à Paris, rue Jenner, dans le XIIIe. Il y tournera la plupart de ses films à partir de 1954. Là, il refaçonnera son fantasme hollywoodien à l’aune de la réalité française. Le cinéaste deviendra un peu l’inverse du jeune fou de septième art ruant dans les brancards qu’il avait été au départ. Rue Jenner, son cinéma se sédentarisera et il y deviendra méticuleux jusqu’à l’excès. Il y a du Kubrick chez Melville. Il était comme lui un “control freak”. »

 

La suite ICI 

 

L'homme aime soigner son apparence et adore qu'on le reconnaisse.

 

« Un  Stetson vissé sur son crâne d'œuf, une paire de Ray-Ban fumées pour dissimuler ses yeux abimés par les nuits trop courtes. « Il s'était composé à la ville comme à la scène un personnage sorti tout droit de son amour, infini, du cinéma américain. Cet homme était devenu une citation vivante. Il était finalement le meilleur acteur de son propre rôle. » estimait le cinéaste et critique André S. Labarthe. »

 

Melville, odieux et tyrannique

 

Jean-Pierre Melville on Twitter: "#LArmeeDesOmbres. Simone Signoret, Lino  Ventura et Jean-Pierre Melville pendant le tournage… "

 

Si la production lui a imposé un acteur ou si une "vedette" comprend mal ses directives, il peut se montrer vexant, odieux, invivable, parfaitement tyrannique.

Lino Ventura  en fera les frais.

 

Au cours du tournage de L'armée des ombres, les deux hommes ne communiqueront que par assistant interposé.

 

Au vu du résultat, (un chef d'oeuvre où la tension va crescendo), on peut se demander si tout cela ne relève pas d'une ruse tordue de la part du cinéaste : instaurer cette mauvaise ambiance pour mettre "au diapason" l'acteur principal et cela, afin de mieux servir l'angoisse du film.

 

Humiliant l'acteur Charles Vanel, le harcelant avec une cruauté malsaine parce que celui-ci pointe les invraisemblances du script et qu'il n'est pas d'accord avec une clause de son contrat, le vieil acteur, très malmené,  ne devra son salut qu'à Jean-Paul Belmondo, qui fera valdinguer Melville. Et les deux acteurs  abandonneront carrément  le tournage de l'Aîné des Ferchaux.

 

L’article ICI 

 

J’ai habité un temps dans le XIIIe et aujourd’hui je vis à la limite entre le XIVe et le XIIIe, la rue Jenner est à 8 mn à vélo de chez moi via le boulevard Blanqui, place d’Italie puis Boulevard de l’Hôpital, Les studios de Melville étaient rue Jenner, adossés à la rue Gustave Mesureur. Démolis peu après la mort de Melville, les studios Jenner (Paris 13e) ont été remplacés par un vaste ensemble d'immeubles. L'entrée des studios se situait au 25bis, à 20 mètres environ en amont sur le trottoir de droite.

 

ImageImage

 

Ci-dessus, deux vues du mur de la rue Jenner, derrière lequel on voit l'hôpital de la Pitié. Un peu plus bas se trouve l'entrée de la section maternité de l'hôpital.

 

Fumée, pompiers, sirènes… en arrivant au studio le 29 juin 1967, je découvre le ravage. Melville, le réalisateur, erre en pyjama. C’est la mort du film qui va offrir un de ses grands rôles à Delon.

 

Ce matin-là, je file en voiture sur le tournage du « Samouraï », heureux à l’idée de retrouver les acteurs, Alain Delon et son épouse Nathalie, François Périer, Cathy Rosier, et mes amis techniciens. Nous avons travaillé depuis de longs mois avec mon équipe pour réaliser les décors de ce film, en tournage depuis quatre semaines. Tous les intérieurs ont été construits rue Jenner, sur les plateaux du réalisateur Jean-Pierre Melville, seul cinéaste à posséder son propre studio, une sorte de capharnaüm vétuste avec des fils électriques qui pendouillent comme des lianes.

 

Mais ce fameux 29 juin 1967, la vie est moins drôle. En arrivant rue Jenner, j’aperçois une immense colonne de fumée. De nombreuses voitures de pompiers me croisent, toutes sirènes dehors. Je découvre le studio ravagé par le feu, détruit de fond en comble. Melville, encore en pyjama, totalement trempé par les lances à incendie, déambule hagard au milieu des débris fumants. Il serre dans ses bras sa chatte Griffaulait, le seul bien qu’il a pu sauver du désastre. Je n’oublierai jamais cette image d’un homme défait, s’accrochant à son petit animal hirsute, lui qui affichait toujours une élégance sévère, imposante. En quelques minutes, des jours et des nuits de travail sont réduits à néant. Tout est foutu, plus de film. Melville baisse les bras. « Débrouille-toi », me dit-il quand je le presse de reprendre le tournage.

 

Accueil - (page 2) - le blog d'alexandre clement

 

La suite ICI J'ai sauvé "Le Samouraï" ! Par François de Lamothe

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22 novembre 2020 7 22 /11 /novembre /2020 08:00

Né à égale distance des ports des Sables-d’Olonne (La Chaume) et de Saint-Gilles-Croix-de-Vie le poisson était au menu, de même que les coquillages et les crustacés, et pas seulement le vendredi.

 

 

Je suis donc POISSON (pas le signe astrologique) !

 

À Paris nous sommes gâtés nous avons dans tous les quartiers de belles poissonneries, je fréquente celle de la rue Daguerre qui est très bien achalandée...

