« La Corrèze avant le Zambèze ». Raymond Cartier n'avait pas employé cette formule-là, mais elle lui fut vite attribuée par la droite antigaulliste qui, encore sous le choc de l'abandon de l'Algérie, jubilait.
La France, à cette époque, se cramponnait à son empire. Ravalée au rang de puissance moyenne par la seconde guerre mondiale, elle se croyait forte de ses colonies, d'où était partie en 1940 la reconquête du territoire national. Longtemps indifférents à la colonisation, les Français se découvrirent ainsi colonialistes sur le tard, à l'heure, précisément, où le colonialisme était condamné. Parmi les gens de plume et de savoir qui tentèrent d'éclairer leur lanterne, une voix compta plus que d'autres car elle parlait à la France profonde. Celle de Raymond Cartier, journaliste-vedette à Paris-Match, mort d'un cancer en 1975, le seul journaliste à avoir donné son nom à une doctrine, le « cartiérisme».
A Match, dont le tirage atteignait ces années-là 1,7 million d'exemplaires, Raymond Cartier exerçait un magistère comme peu de journalistes à l'époque.
Le « cartiérisme » est l'histoire d'un reniement. Abjurant ses convictions colonialistes, Raymond Cartier avait préconisé dès 1956 le « lâchage » par la France de ses possessions d'Afrique noire. Et s'il ne figure pas aujourd'hui au panthéon des anticolonialistes éclairés, c'est que ses arguments sentent encore le soufre. La France, prétendait-il, doit se défaire de ses colonies non pour répondre à l'aspiration légitime des colonisés, mais parce qu'elles coûtent trop cher. Comme coûtent trop cher, ajouta-t-il en 1964, les faveurs que la France octroie au tiers-monde.
La Corrèze d’Henri Queuille, de Bernadette et Jacques Chirac maire de Paris, de François Hollande…
C'était un complexe qu'elle détenait depuis 1920. Mais la Ville de Paris a décidé de passer à autre chose, nous raconte Le Parisien, lundi 15 mars. Ainsi, pour financer d'autres projets en particulier des logements sociaux, la Ville a décidé de sacrifier plusieurs hectares de son patrimoine, estimés à plus de 8 millions de mètres carrés selon nos confrères. Car sur les 19.000 biens dont elle dispose, plus de 500 sont situés hors de Paris, et selon le premier adjoint à la mairie de Paris, Emmanuel Grégoire, "les politiques publiques évoluent". Ainsi selon lui, les investissements d'après-guerre ne "sont plus d'actualité".
Raison pour laquelle Paris vient de vendre la Chartreuse Notre-Dame-du-Glandier (Corrèze), un ensemble de 44 bâtiments situés sur 17 hectares et sur deux communes (Beyssac et Orgnac-sur-Vézère). Le domaine a été cédé pour la somme de 2,8 millions d'euros à des courtiers en vin bordelais. Un projet social pour la mairie de Paris, mais également financier, car outre les 250 emplois que le site générait, ce sont surtout les frais d'entretien et de gardiennage (850.000 euros par an) qui ont poussé Paris à prendre cette décision.
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Paris vend Notre-Dame du Glandier, son monastère en Corrèze, pour 3 millions d’euros
Propriétaire de la chartreuse depuis un siècle, la Ville passe la main à un investisseur bordelais. D’autres cessions suivront afin d’améliorer les finances de la capitale.
Par Denis Cosnard
Publié le 02 mars
C’est un lieu hors du commun. Un immense monastère à l’abandon, niché en Corrèze, au creux d’une vallée. Un cloître désert, une église vide, une salle du chapitre, d’interminables couloirs dont la peinture s’écaille, une infirmerie, des maisonnettes, des cours, des jardins où prospèrent les herbes folles, l’ensemble ceint d’un mur ocre. Pas moins de 44 bâtiments au total, entourés de 17 hectares de bois de chênes et de châtaigniers ainsi que de prairies. Il y a même une station d’épuration et un ancien élevage de lapins.
Un siècle après avoir mis la main sur l’imposante chartreuse Notre-Dame du Glandier, aux confins des communes de Beyssac et d’Orgnac-sur-Vézère, la Ville de Paris s’apprête à vendre cet ensemble immobilier d’exception à un investisseur bordelais pour 3 millions d’euros, frais d’intermédiaire inclus. L’opération doit recevoir le feu vert du Conseil de Paris, qui se réunit à partir de mardi 9 mars. Un parfait exemple de la politique menée par la Mairie pour se défaire de certains bijoux de famille dont elle n’a plus l’usage, alors qu’elle traverse des difficultés budgétaires.
