Je suis né dans un pays embocagé, les pâtis, les pièces de labours, cernées d’épais buissons de ronces, où nous cueillions de juteuses mûres, ici pas de haies maigrichonnes piquetées d’arbres, ni de murets de pierres sèches, des chemins creux boueux l’hiver, croûteux l’été, laissaient passer les équipages de bœufs enjugués tirant de lourds tombereaux de choux fourragers ou de betteraves, des troupeaux d’indolentes vaches, des charrues Brabant fendant et retournant la glaise jaunasse, extirpant des profondeurs des colonies de vers de terre bouffeurs de terre, les achets, pays fermé, replié sur lui-même, hostile même, dernier rempart à l’intrusion des lourdes machines, tracteurs, moissonneuses-batteuses, bientôt arasé par les remenbreurs, ces ingénieurs d’État missionnaires de la modernité avec pour alliés les jeunes militants de la Révolution silencieuse qui enverra les enfants de la terre dans les HLM de la périphérie des grandes villes, ces banlieues encore rouge, la Fin des paysans, restent des agriculteurs inscrits au centre de gestion et au contrôle laitier, toujours plus, le Crédit Agricole prospère, les coopés vendent des tonnes d’engrais et des pesticides, ramassent le lait, du moins celui qui n’est pas vendu au privé, Besnier, les marchands d’aliments composés du bétail couvrent le pays de poulaillers industriels, toujours plus de production, toujours moins de revenus, le pays sent mauvais, moins qu’en Bretagne où ça pue le cochon, plus de foires et de marchés, on va au Super U comme à la ville, c’est le temps des cols blancs, des conseillers, et même que les politiques parlent de l’or vert, que notre agriculture est performante, exportatrice à coup de restitutions européennes, illusion, nous sommes dépassés par les nouveaux arrivants, la balance commerciale est en berne, avec la crise sanitaire les politiques et les journaleux osent nous bourrer le mou avec la reconquête de l’indépendance alimentaire. Foutaise ! L’UE verdit la PAC. Les OPA tendent leur sébile. Même qu’on subventionne les haies !
Attention, nulle nostalgie ici, ce n’était pas mieux avant, mon pays était pauvre et dur, je ne le regrette pas, ce que je regrette c’est l’incapacité des décideurs de tous poils de sortir de leurs schémas anciens, le temps n’est plus aux quintaux ou aux hectos. Pour autant, les Verts, les écolos n’apportent rien au débat, la décroissance est une idée creuse, nous devons produire de la valeur. Ce n’est pas de gauche ça, mais c’est la réalité socio-économique de la France. Nous sommes dans une UE riche où nous exportons la majorité de nos produits. Nous n’avons pas vocation à nourrir le monde, l’Afrique tout particulièrement, nous l’avons appauvrie avec nos produits déversés sur ses marchés. L’exportation de céréales à l’Egypte, à l’Algérie, par exemple c’est vouloir jouer dans la cour des Grands, c’est une arme stratégique, pas de l’altruisme. Je m’arrête là, je suis chiant, je ferais mieux de déconner sur le vin qui pue produit par des chevelus qui vendanges en tongues, foulent le raisin pied nu, laissent partir leurs vins dans tous les sens. Le problème c’est qu’eux le vendent à la terre entière, même que certains on fait de leurs noms une marque. Mais où va la Révolution ma bonne dame et mon bon monsieur. Je signale que Macron et son Denormandie n’ont rien compris.
LOUIS TOFFOLI (1907-1999) Paysanne de Vendée Huile sur toile.
Bref, adieu les bœufs, les chemins creux, les poulets picorant dans l’aire, les poules pondant dans les buissons, le bon beurre, le bon pain, le silence, le temps est venue des belles récoltes boostées aux engrais NPK, des vaches pissant le lait en bouffant du soja US, de l’ensilage maïs qui pue tout comme leurs bouses …
Mon seul regret de ce temps-là ce sont les échaliers
ÉCHALIER, subst. masc.
A.−
1. Usuel. Échelle rustique placée contre une haie pour permettre de la franchir.
« Nous partions en bande, le matin, à travers les prés et les pâtureaux, par les traquettes, par les échaliers, par les traînes, et nous revenions, le soir, par où il plaisait à Dieu »
George Sand, Maîtres sonneurs,1853
2. « Escalier formé de traverses de bois et pratiqué dans une haie » (Académie 1932).
B.− Clôture.
1. Clôture faite généralement de branches d'arbre entrelacées pour empêcher les bestiaux de s'échapper. Franchir, sauter l'échalier.
« Il eût été bien difficile de le rejoindre quand, par-dessus les échaliers, il était passé d'un champ à un autre »
Châteaubriant, Lourdines, 1911,
2. P. méton. « Partie d'une clôture qui peut s'ouvrir ou se déplacer » (Académie. 1932).
« L'angélus tinta; la volée de l'oraison n'était pas encore éteinte quand ma mère poussa la porte (...) Quand j'entendis l'échalier retomber en grinçant, je me levai dans les ajoncs.
Hector Malo, R. Kalbris, 1869,