 

L’étiquetage du poisson est informatif.  ICI 

 

Dénomination commerciale, nom scientifique, méthode de production : « pêché », « pêché en eaux douces » ou « élevé »,  zone de pêche ou du pays d’élevage, la catégorie de l’engin de pêche (« senne », « chalut », « filet maillant »…), la mention « décongelé ».

 

Selon l'association UFC-Que Choisir, la majorité des poissons présents sur les étals de la grande distribution ne serait pas issue de la pêche durable, à l'insu du consommateur. ICI  

 

Je suis très attentif à la manière dont sont pêchés les poissons, privilégiant le poisson pêché à la ligne.

 

Vous comprendrez donc que la campagne de l'association des ligneurs de la pointe Bretagne «Non au délit de sale gueule!», pour vanter les poissons «oubliés» m’a touché au cœur (c’est très Vendéen cette histoire de cœur, double)

 

 

«La vieille? c'est plein d'arêtes! le congre? juste bon pour la soupe!..

 

Les ligneurs bretons entendent tordre le cou aux préjugés sur certains poissons mal-aimés ou «oubliés» des consommateurs avec une campagne vantant leurs qualités gustatives.

 

Avec cette campagne, l'association des ligneurs de la pointe Bretagne entend «faire tomber les préjugés et inciter les consommateurs à diversifier leurs choix en matière de poisson»,

 

Et pourtant… un joli tacaud de ligne pêché de la veille, mis en filet par votre aimable poissonnier, cuisiné le soir même juste poêlé avec une persillade – ail, persil, sel, poivre, huile d’olive ou beurre – à feu vif pas plus d’une minute ou deux par face vous offre des arômes de noisettes torréfiées avec une texture de chair fine et fondante. Le saumon d’élevage peut rentrer dans sa cage, et on l’espère, pour de bon !

 

À l’opposé, vous trouvez le saumon d’élevage, majoritairement importé, près de 23 000 tonnes pour 417 millions d’euros

 

Un océan les sépare donc, si ce n’est plus. Et pourtant, le tacaud est, de l’avis de nombreux amateurs, le représentant le plus fin et le plus savoureux de la famille des gadidés, à laquelle appartiennent le lieu jaune ou le cabillaud par exemple. C’est un poisson sauvage, pêché sans antibiotiques ni OGM, localement, dans la proche bande côtière par des pêcheurs artisans embarqués sur des bateaux de moins de 12 mètres, ancrés sur leur territoire. Un modèle de l’économie sociale et solidaire à l’exact opposé du modèle industriel et ultra-capitalistique de l’industrie du saumon d’élevage…

 

 

Parmi les poissons «oubliés», le congre, la vieille, mais aussi le tacaud, le chinchard ou encore le grondin. «On aimerait s'associer avec des chefs cuisiniers, des poissonniers pour communiquer sur les méthodes pour préparer ces poissons», indique à l'AFP Ken Kawahara de l'association qui regroupe 70 ligneurs.

 

«Au niveau de la ressource, on ne risque pas de faire des dégâts car elle est bonne», estime Régis Moal, pêcheur à la ligne de Plougasnou (Finistère). «Ce sont des poissons qui ne sont pas trop chers et qui sont gustativement bons», note-t-il.

 

Le prix moyen de vente en criée du tacaud était en 2018 de 84 centimes d'euros le kg, avec 3.000 tonnes débarquées pour 2,5 millions d'euros, indique l'association, qui souligne qu'il ne s'agit pas de tacaud de ligne, dont le prix moyen de vente est un peu plus élevé. Mais cela «montre bien à quel point de nombreuses espèces sont dévalorisées, dans tous les sens du terme», estime-t-elle.

 

Le consommateur peut trouver aisément ces différents poissons directement auprès de son pêcheur ou son poissonnier, le plus souvent à un prix très abordable. Soyez juste intraitable sur la qualité du poisson, mais cela vaut aussi bien pour le tacaud que pour le turbot ! A ce jeu, il est vrai que la technique de la ligne, en capturant les poissons un par un, vivants, permet de ne pas écraser le poisson et de préserver la qualité de sa chair, ce qui est primordial pour des espèces relativement fragiles comme le tacaud ou le maquereau par exemple.

 

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Le 9 novembre 2020

Non au délit de sale gueule ! Lancement d’une campagne pour la promotion des poissons oubliés ICI 

 

Association des Ligneurs de la Pointe Bretagne ICI 

21 rue du Phare 29120 Sainte-Marine Tél. 06 25 10 32 95

NOS PÊCHEURS ICI

Yoann Yvinec

Gwen Pennarun

Gwenael Pennarun

Nicolas Chaleat

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22 novembre 2020 7 22 /11 /novembre /2020 06:00

https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2020/03/24/macron-raoult-et-la-chloroquine.jpg

Dans cette chronique j’avais presque tout dit…

 

9 mai 2010

Marseille : l'OM, ses bars, Nanar le "burné", Dédé, RLD et le millésime 93

 

Pour une fois dans les bars de Marseille, le champagne a détrôné le pastis pour fêter le sacre tant attendu de l'OM ! Je vais Droit au But : cette chronique est typique de l'esprit berthomesque : elle va, elle vient et elle revient pour chuter sur l'essentiel : le millésime 93.

 

Bonne dégustation !