La chartreuse du Glandier avait été mise en vente en octobre 2020 sur le site du courtier Agorastore, à 750 000 euros. Cinq candidats ont remis des offres, échelonnées entre le prix plancher et 3 millions d’euros. La plus élevée a été retenue par la Ville de Paris, en accord avec le département de Corrèze. Elle émane de Descas, un négociant en vins de Bordeaux. La famille Merlaut, une des grandes fortunes du négoce bordelais, qui en est propriétaire, développe depuis vingt ans une activité d’investissement immobilier.
Deux fois confisqué par l’Etat
Pour elle, pas question de transformer la chartreuse en centre de méditation ou en résidence de luxe, comme l’imaginaient d’autres candidats. Son projet prévoit bien des logements, au terme d’une profonde rénovation. Mais il intègre aussi des espaces de coworking, une bibliothèque, des ateliers artistiques, des jardins partagés, ou encore des « espaces coopératifs de commerce alimentés en circuit court ». Autant d’éléments de nature à séduire les élus socialistes décisionnaires.
Notre-Dame du Glandier était entrée en 1920 dans le patrimoine de Paris. A l’époque, les autorités parisiennes étaient à la recherche de lieux de cure pour les tuberculeux, et l’endroit, au cœur des bois, avait été jugé « particulièrement bien choisi » pour installer un sanatorium. Une nouvelle vie avait ainsi débuté pour cette chartreuse au passé déjà chargé.
Fondé en 1219, confisqué deux fois par l’Etat, en 1789 puis en 1901, le monastère masculin de l’ordre des chartreux, largement reconstruit au XIXe siècle, avait notamment été le théâtre d’une sombre histoire d’empoisonnement ayant suscité plusieurs livres et films, l’affaire Marie Lafarge.
Une fois dans le giron parisien, la chartreuse a effectivement été aménagée en sanatorium, puis en centre pour enfants handicapés mentaux, avant d’héberger des adultes handicapés. Mais au fil du temps, le lieu est apparu de moins en moins adapté, et, début 2020, le département de Corrèze, à la disposition duquel avait été mis l’établissement, a préféré accueillir les personnes handicapées dans des locaux plus fonctionnels. C’est alors que les élus de Paris ont choisi de vendre l’ancien monastère désormais inoccupé, et situé à cinq heures de voiture de l’Hôtel de ville. « Cette propriété ne présente plus d’utilité pour le service public parisien et sa gestion à distance par les services de la Ville s’avère complexe et coûteuse », constate la Mairie.
A la place, la Ville va toucher un chèque de 2,8 millions d’euros, supérieur à l’estimation des domaines (2,3 millions). La somme ne suffira pas à résorber la dette de la Ville de Paris, qui, avec la crise due au Covid-19, devrait bondir de 15 % en 2021, pour approcher 7,1 milliards d’euros fin décembre. Mais en cette période financièrement tendue, tout ce qui peut éviter d’augmenter les impôts locaux est bon à prendre.
« Désherbage »
Sur l’année, le premier adjoint, Emmanuel Grégoire, a prévu de tirer 186 millions d’euros de recettes foncières. Pas question évidemment de mettre aux enchères la tour Eiffel ou la maison de Victor Hugo à Guernesey. Mais la Ville n’hésite pas à vendre les biens qui ne correspondent plus à ses besoins. Comme la chartreuse du Glandier, mais aussi le garage Bayard (13e arrondissement), ou encore ces lots dans un hôtel particulier du quai Malaquais (6e), dont un immense appartement, cédés récemment pour plus de 10 millions d’euros. Le château de Bellefontaine, à Samois-sur-Seine (Seine-et-Marne), inoccupé depuis 1999, se trouve lui aussi en vente.
Au-delà de ce « désherbage », l’équipe d’Anne Hidalgo s’appuie sur les opérations « Réinventer Paris », qui offrent beaucoup de souplesse pour valoriser des lieux atypiques. Après divers sous-sols et endroits vacants, la troisième édition de Réinventer Paris, lancée en février, propose aux investisseurs de « donner une nouvelle vie à des anciens bureaux et lieux de travail », dont plusieurs appartiennent à la Ville, notamment un immeuble de l’université Sorbonne-Nouvelle situé rue des Bernardins (5e) et un centre de distribution électrique rue d’Aboukir (2e).
En dépit de ces cessions, le patrimoine de Paris tend plutôt à s’accroître, la Ville ne cessant de préempter des appartements et des immeubles afin, avant tout, d’y installer des logements sociaux.