 

ICI

 

 

Reste  la star du COVID le Pr Didier Raoult qui accuse  ses collègues médecins « Vous portez une responsabilité dans les mesures déraisonnables prises contre la ville, par le ministre de la santé. » Dans un courrier très sec daté de jeudi 24 septembre, le professeur Didier Raoult accuse ses collègues de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM) de diffuser des « messages alarmistes qui ne reflètent absolument pas la réalité » et d’avoir déclenché en partie les nouvelles contraintes sanitaires annoncées par Olivier Veran et qui ont provoqué de violentes réactions à Marseille dans les milieux politiques et économiques.  ICI 

 

 

J’ai fait fin juillet un bref séjour à Marseille :

 

1 septembre 2020

Mon meilleur dîner depuis des lustres : La Mercerie 9, cours Saint-Louis, Marseille (Ier) m’a fait chavirer, extase, épectaseICI

 

 

Pour compléter le tableau je vous propose un podcast :

 

Chaque jour dans les Matins, la chronique de l'écrivain Aurélien Bellanger.

 

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L’image contient peut-être : boisson

 

MARSEILLE

Le 01/03/2018

 

Quand Netflix s’est lancé en France et que l’entreprise a annoncé que son produit d’appel francophone serait une série appelée Marseille, j’ai un peu ri. La bande-annonce — Depardieu en Jean-Claude Gaudin, Magimel en Renaud Muselier — était abominablement outrancière, pleine de mots d’auteurs, de postures viriles et de personnages secondaires plus truculents que des voyous dans un Julie Lescaut. Marseille, c’était Châteauvallon trente ans plus tard. Châteauvallon : le grand feuilleton d’Antenne 2 qui racontait des luttes de pouvoir dans une ville imaginaire qui ressemblait à Toulouse mais qui était située au bord de la Loire. Châteauvallon au générique inoubliable et à l’histoire tragique, quand son héroïne, Chantal Nobel, manqua d’être tuée, au sortir de l’émission Champs Elysées, dans la Porsche de Sacha Distel qui fonçait vers le sud. C’était juste avant qu’ils ne franchissent  la Loire et il y a dans cet accident comme une revanche de la géographie malmenée par le feuilleton. 

 

Une cruauté spatiale particulière, aussi, celle de la course vers le soleil, celle du passage du vaudeville au tragique grec — ce moment dans le train, où l'on s’aperçoit que les collines bourguignonnes ont laissées la place à un calcaire rugueux qui finira en à pic au niveau des calanques.  Mais le sud était peut-être là dès Paris — dès la porte du studio ouverte, dès la portière de la Porsche escaladée.  Marseille et Paris sont tout proches dans la géographie imaginaire de la France. Comme sont proches, dans l’imaginaire des séries, la puissante Washington de House of Cards et l’ingouvernable Baltimore de The Wire.  Marseille est la seule ville de France dont les parisiens  reconnaissent en général l’existence. La Provence était d’ailleurs déjà là tout entière à ma fenêtre hier — les toits bleutés en zinc comme une mer implacable, les cheminées en terre cuite orange comme les petits mas provençaux d’une crèche traditionnelle.  Rongées par la rouille, les antennes râteaux formaient une garrigue convenable et les paraboles exotiques évoquaient cette façon subliminale qu’a trouvé la fiction télévisée française de convoquer un imaginaire oriental en les filmant suffisamment de profil  pour qu’on puisse les confondre avec le croissant de l’islam. Marseille est un cliché à peine meilleur.  

 

C’était une blague populaire dans les années 80 : quelle est la première ville africaine traversée par le Paris-Dakar ? C’était Marseille, évidemment. J’avais un oncle qui se mettait en colère, au volant, dès qu’il voyait le numéro 13 sur une plaque de voiture. La ville du décentralisateur Defferre était ainsi violemment rejetée du corps national, rétrogradée de comptoir grec à colonie africaine. La France aurait pu avantageusement s’arrêter à Aix.  Ici prenait fin le pays réel et commençait les terres de la caricature. C’était évidemment à Marseille qu’il fallait que Netflix vienne tourner sa première série géographique. Il n’existe aucun autre endroit en France aussi propice à l’extraction industrielle de ce qui fait l’essence des bonnes séries mainstream : l’irrépressible usage du cliché. J’ai pour ma part longtemps confondu, à cause d’une vieille histoire de Spirou et Fantasio, le Vieux Port et le vallon des Auffes, ce  qui m’a demandé, en arrivant pour la première fois au bout de La Canebière, un véritable effort pour remettre toute la ville à l’échelle — et j’y ai mis une certaine opiniâtreté, en rejoignant à pied la calanque de Sormiou. C’est ainsi que j’ai presque frôlé le syndrome de Stendhal en atteignant une crête blanche qui s’enfonçait dans la mer et en me retournant soudain sur la ville entière : je n’avais jamais vu de ville à la géographie aussi prodigieuse, je n’avais jamais vu de ville aussi belle — même dans GTA.

 

Vue prise en février 2001 du petit port de pêche du Vallon des Auffes au coeur de Marseille

Vue prise en février 2001 du petit port de pêche du Vallon des Auffes au coeur de Marseille Crédits : GERARD JULIEN - AFP

 

J’ai fini par m’abonner à Netflix, par paresse, essentiellement : l’offre illégale commençait à être trop mauvaise et, enfant de la télévision, du film du dimanche et de la série policière France 2 du vendredi soir,  je déteste me demander ce que j’ai envie de voir. J’ai suivi le deuxième ou le troisième choix de l’algorithme : j’ai regardé la série Marseille.  C’est Magimel qui m’a le plus surpris : il n’y a pas une réplique, aussi grotesque soit-elle, qu’il n’arrive pas à transcender. Magimel, j’en ai eu la révélation soudaine, est un acteur de génie. Aucun “Putain, qu’est-ce que j’aime cette ville” ne le ridiculise.  Un voyou des quartiers nord, à un moment, réchappe d’une poursuite en voiture et tire de bonheur sur la voûte immaculée du tunnel du Prado : on est là en revanche dans une représentation du syndrome de Stendhal qui ridiculise nettement les larmes de joie que j’ai versé sur le calcaire blanc des calanques.

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21 novembre 2020 6 21 /11 /novembre /2020 06:00

Livre : Une exception ordinaire écrit par Alain Bancaud - Gallimard

De Gaulle, l’appel du 18 juin, Pétain, la poignée de mains de Montoire, la Résistance, les FFI, les FFL l’Occupation, la Milice, la Libération, l’épuration, l’amnistie, une période noire de notre Histoire qui m’a depuis mon plus jeune âge passionné.

 

Avant le confinement, saison 2, j’ai acquis :

 

Français, on ne vous a rien caché: La Résistance, Vichy, notre mémoire par François Azouvi   

 

Français, on ne vous a rien caché La Résistance, Vichy, notre mémoire -  broché - François Azouvi - Achat Livre ou ebook | fnac

 

Une croyance règne en France, depuis maintenant un demi-siècle : de Gaulle aurait été un "grand mystificateur" qui, avec l'aide des communistes, aurait menti aux Français à la Libération ; il leur aurait fait croire qu'ils avaient tous été de vaillants résistants, que Vichy avait à peine existé, que la collaboration avait été le seul fait d'une poignée d'égarés et que "l'État français" n'était pour rien dans la déportation des Juifs. Bref, communistes et gaullistes auraient administré à un peuple qui ne demandait qu'à être dupé le baume consolateur de mensonges édifiants. Faut-il vraiment penser que l'héroïsme des résistants et des Français libres n'a été qu'une valeur de contrebande destinée à faire oublier toutes les réalités fâcheuses des années noires ? Faut-il croire que les pouvoirs ont soigneusement scellé pendant vingt-cinq ans la vérité et que les Français ont cru à ces illusions réparatrices ? Il faut le dire nettement : cette croyance en un mensonge consolateur est un mythe, et le présent livre montre comment et quand celui-ci s'est construit, quelle part de vérité il contient et quelle histoire a écrit la mémoire de la Résistance, cet événement hors du commun. Contrairement à ce que l'on pense, tout a été mis tout de suite sur la table ; les Français ont pu savoir tout ce qu'ils désiraient apprendre et aucune censure n'a empêché quiconque le souhaitait de regarder en face les années noires. Et les Français de l'après-guerre ne s'en sont pas privés.

 

Dès que j’en aurai terminé la lecture je vous en reparlerai, pour l’heure j’ai envie de vous confier ma joie d’y retrouver mon ami Alain Bancaud.

 

Nadine et Alain Bancaud sont des amis connus à Constantine lors de mon Service National à la Faculté de Droit de cette ville. Ils ont traversé lors de leur retour à Paris une lourde épreuve, souvenir de consoler Alain au Pied-de-Fouet. Et puis la vie fait que la roue tourne et que nous nous sommes perdus de vue. Alain était chercheur au CNRS (en 1993). - Juriste et sociologue. - Rattaché à l'Institut d'histoire du temps présent (en 2002). Alain est aussi un bon photographe.

 

Donc page 256 du livre de François Azouvi je lis :

 

Alain Bancaud cite cette note du CGE (Comité Général d’études d’Alger) à la date du 5 septembre 1943 : « Quoi que l’on puisse penser de la légalité du gouvernement de Vichy, il a été au moins un gouvernement  de fait, qui a donné des ordres, et auquel les fonctionnaires et les particuliers ont pu obéir. Ils vont être punis pour des faits qui n’étaient évidemment pas punissables au moment où ils les commettaient. »

 

Est-ce bien mon Alain Bancaud, je file à la biblio, et sans aucun doute c’est lui.

 

Vite le Web !

 

BLH12310

 

Alain Bancaud, Une exception ordinaire. La magistrature en France (1930–1950)

Gallimard, coll. « NRF Essais », Paris, 2002 (528 p.)

Jean-Michel Belorgey

p. 409-411 ICI

 

Référence(s) :

 

« Exception ordinaire » ; « banalisation de l’exception » ; « obéissance banale » ; « exercice extraordinaire d’un art ordinaire » ; « des juges trop ordinaires » ; « le corps judiciaire... formidable machine à banaliser..., à légitimer, mais aussi à rabattre l’extraordinaire politique à l’ordinaire juridique ». Le message qu’Alain Bancaud désire faire entendre, il peut, comme l’ethnographe de Jorge Luis Borges (1) l’énoncer « de cent façons différentes, et même contradictoires ». Mais c’est toujours autour de ces deux pôles, l’ordinaire, ou le banal et l’extraordinaire que gravite son effort pour mesurer et dire comment le quotidien judiciaire a, dans « une conjoncture » — Vichy — mais pas ou à peine plus que dans d’autres — l’avènement de la République, la lutte contre l’anarchisme, la Libération, la décolonisation —, absorbé, sans révulsion, tantôt avec gourmandise, tantôt avec détachement, et non sans, hors de toute ostentation, « en prendre et en laisser », un nouvel ordre juridique et social.

 

Ce livre, qui, malgré le soin méticuleux avec lequel il exploite d’innombrables sources — archives de juridictions, correspondances entre la Chancellerie et les Parquets, rapports de l’Inspection des affaires judiciaires —, n’est jamais ennuyeux, tout au contraire, tant les textes sélectionnés par l’auteur sont, par-delà leur portée historique et sociologique, littérairement et psychologiquement savoureux, peut naturellement être regardé comme pendable. Et ce n’est pas sa conclusion (« l’ébranlement différé d’une tradition ») qui l’innocentera aux yeux de ceux qui, malgré les vagues de fond, n’ont pas rompu avec « l’habitus judiciaire » dont il décrit les dogmes, les pesanteurs, et les vertus. Il n’est pas rare, en effet, qu’il donne le frisson. Car le respect imperturbable de la loi, du seul fait qu’elle est la loi, qui constitue l’un des éléments de cet habitus — ceci ne vaut plus, de la même manière, mais tout de même encore un peu, en un temps de contrôle de constitutionnalité et de conventionalité —, alimente évidemment différentes sortes d’horreur ; leur fixe aussi quelques limites, incertaines.

 

A. Bancaud rend compte, chemin faisant, de l’extrême précarité, pendant la période étudiée, de la condition matérielle des juges (des traitements de misère) ; du poids des hiérarchies (Chancellerie, chefs de cours) ; du rôle déterminant dans les promotions des protections et recommandations politiques ou notabliaires, tantôt plus notabilaires que politiques, tantôt franchement politiques (au point que les alternances politiques ont pu être regardées, dans le milieu judiciaire, comme des « successions d’opportunités »). Tout cela alimentant non seulement une « soumission à la fois résignée et revendiquée » à la volonté du législateur, telle qu’expressément formulée dans la loi, mais une propension au zèle dans la mise en œuvre des normes légales conformément à l’esprit du temps. Situation de « dépendance à la fois imposée et appelée, subie et construite » reposant sur la conviction que ce n’est que dans la « déférence d’État » que la magistrature peut s’adjuger un statut.

 

A. Bancaud qui prend grand soin de ne citer, sinon aucun nom, du moins le moins de noms possibles, (...)

 

La période de Vichy n’est, dans ce contexte, aux yeux d’A. Bancaud, qu’un moment singulier. Sans doute est-elle marquée par une exacerbation des préoccupations répressives (à l’égard des juifs, des francs-maçons, des communistes, des résistants, des étrangers, mais à l’égard, aussi, du marché noir, de l’avortement, de l’homosexualité, de l’adultère, de la petite délinquance), y compris sans texte, ou sous le signe de la rétroactivité de ceux-ci, et le plus souvent dans le cadre de procédures systématiquement allégées faisant la part belle au Parquet. Sans doute le gouvernement de la France occupée manifeste-t-il une obsession supérieure encore à celle de ses prédécesseurs de tout « suivre », de tout contrôler, quitte à avoir recours, en cas de défaut d’aboutissement des poursuites judiciaires, à des mesures administratives (internement) auxquelles le juge est requis de prêter la main. Mais il en ira de même, avec des cibles différentes, il arrivera même que cela soit pire, l’auteur le démontre crédiblement, au lendemain de la Libération. Et si la magistrature n’est alors que faiblement épurée, bien qu’elle n’ait compté dans ses rangs que peu de résistants, faute, en partie sans doute, d’organisation professionnelle se prêtant à des concertations appropriées, c’est qu’on ne songera pas, sauf exception, à lui faire reproche d’une obéissance, d’une « fermeté » (vertu hautement appréciée par les pouvoirs), que le nouveau régime sollicitera et obtiendra d’elle à son tour. D’elle en général, et de quelques-uns en particulier, un certain nombre de magistrats ayant requis, ou condamné, tant dans le cadre des juridictions ordinaires que dans celui des juridictions d’exception de la France occupée, intervenant de fait, et avec la même efficacité, le même allant2, quelquefois (plus rarement) les mêmes prudences, dans les procès pour faits de collaboration.

 

Cela étant, il n’est pas exclu, suggère A. Bancaud, qu’entre la magistrature et l’ordre social que le gouvernement de la France occupée songeait à promouvoir, il y ait pu avoir, sur fond de commune phobie du chaos, de commune culture de l’autorité, de commune exécration du doute, comme une connivence naturelle. Ce n’est pas celle de ses analyses qui le rendra le plus populaire. On lui saura sans doute davantage gré de faire valoir que la magistrature de la France occupée n’a pas, au total, commis beaucoup plus d’excès que ceux auxquels la conviait, sans qu’elle put lui résister, un législateur trépignant ; et encore que la crédibilité de la répression conduite par les juridictions françaises était d’évidence la condition pour que celles-ci ne soient pas davantage qu’elles ne l’étaient déjà dépossédées par les juridictions de l’occupant.

 

On a trop vite oublié L. Casamayor (Les juges, Le temps qui court, Seuil, Paris, 1956 ; Si j’étais (...)

 

Là encore, A. Bancaud est bien un autre ethnographe de J.L. Borges. Le sens aigu du contradictoire qui anime son propos fait partie des raisons pour lesquelles il faut le lire, et le relire, en se reportant aux auteurs qu’il cite (Marc-Olivier Baruch, le Procureur général Besson, Antoine Garapon), et à ceux qu’il ne cite pas (Louis Casamayor, Gérard Guicheteau, Giorgio Agamben).

 

Pour tenter de discerner ce que vaut, en des circonstances d’exception, la « continuité de l’État », Justice comprise. Que faut-il, en effet, en pareil cas, tenir pour pire : la poursuite d’une gestion professionnelle, technique et bureaucratique de régulations sociales, certes marquées au coin de la passion politique, ou la disparition de toute magistrature (au sens large du terme), le justitium de G. Agamben ? L’État d’exception n’est plus, sinon au sens de G. Agamben, à l’ordre du jour. Et la tradition a — A. Bancaud a raison — été, serait-ce tardivement, et seulement pour partie, sérieusement ébranlée. Mais quid des étrangers, des différentes sortes de demandeurs d’asile, du droit qui leur appliqué, et de leurs juges ?

 

Notes

1 J.L. Borges : « L’ethnographe » dans « Éloge de l’ombre », publié avec « L’or des tigres », Gallimard, Paris, 1976.

 

2 A. Bancaud qui prend grand soin de ne citer, sinon aucun nom, du moins le moins de noms possibles, en cite néanmoins quelques-uns à ce sujet. On en trouvera d’autres à propos des procès contre Robert Brasillach, Henri Beraud, Abel Hermant, etc., dans le récent Dictionnaire des écrivains français sous l’Occupation de Paul Sérant (Éditions Grancher, Paris, 2002) qui, pour être politiquement situé, n’en est pas moins serein et instructif.

 

3 On a trop vite oublié L. Casamayor (Les juges, Le temps qui court, Seuil, Paris, 1956 ; Si j’étais juge, Arthaud, Paris, 1970) ; G. Guicheteau pose dans Papon Maurice ou la continuité de l’État (Éditions Mille et une nuits, Paris, 1999), des questions voisines de celles posées par A. Bancaud. G. Agamben vient de donner un livre utile bien que décevant L’État d’exception (Seuil, Paris, 2003).

 

Auteur : encore un ami qui a pesé lourd dans ma vie professionnelle

Jean-Michel Belorgey

Conseil d’État, Section du Rapport et des Études, Palais Royal, 75100 Paris 01 SP, France

nicole.fouret@conseil-etat.fr

 

Bien évidemment je commande chez Gallimard le livre d’Alain…

 

Livre : Une exception ordinaire écrit par Alain Bancaud - Gallimard

Colloque] Cycle histoire - La justice pénale comme arme politique: le  procès de Riom (2/3) - Intervention de Alain Bancaud on Vimeo

Mai 68

 À Limoges, le mois de mai 68 a été marqué par la présence de quelques figures syndicales ICI 

 À Limoges, le mois de mai 68 a été marqué par la présence de quelques figures syndicales

En mai 68, Limoges ne compte aucun Cohn-Bendit. Mais quelques figures émergent. Même cinquante ans après.

Les têtes d’affiche, il y en avait un peu partout. » Attablé à la terrasse d’un café, Richard Madjarev, aujourd’hui vice-président de la Cinémathèque de Nouvelle-Aquitaine, se souvient « bien » de Mai 68. « Je n’étais pas un leader, il y avait les officiels pour ça », glisse-t-il, modeste. Mais parmi les étudiants, il était, en lettres, un des plus actifs, que les Limougeauds suivait à la trace de ses tags sur les murs de Limoges. « Il y avait Alain Bancaud pour l’AGEL-UNEF, Alain Policar aussi, décrit-il. Pour nous, 68 commence le 12 mars par la grève avec 100 % de grévistes en médecine-pharma. Pour bien comprendre cette époque, il faut savoir qu’il y avait une politisation des jeunes, à travers la guerre d’Algérie. »

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20 novembre 2020 5 20 /11 /novembre /2020 08:00

pour celui qui a défriché les chemins de le liberté Michel Robin en 2014 dans «Les Méfaits du tabac» de Tchekov — © AFP

C’est une grande et belle figure du cinéma et du théâtre français qui disparaît, une figure et une voix reconnaissable entre mille. L’acteur Michel Robin est mort jeudi 19 novembre des suites du Covid-19. Il avait 90 ans.

 

Michel Robin est fort d’une carrière très riche. C'était un homme délicat, passionné de chevaux.

 

Né le 13 novembre 1930 à Reims (Marne), Michel Robin débute sa carrière sur les planches. Elève du cours Dullin, il entre d'abord dans la troupe de Roger Planchon au Théâtre National Populaire à Villeurbanne. Entre 1958 et 1964, il joue dans dix-sept spectacles, avant d'intégrer la compagnie Renaud-Barrault et d'interpréter la pièce marquante En attendant Godot de Samuel Beckett. Il se met au service des plus grands textes, de Musset à Ionesco, de Brecht à Shakespeare.

 

En 1994, il entre à la Comédie Française, où il travaille jusqu’en 2010. Dans la Maison de Molière, il joue sous la direction de Brigitte Jaques-Wajeman, Piotr Fomenko, Lukas Hemleb, Denis Podalydès... Et au cours de sa longue carrière, il s'essaie à Feydeau, Ionesco, Beaumarchais, Anton Tchekhov ou encore Beckett, toujours avec succès. En témoigne un Molière du comédien dans un second rôle pour La Traversée de l'hiver de Yasmina Reza en 1990.

 

Parallèlement à sa carrière au théâtre, il joue dans une soixantaine de films au cinéma, dont La Chèvre et Le jouet, de Francis Veber, Les Aventures de Rabbi Jacob de Gérard Oury, Un long dimanche de fiançailles et Le fabuleux destin d’Amélie Poulain, de Jean-Pierre Jeunet. Il a aussi évolué devant la caméra de Claude Chabrol, Diane Kurys, Jean-Pierre Mocky et Serge Gainsbourg. On se souviendra notamment de lui pour ses seconds rôles - souvent des vieillards au regard doux. « Je ne comprends pas pourquoi on me distribue toujours à contre-emploi dans ces rôles de vieux larbins alors que je suis fait pour jouer le Cid ! », plaisantait-il en 2003 dans Le Monde.

 

 

Son rôle dans Les Petites Fugues d'Yves Yersin lui vaudra en outre, en 1979, le Grand prix d'interprétation du jury du Festival de Locarno. Michel Robin s'était également fait une place de choix à la télévision, notamment avec un rôle récurrent dans Boulevard du Palais, Les Enquêtes du commissaire Maigret, et dans tous les épisodes de la version française de Fraggle Rock (1983).

 

Chevalier de l'Ordre National du Mérite, officier des Arts et des Lettres, l'acteur avait ainsi enchaîné les projets artistiques (cinéma, théâtre, télévision, doublage) au cours d'une carrière d'une grande richesse.

 

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« Nous perdons un grand-père, un père de théâtre, un ami, un grand comédien », conclut Éric Ruf.

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20 novembre 2020 5 20 /11 /novembre /2020 06:00

Epandeur à fumier, tonne à lisier en ETA ou Cuma, distances à respecter

Le concept d’exploitation familiale chère à la loi d’orientation agricole de 1960, fruit de l’entente entre l’auvergnat Michel Debatisse du CNJA et Edgar Pisani – le premier finira secrétaire d’État, le second battra sa coulpe de nouveau socialiste – reposait sur de belles intentions qui se sont heurtée à la réalité.

21 février 2007

L'exploitation familiale ICI  

 

Je suis né au Boug-Pailler où le pépé Louis possédait quelques arpents de terre où il élevait ses vaches normandes et ses grands bœufs blancs tachés de blanc ; Arsène son fils avait la fibre entrepreneuriale, il créa une ETAB : entreprise de travaux agricoles et de battages. Alain, mon frère aîné, n’avait pas la fibre entrepreneuriale alors au retour de son service militaire effectué en Algérie fut placé devant un choix difficile : être paysan ou partir aux chemins de fer.

 

Il s’aperçut très vite qu’on était plus paysan et que sur 15 ha il crèverait la dalle et aurait du mal à fonder une famille.

 

Que faire ?

 

Des vendeurs de farine pour les animaux, au premier du rang desquels le breton Guyomarc’h battaient la campagne pour recruter en contrat d’intégration des éleveurs de volailles en poulailler industriel. Il leur dit oui, mais la première bande de poulets fut décimée, la faillite était au bout du chemin. Alain se tourna vers son petit frère très engagé après 68 dans le mouvement Paysans-Travailleurs de Bernard Lambert. Le mot d’ordre de Bernard Lambert tapait fort « le Crédit Agricole paiera ! ». Pour mon frère le CA céda et son poulailler rejoignit la SICA-SAVA de Bernard Lambert. Il devint un bon éleveur de poules pondeuses pour la reproduction (les œufs partaient chez un accouveur), elles n’étaient pas encagées et mon frère soignait bien ses poules. Un beau jour la SICA-SAVA, sans doute trop généreuse avec ses éleveurs, mis un genou à terre et fut récupérer par le breton Tilly, spécialiste des petits poulets congelés exportés dans le Golfe avec des restitutions européennes (il faisait partie du trio DOUX-TILLY-BERNARD qui se faisaient des c… en or). Le vent tourna pour Tilly qui dû jeter dans les bras de Gérard Bourgoin le roi de la dinde industrielle. Il termina sa carrière d’éleveur chez lui avant que celui-ci tomba.

 

Je choisis mon sujet de thèse de doctorat de Droit en fonction du mouvement qui se dessinait dans l’Ouest : les bretons allaient devenir les rois du cochon en batterie.

 

Lorsque le Ministère m’engagea contre chargé de mission contractuel, le cabinet de Christian Bonnet, breton, m’expédia ausculter la filière volaille. J’ai sillonné la Bretagne pendant 6 mois. J’ai beaucoup appris. Par la suite, mes chefs me demandèrent de leur pondre un rapport sur la limitation de la taille des élevages industriels. Ce ne fut pas une œuvre impérissable mais elle pointait du doigt les conséquences sanitaires, économiques et humaines de ces élevages.

 

Lorsque je rejoignis le cabinet Rocard, les quotas laitiers mirent un frein au déluge de poudre de lait et de beurre où les bretons prenaient une large part. Souvenir de l’évêque de Vannes s’enchaînant aux grilles de la Préfecture pour protester contre ce « crime économique »

 

Conseiller productions végétales j’ai eu comme interlocuteur Alexis Gourvennec, le roi du chou-fleur et de l’artichaut de la SICA de Saint-Pol-de-Léon, devenu grand manitou du Crédit Agricole, armateur de la Brittany-Ferries, éleveur de cochons en Amérique du Sud.

 

Lorsque l’ULN (Union Laitière Normande) se trouva en cessation de paiement, je dus me colleter avec papa Besnier, le « Président » de Laval, et ses concurrents, le constat étaient simples : les grosses coops bretonnes étaient sur des marchés peu rémunérateurs, alors que les Besnier, Bongrain, Danone étaient les rois des produits plus juteux.

 

Lors d’une réunion avec les parlementaires bretons emmenés par Charles Josselin je fus accueilli froidement par eux lorsque je leur déclarai qu’à moyen terme le modèle breton, à moyen terme, trouverait ses limites. À Charles, que je connaissais bien, je plaçai une mauvaise vanne : « Tu n’aurais pas dû rebaptiser des Côtes-du-Nord en Côtes-d’Armor, mais en Côtes-de-Porc.  

 

Et puis, devenu PDG de la SIDO, j’étais membre de droit du CA de SOFIPROTEOL ICI , fonds financier intervenant dans l’alimentation du bétail Glon-Sanders et les industriels, Gérard Bourgoin par exemple. Là encore, j’ai fait une plongée dans la réalité des élevages industriels.

 

Alors, sans rouler des mécaniques, je ne suis pas surpris,  lorsque Le Monde publie :

 

Agriculture productiviste : la fracture bretonne

Par Nicolas Legendre et Benjamin Keltz

Publié le 17 novembre 2020 

 

RÉCIT Critiqué pour ses dérives écologiques, économiques et sociales, le modèle agricole dominant en Bretagne vacille et divise. L’avenir de l’agro-industrie productiviste, un mastodonte économique défendu par de puissants réseaux, s’impose comme l’enjeu majeur des élections régionales de 2021.

 

Deux camps se toisent, telles deux équipes prêtes à en découdre. Sur le parvis de la mairie de Plouha (Côtes-d’Armor), ce samedi de février, se pressent une centaine d’habitants du secteur. « Non à l’industrialisation de nos campagnes », « Oui à l’agriculture paysanne », peut-on lire sur leurs pancartes. Dans leur collimateur : le projet de construction d’un méthaniseur, équipement destiné à transformer quotidiennement une trentaine de tonnes de déchets agricoles en gaz et qui impliquerait, selon eux, désagréments et risques environnementaux. De l’autre côté de la rue, une centaine d’agriculteurs se dressent, bras croisés, visages fermés. Ils sont venus de tout le département, en soutien à leurs collègues plouhatins. Ils en ont assez d’être « pris pour cibles » et taxés de « pollueurs ».

 

Après quelques échanges plus ou moins cordiaux, l’ambiance se tend. Les paysans se mêlent à la foule. L’un d’eux dérobe le micro des manifestants. S’ensuivent des bousculades, des jets de peinture, des injures… Le garde champêtre tente de s’interposer. La cohabitation semble compromise. A Plouha comme à Langoëlan (Morbihan), Douarnenez (Finistère) ou Bourg-des-Comptes (Ille-et-Vilaine), deux Bretagne se font face. Pas une semaine ne passe sans qu’un collectif ne s’oppose à l’agrandissement d’un élevage hors-sol ou ne dénonce une énième pollution de cours d’eau à la suite d’un rejet de lisier.

 

Le refus de voisiner avec des installations agro-industrielles n’est que la partie émergée de l’iceberg. Bien souvent, c’est une opposition de fond au modèle agricole dominant dans la région qu’exprime une partie des locaux. Ce même modèle qui a fait de la Bretagne, en quelques décennies, la première région agricole de France et l’une des principales d’Europe.

 

Dans la péninsule, environ 110 millions d’animaux d’élevage cohabitent avec 3,3 millions d’humains. Cent dix mille agriculteurs et ouvriers du secteur agroalimentaire « nourrissent » l’équivalent de 22 millions de personnes. Cinquante-huit pour cent de la viande porcine, un tiers des volailles, un quart des tomates et presque la moitié des œufs produits en France proviennent de Bretagne. Mais ce « succès » a plusieurs rançons : pollution, défiguration des paysages, qualité parfois médiocre des productions, dépendance aux subventions…

Le paysan se mue en exploitant

 

Malgré les signaux d’alerte émis dès les années 1970 par des associations environnementalistes, les Bretons ont longtemps fait bloc autour de « leur » agriculture. Les vents ont tourné. L’exaspération de certains élus ou citoyens à l’encontre de l’agro-industrie est plus audible. La sphère politique s’est emparée du sujet, qui s’impose comme la thématique majeure des prochaines élections régionales. Et agit comme une bombe à fragmentation à l’intérieur même des partis. Ecologistes, socialistes, « marcheurs »… Tous avancent divisés. Leurs désaccords témoignent de la complexité de l’équation. Au centre du jeu : Loïg Chesnais-Girard, président (Parti socialiste) du conseil régional depuis 2017, candidat à sa propre succession.

 

En 2018, M. Chesnais-Girard a annoncé vouloir faire de la Bretagne un « leader » du « bien manger » à l’échelle européenne, en accompagnant la « transition écologique ». « On a très certainement tardé à penser le modèle breton de demain, reconnaît le successeur de Jean-Yves Le Drian, actuel ministre des affaires étrangères. Aujourd’hui, ma route est claire. Je défends une agroécologie qui a intégré dans son modèle la soutenabilité vis-à-vis de la biodiversité, de l’eau, de la terre et des sols. Le changement est inéluctable mais doit se mettre en place sans casse et crispation majeure. Alors, oui, je danse sur un fil, parce que je refuse d’être simpliste. »

 

L’élu doit composer, sur sa gauche, avec les partisans d’une « révolution verte » et, sur sa droite, avec ceux du statu quo ou de l’évolution à pas de tortue. M. Chesnais-Girard se montre d’autant plus prudent que l’agriculture occupe une place considérable dans l’économie bretonne. Le secteur représente 9 % des emplois. En incluant l’activité induite, de 20 % à 30 % des emplois y seraient liés, selon les chambres d’agriculture. Son poids symbolique est tout aussi colossal.

 

Après la seconde guerre mondiale, l’Etat français fait de la Bretagne un laboratoire à ciel ouvert du productivisme agricole. Objectif : contribuer massivement à « nourrir la France ». Persuadés d’engager leur territoire sur la voie du « progrès », élus et capitaines d’industrie favorisent la modernisation de l’agriculture. Les paysans se muent en exploitants. Mécanisation, agrandissement perpétuel des fermes et diminution du nombre d’agriculteurs vont de pair. En un demi-siècle, le nombre d’exploitations passe de près de 200 000 à 30 000. Leur taille quintuple. L’espace rural est « rationalisé ». Des milliers de kilomètres de haies et de talus sont arrachés.

 

Beaucoup d’agriculteurs s’interrogent sur le bien-fondé d’un modèle qui les a encouragés à s’endetter La suite ICI 

 

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